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11/04/2008

Nocturne

Il est des choses qui ne se comprennent bien que la nuit, quand tout dort autour de vous et que la ville s’est pour ainsi dire évanouie. Nul bruit, nul soupir. Le temps s’est arrêté. Dans la pièce vide, il n’y a plus que vous pour écouter le silence et tenter de percevoir la respiration endormie du monde. Mais si vous êtes seul, ce n’est point pourtant de solitude qu’il s’agit ici, bien au contraire. C’est que l’espace, petit à petit, s’est empli de votre présence. Vous n’avez jamais été aussi pleinement vous-même et tout vous appartient. Les autres sont ailleurs, pas bien loin d’ailleurs, mais provisoirement ils n’existent plus. Vous voudriez faire durer indéfiniment ce moment privilégié et continuer à être le maître du monde. Derrière vous, les livres semblent s’animer d’une vie propre et être plus présents que d’habitude. Vous pouvez les toucher, caresser leur couverture, en ouvrir l’un ou l’autre au hasard. Ils se laissent faire, complices. Pour eux aussi ce moment est privilégié au point qu’il arrive que la pensée des auteurs plane dans la pièce, surgie du passé, pour se matérialiser de nouveau. Toute la littérature est là. Le vieil Homère, Sophocle, Euripide. Mais aussi Virgile, Chrétien de Troyes et surtout Montaigne. A chaque fois, celui-ci est le premier à sortir de l’ombre et à jeter un regard mi-amusé, mi-dubitatif sur les rayons où s’entassent ses successeurs. Ceux-ci, à leur tout, s’échappent des pages et des livres bien ordonnés. Ils sont tous là, issus de vos souvenirs. Toutes ces heures de lecture pour arriver à cela : cette communion des esprits, dans le grand silence de la nuit.

Parfois, dehors, miaule un chat, juste pour vous rappeler que le monde existe encore. En attendant, il est peuplé de bêtes sauvages, livrées à elles-mêmes et qui vivent leur vraie vie de bêtes, à l’abri du regard des humains. L’envie vous prend de sortir dans le jardin. Il fait frais, mais la lune est là qui vous accueille, et le spectacle est inoubliable. Un doux rayon caresse les thuyas, donnant aux contours des choses un éclat atténué, qui convient bien à votre rêverie. Les souvenirs, une nouvelle fois vous submergent et vous croyez reconnaître d’autres contrées, dans des lieux improbables et des mondes indéfinis. Dans le grand sapin, une rumeur se fait entendre, sans doute est-ce le soupir des êtres disparus et vous frissonnez quand une légère brise vient vous atteindre.

Il faut rentrer, il commence à faire froid. Dans la pièce doucement éclairée, ils sont toujours là à vous attendre : Stendhal et le gros Flaubert, Proust l’aristocrate et puis tous les poètes. Vous prenez un livre. Ce sont Les Fleurs du mal et aussitôt, dans un fauteuil, Baudelaire vous fait un signe de connivence. Puis c’est Verlaine qui se manifeste et enfin Rimbaud, celui-ci n’en finissant plus de descendre des fleuves impassibles.

Vous êtes seul au monde, vous êtes le monde. Il n’y a plus que vous dans le grand silence. Vous vous demandez alors d’où vous vient ce sentiment de calme et de plénitude. C’est qu’enfin vous êtes vous-mêmes, seul au milieu de la nuit noire. Si vous avez quelque peine, si une touche de nostalgie vient vous frapper, ce n’est pas bien grave, vous connaissez la formule, elle est magique : « Soit sage ô ma douleur et tiens-toi plus tranquille… » Il n’y a plus que vous de vivant et pour un instant qui semble éternel, vous avez vaincu la mort.

Mais la fatigue vient. Dehors, une voiture passe, troublant vos pensées et vous rappelant que d’autres êtres, comme vous, continuent à vivre quelque part. Le charme commence à se rompre. Vous feuilletez un dernier livre, mais les mots sont rebelles et leur sens vous échappe. Il est temps de fermer la lampe et d’aller se coucher. Demain sera un autre jour.


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10/04/2008

Du cheval caparaçonné, de la tortue et de sa carapace.

Valclair, sur son blogue, a employé cette tournure : « je me suis caparaçonné dans de tels réflexes individualistes que.. »

Ce que j’aime bien avec ce verbe «caparaçonner» (recouvert d’un caparaçon) c’est qu’indirectement il renvoie, par une sorte de métonymie euphonique, au mot carapace (celle de la tortue qui se protège).
Il est vrai que dans son sens premier ce verbe a signifié «recouvrir entièrement» ( Il avait les pieds caparaçonnés d'épaisses chaussures). Evidemment, le verbe a fini par prendre le sens de « se protéger moralement, s'endurcir » (Il s'est caparaçonné contre les critiques). Quoi qu’on en dise, on retrouve l’image de la tortue qui se protège.

Ceci dit, cela n’a rien d’étonnant. Le Robert historique nous apprend que carapace vient de l’espagnol carapacho (,quelquefois altéré en caparacho sans doute sous l’influence de capa : manteau).
Le mot carapacho viendrait du préroman « karapp » dont les variantes »kal » et donc « gal » se retrouveraient dans « galapago », tortue (et qui a aussi donné calebasse)
D’autres linguistes y voient plutôt l’influence directe du provençal « caparasso » (sorte de manteau), capa devenant cara par métathèse.

Pour le mot caparaçon lui-même Le Robert historique nous dit qu’il viendrait de l’ancien espagnol « caparasson » (ornement protecteur ou ornemental du cheval), lui-même provenant soit de « capa » (manteau) soit du préroman « karapp », comme il a été dit (ici, il rejette le mot provençal, qui serait de formation postérieure et calquée sur le français)

Ceci dit, dans l’exemple de notre ami Valclair, je me demande s’il a bien fait d’employer la préposition « dans » avec la forme réfléchie du verbe. En effet, dans ce cas, le verbe signifie

- soit « s’affubler d’un vêtement encombrant et ridicule (plutôt suivi de « avec » ou « au moyen de »)
- soit « s’endurcir » (on attendrait alors préposition «contre»).

Manifestement, c’est l’idée d’être entièrement recouvert qu’il a voulu mettre en évidence et non celle d’endurcissement. Dès lors, j’aurais eu tendance à employer le forme non réfléchie (je suis caparaçonné de tels réflexes ou par de tels réflexes). Mais bon, allez reprendre Valclair et sa prose toujours si limpide, ce serait assez malvenu.

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08/04/2008

Des blogues et des blogueurs(euses)

Ce que j’aime bien avec les blogues, c’est aller butiner à gauche et à droite sur des sites intéressants, en apprécier le contenu, en sentir l’esprit, et revenir chargé de toutes ces impressions, qui vous accompagnent finalement la journée et vous font réfléchir sur les sujets les plus variés.

Voici quelque temps, cependant, que je me rends compte que les auteurs des sites que je visite habituellement semblent se poser beaucoup de questions quant à la pertinence de leur expérience de blogueur, allant même jusqu’à remettre en question leur présence sur le Net.

A chaque fois ces personnes déplorent le fait suivant : venir exposer devant tout le monde les sujets qui leur tiennent à cœur ne débouche finalement sur rien. C’est vrai, évidemment. En fait, le problème tient au fait qu’il y a une inadéquation entre le désir initial de s’exprimer et les conséquences, qui elles sont nulles. D’un côté il y a ce que l’on a à dire et qui pour la personne est fondamental et de l’autre il y a le côté futile du blogue, qui finalement semble avoir bien peu d’impact si on le compare à la presse écrite par exemple.

Pourtant, l’écriture blogueste (c’est comme cela qu’on dit ?) permet d’aborder des thèmes qu’on n’aurait peut-être pas abordés dans la vie quotidienne ordinaire mais qui sont fondamentaux pour l’individu. On ne se voit pas parler d’intertextualité avec un inconnu dans le métro ni réfléchir sur ce qu’est la maturité dans une file d’attente à la Poste. Ce n’est généralement pas avec vos collègues que vous abordez les livres que vous avez lus et c’est rarement avec votre voisin que vous essayez de réfléchir à l’adéquation possible entre votre vie intérieure et votre « être au monde ». Je ne me vois pas, tout en tondant ma pelouse, poser des questions par-dessus la haie audit voisin sur la manière de traduire par des mots un malaise intérieur ni dialoguer sur la beauté des chants d’Hildegarde von Bingen dans la file d’un grand magasin. Or tout cela, Internet vous le permet. Je veux dire par-là qu’ils nous arrivent tous d’aborder dans nos blogues respectifs des sujets délicats ou pointus qu’on n’aurait pas eu l’occasion d’aborder dans notre vie quotidienne. Ou alors nous aurions développé intérieurement ces sujets, sans qu’aucun dialogue ne soit possible. Par certains côtés, donc, le blogue permet, comme toute démarche d’écriture, de réfléchir sur des sujets qui sont pour nous importants et qui correspondent à ce que nous sommes vraiment (par opposition à toutes les fonctions sociales et professionnelles que nous occupons par ailleurs, fonctions que nous assumons du mieux que nous pouvons mais qui sont avant tout des rôles). Donc, les blogues ouvrent sur nous-même une petite fenêtre qui permet aux autres de venir voir comment nous fonctionnons vraiment. Il y a là une sorte de confidence étrange puisqu’elle est publique. Certains en disent trop sur eux –mêmes et ils le regrettent, d’autres trouvent au contraire qu’ils ne parviennent pas à concilier leur être social avec leur être comme blogueur. Dans tous les cas, cependant, il est clair que chacun livre une part intime de lui-même (soit en parlant de soi, de ses problèmes, soit en parlant de sa manière d’être et de sa façon d’envisager l’existence, soit encore en parlant de ses centres d’intérêts : la lecture, la nature, etc.).

Le problème commence quand le blogueur constate qu’il est peu lu ou pis qu’il est moins lu qu’avant. Il pressent alors un désintérêt du public pour ce qu’il a à dire et il le vit donc comme une condamnation de son être intime. Il se demande alors s’il fait bien de continuer cette expérience qui manifestement ne débouche sur rien puisqu’elle semble soulever une indifférence générale.

Le blogueur, cependant, ne devrait pas se jeter la pierre (je suis sans intérêt) ou la jeter aux autres (personne ne comprend la gravité des faits que je dénonce). Sa déception est bien compréhensible, mais à mon avis elle provient de la nature même du blogue. D’un côté on y dévoile des choses fort personnelles (et par personnelles je veux dire essentielles, pas forcément de nature privée) et de l’autre on se retrouve dans un espace public qui ne débouche sur rien. En effet à part l’estime et la reconnaissance de mes lecteurs (mais cela peut aussi être l’inverse) ce que j’ai voulu faire passer comme message n’aura aucune conséquence concrète. Le monde continuera à tourner de travers, les riches continueront à exploiter les pauvres gens, la misère (matérielle ou existentielle) continuera à se répandre. Au-delà de la satisfaction d’avoir pu dire ce que je pensais (ce qui est déjà beaucoup, avouez-le) et au-delà du contentement d’avoir été lu (ce qui n’est pas mal non plus puisqu’il apparente ma modeste démarche à celle d’un véritable écrivain), aucune mesure ne sera prise pour concrétiser ce que j’ai dit. Quand un président de parti, un haut magistrat, un philosophe de renom prend sa plume et écrit un article dans le Monde, cela a tout de même un impact sur le cours des événements. Certes tout n’est pas modifié tout coup de crayon, mais le fait qu’ils aient marqué leur désapprobation sur un sujet précis va tout de même freiner le parti adverse, qui réfléchira à deux fois avant de poursuivre dans la même voie. Sur mon blogue, par contre, je peux certes dire tout ce que je veux (sur ma personne et mes centres d’intérêt mais aussi sur la marche du monde) mais cela n’a aucun impact, au mieux puis-je espérer que cela aura éveillé une petite lueur dans le fort intérieur de quelques lecteurs, mais encore n’est-ce pas sûr.

D’où le découragement de beaucoup, qui se demandent s’ils doivent continuer à poursuivre cette expérience étrange, qui leur laisse un goût amer. Cela me fait penser que le mien a juste un an (le quatre avril 2007, pour être précis). Il faudrait aussi que je me mette à réfléchir sur la pertinence de poursuivre l’expérience, qui me semble cependant intéressante...

11:57 Publié dans Blogue | Lien permanent | Commentaires (13)

06/04/2008

Petits calculs sur la vie chère (suite et « faim »)

Résumons : d’un côté les prix sont libres, n’étant plus réglementés par les états et le champ libre est laissé à la concurrence, laquelle est supposée éviter tout dérapage en créant un nouvel équilibre.

C’est la thèse libérale classique. En pratique, elle permet aux plus grosses firmes d’élimer les petites (et donc toute une classe moyenne de petits artisans et de petits commerçants), de se retrouver en positon monopolistique et donc de proposer les prix qu’elles veulent. D’un côté elles recherchent le prix de revient le plus bas (n’hésitant pas à délocaliser leurs entreprises dans des pays où la main d’œuvre est sous-payée et où la législation ne réglemente pas la sécurité des travailleurs ou bien encore en grignotant quelques euros sur la qualité du produit proposé), de l’autre elles jouent sur la spéculation pour parvenir au prix le plus élevé possible. On affame les producteurs et on presse les consommateurs, ce qui permet de dégager des bénéfices plantureux qui reviennent à des actionnaires qui sont finalement en dehors de la chaîne de production tout en étant les principaux bénéficiaires. La situation est donc comparable à celles des seigneurs du Moyen-Age qui exploitaient le monde paysan, lequel subvenait seul aux besoins de tout le monde (noblesse et clergé) alors qu’il était lui-même dans la misère la plus noire.

Nous avons déjà parlé des prix du pétrole ou des denrées alimentaires, qui grimpent selon une courbe exponentielle particulièrement inquiétante. Nous avons vu qu’en Afrique, où le niveau de vie était déjà très bas, la situation est en train de devenir catastrophique, au point que les manifestations commencent à devenir régulières, faisant même des morts.

On apprend aujourd’hui qu’en Europe même, en Slovénie, les syndicats européens ont organisé une grande manifestation contre la vie chère, à deux pas de l’endroit où les ministres des finances de l’Union parlaient, eux, argent et gros sous. Interrogés sur cette manifestation de syndicats, leur réponse est tout de même incroyable. « Ils veulent une augmentation des salaires ? Soyons sérieux, ils savent très bien que pour que cela soit possible il faudrait que la production augmente, autrement dit que tous ces gens décident enfin de travailler un peu plus. » Ce ne sont pas les termes exacts qui ont été employés, mais le ton y est. Devant une telle situation, on ne peut que rester silencieux.

Ainsi donc, on culpabilise ceux qui sont à la base du système de production (c’est-à-dire nous tous, ouvriers, employés, fonctionnaires, enseignants, petits indépendants, etc.) en leur faisant croire que s‘ils ont du mal à boucler les fins de mois, c’est à cause de leur fainéantise innée. Alors que pendant ce temps- là des actionnaires rentiers ne font que réclamer aux firmes qu’ils détiennent plus de rentabilité encore, ce qui entraîne aussitôt des licenciements en cascade.. Je crois qu’il n’est pas besoin de s’étendre ici plus longtemps sur ces problèmes. Nous sommes arrivés à un point de rupture. La fracture entre les gens qui survivent par leur travail et ceux qui prospèrent par leurs actions est en train de devenir si importante qu’aucun dialogue ne sera bientôt plus possible.

