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20/03/2008

Journée de l'eau

La communauté internationale célèbre paraît-il ce 20 mars 2008 la « Journée mondiale de l'eau ». « Le Monde diplomatique » nous rappelle que le manque d’eau concerne 1,1 milliard d'êtres humains, ce qui n’est pas rien et que l’absence de moyens sanitaires de base touche 2,6 milliards de personnes.
Ce qui est inquiétant, c’est qu’on se sert de cette pénurie pour libéraliser le marché de l’eau. Partant du principe que les états, par définition, sont défaillants, les chantres du libéralisme ont estimé que ce grave problème de l’eau devait dépendre des firmes privées.

Une telle conception est évidemment absurde. Dans nos pays industrialisés, il y a déjà plus d’un siècle que le problème est résolu et que chaque citoyen dispose d’une eau potable pour un prix abordable. Dans un tel contexte, on ne voit pas la nécessité de privatiser un secteur qui fonctionne très bien, si ce n’est pour remplir les poches de quelques-uns (avec l’appui scandaleux de nos dirigeants qui se révèlent ainsi être de piètres hommes d’état.) Dans le tiers-monde, où la situation n’est certes pas idyllique, on peut se réjouir de la volonté d’assurer la distribution d’eau potable, mais on aurait mieux fait d’aider les gouvernements à prendre les mesures nécessaires (plutôt que de les obliger à s’endetter chaque jour d’avantage et à devoir rembourser des intérêts dont la courbe exponentielle a de quoi inquiéter). En effet, en privatisant le secteur de l’eau, les capitalistes n’ont vu que l’énorme marché que cela représentait pour eux et ils ont oublié deux choses. D’une part que ces populations n’étaient pas habituées à payer pour un tel service, ce qui a entraîné des réactions violentes et d’autre part qu’elles n’en avaient de toute manière pas les moyens.

Sinon, ces privatisations se font chaque fois de la même manière : dérégulation, décentralisation, privatisation puis paiement exorbitant par les usagés.

Ce qui me fait dire (mais c’est un autre débat) que l’Europe des régions est un outil du libéralisme pour faire perdre aux états leur suprématie. Ces états avaient la capacité de résoudre les problèmes, de plus, ils avaient tendance à protéger leurs citoyens par des règles strictes (lois sociales, protection de l’environnement, etc.). Il fallait donc casser cette suprématie en confiant petit à petit des responsabilités aux régions. On a vu que même la France, si centralisée depuis Louis XIV, n’a pas échappé aux dictats de Bruxelles. C’est ainsi que les universités, par exemple, doivent envisager leur avenir dans le cadre de leur région (et donc s’arranger pour s’auto financer, ce qui va permettre de monnayer certains services jusqu’ici gratuits). La conséquence sera une inégalité entre universités des régions riches et des régions moins favorisées (avec un transfert des étudiants vers les meilleures écoles, ce qui va encore renforcer la suprématie de ces dernières). Dans un tel contexte, il ne restera comme seule solution que de confier au secteur privé un enseignement que la région ne pourra plus assumer (avec des conséquences incalculables sur le contenu des programmes, orientés vers le besoin exclusif des firmes privées).