A moins que… Car au lieu de se révolter, tous ces gens à petits salaires admirent les sportifs de haut niveau qui eux gagnent des fortunes colossales. Jamais autant qu’aujourd’hui la formule latine « panem et circenses » n’a été autant d’actualité. Il suffit d’ailleurs d’ouvrir sa télévision (ce que je vous déconseille vivement) pour s’en rendre compte.

A propos des sportifs, j’apprends à l’instant qu’un certain footballeur français dont j’ignorais même le nom a gagné l’an passé 17,5 millions d’euros, tandis que plusieurs autres ont reçu entre 9 et 12 millions d’euros. C’est tout de même incompréhensible ou en tout cas je ne parviens pas à comprendre en quoi le fait de jouer avec un ballon peut justifier un tel salaire. Ont-ils fait avancer l’humanité ? Non, bien sûr, mais la moitié de la nation s’est intéressée à leur jeu-spectacle et ceci explique cela. Décidément, on se croirait dans la Rome antique, avec des esclaves exploités, des personnes sans emploi, quelques riches affranchis genre nouveaux riches, deux trois nobles de vieille souche, par ailleurs désabusés, et une série de politiciens véreux qui s’enrichissent sur le dos des provinces qu’ils administrent (tout en étant entourés d’une foule de clients qui espèrent quelques miettes). Comme quoi, l’Histoire est un éternel recommencement. Il suffit de le savoir pour ne pas plonger dans le désespoir.

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05/04/2008

Petits calculs sur la vie chère (suite)

Cette fois, ce n’est pas moi qui le dis, mais le journal Le Monde : « la rue africaine ne parle que de cela : les prix des denrées quotidiennes sont devenus fous. En quelques mois, la conjonction des hausses du blé, du riz, de l'huile sur les marchés mondiaux, de médiocres récoltes locales et l'absence de contrôle des prix, a accru les tensions sociales et compromis la stabilité politique. »
Avec une hausse moyenne de huit pour cent en un an, les denrées alimentaires deviennent inabordables pour une large tranche de la population africaine, dont le salaire moyen est très bas.

Et les réactions sont partout les mêmes : « Beaucoup de gens ne mangent plus qu'un plat par jour", entend-on à Dakar. "Avec 1 500 francs CFA (2,25 euros) pour nourrir ma famille, je ne sais plus quoi faire", dit une ménagère sur un marché de Bamako, au Mali. » Les manifestations se succèdent, ayant déjà fait des morts. Les gouvernements promettent de baisser les taxes, afin de maintenir tant que bien mal un certain pouvoir d’achat. Mais diminuer les taxes, cela veut dire aussi appauvrir encore davantage des états déjà largement endettés et donc diminuer la possibilité qu’ils auraient de développer les infrastructures par exemple (et on sait à quel point celles-ci sont nécessaires pour le redressement de l’économie).
Un pays comme la Mauritanie, qui importe soixante-dix pour cent de son alimentation, court droit dans le mur. Vive le libéralisme, donc, la mondialisation et la politique du laisser-faire. Car non seulement cette économie mondiale qui nous dirige tous a fait lever tous les systèmes internes de régulation des prix au nom de la sacro-sainte concurrence (qui prouve bien maintenant son inefficacité), mais, pendant des décennies elle a encouragé en Afrique les cultures d'exportation comme le coton, au détriment évidemment des cultures vivrières. Du coup, il valait mieux acheter sur le marché mondial, à bas prix, des denrées alimentaires, et produire du coton que l’on vendait bien cher. Maintenant que tous ces pays sont devenus dépendants pour leur alimentation, voilà que ces denrées de première nécessité sont devenues inabordables, d’où la colère des populations.

Que faut-il faire quand le peuple commence à mourir de faim et que certains s’enrichissent exagérément ? Ma bonne dame, il suffit de relire ses manuels d’histoire : on fait la révolution. Et c’est bien ce qui risque d se passer, en effet. On n’en est pas encore vraiment là, mais des manifestations ont commencé à voir le jour un peu partout. L’étape suivante, ce sera la transformation de ces manifestations en émeute. Et après me direz-vous ? Après on n’ose imaginer ce qui pourrait se passer, mais ce qui est sûr c’est que même la Banque mondiale et le FMI craignent que les régimes politiques en place ne soient ébranlés.

La Banque mondiale, paraît-il « a fait amende honorable dans son dernier rapport annuel et a mis l'accent sur la renaissance des cultures vivrières. » Mais bien sûr il faudra des années pour reconstruire l’agriculture locale qu’on avait ainsi un peu vite démantelée. Merci à vous, messieurs les techniciens et merci aussi à vous, messieurs de la haute finance.

Evidemment, ce que je dis ici, ce ne sont que des mots. Mais il y a déjà aujourd’hui en Afrique des familles qui se contentent d’un seul repas par jour et cela c’est une réalité bien concrète..


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04/04/2008

Petits calculs sur la vie chère

Pour une fois, laissons la littérature de côté et sortons nos calculettes.
En 2000, le dollar valait 1,2 euros et le baril de pétrole était à 60 dollars, autrement dit à 72 euros. Aujourd’hui, un dollar vaut 0,65 euro et le baril de pétrole a grimpé à 110 dollars. Faites comme vous voulez, mais cela nous fait 71,50 euros.

On se demanderait donc bien pourquoi l’essence est devenue si chère à la pompe. Elle a pourtant augmenté d’environ 0,40 centimes par litre en huit ans

On n’ose imaginer ce qui se passerait si demain le dollar dépassait de nouveau l’euro…

La chaîne très libérale Euronews tentait hier de nous faire croire que le coupable est le vénézuélien Hugo Chavez, qui ne ferait rien pour faire baisser les prix mais qui se féliciterait au contraire que le prix élevé du baril profite à son pays. Moi, je me dis que ce n’est pas Chavez tout seul qui produit le pétrole dans le monde et puis si cette ressource naturelle profite au pays qui l’exploite et à ses habitants, tant mieux. Je ne vois pas en quoi le fait d’enrichir les actionnaires d’Esso, de Schell ou de Total serait meilleur. Tiens, au fait, qui exploite les gisements d’Irak ? Le peuple libre irakien ?

Vous me direz qu’il suffit de ne pas prendre sa voiture et c’est ce que je fais souvent. Mais bon, les produits alimentaires, qui sont transportés par camion, augmentent eux aussi en fonction du prix du gazole, donc tout le monde est concerné.

Remarquez que les carburants ont bon dos, car de toute façon le prix des denrées alimentaires a augmenté vertigineusement. On nous avait annoncé la couleur :

1) Les produits laitiers augmentent parce que la Chine consomme plus de lait. Ah bon ? Espérons que cela va faire baisser le prix du riz.
2) les farines seront plus chères car on va consacrer une partie de notre blé à produire du carburant, ceci afin d’alléger notre facture énergétique et notre dépendance à l’égard des pays producteurs. Ce n’est pas pour cela que l’essence sera moins chère à la pompe, au contraire. Et ce n’est pas pour cela que les Américains vont se retire d’Irak. Au contraire. Donc, il faut juste retenir que non seulement l’essence ne diminuera pas mais que le pain, les pâtes et les biscuits vont faire un bond en avant. Le savoir rend la chose plus aisée et aide à accepter l’inévitable.

Ce qu’on ne comprend pas, par contre, c’est que nos agriculteurs et producteurs locaux se plaignent qu’on leur achète leurs produits moins cher que l’année dernière. Il y en a donc un qui gagne moins (le producteur), un qui paie plus (le consommateur) et entre les deux, que se passe-t-il, à votre avis ? Mieux vaut ne pas le savoir si vous voulez garder le moral.

Eloge de la poésie

Loin de cette « rumeur du monde », nous trouvons donc la poésie. Ceci dit, on a connu des poètes engagés, non seulement dans leur vie active, mais aussi dans leurs écrits. On pourrait même affirmer sans trop s’avancer que leur célébrité est venue précisément à cause de leurs écrits engagés. Ainsi en va-t-il de Pablo Neruda et de son « Canto general » (mis en musique par Mikis Theodorakis, autre figure de proue de l’opposition politique). Plus près de nous, citons Mahmoud Darwich, qui doit assurément la popularité dont il jouit parmi ses concitoyens à ses poèmes politiques, qui dénoncent l’occupation israélienne (cf. « l’Arabe »). Pourtant, lui-même a ensuite délaissé cette poésie de combat pour retourner à ses souvenirs d’enfance et à la description de son pays, la Palestine, sentant bien quelque part que la poésie, précisément, se doit de parler d’autre chose que d’événements contemporains, par essence éphémères.

Il existe certes différentes sortes de poésie. Plaisante ou enfantine (Maurice Carême), centrée sur la prosodie et la versification (Hugo), hermétique (Char, Ponge), désespérée et initiatique (Rimbaud), galante (Verlaine), ou bien à la recherche d’une vérité cachée dans la nature (Jaccottet).

Dans tous les cas, la poésie replace l’homme au centre de l’univers et cherche à lever un coin du voile sur le mystère ambiant. Du coup, par cette démarche maïeutique, elle nous conduit plus loin, vers des vérités jusqu’alors insoupçonnées (« Et j’ai vu ce que l’homme a cru voir »). Cadeau des dieux, dictée par les muses, elle relève d’une vérité autre, presque mystique, en tout cas sacrée. Par cet aspect de sa nature, elle établit un lien entre l’homme et le monde dans lequel il vit (pas au sens politique ici, mais au sens cosmique), lui permettant précisément d’accéder à une partie de lui-même que sans elle il n’aurait même pas soupçonnée.

Certes les cartésiens la dénigreront, ne voyant en elle qu’une vérité tronquée, établie sur une inversion des valeurs et des termes (ex : « soleil noir de la mélancolie »). Mais les initiés savent qu’elle ouvre les portes d’un autre monde et que le poète, tel le chaman des peuples antiques, parvient à dire la vérité de l’univers tout en faisant comprendre à l’homme qui il est vraiment.




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02/04/2008

De l'équilibre intérieur (2)

Nous parlions l’autre jour de l’équilibre intérieur, qu’il est primordial de préserver, même s’il faut pour cela se tenir parfois à l’écart de la rumeur du monde.

Je dis cela, certes, mais on comprend bien que si on pousse une telle attitude à l’extrême, on se retrouve dans la philosophie extrême-orientale, où le Maître s’abîme dans la contemplation, restant indifférent à tout ce qui l’entoure. Cette « sagesse », qui en est certainement une, m’a toujours semblé inquiétante, car entre le fait de savoir conserver son calme et l’ataraxie la plus complète, il y a une marge. Cette philosophie qui est aussi une religion (méfiance donc) consiste à se détacher du monde pour ne pas souffrir. Tout lui devenant indifférent, le sage, en effet, ne souffre plus. Mais vit-il encore ? Ce qui est pour certains de la sagesse, peut confiner aussi à la bêtise la plus complète, car au nom de l’indifférence on finit par accepter (ou plus exactement par refuser de voir) les injustices ambiantes.

Donc, personnellement, je me suis toujours montré très réservé face à cette sagesse hindoue ou bouddhique. Je préfère une attitude lucide devant l’adversité (et donc devant notre condition mortelle). Cependant, le bruit et la fureur du monde risquent bien de nous détourner de cette vision essentielle. Le travail, la famille, l’actualité, tout ce que nous vivons (mais est-ce vivre ou tenir des rôles ?) nous occupe l’esprit en permanence. Mais qu’est-ce que vivre, finalement ? Telle est la question, comme disait un certain dramaturge anglais. Philosopher dans sa chambre, ce n’est pas vivre, mais être submergé par les tâches ménagères et les difficultés financière non plus. Il est clair que si je suis un réfugié subsaharien en exil à Paris ou ailleurs, je ne penserai qu’à ma survie matérielle, déjà bien content d’avoir échappé à la mort au cours d’une traversée maritime des plus dangereuses. Prêt à travailler quinze heures par jours, je cumulerai les petits boulots pour faire vivre ma famille, ce qui me laissera peu de loisirs pour apprécier les subtilités de la « Recherche du temps perdu ». A l’inverse, si je suis un fils de famille qui a tout reçu et que je n’ai même pas à gérer une fortune que des spécialistes gèrent pour moi, le loisir forcé où je me trouverai risque d’être bien stérile ou futile. Il faut donc un équilibre entre les deux situations. Point trop occupé par les tâches matérielles (mais un petit peu tout de même), il me faut du temps libre pour pouvoir le consacrer à ce qui m’intéresse vraiment, par exemple à la lecture. Ce temps libre, Montaigne l’avait ou se le donnait. Il avait hérité de son château et il dit quelque part dans les Essais qu’il ne lui sert à rien de vouloir amasser de l’argent, même en prévision de l’adversité (puisque cet argent risquerait bien, de toute façon, de ne pas suffire) et qu’il préfère jouir de sa fortune en voyageant. Ce qui ne l’a pas empêché de travailler au Parlement de Bordeaux, mais il faut sans doute voir là l’attrait d’une fonction honorifique un peu obligée plutôt que la recherche d’un travail rémunérateur. Car il est vrai que dans les siècles passés, pas mal de nos grands écrivains étaient fortunés, ce qui leur laissait le loisir d’écrire. J’ai cité Montaigne, on pourrait citer Proust ou Gide. Cela signifie qu’il faut avoir du temps pour se retirer, observer et être en dehors du monde.

D’une manière générale, j’aime bien ce décalage, qui me permet certes d’être dans l’action, mais en même temps un petit peu à côté. J’observe, je réfléchis, je prends du recul. D’autres préfèrent diriger, prendre les difficultés à bras le corps et agir. Peu importe ce qu’ils décident, à la limite, tant que ce soit eux qui aient pris la décision et qu’ils aient fait figure de chefs. Le sens de leur vie est là : dans le regard des autres, où ils peuvent lire qu’ils sont d’une race supérieure et à ce titre admirés. Belle illusion, évidemment, mais comme ils ont agi, ils sont contents.

A l’inverse, philosopher dans sa chambre n’amène certainement à rien non plus. De tels penseurs, coupés du monde et de ses réalités, finissent par vous développer des systèmes philosophiques certes cohérents sur le plan intellectuel, mais qui ne sont qu’une simple vue de l’esprit. Sans doute par cette « création » d’un système croient-ils avoir trouvé une échappatoire. Dommage pour eux, la mort les attend au bout de chemin comme les autres.

La difficulté consiste donc à se tenir suffisamment éloigné des événements extérieurs pour ne pas se perdre en eux, mais tout en les tenant du coin de l’œil, car il ne faut pas ignorer leur existence. Le nec plus ultra consisterait à parvenir à imposer aux événements extérieurs sa propre vision du monde et à transformer la réalité selon ses rêves. Bien peu y arrivent, on en conviendra.

Dans un tel contexte, décrire le monde tel qu’il est par l’intermédiaire d’une oeuvre d’art (peinture, sculpture, littérature, film, etc.) constitue sans doute un bon équilibre entre cette lucidité devant la vie et l’affirmation de sa propre vision des choses. Tout semble en effet se situer dans ce mouvement perpétuel de va-et-vient entre le monde et moi, entre la réalité et mon rêve.

Ce rêve, il me faut le cultiver et d’abord en le préservant. Il faut savoir s’arrêter de temps à autre (ce que hélas, pas plus que d’autres, je n’arrive que rarement à faire) et écouter la voix du monde qui est en moi (et non en dehors de moi) car finalement je suis un monde à moi tout seul, je suis mon monde. Point de narcissisme quand je dis cela, mais plutôt la recherche d’une vision intérieure. Ecouter du Palestrina ou les hymnes d’Hildegarde von Bingen y contribuera grandement, à la fois par l’architecture musicale mise en œuvre et par la spiritualité qui s’en dégage et qui ne déplaît certes pas à l’athée que je suis. Ensuite, réconforté, je pourrai de nouveau ouvrir les yeux autour de moi.



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31/03/2008

De l'équilibre intérieur

Il est des jours où l’agitation du monde vous semble dérisoire. A quoi bon faire le compte de toutes les injustices dont les informations nous abreuvent ? Il n’y aura jamais la paix en Palestine, le Tibet restera chinois et l’Irak continuera de se dissoudre dans une guerre civile fratricide pour le plus grand profit des marchands de pétrole (et nous en savons quelque chose quand nous passons à la pompe avec nos voitures : c’est notre manière à nous de contribuer à l’effort de guerre, même si nous condamnons farouchement cette dernière).

Plus près de nous, il y aura toujours des politiciens véreux, qui pensent plus à leur profit qu’à la gestion des affaires publiques. Et même s’il y en a quelques-uns d’honnêtes, nous savons tous qu’ils sont obligés d’entrer dans un système qui repose sur la duperie et le mensonge.

Nous aurons bon clamer haut et fort contre le libéralisme triomphant qui affame chaque jour un peu plus nos voisins immédiats, cela ne changera rien. Le combat est perdu d’avance, l’économie étant devenue mondiale. Ou votre pays fait de la résistance et il se fait manger, n’étant pas compétitif ou il approuve le nouvel ordre du monde et c’est vous, en tant que citoyen, qui vous faites manger (par exemple en devant payer une facture de gaz trente pour cent plus chère).

Donc, disais-je il est des jours où on a envie d’oublier tout cela et où on préfère plutôt se replier sur sa propre personne, non par souci d’égoïsme, mais simplement parce qu’on n’a qu’une vie et qu’elle est courte.

Que m’importe, finalement la marche du monde ? Seul compte le regard que je porte sur moi-même et l’équilibre que je peux ainsi trouver. C’est pour cela qu’un écrivain comme Montaigne est un ami précieux. Il sait d’abord parler de lui. Si par ailleurs il regarde le monde d’un esprit lucide, il le fait sans se départir de son bon sens habituel, sachant prendre certaines distances qui lui permettent de conserver son équilibre intérieur. C’est là une qualité rare, par les temps qui courent.

La poésie, à ce propos, me semble préférable au roman pour nous plonger dans ce qui est vraiment essentiel. D’un autre côté, je me dis parfois qu’elle est plus proche de l’enfance, justement par le fait qu’elle ne s’embarrasse pas de l’agitation du monde, préférant se concentrer sur la richesse intérieure de l’individu. Lire de la poésie nous empêche-t-il donc d’être lucide en n’étant pas axé sur les réalités extérieures ou au contraire cette activité nous réconcilie-t-elle avec nous même, ce qui est finalement le bien le plus précieux ?

27/03/2008

L'argent du pouvoir

Et bien, cela n’a pas traîné ! Moins d’un an après son élection, notre ami Sarkozy se retrouve déjà mêlé à un scandale politico-financier. Lui qui avait ironisé sur le cas de Chirac, je vois qu’il ne fait pas beaucoup mieux.

Quels sont les faits ? Une lettre qu’il a signée est apparue au cœur de l'affaire Hamon (détournements de fonds publics). L’avocat qui défend ce monsieur Hamon, collectionneur d'art de son état, demande que l’on ouvre une enquête sur les flux financiers autorisés par M. Sarkozy quand il était président du conseil général des Hauts-de-Seine. Notons qu’André Santini, le secrétaire d'Etat à la fonction publique, est déjà mis ici en examen dans cette affaire (en tant que maire d’Issy-les-Moulineaux), dans laquelle on retrouve aussi le nom de Charles Pasqua. Rien que du beau monde, donc. Sans compter que l’avocat demande également que soit entendue la garde des sceaux, Rachida Dati (qui elle était directrice générale adjointe des services du conseil général des Hauts-de-Seine).

Les infractions présumées auraient été commises entre 2001 et 2003. En principe, donc, le juge n’a pas à aller enquêter au-delà de cette date. Mais un rapport de la chambre régionale des comptes précise qu’une somme de 3 833 000 euros a été versée plus tard à titre de rémunération sur des travaux de construction qui n'ont jamais eu lieu.

La question est donc de savoir si le juge doit enquêter sur des faits postérieurs à 2003 (pour lesquels on retrouve la signature de Sarkozy) ou se contenter de la période 2000-2003. On comprend l’habileté de cet avocat. En mettant en cause le Président de la république, il espère que le juge refusera d’investiguer sur la période postérieure à 2003, surtout s’il tient à son poste . Mais alors, pourquoi n’y aurait-il que la première période qui serait délictueuse ? Cela n’a pas de sens. On crierait au scandale. Le plus sage serait donc d’arrêter purement et simplement les poursuites et d’innocenter M. Hamon, à la grande satisfaction de son avocat. En effet, voir le nom de Sarkozy dans cette affaire, cela ferait désordre. Or Nicolas aime l’ordre, c’est d’ailleurs pour cela qu’il s’est fait élire. Certes, il serait protégé par l'immunité liée à son statut présidentiel, mais tout de même, cela ne serait pas très bon pour les sondages, qui auraient bien besoin d’un petit coup de pouce en ce moment.

Pauvre Nicolas. En voyage en Angleterre, cette terre des Angles et des Saxons, voilà qu’on lui préfère sa douce moitié Carla, qui lui vole tous les honneurs dus à son rang. Remarquez qu’il l’a bien cherché. N’avait-il pas confié autrefois la libéralisation (pardon, la libération, lapsus révélateur) des otages bulgares à son épouse ? Vous me direz que ce n’est plus la même, mais bon, à force de déléguer, voilà ce qui arrive.

Ceci dit, c’est n’est pas tellement par sa diplomatie, mais surtout par son physique et son sourire que la belle Carla a séduit le cœur des Britanniques, encore un peu orphelins de la princesse Diana (morte à Paris, précisément, l’amalgame est facile).
On les comprend un peu, remarquez. Comme tout le monde, ils ont pu admirer les formes sveltes de la première dame de France, si pas en vrai, du moins en photo. Rien d’étonnant à ce qu’ils l’aient préférée au petit Nicolas.



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25/03/2008

Défense de la langue française

Vous croyez que je vais vous parler de l’Ordonnance de Villers –Cotterêts ou bien du livre de Du Bellay, « Défense et illustration de la langue française » ? Je voudrais bien, mais des réalités plus proches et plus contemporaines nous obligent à ouvrir les yeux. Voici un épisode particulièrement significatif de ce qui se passe actuellement en Belgique. On sait que le pays est au bord de l’éclatement sous les coups de butoir du nationalisme flamand. On veut bien comprendre qu’un tel pays, fabriqué de toute pièce et comportant plusieurs communautés ne peut survivre très longtemps (et à vrai dire 178 ans, c’est déjà un exploit). Que chacun revendique son droit à l’autonomie, c’est une chose, mais quand on en arrive à des situations comme celle que nous révèle l’agence Belga et que je cite ici intégralement, on ne peut pas ne pas se souvenir que les fours crématoires instaurés par Hitler avaient commencé comme cela :

« Le nouveau règlement des plaines de jeux à Liedekerke, commune du Brabant flamand, prévoit que le moniteur principal pourra refuser des enfants qui ne parlent pas ou ne comprennent pas le néerlandais. Les activités qui sont organisées ne seront en outre accessibles qu'aux enfants qui vivent dans la commune ou qui ont un lien familial avec un habitant de la commune.

La commune a pris cette mesure à la suite des problèmes de communication qui se sont posés à plusieurs reprises dans le passé. "Quand il faut s'occuper d'un groupe d'enfants et les laisser jouer en toute sécurité, il est important qu'ils comprennent ce que les moniteurs leur disent. Dans le passé, nous avons eu beaucoup d'enfants qui venaient dans nos plaines de jeux, même de Bruxelles, et qui ne connaissaient pas le néerlandais", a expliqué le bourgmestre Luc Wynants (CD&V) sur les ondes de la station flamande Radio 2.
» (belga)

Pour les non-initiés, le CD&V est le parti catholique flamand (celui de l’actuel premier ministre Leterme, qui vient d’arriver au pouvoir). Comme quoi on peut être catholique et ne pas comprendre ce que signifie l’amour du prochain. Notons encore que ce parti est un parti démocratique parfaitement normal et qu’il ne faut pas le confondre avec l’extrême-droite, bien implantée par ailleurs en Flandre. On n’ose imaginer quelle doivent donc être les thèses de ces partis extrémistes, à côté desquels le C&V passe encore pour respectable et modéré. C’est tout dire.

Tout compte fait, tout ceci me donne quand même envie de citer Du Bellay, notamment le passage où il parle de la barbarie (histoire de ma réfugier dans les livres, sans doute) :

Pour commencer donc à entrer en matière, quant à la signification de ce mot Barbare : Barbares anciennement étaient nommés ceux qui ineptement parlaient grec. Car comme les étrangers venant à Athènes s'efforçaient de parler grec, ils tombaient souvent en cette voix absurde Barbaras. Depuis, les Grecs transportèrent ce nom aux moeurs brutaux et cruels, appelant toutes nations, hors la Grèce, barbares. Ce qui ne doit en rien diminuer l'excellence de notre langue, vu que cette arrogance grecque, admiratrice seulement de ses inventions, n'avait loi ni privilège de légitimer ainsi sa nation et abâtardir les autres, comme Anacharsis disait que les Scythes étaient barbares entre les Athéniens, mais les Athéniens aussi entre les Scythes. Et quand la barbarie des moeurs de nos ancêtres eut dû les mouvoir à nous appeler barbares, si est-ce que je ne vois point pourquoi on nous doive maintenant estimer tels, vu qu'en civilité de moeurs, équité de lois, magnanimité de courages, bref, en toutes formes et manières de vivre non moins louables que profitables, nous ne sommes rien moins qu'eux ; mais bien plus, vu qu'ils sont tels maintenant, que nous les pouvons justement appeler par le nom qu'ils ont donné aux autres.



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22/03/2008

Foire du livre

La foire du livre de Paris est terminée et on se demande toujours s’il fallait ou non la boycotter.
Certains, par solidarité envers la population de Gaza, estimaient que la moindre des choses était de marquer sa désapprobation envers un état qui bombarde allégrement des populations civiles.
D’autres, au contraire, disaient que la littérature n’avait rien à voir avec la politique et que d’ailleurs rien ne disait que les écrivains israéliens invités approuvaient la politique d’ostracisme menée par leur pays.

Pierre Assouline, sur son blogue que je ne lis jamais, ne cache pas son ironie à l’égard des partisans du boycotte, estimant qu’ils ont manqué leur objectif et que s’il y a eu effectivement une petite désaffection du public, elle est surtout due au risque d’attentats et au mauvais temps (les mesures de sécurité ayant été renforcées à cause de tous ces méchants terroristes, les files d’attente étaient plus longues). Bref, selon lui, le public français ne s’est pas laissé impressionné ni influencé et il a montré tout l’engouement qu’il porte à la littérature israélienne.

Il a peut-être raison. Il n’empêche que je n’apprécie pas trop le ton persifleur qu’il emploie ici. Je n’attendais d’ailleurs rien d’autre de lui car je n’oublie pas l’article qu’il avait écrit en son temps contre le journaliste Alain Ménargues. Celui-ci avait écrit un livre dans lequel il s’opposait à la construction du mur de la honte en Palestine, ce qui avait fait dire à certains qu’il tenait des propos antisémites (et non antisionistes). Assouline avait alors donné raison aux rumeurs, qualifiant le mur de simple « barrière de sécurité » qui aurait servi de prétexte à Alain Ménargues pour se répandre en propos haineux envers le peuple juif.

C’est évidemment toujours l’éternel problème quand on parle de la politique israélienne. Oser la critiquer, c’est se faire taxer d’antisémite. Dans son livre, Ménargues regrettait que la religion juive, axée sur l’idée de pureté, incitât ce peuple à vouloir séparer le pur de l’impur, d’où l’ostracisme manifeste envers le monde arabe et le peuple palestinien en particulier. Du coup, on lui a reproché de ne pas simplement s’opposer à a construction du mur, mais d’être fondamentalement raciste envers les représentants du peuple hébreux, ce qui me semble aller un peu vite en besogne. Même le Monde diplomatique, dont j’apprécie les articles pour leur ouverture d’esprit, a demandé à ses sympathisants locaux de ne pas inviter Alain Ménargues Tout cela ressemble tout de même à une cabale qui ne dit pas son nom, car ce mur reste une honte, tout comme la politique de colonisation systématique ou l’enfermement de 3.00.000 de personnes dans la bande de Gaza. Certes, il y a les attentats, qui constituent un grave problème. Mais alors que tout le monde condamne à juste titre les extrémistes arabes qui voudraient voir disparaître l’état d’Israël, il n‘y a pas beaucoup de voix qui s’élèvent (ou en tout cas elles sont de peu de poids) pour désapprouver l’impérialisme israélien qui ne cesse de vouloir étendre ses frontières sous prétexte de garantir sa sécurité intérieure.

Pourtant, quand les Russes étaient partis autrefois à la conquête de l’Afghanistan, tout le monde occidental avait trouvé cela choquant. Comme on a trouvé choquant l’invasion de l’Irak par les troupes américaines sous un prétexte fallacieux (le terrorisme). Tout comme on désapprouve encore aujourd’hui l’annexion du Tibet par la Chine. Pourquoi ce qui peut être dit à l’encontre de l’impérialisme de certains états ne peut-il l’être quand il s’agit d’Israël ?

Parce que Israël est la victime (des attentats) me direz-vous. C’est vrai et on ne peut que le regretter. Mais est-ce en pratiquant cette politique du mépris que les choses vont s’améliorer ? Bush a-t-il éradiqué le terrorisme mondial en détrônant Sadam Hussein ? Bien sûr que non et il n’y a jamais eu autant de musulmans mécontents. Une majorité du peuple palestinien aspire à la paix, comme une majorité du peuple israélien. N’y aurait-il pas moyen de s’entendre plutôt que de se lancer dans une politique de fuite en avant qui amènera toujours plus de violence, laquelle débouchera sur plus de répression encore ?