Mais revenons au problème de l’eau. Les contrats avec le pays du Sud se sont succédés à un rythme impressionnant. Les forums internationaux aussi. Partant d’une bonne volonté (fournir de l’eau potable à tout le monde), relayés par les ONG et les associations caritatives, ces réunions permettent à l’insu des participants de justifier la privatisation du secteur. Même Kyoto, par exemple, risque ainsi d’être récupéré. L’idée de la pollution et du réchauffement climatique fait son chemin dans les consciences et tout le monde est prêt à payer pour sauver la planète. Il y a fort à parier que des firmes privées vont montrer le bout de leur nez sous peu. C’est déjà ce qui se passe avec l’eau. Voyant que le marché de l’eau est moins intéressant qu’escompté dans le Sud, elle se rabattent sur l’Europe et sur la décontamination. On peut certes se réjouir des mesures prises par Bruxelles concernant l’obligation pour les communes d’avoir des stations d’épuration, mais indirectement tout cela a un coût, coût dont vont bien profiter les firmes privées (construction des stations d’épuration, services payants comme le recyclage des déchets, etc.). Dans un tel contexte, les ex-pays communistes sont une manne providentielle pour ces firmes puisqu’ils offrent un terrain vierge où il reste beaucoup à faire (mais où existe déjà une infrastructure certes vieillotte, mais qui fonctionne encore) et où le niveau de vie de la population va logiquement progresser grâce à l’argent insufflé par l’Union européenne. Un beau marché en perspective. Il ne faut donc pas s’étonner que le pouvoir libéral en place à la Commission de Bruxelles (et sous le regard attendri d’un représentant américain, ce qu’on ignore souvent et dont on se demande bien ce qu’il fait là) pousse à l’élargissement de l’Europe. Les citoyens de l’Ouest paieront la facture qui permettra à un nouveau marché d’émerger (sans compter que pendant vingt ans le prix de la main d’œuvre restera dérisoire à l’est, ce qui permettra de belles délocalisations particulièrement fructueuses). Ce ne sont pas les politiciens locaux qui feront de l’opposition. Ex-communistes, il n’y a pas plus convaincus qu’eux des bienfaits du libéralisme. On l’a vu au moment de la guerre en Irak, quand la Pologne a offert son aide à Bush, ce qui a permis à celui-ci de parler avec mépris de la « vielle Europe » dépassée en montrant du doigt la France non belligérante et non belliqueuse d’un Chirac sur le déclin.

Le changement climatique, de son côté, nous promet quelques belles catastrophes : inondations, sécheresses, glissements de terrain, ouragans et cyclones. Les cultures elles-mêmes seraient menacées, même en Europe du Nord, tandis qu’en Afrique sub-saharienne, la sécheresse devient inquiétante (baisse du débit des cours d’eau de plus de 40%). Cela permettra de construire des barrages que seules, évidemment, les firmes privées seront en mesure de financer (avant de se faire rembourser au centuple par la suite). Il est vrai que dans le type d’agriculture intensive que nous connaissons (et ne parlons même pas ici des OGM qui vont asservir les paysans aux grandes firmes céréalières productrices de semence ) l’eau est indispensable. Plutôt que de revoir ce type d’agriculture, on préfère se lancer dans une course en avant afin d’assurer sa pérennité par des moyens artificiels comme la construction de ces grands barrages ou le dessalement de l’eau de mer. Bien sûr on nous présentera ces projets comme une nécessité pour permettre à ces pays du Sud d’émerger (mais qui se soucie en fait de leur émergence ?). On ne dira pas, par contre, que ces grands travaux demandent beaucoup d’argent ni que les usines de dessalement demandent beaucoup d’énergie (et donc de carburant très cher et par ailleurs polluant). On ne sait pas trop non plus ce qu’il adviendra de la saumure qu’on rejettera à la mer (risque de rupture d’équilibre du milieu marin).

On le voit, le problème de l’eau est loin d’être résolu. Si demain le pétrole fait défaut et s’il faut se rabattre sur de l’essence produite à partir de végétaux cultivés, la demande en eau pour les besoins agricoles ne cessera d’augmenter. Le secteur privé a donc encore de beaux jours devant lui car il s’imposera comme le seul à être capable de retraiter les eaux usées ou à maîtriser la technique du dessalement. Faisant l’apologie de nouvelles techniques (nano-filtration, osmose inverse, etc.), des firmes internationales ont déjà déposé des brevets leur assurant le monopole, direct ou indirect, sur ces nouvelles manières de traiter l’eau.

Finalement, quand on y réfléchit, mieux vaut boire du vin que de l’eau du robinet.




Commentaires

L'eau sert à laver les bouteilles de Bourgogne vides; Quant à l'écologie, je crois que tout le monde se dit : "après moi le déluge".

Écrit par : Amaury | 20/03/2008

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