On le voit, la situation n’est pas simple et pour revenir à la Foire du livre de Paris, le moins qu’on puisse dire, c’est que la question du boycotte pouvait au moins être posée. Quand un de nos politiciens s’en va en Chine signer des contrats commerciaux, nous ne trouvons pas normal qu’il fasse passer les intérêts économiques avant les droits de l’homme ou l’annexion du Tibet. Pourquoi alors l’annexion systématique et progressive d’une partie du territoire palestinien ne doit-il pas être dénoncé ?

Parce que, me direz-vous, une Foire du livre est une manifestation culturelle qui n’a rien à voir avec la politique. Si c’était vrai, je vous donnerais raison, mais malheureusement on sent bien que ce n’est pas un hasard si on a attendu le soixantième anniversaire de la naissance de l’état d’Israël pour inviter les écrivains israéliens. Je crois au contraire qu’on veut se servir de notre passion pour les livres pour justifier un événement politique et nous faire approuver indirectement la politique extérieure israélienne. C’est ce qu’on appelle de la manipulation.

Sans compter que si on invite un état, la moindre des choses est de donner un aperçu de toutes les composantes de cet état. Imaginerait-on inviter l’Espagne et nier la catalogne, l’Andalousie et le Pays basque ? Or ici, a-t-on vu des écrivains israéliens arabes musulmans ? Non bien sûr. A-t-on vu des écrivains arabes chrétiens ? Pas que je sache. L’explication qu’on nous donne relève du sophisme : on n’a invité que les écrivains s’exprimant en hébreux. Le critère serait donc devenu subitement linguistique. Mais pourquoi alors n’avoir pas intitulé ce salon « Salon de littérature hébraïque » ? Pourquoi pas ? Un peu comme on ferait un salon de langue arménienne ou kurde. Mais on n’a jamais vu un salon consacré à la langue kurde, puisque ce pays n’existe pas. C’est bien la preuve que c’est le pays politique qu’on invite et pas les représentants de telle ou telle langue (que se passerait-il d’ailleurs si on faisait un salon de langue anglaise ? On inviterait la moitié de la planète ?).

Tout cela pour dire qu’il y avait manipulation et que c’est bien l’état hébreu qui était à l’honneur beaucoup plus que sa littérature.

Maintenant fallait-il ou non le boycotter, c’est une autre question. Quel est l’impact d’une telle mesure ? Il est probablement fort mince. D’un autre côté, c’est en mettant autrefois l’Afrique du Sud au banc des nations que petit à petit l’apartheid a été vaincu. Et puis il faut être honnête. Tous ces bien-pensants qui verraient d’un mauvais œil un salon consacré au Cuba de Fidel Castro auraient été moins regardants si on avait invité le Chili du temps de Pinochet. Preuve supplémentaire que tout cela est bien politique alors qu’on ne vienne pas nous dire que cela ne l’est pas.

Bon, je parle, je parle, mais c’est surtout pour le plaisir d’être en votre compagnie, car dans le fond, n’habitant pas Paris, je ne vais jamais au salon du livre. Il fut un temps, cependant, où j’aimais me rendre dans celui de ma région, situé dans ma capitale à moi. Quand j’étais plus jeune je trouvais cela intéressant. On pouvait voir toutes les collections d’un même éditeur ou bien avoir une idée de la production de différents pays (le Québec, la Chine, etc.). J’y ai même vu, dans les années quatre-vingts, un stand israélien qui jouxtait un stand palestinien, comme quoi… Puis les années passant, je me suis lassé de ce genre d’événement, sans que je sache si c’est la qualité des salons qui a diminué ou si c’est moi qui me suis montré plus exigeant. Ce qui est sûr, c’est que les deux dernières fois il m’a semblé que l’aspect commercial avait pris de telles proportions, que j’en ai été dégoûté. Il ne s’agissait plus de montrer, mais de vendre. Les micros n’arrêtaient plus d’annoncer des séances de signatures et des débats. On avait l’impression qu’il fallait tout acheter et tout de suite. Si on ajoute à cela la chaleur, le bruit, le monde et l’impossibilité de flâner à son aise, j’en suis arrivé à la conclusion que je préfère butiner les rayons de ma librairie favorite, plutôt que de me rendre à ce genre d’événement où il s’agit surtout, pour les écrivains, de se faire voir et pour les lecteurs d’acheter et de consommer. Bref, on y vendrait des produits gastronomiques que ce ne serait pas fort différent.

Ah, au fait, qu’est-ce qu’ils ont comme spécialité culinaire, en Israël ?

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20/03/2008

Journée de l'eau

La communauté internationale célèbre paraît-il ce 20 mars 2008 la « Journée mondiale de l'eau ». « Le Monde diplomatique » nous rappelle que le manque d’eau concerne 1,1 milliard d'êtres humains, ce qui n’est pas rien et que l’absence de moyens sanitaires de base touche 2,6 milliards de personnes.
Ce qui est inquiétant, c’est qu’on se sert de cette pénurie pour libéraliser le marché de l’eau. Partant du principe que les états, par définition, sont défaillants, les chantres du libéralisme ont estimé que ce grave problème de l’eau devait dépendre des firmes privées.

Une telle conception est évidemment absurde. Dans nos pays industrialisés, il y a déjà plus d’un siècle que le problème est résolu et que chaque citoyen dispose d’une eau potable pour un prix abordable. Dans un tel contexte, on ne voit pas la nécessité de privatiser un secteur qui fonctionne très bien, si ce n’est pour remplir les poches de quelques-uns (avec l’appui scandaleux de nos dirigeants qui se révèlent ainsi être de piètres hommes d’état.) Dans le tiers-monde, où la situation n’est certes pas idyllique, on peut se réjouir de la volonté d’assurer la distribution d’eau potable, mais on aurait mieux fait d’aider les gouvernements à prendre les mesures nécessaires (plutôt que de les obliger à s’endetter chaque jour d’avantage et à devoir rembourser des intérêts dont la courbe exponentielle a de quoi inquiéter). En effet, en privatisant le secteur de l’eau, les capitalistes n’ont vu que l’énorme marché que cela représentait pour eux et ils ont oublié deux choses. D’une part que ces populations n’étaient pas habituées à payer pour un tel service, ce qui a entraîné des réactions violentes et d’autre part qu’elles n’en avaient de toute manière pas les moyens.

Sinon, ces privatisations se font chaque fois de la même manière : dérégulation, décentralisation, privatisation puis paiement exorbitant par les usagés.

Ce qui me fait dire (mais c’est un autre débat) que l’Europe des régions est un outil du libéralisme pour faire perdre aux états leur suprématie. Ces états avaient la capacité de résoudre les problèmes, de plus, ils avaient tendance à protéger leurs citoyens par des règles strictes (lois sociales, protection de l’environnement, etc.). Il fallait donc casser cette suprématie en confiant petit à petit des responsabilités aux régions. On a vu que même la France, si centralisée depuis Louis XIV, n’a pas échappé aux dictats de Bruxelles. C’est ainsi que les universités, par exemple, doivent envisager leur avenir dans le cadre de leur région (et donc s’arranger pour s’auto financer, ce qui va permettre de monnayer certains services jusqu’ici gratuits). La conséquence sera une inégalité entre universités des régions riches et des régions moins favorisées (avec un transfert des étudiants vers les meilleures écoles, ce qui va encore renforcer la suprématie de ces dernières). Dans un tel contexte, il ne restera comme seule solution que de confier au secteur privé un enseignement que la région ne pourra plus assumer (avec des conséquences incalculables sur le contenu des programmes, orientés vers le besoin exclusif des firmes privées).

Mais revenons au problème de l’eau. Les contrats avec le pays du Sud se sont succédés à un rythme impressionnant. Les forums internationaux aussi. Partant d’une bonne volonté (fournir de l’eau potable à tout le monde), relayés par les ONG et les associations caritatives, ces réunions permettent à l’insu des participants de justifier la privatisation du secteur. Même Kyoto, par exemple, risque ainsi d’être récupéré. L’idée de la pollution et du réchauffement climatique fait son chemin dans les consciences et tout le monde est prêt à payer pour sauver la planète. Il y a fort à parier que des firmes privées vont montrer le bout de leur nez sous peu. C’est déjà ce qui se passe avec l’eau. Voyant que le marché de l’eau est moins intéressant qu’escompté dans le Sud, elle se rabattent sur l’Europe et sur la décontamination. On peut certes se réjouir des mesures prises par Bruxelles concernant l’obligation pour les communes d’avoir des stations d’épuration, mais indirectement tout cela a un coût, coût dont vont bien profiter les firmes privées (construction des stations d’épuration, services payants comme le recyclage des déchets, etc.). Dans un tel contexte, les ex-pays communistes sont une manne providentielle pour ces firmes puisqu’ils offrent un terrain vierge où il reste beaucoup à faire (mais où existe déjà une infrastructure certes vieillotte, mais qui fonctionne encore) et où le niveau de vie de la population va logiquement progresser grâce à l’argent insufflé par l’Union européenne. Un beau marché en perspective. Il ne faut donc pas s’étonner que le pouvoir libéral en place à la Commission de Bruxelles (et sous le regard attendri d’un représentant américain, ce qu’on ignore souvent et dont on se demande bien ce qu’il fait là) pousse à l’élargissement de l’Europe. Les citoyens de l’Ouest paieront la facture qui permettra à un nouveau marché d’émerger (sans compter que pendant vingt ans le prix de la main d’œuvre restera dérisoire à l’est, ce qui permettra de belles délocalisations particulièrement fructueuses). Ce ne sont pas les politiciens locaux qui feront de l’opposition. Ex-communistes, il n’y a pas plus convaincus qu’eux des bienfaits du libéralisme. On l’a vu au moment de la guerre en Irak, quand la Pologne a offert son aide à Bush, ce qui a permis à celui-ci de parler avec mépris de la « vielle Europe » dépassée en montrant du doigt la France non belligérante et non belliqueuse d’un Chirac sur le déclin.

Le changement climatique, de son côté, nous promet quelques belles catastrophes : inondations, sécheresses, glissements de terrain, ouragans et cyclones. Les cultures elles-mêmes seraient menacées, même en Europe du Nord, tandis qu’en Afrique sub-saharienne, la sécheresse devient inquiétante (baisse du débit des cours d’eau de plus de 40%). Cela permettra de construire des barrages que seules, évidemment, les firmes privées seront en mesure de financer (avant de se faire rembourser au centuple par la suite). Il est vrai que dans le type d’agriculture intensive que nous connaissons (et ne parlons même pas ici des OGM qui vont asservir les paysans aux grandes firmes céréalières productrices de semence ) l’eau est indispensable. Plutôt que de revoir ce type d’agriculture, on préfère se lancer dans une course en avant afin d’assurer sa pérennité par des moyens artificiels comme la construction de ces grands barrages ou le dessalement de l’eau de mer. Bien sûr on nous présentera ces projets comme une nécessité pour permettre à ces pays du Sud d’émerger (mais qui se soucie en fait de leur émergence ?). On ne dira pas, par contre, que ces grands travaux demandent beaucoup d’argent ni que les usines de dessalement demandent beaucoup d’énergie (et donc de carburant très cher et par ailleurs polluant). On ne sait pas trop non plus ce qu’il adviendra de la saumure qu’on rejettera à la mer (risque de rupture d’équilibre du milieu marin).

On le voit, le problème de l’eau est loin d’être résolu. Si demain le pétrole fait défaut et s’il faut se rabattre sur de l’essence produite à partir de végétaux cultivés, la demande en eau pour les besoins agricoles ne cessera d’augmenter. Le secteur privé a donc encore de beaux jours devant lui car il s’imposera comme le seul à être capable de retraiter les eaux usées ou à maîtriser la technique du dessalement. Faisant l’apologie de nouvelles techniques (nano-filtration, osmose inverse, etc.), des firmes internationales ont déjà déposé des brevets leur assurant le monopole, direct ou indirect, sur ces nouvelles manières de traiter l’eau.

Finalement, quand on y réfléchit, mieux vaut boire du vin que de l’eau du robinet.




18/03/2008

Philosophons

Question philosophique sans intérêt, sans doute, mais dont la réponse n’est cependant pas facile à trouver. Qu’est-ce qui fait que je suis moi ? Bien sûr vous allez répondre par toute une série de considérations d’ordre génétique ou psychologique. Je possède tel caractère parce que dans mes gènes se trouve tel ou tel élément qui me conditionne à agir d’une manière ou d’une autre. La combinaison de ces éléments fait que je suis plus ou moins patient, plus ou moins agressif, plus ou moins tolérant. L’ascendance explique aussi que je possède ou ne possède telle force physique, telle couleur des yeux ou telle prédisposition à certaines maladies.

D’autres répondront que tout ceci est bien beau, mais que l’acquis détermine pour le moins autant le caractère d’un individu que sa carte d’identité génétique. Dans cette hypothèse, je posséderais tel caractère parce que j’ai évolué dans un certain milieu, à une certaine époque et que les expériences vécues ont conditionné à mon insu mes comportements actuels. Ainsi, une attitude de fuite correspondrait à tel traumatisme remontant à la petite enfance ou au contraire un comportement agressif correspondrait à la répétition d’une attitude bénéfique adoptée une fois dans un contexte précis.

Fort bien. Remarquons que les deux théories peuvent se combiner. Devant une même situation, deux individus, neutres au départ, réagiront différemment en fonction de leur tempérament de départ. Puis, selon que ce comportement a entraîné un échec (développant à son tour un traumatisme) ou au contraire une réussite, chacun adaptera le tir et soit répétera à l’infini le même geste dans des circonstances analogues, soit évitera de se retrouver dans cette même situation (devant laquelle il ne pourrait que rester bloqué).

Notons en passant que tout ceci est exponentiel. Un enfant craintif évitera de faire certaines expériences. Devenu adulte, il sera devenu d’autant plus craintif qu’il n’aura jamais eu l’occasion de se prouver à lui-même qu’il pouvait dépasser sa peur et résoudre en fait le problème. Inversement, celui qui était déjà de nature téméraire multipliera les expériences lesquelles, à leur tour, vont lui permettre de renforcer cette confiance qu’il a en ses propres capacités.

Tout ceci explique donc pourquoi je suis comme ceci plutôt que comme cela. Mais ce n’est pas de cela que je voulais parler quand je disais « pourquoi suis-je moi ? »

Si j’observe un animal (un chien par exemple), je trouve normal, puisqu’il a un cœur, des membres, un cerveau, qu’il vive et se déplace. Autrement dit, dans la peu de ce chien, il y a « quelqu’un ». Si je prends trois chiens en bonne santé, il n’y a rien de plus normal que de les voir sauter et courir, comme il est tout aussi normal que chacun ait son caractère et son tempérament. Donc, à l’intérieur de ces trois chiens, il y a trois êtres distincts. Mais qu’est-ce qui fait qu’à l’intérieur du premier chien (supposons qu’il soit blanc, pour la clarté de l’exposé) il y ait une « âme » (les croyants me pardonneront, mais je ne trouve pas d’autre manière de m’exprimer) qui soit propre à ce chien-là et qui n’est pas celle du deuxième ou du troisième chien ?

Ne revenez pas avec des explications de l’ordre de l’inné ou de l’acquis, elles ne font que dire pourquoi le chien blanc est plus gentil ou moins peureux, elles ne disent pas pourquoi c’est cette « âme-là » qui se trouve dans la peau du chien blanc et pas dans celle du chien noir.

Donc, pour m’exprimer autrement, s’il est normal qu’un être animé ait sa personnalité propre, cela ne nous dit pas comment ce chien, en son fort intérieur, peut dire « je ». Qu’est-ce qui fait que dans la peau de ce chien blanc il y ait un être qui a conscience d’exister et qui n’est pas le même que celui qui est dans la peau du chien noir ? Etant entendu que tout ce qui vient d’être dit des chiens peut s’appliquer aux humains. Je comprends que mon voisin est différent de moi, je comprends éventuellement pourquoi il a tel ou tel trait de caractère qui lui est propre, je comprends que dans son corps se trouve un être doué de raison qui dit « je », mais je n’arrive pas à expliquer pourquoi c’est lui (spécifiquement lui) qui est dans ce corps-là et pas moi par exemple. Si je trouve normal qu’un corps soit habité par un individu qui a conscience de lui-même, si je trouve normal qu’il en soit ainsi pour tous les corps (y compris ceux des animaux), je n’arrive pas encore à dire ce qui a fait que je suis moi, dans le corps que j’occupe et pourquoi je parviens à dire « je » au moment où j’écris ces lignes. En effet, mon propre corps aurait pu être « occupé » par une autre conscience, qui aurait dit « je » à son tour et dont la présence dans ce corps n’aurait choqué personne.

Les croyants auront beau jeu de me resservir leur théorie sur l’âme et sur la création transcendante. Dieu aurait créé de toute pièce ce « je » que je suis en train de tenter de définir et l’aurait placé dans un corps (peu importe lequel, en fait) ou bien, selon d’autres théories, plus orientales, cette même âme immortelle ne ferait que passer d’un corps à un autre.

A partir du moment où on réfute la religion (belle croyance qui permet de vaincre la peur de la mort en s’accordant à bon compte l’immortalité), il nous faut cependant tenter de comprendre d’où vient ce « je ». Avoir la foi consiste souvent à croire sans comprendre, en déplaçant le problème. En effet, pas plus que moi le croyant ne peut expliquer l’origine du monde, mais il pallie à cette incompréhension en disant que c’est Dieu qui a créé le monde, oubliant au passage de nous expliquer qui est Dieu. De son point de vue à lui, il est vrai qu’il n’a pas à le faire, car c’est un postulat de sa foi : Dieu existe, point final. Il en va de même avec la théorie de l’âme. Ce « je » que je tente en vain de définir, le croyant lui donne un nom : c’est mon âme, dont l’existence est voulue par Dieu. Content avec cette explication qui ramène tout à la dimension humaine (et qui est, avouons-le, d’un anthropocentrisme étroit, l’univers s’étendant bien au-delà de la simple espèce humaine, apparue il y a peu et manifestement appelée à disparaître dans pas bien longtemps), le croyant est rassuré : Dieu a voulu son existence et l’aime, comme ses parents avaient voulu aussi son existence et en principe l’avaient aimé. On touche du doigt ici le côté puéril et rassurant de la foi, qui permet à l’individu de justifier son existence sur terre. Il « est » parce que d’autres l’ont voulu et il n’a pas à se demander pourquoi. Dès lors il peut se laisser vivre, se sentant en harmonie avec le monde (son moi intérieur, ce microcosme, rejoignant le grand tout, le macrocosme).

Pour nous, il n’en va pas de même et il nous faut bien tenter de comprendre pourquoi nous sommes là, qui nous sommes et ce que nous pourrions bien faire en ce lieu.

En attendant, rien ne nous dit comment ce « moi » qui m’habite a pu surgir du néant. C’est tout de même un miracle absolu que ce « moi » ait pu exister (et votre « moi » pour vous qui me lisez, car je ne veux pas ici me replier dans une démarche nombriliste, mais au contraire réfléchir pour tout un chacun d’un point de vue ontique). C’est bien pour cela que nous y tenons beaucoup. Nous le sentons fragile, nous le savons éphémère et nous savons qu’il sera appelé à disparaître. C’est là qu’est l’horreur. Je citais l’autre jour Montaigne qui disait qu’il n’avait pas peur de la mort mais bien de mourir. Sans doute. Il n’empêche que ce néant de l’être, cette dissolution du « je », cet évanouissement d’une conscience a de quoi inquiéter. Comment peut-on ne plus être ? Comment accepter cette absence de soi-même ? Pour un peu, on réinventerait Dieu pour lui demander des comptes.


14/03/2008

Des anciens ministres

Les hommes qui nous gouvernent ont souvent des politiques étonnantes, qui nous irritent. Mais bon, ils ont été élus démocratiquement, il n’y a rien à dire. En attendant, ils tiennent le haut du pavé et nous assènent leur vérité avec autant d’aplomb que de mauvaise foi. On a beau être contre leurs principes, rien n’y fait. Ils dirigent et nous n’avons qu’à nous plier à leurs idées, présentées comme les seules valables. Souvent, le public suit béatement, ce qui fait qu’on se retrouve bien seul à prêcher dans le désert.

Puis les années passent et la roue tourne. Parfois, ces hommes politiques se font rattraper par leur passé et ils se retrouvent devant un tribunal. Ainsi en va-t-il aujourd’hui de l'ancien ministre de l'intérieur, Charles Pasqua, qui a été condamné, mercredi 12 mars, à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis par le tribunal correctionnel de Paris, dans l'affaire du financement illégal de sa campagne des élections européennes de 1999. Il a été reconnu coupable de faux, financement illégal de campagne électorale et abus de confiance, rien moins que cela. Il aurait bénéficié, pour sa campagne, de l’équivalent d’un million d’euros issus de la vente du casino d'Annemasse (Haute-Savoie) dont il avait autorisé, en tant que ministre, l'exploitation en 1994.

Un malheur n’arrivant jamais seul, Monsieur Pasqua, a fait l'objet dans le même dossier d'une procédure pour corruption passive.

On se souviendra par ailleurs que son fils, Pierre Pasqua, avait été condamné en décembre 2007 à 18 mois de prison ferme dans le cadre de l’affaire Falcone/Sofremi. Cette société, mi-privée mi publique aurait vendu illégalement des armes à l’Angola et les bénéfices se seraient retrouvés quelque part chez les Pasqua. L’argent aurait été blanchi via des sociétés écrans. Pierre Pasqua aurait ainsi reçu 1,5 millions d’euros. Il avait d’ailleurs déjà été condamné le 8 novembre (le fils donc) à deux ans d'emprisonnement, dont 1 an ferme, et 300.000 euros d'amende dans une affaire de pots-de-vin (société Alstom).

Son avocat, Edgard Vincensini avait alors annoncé qu’il ferait appel. Pas de chance pour ce brillant juriste. Il vient lui-même d’être condamné à une peine de six mois avec sursis pour "faux".

Quant au père Pasqua, il n’en a pas encore fini. En septembre 2008,il comparaîtra pour "recel d'abus de biens sociaux et trafic d'influence" aux côtés de l'ancien préfet Jean-Charles Marchiani, de l'homme d'affaires Pierre Falcone et du fils de l'ancien président de la République Jean-Christophe Mitterrand, dans l'affaire des ventes d'armes à l'Angola. D’après « Le Monde » il est aussi poursuivi « pour trafic d'influence et corruption" dans le dossier "Pétrole contre nourriture", pour "recel d'abus de biens sociaux" à propos de largesses que lui aurait consenties l'homme d'affaires libanais Iskandar Safa, et il a été mis en examen en qualité d'ancien président du conseil général des Hauts-de-Seine dans l'affaire de détournements de fonds publics reprochés au maire d'Issy-les-Moulineaux, André Santini, à propos de la fondation d'art contemporain Jean Hamon. »

On croit rêver. Bref, ce ne sont que magouilles, pots de vin et pratiques illégales. On se souvient pourtant de l’arrogance de Pasqua lorsqu’il était ministre et de ses propos qui frôlaient à chaque fois le racisme le plus primaire.

Quelle morale retenir de cette histoire ? Aucune, évidemment. Certes, ces hommes qui semblaient détenir la vérité à un certain moment sont maintenant justement punis, mais le public les a oubliés et c’est dans l’indifférence générale que les condamnations tombent aujourd’hui. Il en ira sans doute de même demain quand le nom de Chirac ressortira.

En attendant, derrière les actions entreprises par ces personnages se cachent souvent des drames. Ainsi en va-t-il de l’Irak. Bush reconnaît maintenant à demi-mots qu’il n’y avait aucun lien entre Sadam Hussein et Al Quaïda. En Angleterre, on commence à pointer du doigt les programmes de l’enseignement qui ont présenté la guerre en Irak comme une nécessité.

La roue tourne, je le disais au début de cet article, mais en attendant les conséquences sont là. L’Irak est un pays exsangue, déchiré et en pleine guerre civile. Que penser de tous ces dirigeants qui ont menti et qui se sont enrichis ? Certes, certains sont condamnés, mais d’autres les ont remplacés, qui ne sont ni meilleurs ni pires. Encore que…. On peut supposer que Sarkozy n’aurait pas hésité un instant à nous entraîner dans une guerre irakienne s’il avait été aux commandes à ce moment-là.

Alors ? On parle souvent de devoir de mémoire à propos de certains événements du passé et on fait bien. Mais le bon peuple ne pourrait-il pas se souvenir de tout ceci également avant de mettre quelqu’un au pouvoir ? Pourquoi tout doit-il être un éternel recommencement ?

Tiens, au fait, n’y a-t-il pas des élections dimanche en France ?

12/03/2008

Le temps qui passe

Vous l’aurez remarqué, j’ai eu peu de temps, ces jours-ci, pour venir déposer des articles sur ce blogue. Ce qui m’amène à une question hautement philosophique sur le temps qui s’écoule. De combien d’heures disposons-nous vraiment pour nous-mêmes dans une journée ? Si on retire les heures de sommeil, les déplacements vers le lieu de travail, le travail lui-même, les tâches domestiques, les occupations familiales et autres, la part qui nous est impartie pour nos loisirs est finalement assez restreinte. Cela ne veut pas dire que mon travail m’ennuie, mais c’est d’abord le travail, autrement dit une activité dont le but premier est avant tout alimentaire. Ensuite, bien entendu, on essaie de se réaliser au mieux dans son emploi, mais entre celui-ci et moi-même, il y a tout de même un hiatus. Pour le dire autrement, je ne suis pas (par essence) ce travail. Je suis autre chose que ce que je fais là. Heureusement, me direz-vous. Remarquez, cependant, qu’il existe des personnes qui ne vivent que pour leur travail ou pire, pour la société qui les emploie. Ils « sont » le groupe Fortis, ou IBM ou la chaîne Carrefour. De telles réactions m’ont toujours semblé louches. Est-ce moi qui ne parviens pas à m’identifier à certaines valeurs ou bien est-ce eux qui manquent de vie intérieure au point de devoir s’occuper l’esprit en permanence avec leur travail ? Je pencherais plutôt pour la deuxième solution..

Mais revenons au temps qui passe. On parle toujours de la civilisation des loisirs, mais personnellement j’ai toujours l’impression de manquer de temps. Je veux parler de ces heures que je pourrais consacrer à ce qui m’intéresse vraiment et qui font qu’en fin de journée j’aurais l’impression d’avoir vécu pour quelque chose. Notez que dans les loisirs eux-mêmes nous sommes souvent occupés à tenir un rôle car comme époux, père, voisin ou citoyen nous sommes souvent amenés à faire des choses qui nous plaisent certes et qui ne sont pas désagréables, mais qui ne correspondent pas encore à ce qu’il y a vraiment au fond de nous.

C’est pour cela, sans doute, que j’aime particulièrement la nuit. Quand tout est calme dans la maison et dans la ville, il est plus facile de se retrouver enfin avec soi-même. Ceci dit, il se pourrait bien que ce que je fais alors ne soit pas existentiellement fondamental. Est-ce plus important de lire tel livre ou d’écrire quelques lignes ici que de préparer le repas ou tondre la pelouse ? Il me semble qu’oui. Pourtant, si notre vie se résumait à cette activité liée à notre monde intérieur, on la trouverait bien vide aussi. Imaginons que devenu rentier (il faudrait pour cela se décider à jouer au loto) je n’aie plus rien d’autre à faire que de lire à longueurs de journées. Il est fort probable qu’après avoir ingurgité quelques centaines d’ouvrages ma vie m’apparaîtrait bien vide. Où donc se trouve ce qui la rend importante ? Enfin, je veux dire importante à mes propres yeux, car dans l’absolu, aucune vie n’est importante, bien entendu, Dieu étant mort depuis longtemps et les astres qui nous entourent semblant des masses inertes dépourvues de sens en elles-mêmes.

Donc, sans me placer face au néant pascalien, je suis tout de même en droit de me demander ce qu’il serait légitime d’accomplir afin que cette vie, déjà si courte (au mieux quatre-vingts ans) et ces journées plus courtes encore (voir plus haut) prennent un semblant se sens. Car ce qui me semble intéressant pour moi (et ce pour quoi je n’ai pas beaucoup de temps comme je l’ai déjà dit) n’est peut-être pas intéressant en soi (d’un point de vue existentiel). Pour m’exprimer autrement, il se pourrait bien que l’individu n’ait tendance à accomplir que ce qui l’intéresse. Si ses passions sont mesquines, il aura tout perdu. C’est le cas de l’alcoolique, par exemple, qui à ses propres yeux vit pleinement sa passion, mais qui à nous nous semble perdre son temps. Il en va de même des gens assoiffés de gloire et de pouvoir. Pour eux, rien n’est plus important que de devenir directeur de ceci ou président de cela. Pourtant, les efforts mis en œuvre pour parvenir à un but aussi futile sembleront étranges à un artiste qui, lui, vit pour autre chose. Tout cela pour dire que nous restons foncièrement prisonniers de notre caractère et de nos humeurs. C’est au point qu’on se demanderait bien comment on parvient encore à avoir un semblant de dialogue avec nos contemporains, chaque être humain semblant enfermé dans une prison mentale qui lui est propre.




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08/03/2008

Reflexions

Laissons parler Montaigne, qui a déjà tout dit :



Il est toujours plus plaisant de suivre que de guider.

Ce n'est pas la mort que je crains, c'est de mourir.

La plus grande chose du monde, c'est de savoir être à soi.

Il n'est description pareille en difficulté à la description de soi-même.

C'est un sujet merveilleusement vain, divers et ondoyant que l'homme.

Notre religion n'a point eu de plus assuré fondement humain que le mépris de la vie.

Ce grand monde, c'est le miroir où il nous faut regarder pour nous connaître de bon biais.

La plus subtile folie se fait de la plus subtile sagesse.

Philosopher, c'est douter.

Il se trouve autant de différence de nous à nous-mêmes que de nous à autrui.

06/03/2008

Le Manuscrit trouvé à Saragosse (suite)

Dans la prolongement de la note précédente, il faut souligner qu’habituellement, nous avons un auteur et un manuscrit. Enfin, c’est un peu plus compliqué que cela, puisque le manuscrit en question peut parfois subir des transformations importantes au fur et à mesure des corrections apportées par l’auteur. Ceci dit, même si on ne peut jamais vraiment dire que l’ouvrage est définitivement achevé, il arrive toujours un moment où il est publié. La situation est alors figée par le fait que le manuscrit se transforme en livre.

Ici, dans le cas de Potocki, nous sommes en présence de deux manuscrits pour un même roman S’il avait publié son œuvre de son vivant, il aurait opté pour une des deux versions (on peut supposer qu’il aurait choisi la dernière) et l’autre serait pour nous restée dans les limbes du processus de création.

Du coup, le choix de la bonne version revient à l’éditeur, qui se transforme un peu en auteur pour la circonstance. Ainsi, le premier éditeur polonais du « Manuscrit trouvé à Saragosse », Chojecki, mériterait peut-être le nom de co-auteur. En effet, il a manifestement publié (et traduit) la version de 1804, mais comme elle était incomplète, il s’est inspiré de celle de 1810. Il a donc dû agencer les chapitres pour former un tout cohérent (car on a dit à quel point les deux manuscrits pouvaient être différents). Peut-être même a-t-il rédigé lui-même certaines transitions. Il a donc dû, sans trahir l’esprit du roman, le reconstruire quelque peu. Ce « faux » permet en tout cas une lecture cohérente et agréable.

Le livre final n’est donc pas à cent pour cent l’œuvre de Potocki, mais est le fruit d’une collaboration (si on peut dire) entre l’auteur, le traducteur, l’éditeur polonais et l’éditeur français (qui, en 1958, retraduit à partir du polonais).

Ceci dit, on peut supposer que tout livre édité est quelque part la version proposée par l’éditeur. C’est le cas pour les classiques (il a dû choisir telle version plutôt que telle autre), mais aussi pour les contemporains (il a demandé de raccourcir tel passage, de développer tel autre, de modifier la fin, etc.)

Peut-on parler, comme certains, de «processus créatif transindividuel » ? Peut-être bien. Sans parler du fait que chaque écrivain reproduit, qu’il le veuille ou non, une partie des livres qu’il a lus, non qu’il en fasse un vulgaire plagiat, mais simplement parce que le processus de création passe par la mémoire et donc aussi par le souvenir des livres que l’on a lus. C’est la notion d’intertextualité : c’est avec de la littérature qu’on fait de la littérature.

En poussant le bouchon plus loin, on pourrait donc dire que l’œuvre d’un écrivain (retouchée par son éditeur) continue d’exister chez les autres auteurs puisqu’ils s’en inspirent pour créer leurs propres œuvres.

Le lecteur lui-même, étape ultime de ce grand jeu de réécriture, ne va-t-il pas contribuer à faire vivre cet imaginaire ? En faisant siennes les réflexions trouvées dans les livres, en se les appropriant (dans le sens que Montaigne donnait à ce mot), il crée à son tour et à son insu tout un univers mental qu’il va contribuer à répandre autour de lui.

04/03/2008

Le manuscrit trouvé à Saragosse

Nous connaissons tous ce merveilleux livre qu’est le « Manuscrit trouvé à Saragosse ». Celui-ci est étonnant à plus d’un titre. D’abord parce qu’il fut rédigé directement en français par Jean Potocki, un comte polonais, ce qui en dit long sur le rayonnement de la langue française à la fin du XVIII° siècle. Il n’y a tout de même pas eu beaucoup d’écrivains qui ont renoncé à leur langue maternelle pour écrire dans une autre. Dans le domaine français, à part Beckford et Beckett, je n’en vois pas tellement. Ah si, Maeterlinck, mais qui regrettera toujours de n’avoir pas pu s’exprimer dans la langue de son peuple, à savoir le flamand (l’aristocratie et la haute bourgeoisie flamande parlaient le français à l’époque. Maeterlinck comprenait donc le flamand mais ne le parlait pas).

Mais revenons au roman de Potocki. Outre le fait, donc, qu’il a été écrit en français, ce livre est aussi un chef d’œuvre de composition. Véritable labyrinthe, chaque chapitre se termine de la même manière, ce qui est tout de même un tour de force. Exemple classique du roman à tiroirs, cet ouvrage va bien au-delà de la prouesse stylistique puisque les destinées des différents personnages se reflètent les unes dans les autres, créant un monde imaginaire qui devient un véritable univers. Le héros, arrivé en Espagne pour devenir capitaine des Gardes wallonnes, connaîtra en fait une aventure initiatique. L’action se situe dans la chaîne des Alpujarras. A chaque fois qu’il rencontre quelqu’un, la personne rencontrée lui raconte sa vie. Dans le récit qui est alors fait (histoire dans l’histoire, donc) il est fait allusion aux narrations que d’autres protagonistes ont pu faire à celui qui est en train de raconter (histoire dans l’histoire dans l’histoire). Ces personnages dont on parle, le héros finira par les rencontrer. Ils se mettront à donner leur propre version des événements (dont nous avions déjà connaissance sous un autre éclairage). Nous sommes donc finalement en présence d’une quintuple mise en abîme.
C’est assurément un tour de force. Sans compter que ce n’est pas gratuit et que le lecteur se laisse prendre au jeu

Quelqu’un comme Nabokov se vantait dans « Feu pâle » d’avoir atteint ce que l’on pouvait faire de mieux en matière de trame narrative. C’est lui qui le dit, mais son roman m’avait laissé relativement froid, alors que dans le « Manuscrit trouvé à Saragosse » est bien autre chose.

S’il a autant d’attraits, ce livre, c’est qu’au-delà de la technique narrative (exceptionnelle, répétons-le) il est aussi une somme romanesque de tous les genres. Voici ce qu’on en dit sur le site des éditions Corti, qui republièrent le roman en 1989 :

« roman picaresque, histoire de brigands, roman noir, conte fantastique, roman libertin, conte philosophique, histoire d’amour, toutes ces formes s’entrelacent en un ballet féerique parfaitement réglé. Cette complexité n’est pas gratuite : le texte devient le miroir d’un univers à perspectives multiples, où coexistent des systèmes de valeurs, des conceptions religieuses et philosophiques, des sentiments de l’honneur apparemment incompatible. C’est la "modernité" apparente d’un texte qui, tel Gulliver, Don Quichotte et les grands romans du XXe siècle, transcende son époque et le genre du roman. »

L’histoire du manuscrit n’est pas dénuée d’intérêt non plus.

Du vivant de Potocki, seules furent imprimées mais non commercialisées les Journées 1 à 13 et quelques extraits (Avadoro et Dix journées de la vie d’Alphonse Van Worden) soit à peu près la moitié du texte.

En 1847, Edmond Chojecki publia à Leipzig une traduction intégrale en polonais, d’après un manuscrit qu’il tenait des archives de la famille Potocki et qu’il aurait ensuite détruit.
En France, il faudra attendre 1958 et Roger Caillois pour prendre connaissance du roman (un quart environ)

Corti, en 1989 se basera sur la totalité des sources accessibles (les imprimés, les autographes et copies manuscrites de fragments de l’œuvre et la traduction de Chojecki). C’est dans cette édition que j’ai lu le livre autrefois.

J’apprends maintenant qu’une nouvelle version vient de sortir chez Garnier-Flammarion.
Il faut savoir qu’en 2002, Dominique Triaire et François Rosset, deux chercheurs lancés sur les traces de Potocki, découvrent six manuscrits mal classés dans les archives de Poznan (Pologne). Il s’agit d’une deuxième version du « Manuscrit trouvé à Saragosse ». Il est vrai que l’auteur avait commencé à écrire son œuvre avant 1794 et que la rédaction et les réécritures successives durèrent plus de vingt ans (jusqu'au suicide de Potocki).

Il existait donc deux versions, celle de 1804, assez baroque et celle de 1810 entièrement remaniée et présentée « sous une forme plus sérieuse et encyclopédique » nous dit-on chez Garnier-Flammarion.

Notons que l’édition de Corti reprenait la version de 1804 et pour certains passages (la fin), traduisait la version polonaise décrite plus haut (elle-même étant donc une traduction du texte français de Potocki). Ici, nous aurions donc la version authentique en français (celle de 1810) et donc les mots réels employés par l’auteur.

Cependant, les deux versions sont finalement assez différentes. Le romancier a tellement remanié son manuscrit qu’on peut presque dire que nous sommes en présence de deux romans différents. C’est la raison pour laquelle que F. Rosset et D. Triaire ont finalement décidé de publier les deux versions en parallèle et dans deux volumes (d’abord chez Peeters en 2006, puis maintenant chez Garnier Flammarion en janvier 2008).

C’est que si la version de 1810 nous donne un texte mieux structuré et qui est vraiment de la main de Potocki, celle de 1804, même si elle inachevée (elle s’interrompt brutalement) et même s’il a fallu la compléter à partir des traductions en polonais, reste plus attachante dans son foisonnement même. Ainsi, certains épisodes particulièrement riches et centraux pour la signification d’ensemble du roman ont été supprimés dans la version « complète » de 1810 (qui, si elle va jusqu’à la fin de l’histoire, n’en est pas moins « abrégée » par le fait de la suppression de ces passages). Par exemple, des dizaines de pages consacrées au personnage du Juif errant ont été supprimées dans la version de 1810. De plus, il paraît (je n’ai lu que l’édition Corti, donc la version de 1804 complétée à partir des traductions) que le principe de répartition des intrigues en journées diverge considérablement. Dans la version de 1804, le récit s’interrompt souvent et mène en parallèle diverses narrations superposées, ce qui n’est pas le cas en 1810. Le ton aussi, serait différent. Plus enjoué et exubérant en 1804, il devient moins libre et plus retenu en 1810.

Tout ceci est tout de même incroyable. On a un auteur qui écrit pendant plus de vingt ans (dans une langue qui n’est pas la sienne) sans être reconnu comme écrivain et qui ne verra pas son oeuvre publiée de son vivant (sauf des extraits : les dix premières journées sur plus de soixante, dans une édition de 1805 tirée à une centaine de volumes seulement). On imagine facilement quels durent être ses doutes et par quels moments de découragement il a dû passer. En France, il faut attendre 1958 pour que ce roman «français » voie le jour. Enfin, on se retrouve avec deux manuscrits, ce qui fait que ce n’est plus l’auteur qui fait le livre, mais l’éditeur, qui, par ses choix, en compose le contour.

Il y a vraiment de quoi s’y perdre et la destinée des manuscrits est finalement à l’image même de l’histoire racontée. C’est une incroyable aventure où tout s’emboîte à l’infini sans que l’on sache jamais vraiment où est la vérité.





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03/03/2008

Le mot du jour

Le chef de la diplomatie Bernard Kouchner a estimé que la nomination de sa compagne Christine Ockrent à la direction de l'audiovisuel public extérieur était "un bon choix". Tiens donc.

"S'il y avait conflit d'intérêt, je serai le premier à le reconnaître, je ne me mêlerai pas du tout d'audiovisuel extérieur, j'en fais le serment." Donc acte. Mais est-il à la bonne place pour juger s’il y a ou non conflit d’intérêt ?

"Je ne vois pas pourquoi c'est toujours les femmes qui devraient démissionner", a ajouté M. Kouchner. ", ce qui laisse supposer qu’en cas de problème, c’est lui qui démissionnera. Pourquoi pas ? Il pourra toujours trouver une place dans l’audiovisuel.

Bref, qu’on se rassure. La presse est libre et n’a pas l’intention de faire l’apologie du gouvernement. Puisque c’est un membre du gouvernement qui le dit…




29/02/2008

Classiques Garnier

Fondées en 1833, les éditions Garnier Frères se sont éteintes en 1983. J’appréciais surtout la collection des «Classiques G arnier», ces gros livres jaunes abondamment annotés. Il s’agissait tout de même d’éditions scientifiques sérieuses dont le prix de revient était nettement inférieur à celui de la Pléiade. Avec des couvertures souples en carton (mais qui résistent), ces livres étaient plus faciles à emporter que leurs prestigieux concurrents sur papier bible, lesquels, par leur côté tape à l’œil, semblent condamnés à être lus dans l’intimité de votre bibliothèque plutôt que dans un train.

Imaginés en 1893, ces livres jaunes de Garnier voulaient fournir de la littérature à prix modique. Jean Giono se souvenait de cette époque: «Euripide, Eschyle, Sophocle, Aristophane, Virgile, coûtaient 0,95 F dans les Classiques Garnier. Avec mes deux francs, j'avais deux de ces gens-là et il me restait deux sous.»

Au cours du XXe siècle, la tendance à l'érudition va l’emporter sur l’aspect social (ils n’étaient quand même pas bon marché non plus). Puis, il y eut la concurrence des livres de poche proprement dits, dont l'appareil critique a eu tendance à se développer (notes, introduction, dossier en fin de volume, etc.)

Bref, rachetés en 1998 par la société Classiques Garnier Multimédia (filiale d'Infomédia), les Classiques disparaîtront en juillet de la même année pour être relancés en septembre, toujours sur le même principe : édition de référence et textes puisés dans le patrimoine littéraire. Le format, paraît-il, avait changé (je n’en possède aucun de cette époque) : nouvelle maquette et surtout expérience multimédia (un CD accompagne le volume afin, je suppose, d’entendre la voix de l’écrivain quand c’est possible ou celle d’un grand critique quand ce ne l’est pas).

Ainsi, j’ai trouvé dans Google :

Les plus grandes oeuvres de la littérature française : le cédérom
Paris, Classiques Garnier multimédia, 2002, 335 p., + 1 CD-ROM


Ce CD-Rom réunit 168 textes écrits par 77 auteurs, du Chevalier de la charrette de Chrétien de Troyes (1170) au Diable au corps de Radiguet (1923). Une vingtaine sont lus par le comédien Jacques Bonnaffé. On accède à une oeuvre en choisissant une période, son auteur ou son titre, tous classés par ordre alphabétique.

Pour chaque texte est aussi mentionnée l'édition choisie. Il est également possible d'effectuer une recherche d'occurrence sur un mot ou une partie de mot. Tous les textes, imprimables, peuvent être copiés sur le disque dur, à condition d'ajouter manuellement le suffixe de l'extension voulue.


Bon, concrètement, cela signifie que la collection a voulu se mettre au goût du jour en misant sur un public plus large (dans l’exemple cité, il s’agit manifestement d’une anthologie) et des moyens de communication modernes (le CD-room).

Ce choix a-t-il été judicieux ? Il semblerait que non. A ma connaissance, les « classiques Garnier » ont disparu de la circulation sans faire de bruit. On ne les trouve plus dans les librairies, même les bonnes. C’est un pan de l’histoire de l’édition qui disparaît. Un pan de notre jeunesse aussi.

Maintenant, il se pourrait bien que le fonds ait été repris une nouvelle fois par un autre éditeur et que les livres soient toujours publiés sous un autre nom et sous un autre format. Si quelqu’un est au courant de quelque chose, qu’il se manifeste.



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27/02/2008

Cultiver son jardin

« Il faut cultiver notre jardin » disait le Candide de Voltaire.
Le problème, avec ce genre de citation que l’on extrait du contexte dans lequel elles ont été écrites, c’est qu’on finit par leur faire dire à peu près n’importe quoi.

Le sens premier est qu’il vaut mieux vivre modestement sans trop se soucier des affaires du monde, dont on ne parviendra jamais pas à modifier le cours des événements.

Maintenant, on pourrait tout de même prendre ces termes dans un sens second, sans en altérer la philosophie générale. Le terme « jardin », au lieu de désigner un jardin réel (et faire référence à une activité bucolique reposante), pourrait renvoyer à la culture. L’expression, alors, voudrait dire : mieux vaut vivre pour soi, en s’intéressant aux connaissances qui peuvent nous enrichir, plutôt que de perdre notre temps à nous impliquer dans la grande agitation du monde.

Ce qui nous renvoie à une autre notion : la culture n’est-elle pas un repli sur soi ? De prime abord, non, puisqu’elle est avant tout une ouverture vers l’extérieur (et qu’elle m’oblige à quitter les préoccupations de mon « moi » nombriliste), mais d’un autre côté elle peut être considérée comme un plaisir et donc comme un refuge.

Ainsi, je peux préférer flâner entre les rayons d’une librairie plutôt que de m’abreuver à la télévision des propos éloquents d’un homme politique de renom en train de visiter une foire agricole. Ou, si j’apprends l’incident qui s’est produit lors de cette foire agricole, plutôt que de m’agiter en prenant parti, je peux, plus sagement, relire le passage des comices agricoles dans « Madame Bovary ». Ce sera plus bénéfique pour moi et me permettra de prendre du recul avec l’agitation ambiante.
Mais est-ce que ce recul, si salutaire qu’il soit, n’est pas une sorte de fuite ? Car cela revient à ne plus vouloir voir le monde qui m’entoure en me réfugiant dans une activité que j’aime bien..

On pourrait tenir le même raisonnement pour les écrivains. Doivent-ils parler de poésie ou prendre parti dans la lutte politique ? Et s’ils adoptent cette dernière attitude, doivent–ils le faire dans leur oeuvre ou simplement en tant que citoyen ?

Comme quoi, quand on commence à se poser des questions, on n’arrête plus.

25/02/2008

Le nouveau roman est mort.

A l’enterrement dAlain Robbe-Grillet, à Caen, il n’y avait pas un éditeur (à l’exception des fils de Jérôme Lindon, le patron des éditions de Minuit ), pas un académicien, pas un membre du jury Médicis, dont il fut pourtant un des fondateurs). On remarquait juste la présence du directeur de « l'Institut Mémoires de l'édition contemporaine » installé à Caen, précisément (à l’abbaye d’Ardennes, si ma mémoire est bonne). On sait que l’auteur avait cédé ses archives à cet Institut et on en déduit que son directeur ne pouvait pas faire autrement que d’être présent..

Ce silence du monde des lettres est impressionnant. Certes, il y avait bien quelques officiels, comme le président du Centre national du livre, ou bien une représentante de la ministre Christine Albanel (qui ne s’et pas déplacée en personne), ainsi que les actuels et précédents présidents du conseil régional de Basse-Normandie, mais en dehors de ces délégations obligées, rien.

Cet enterrement en dit long sur l’influence posthume de Robbe-Grillet et de son nouveau roman. Le « pape » s’en est allé dans l’indifférence générale. Lui qui avait atteint, à une certaine époque, les sommets non pas de la popularité, mais en tout cas de la célébrité, le voilà qui part seul vers sa demeure d’éternité. A n’avoir écrit que sur les choses, il s’est sans doute attiré la haine des humains, ses semblables. Cela nous fait comprendre que la gloire est souvent passagère. Seule la postérité décidera s'il convient de conserver quelque chose de son œuvre.

22/02/2008

Pouchkine

Pouchkine, "récits."

Livre trouvé d’occasion dans la collection aujourd’hui disparue du livre de poche classique (relié et couverture rouge). Enfin, le livre de poche classique existe toujours, mais pas avec cette couverture rouge en gros carton épais. Au moins voilà des ouvrages qui durent et qui ne risquent pas de se couper en deux quand je les ouvrirai dans quinze ans, comme c’est habituellement le cas avec mes « Marabout Université » et les autres poches. Celui que je tiens en main date de 1964 et il a fait ses preuves. De plus, comme il a été acheté un euro chez un bouquiniste, je me dis que la lecture reste tout de même accessible pour celui qui le veut vraiment. Pendant longtemps j’ai d’ailleurs systématiquement acheté en occasion. Cela permettait d’avoir des livres de meilleures qualité à des prix souvent dérisoires. L’inconvénient, évidemment, c’est que vous êtes tributaire de ce qu’il y a en rayon (ou dans les boîtes). Il ne faut pas espérer trouver un livre précis, mais avec un peu de temps on finit toujours par tomber dessus.

Ce livre de Pouchkine contient les récits suivants :

- La fille du capitaine.
- Le maure de Pierre le grand
- Le convive de pierre.
- La roussalka

« La fille du capitaine » repose sur des événements historiques. On peut donc le qualifier de roman historique. En réalité, Pouchkine, était proche du Tsar , lequel avait par ailleurs des vues sur sa femme. Il faut dire que lui-même avait des vues sur l’impératrice, alors…
Je disais donc que le Tsar avait demandé à l’écrivain de publier un livre sur la reconquête du Sud de la Russie, après l’insurrection des cosaques de Pougatchev, celui-ci s’étant proclamé illégalement empereur.
Pouchkine finit par être tellement fasciné par le personnage de Pougatchev, que celui-ci devient un des personnages principaux de son livre, qu’il détourna ainsi de son but premier : faire l’apologie des Tsars.
On y trouve des descriptions savoureuses, comme celles de la garnison qui occupe un fort sur le frontière. Il ne se passe rien (comme dans « Le désert des tartares ») et les soldats vivent en famille dans la maison du capitaine, aidant sa femme à tricoter en dévidant la laine.
La suite est plus martiale, avec les exécutions menées avec barbarie par les cosaques.
A partir d’une belle histoire d’amour (le jeune héros s’est amouraché de la fille du capitaine), Pouchkine dresse un tableau assez invraisemblable certes, mais où le personnage de Pougatchev est haut en couleur.

Dans « Le maure de Pierre le grand », Pouchkine avait le projet de retracer la vie d’un de ses ancêtres (un esclave noir arraché aux Turcs et auquel l’empereur s’était attaché). Le roman reste inachevé et le lecteur ressent la même impression qu’à la fin de Bouvard et Pécuchet ou de Armance. Le destin a emporté l’auteur en pleine création et la page blanche laisse à chaque fois un sentiment amer.

On connaît la fin tragique de Pouchkine, qui mourut en duel pour défendre l'honneur de sa femme.

21/02/2008

Réponse de la bergère aux bergers

Suite de l’article précédent.

« Christine Ockrent, la future directrice générale de la holding chapeautant l'audiovisuel extérieur français, a estimé "injuste et humiliant" le fait "d'être périodiquement ramenée à ce statut de femme de"

En tant que femme, elle n’a pas tort, évidemment. Il n’empêche que si cela avait été le contraire (elle ministresse et lui directeur de l’audiovisuel), le problème aurait été le même. C’est l’objectivité de l’information qui est en cause.
On veut ramener le débat sur le terrain privé pour nous faire oublier que toutes les chaînes, qu’elles soient privées ou publiques, sont à la solde de quelqu’un.

On parle beaucoup de la liberté de la presse et on regrette ce qui se passe dans certains pays. Mais notre propre presse ne dit pas tout, loin de là et elle répond aux injonctions du pouvoir.

En se présentant comme une victime, Chritine Ockrent met de son côté toutes les femmes et toute la gauche (qui n’osera plus lui reprocher quoi que ce soit au nom de la liberté).

En attendant elle prend les rênes du pouvoir et je maintiens qu’il y a peu de chance que nous puissions voir une émission critique à l’encontre de l’actuel gouvernement. Il faudrait pour cela que son mari fût remercié pour incompétence (tiens n’avait-il pas dit qu’il allait solutionner le problème israélo-palestinien ? Justement, la solution tarde un peu à venir, il me semble).


Jouer à l'épouse est devenu humiliant
Et semble être un signe des temps
Cécila l’avait bien compris,
Qui, à peine arrivée, aussitôt partit.
Ce ne fut point le cas de Carla
Qui sarkozy épousa
Quant à Christine, la nouvelle directrice
Elle dit que c’est une injustice
Que de répéter à toute la terre
Qu’elle vit avec Kouchner.
En attendant, la presse n’est point libre.
Mieux vaut retourner à nos livres.


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20/02/2008

Une télévision publique de qualité.

Nouvelle idée du président Sarkozy. Il a déclaré vouloir que les chaînes de télévision publiques en France diffusent des programmes de qualité sans "tyrannie" de l'audience, et non plus "du pain et des jeux", pour justifier son projet contesté d'y supprimer la publicité. »

Ma foi, on ne peut qu’applaudir des deux mains. Si j’étais président, je n’aurais pas fait autre chose. Ceci dit, venant de lui, je me méfie.

Il a pourtant assuré vouloir compenser (mais comment , les caisses sont vides ?) la perte de revenus liée à la suppression de la publicité.

Il a même ajouté qu’aucune chaîne publique ne serait privatisée.

On croit rêver. Cela cache quelque chose, c’est sûr. Nicolas qui finance la culture, qui veut des programmes de qualité, qui se désintéresse de l’audimat, c’est pour le moins étrange. Il est vrai que son propre audimat (sa cote de popularité) est en chute libre, mais bon…

Revenir à une chaîne publique de qualité, qui tirerait les auditeurs vers le haut, plutôt que de les rassasier de leur propre image dans des séquences de télé réalité qui tournent en boucle, c’est magnifique.

Mais je n’y crois pas. Cela cache quelque chose, je l’ai déjà dit. Mais quoi ? Ou alors l’idée ne vient pas de lui.

Je feuillette un peu la presse et je découvre ceci :

« Christine Ockrent, 63 ans, journaliste belge et compagne du ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner, deviendrait la directrice générale du holding France Monde qui chapeautera France 24, TV5 Monde et RFI, à en croire les révélations faites ce mardi par « le Figaro ».

Nous y voilà. Il fallait une place pour Mme Ockrent.

Elle qui avait cessé d'animer une émission politique de France 3 lorsque Bernard Kouchner était devenu ministre des Affaires étrangères tant elle était intègre et impartiale, se retrouvait sans emploi.
En effet, elle ne présente plus qu’une fois par semaine un billet de six minutes pour France 24 avec un salaire annuel de 120.000 euros. Une aumône, quoi.

En la nommant directrice générale, elle ne va certainement pas influencer les programmes et faire l’éloge de Nicolas ou de sa politique (ou encore de l’Otan car c’est une atlantiste convaincue, liée à des cercles d’influence dans ce domaine). En tout cas, c'est ce que croiront les téléspectateurs qui ne la verront plus sur les écrans. N’est-ce pas ce qui compte, après tout ?

Et puis on ne pourra plus se plaindre qu'il n'y a que TF1 qui fait de la publicité pour Nicolaou.

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19/02/2008

Devoir de mémoire

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1940-1945, l'horreur


Il n’en rate pas une, notre ami Sarkozy. Il aurait voulu dresser l’une contre l’autre les différentes communautés présentes en France qu’il ne s’y serait pas pris autrement avec son projet de parrainage des enfants juifs massacrés pendant la guerre.

La France, qui se pensait comme un état laïc, est en train de redécouvrir qu’elle est composée de citoyens appartenant à des religions différentes. Nicolas, accompagné de sa future belle-mère ( ???) était allé salué le pape en décembre. Rien de plus normal que ces visites entre voisins bien éduqués, mais de là à affirmer que le prêtre ne remplacera jamais l’instituteur, il y a un pas qu’il aurait mieux fait de ne pas franchir. Cela revenait à mettre sur le devant de la scène politique une religion catholique par ailleurs un peu à bout de souffle. Cela revenait aussi à dire que tout bon dirigeant avait besoin du secours de la religion pour cantonner les citoyens dans l’espérance d’un monde meilleur et les empêcher de se révolter contre leur pouvoir d‘achat en chute libre. Rien de plus conservateur, en effet, que la hiérarchie de l’Eglise. En vous apprenant à ne pas séduire la femme de votre voisin (surtout s’il s’appelle Nicolas) et à ne pas voler le jet privé de votre patron, l’Eglise vous donne une conscience morale irremplaçable.

Ceci dit, il convient de nuancer et je connais des prêtres qui, sur le terrain, font un travail social remarquable, tandis que d’autres critiquent à juste titre la société de consommation basée uniquement sur l’argent et le mépris de nos semblables. On pourrait citer aussi des mouvements comme la Théologie de la libération, qui, en Amérique du Sud avait pris le parti des plus pauvres. Enfin, il s’agit souvent d’initiatives individuelles qui sont généralement en conflit avec Rome et on comprend pourquoi.

Mais revenons à Sarkozy. Après sa visite à Saint Jean de Latran en décembre 2007, le président a déjà annoncé qu'il assisterait à une séance solennelle de la loge maçonnique du Grand Orient de France. Pendant ce temps, les musulmans attendent patiemment leur tour (mais ils ont déjà eu droit à un discours tenu en Arabie, dans lequel le grand Calife Nicolas I faisait l’éloge du fait religieux).
En rappelant ainsi que chaque Français est religieusement différent de son voisin, il va réveiller les communautarismes. Ne vaudrait-il pas mieux insister sur les valeurs communes et rappeler que l’idéal républicain ne fait pas de différences entre les citoyens ?

En remettant maintenant le problème juif sur le devant de la scène, il risque de faire pis que mieux. Curieusement, lui qui dit que la France n’a pas à se repentir de ses actions et surtout pas de son passé colonial, voilà qu’il invite chaque enfant à ruminer le passé et à se culpabiliser pour ce que ses ancêtres auraient fait.

Bien sûr, ce sont là des faits dramatiques qu’il ne convient pas d’oublier et même s’il n’y avait eu qu’un seul enfant juif de tué pour la seule raison qu’il était juif, il faudrait encore en parler et dénoncer une telle barbarie. Bien sûr, le devoir de mémoire s’impose. Mais prenons le cas des jeunes Allemands. Doivent-ils être éduqués dans la repentance plus de soixante ans après les faits ? Sont-ils eux, en tant qu’individus, personnellement responsables des atrocités commises par leurs ancêtres ? Non, bien sûr. Ce qui ne veut pas dire qu’ils ne doivent pas savoir ce qu’a fait l’Allemagne à cette époque, afin précisément qu’ils agissent autrement. Mais ils ne vont tout de même pas, à chaque sommet européen, s’excuser devant la délégation française des actes commis par leur pays dans le passé. Nicolas l’a bien dit : il ne faut pas toujours se sentir coupable.

Alors, ce qui est vrai pour les Allemands l’est aussi pour les Français. D’autant plus qu’il ne faut pas oublier que pas mal de citoyens ont caché des Juifs pendant la guerre et que c’est leur gouvernement qui a honteusement collaboré. Donc, jusqu’à preuve du contraire, c’est surtout le monde politique de l’époque qui semble coupable, beaucoup plus que les personnes ordinaires, dans les rangs desquelles ont a tout de même trouvé des résistants pour s’opposer aux Allemands et des êtres sensibles pour s’insurger, avec leurs modestes moyens, contre les rafles des Juifs.

En résumé, si quelqu’un devait vraiment se sentir coupable, ce serait le successeur de Pétain, le grand Nicolas lui-même, pas à titre personnel, évidemment, mais de par la fonction qu’il occupe. Alors qu’il aille faire des excuses à Jérusalem au nom de l’Etat français si cela lui chante, c’est une chose, mais qu’il décide de culpabiliser toute la jeunesse actuelle, cela me semble particulièrement morbide. Un peu comme l’était déjà l’imposition de la lecture de la lettre de Guy Moquet. Les psychologues feraient bien de se pencher sur les conséquences que pourraient avoir un tel type d’enseignement ainsi que sur les motivations profondes du chef de l’Etat, qui semblent un peu pathologiques.

De plus, en imposant d’en haut une telle mesure ne risque-t-il pas d’obtenir le contraire de l’effet escompté et dresser la communauté musulmane contre les enfants juifs ? On dira certes qu’il ne faut pas se plier à ce genre de considération (et je suis le premier à trouver étranges ces horaires de piscines qui visent à séparer les hommes des femmes et cela afin de complaire aux exigences des imams) mais tout de même, le rôle d’un Président n’est-il pas de rassembler plutôt que de diviser ?

En fait Sarkozy est étrange et imprévisible. Pourquoi, au moment de son élection, avait-il boudé les cérémonies commémoratives du 8 mai (capitulation de l'Allemagne), mais avait tenu à assister à la Journée du souvenir de l'esclavage ? Etrange pour quelqu’un qui veut préserver la mémoire de l’Histoire mais qui ne veut pas se repentir. N’aurait-il pas dû faire l’inverse, s’il voulait être logique avec lui-même ?

On pourrait aussi regretter que les cours d’Histoire ne sont plus ce qu’ils étaient. Ne serait-il pas plus judicieux de les rétablir (y compris un cours de critique historique) afin non seulement de ne pas oublier des faits aussi importants que la Shoah, mais aussi afin de pouvoir replacer ces faits dans un contexte précis. Non, dit le Président, le «devoir de mémoire», ce n’est pas l’Histoire. On le regrettera car sensibiliser les jeunes à ce problème en jouant exclusivement sur la corde affective, c’est se rapprocher de pratiques comme le culte du héros. La seule différence, c’est que le héros, ici, est une victime.

A la limite, glorifier Jeanne d'Arc comme Pétain ou Le Penn ont pu le faire est certes contestable (puisqu’on poursuit en fait un but inavouable et inavoué) mais offre au moins l’avantage de vouloir rassembler tout le monde sous une seule bannière, celle de la France (avec cette restriction que pour le Penn, les immigrés n’ont pas à être français). De plus, le culte du héros voulait forger les personnalités en encourageant l’émulation : quels hommes que Surcouf, Du Guesclin, etc. ! Certes, une telle démarche nous semble aujourd’hui bien contestable et bien ridicule, puisqu’elle visait en fait à renforcer le patriotisme ou la religion (si l’idole était un saint comme Saint Vincent de Paul), mais au moins canalisait-elle les efforts dans un sens positif. Ici, c’est le contraire. Non seulement on revient avec un matraquage idéologique digne de ces époques qu’on croyait révolues, mais en plus le résultat final sera négatif puisqu’au mieux il culpabilisera et au pire il divisera.

Maintenant, s’il faut accepter ce «devoir de mémoire»,à la demande du président, pourquoi ne le pratique-t-il pas lui-même quand il se rend en Algérie par exemple ? Pourquoi les crimes perpétrés la-bas par les Français ne doivent –ils pas être rappelés alors que les mêmes crimes contre le peuple juif doivent l’être ? On sent bien qu’il y a inégalité de traitement et notre cher Nicolas voudrait attiser le ressentiment dans les banlieues à forte composante maghrébine qu’il ne ferait pas mieux.

Parce qu’il s’il faut se remémorer tous les crimes de l’Histoire, on peut y aller. A commencer par la Saint Barthélemy (comme cela il verra que la religion a parfois des excès et que c’est bien pour cela qu’on a préféré un état laïque), mais aussi la colonisation, le massacre des populations amérindiennes par les Espagnols, sans parler des bombes au napalm sur le Vietnam.

Ce n’est pas tout à fait la même chose, me direz-vous. Dans les cas que je cite, il s’agit simplement d’un pays qui impose sa volonté à un autre (colonisation) ou ses idées à un autre (St Barthélemy), tandis que les enfants juifs, eux, ont été massacrés exclusivement à cause de leur appartenance à une race. C’est vrai. Mais alors on pourrait citer le génocide cambodgien, la guerre civile de Yougoslavie (dont le dernier chapitre vient de s’inscrire hier avec l’indépendance du Kosovo), les attentats entre Chiites et Sunnites, l'épuration raciale et religieuse au Soudan et finalement le génocide rwandais (où la France, qui soutenait inconditionnellement les Tutsis semble idéologiquement bien impliquée).

Ne conviendrait-il pas de faire appel à l’intelligence et à la raison pour éviter ce qui se passe sous nos yeux plutôt que de jouer sur l’émotionnel en retournant soixante ans en arrière ? En n’oubliant pas que les débats de nature émotionnelle retombent aussi vite qu’ils sont nés. S’il veut que son action perdure, Sarkozy ferait donc bien mieux d’en appeler à la raison plutôt qu’à l’affectif.

Sans compter qu’étant lui-même d’origine juive, son calcul ne semble pas désintéressé. On va l’accuser de travailler pour son camp c’est-à-dire pour Israël. Même si sa démarche, au départ, est louable et part d’un bon sentiment, on va lui reprocher de se servir de la France et des Français pour tenter de justifier ou du moins de faire oublier ce qui se passe aujourd’hui dans la bande de Gaza.

Car était-il normal, quand les Américains ont imposé un boycott international à l’Irak, avant la guerre contra Sadam Hussein, que des enfants soient morts dans les hôpitaux par manque de médicaments ? Est-il normal que la même chose risque d’arriver à Gaza ? Ces situations ne datent pas d’avant-hier, elle se déroulent sous nos yeux. Le mur qui coupe la Palestine en deux commence furieusement à ressembler aux murs des anciens ghettos, si ce n’est que ce ne sont plus les mêmes qui sont enfermés. Nous sommes là en pleine urgence et la communauté internationale devrait se mobiliser. Rien ne bouge et rien ne bougera. Alors je veux bien d’un devoir de mémoire, mais il ne doit pas être à sens unique. Ce qu’il faut chasser, c’est la barbarie. Que m’importe à moi que l’enfant qu’on maltraite soit juif, arabe ou indien ? C’est un enfant avant tout. En réintroduisant le critère de la race dans ce genre de débat, on joue un jeu dangereux. Il n’y a pas de bonnes et de mauvaises victimes, il y a des victimes, point final (y compris des victimes israéliennes qui tombent à cause des kamikazes fanatiques, ne l’oublions pas non plus ).


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Palestine, Gaza, l'horreur

Expression (1)

Pousser des cris d'orfraie

- Hurler, pousser des cris stridents (souvent disproportionnés par rapport aux faits)
- protester violemment



L'orfraie est un rapace piscivore (aigle de mer) à queue blanche et qui peut atteindre 2,5 mètres d'envergure. Ses cris ne sont pas plus stridents que ceux des autres oiseaux.

Vraisemblablement, il y a eu confusion entre les mots « orfraie » et la chouette « effraie ». Ce rapace nocturne peut, lui, dans certaines conditions, pousser des hurlements qui, autrefois, ont dû effrayer les passants attardés. Il fut imaginer la scène en l’absence totale de lumière. Rien de plus effrayant, en effet, que d’entendre ce cri lorsque vous traversez un bois la nuit dans l’obscurité la plus totale.

Le sens initial de l'expression est bien la frayeur. Par dérivation, elle s’est appliquée à quelqu’un qui proteste violemment, soit à cause de l’intensité des cris émis, soit à cause de la réaction disproportionnée qui est observée. Les personnes qui protestent bruyamment contre une décision anodine et prévisible s’agitent finalement pour pas grand chose, comme le fait la chouette effraie quand elle crie.

On retrouve l'orfraie dans un poème de Verlaine, Cauchemar, dans les Poèmes saturniens.


J'ai vu passer dans mon rêve

—Tel l'ouragan sur la grève,

D'une main tenant un glaive

Et de l'autre un sablier,

Ce cavalier

Des ballades d'Allemagne

(...)

Un grand feutre à longue plume

Ombrait son oeil qui s'allume

Et s'éteint. Tel, dans la brume,

Éclate et meurt l'éclair bleu

D'une arme à feu.

Comme l'aile d'une orfraie

Qu'un subit orage effraie,

Par l'air que la neige raie,

Son manteau se soulevant

Claquait au vent,

(...)




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18/02/2008

Des présidentielles américaines

Le monde bouge, c’est inévitable.

La Russie tente de redevenir une grande puissance, sans pouvoir toutefois s’opposer à l’indépendance du Kosovo, voulue par les Etats-Unis. Ceux-ci poussent ainsi l’Union européenne à grignoter petit l’ancienne zone d’influence soviétique, sans que l’on sache bien où cela se terminera.

En attendant, au Moyen-Orient, les mouvements islamistes n’ont jamais été aussi forts et les risques d’attentats aussi élevés. Le Président Bush était pourtant parti en croisade en Irak pour démanteler le terrorisme. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’a réussi qu’à plonger ce pays dans une guerre civile interminable.

Beaucoup voient avec plaisir l'arrivée des prochaines élections aux Etats-Unis, espérant que le futur président se montrera plus diplomate.

Qu’ils ne se réjouissent pas trop vite.

Les victoires, le 12 février, du sénateur John McCain dans la ville de Washington et dans les Etats de Virginie et du Maryland feront vraisemblablement de lui le candidat du parti républicain.

Le monde diplomatique nous apprend que : « En matière de politique étrangère, M. McCain n'a cependant rien à envier aux « faucons » les plus hallucinés. Parce qu'il se présente comme le héraut d'une « nation judéo-chrétienne » en butte à l'« islamo-fascisme », parce qu'il entend « gagner en Irak, « front central de la guerre contre le terrorisme », le cas échéant en y mettant le prix, M. McCain leur apparaît largement préférable à Mme Hillary Clinton et à M. Barack Obama. (…) (Il préconise)la poursuite de la guerre en Irak, le cas échéant avec des effectifs américains renforcés ; une augmentation des dépenses militaires ; un durcissement très
sensible des relations avec la Russie (dorénavant écartée des réunions du G8) ; la création d'une « Ligue des démocraties » appelée à se substituer aux Nations unies chaque fois que les Etats-Unis et leurs alliés souhaiteront intervenir sans s'encombrer des contraintes de la Charte de l'ONU ; enfin, une approche plus pugnace des rapports avec la Chine et avec les Etats récalcitrants d'Amérique
latine, en particulier le Venezuela. »

Tout cela nous promet encore de jolies guerres qui feront tourner la machine économique (puisqu’il faut bien reconstruire) et plongeront des populations entières dans la misère.

15/02/2008

La faute à Jeanne d'Arc

Tout le monde connaît la Guerre de cent ans, cette longue suite de batailles qui opposa la France et l’Angleterre. On sait aussi que la partie du territoire dont le roi de France est resté maître était particulièrement exiguëe. A l’école, on met en évidence la reconquête à partir de ce petit noyau et les élèves conservent l’idée qu’il ne pouvait en être autrement, que les bons rois qui ont fait la France ne pouvaient perdre et que le territoire national actuel ne pouvait pas être ce qu’il est aujourd’hui.
Cette une illusion de croire cela, bien entendu. Tout aurait pu être différent à chaque étape de l’Histoire, quelle qu’elle soit. Les Anglais auraient pu remporter la victoire et annexer la France. Et quelles en auraient été alors les conséquences pour la langue française elle-même ?


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Pour mieux, comprendre, rappelons les faits.

- Défaite française de Poitiers en 1356. Le roi Jean II le Bon est capturé et il perd la Guyenne, la Gascogne et une grande partie du Poitou.

- Défaite française à Azincourt (1415), les Anglais, aidés des Bourguignons, priennent Paris et s'installent en Île-de-France, en Normandie et en Bretagne

- Du Guesclin (1320-1380) sous Charles V, et plus tard de Jeanne d'Arc (1412-1431) sous Charles VII redonnent l'avantage au roi de France. Il reprend Paris (1436), la Normandie (1450), la Guyenne (1453).

Le prix à payer aura été très cher : agriculture dévastée, famines, peste qui décima un tiers de la population. La noblesse elle-même perdit pas mal d’effectifs, se qui accéléra sans doute la prise de pouvoir de la bourgeoisie.

Mais revenons à la langue française. La guerre avait fait naître de part et d’autre un fort sentiment nationaliste. On a vu qu’en Angleterre c’est l’époque où l’anglais a supplanté le français dans les actes juridiques. Ceci dit, paradoxalement, c’est l’époque où les Anglais adoptèrent la fameuse devise Honi soit qui mal y pense (dans laquelle « honi » s’écrit avec un seul n) pour l'ordre de la Jarretière.

Mais que ce serait-il passé en France si l’Angleterre avait gagné ? Notre belle langue aurait-elle disparu ? Probablement pas. A mon avis, on aurait eu la même situation que venait de connaître l’Angleterre. La noblesse et les classes dirigeantes se seraient mises à l’anglais, tandis que le peuple aurait continué à employer son parler roman.

Encore faut-il savoir qu’à l’époque ce sont les patois qui l‘emportaient.


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Il est donc fort possible que la prédominance du français d’Ile de France aurait été moins forte ou même que celui-ci serait devenu un patois comme les autres.

Si une autre région que l’Ile de France s’était alors imposée lors de la reconquête du territoire, on peut supposer que c’est ce patois-là qui aurait fait force de loi et qui aurait évincé les autres parlers locaux. Nous parlerions alors aujourd’hui gascon, provençal ou champenois. Comme quoi…


A l’inverse, certains linguistes (notamment une certaine Henriette Walter, que j’avoue ne pas connaître, affirme paraît-il dans son livre Honni soit qui mal y pense (avec 2 n, allez comprendre) que, sans l'intervention de Jeanne d'Arc, les Anglais restés en partie francophone auraient pu adopter définitivement le français et transporter plus tard cette langue dans les futurs États-Unis d'Amérique. Selon elle, les chances du français de s'implanter également en Angleterre auraient été incontournables. Les rois anglais parlant naturellement le français auraient continué à parler cette langue (alors qu’une fois « boutés hors de France », ils ont eu la réaction inverse). En d’autres mots, la fusion des deux royaumes se seraient faite à l’avantage du français.

Ce serait donc la faute à Jeanne d’Arc si aujourd’hui les Anglais parlent en anglais. Vu comme cela, évidemment, on se dit qu’elle méritait bien le bûcher.