01/11/2019
Vol automnal
Un papillon évoluait dans le jardin de l’automne.
Il volait, virevoltait,
Perdu dans le temps,
Perdu dans les souvenirs de son été évanoui.
Chenille verte et trottante, il s’était transformé en éclats de couleurs,
En beauté éclatante,
En souffle léger et passager.
Ephémère présence, conscient de son court passage, il s’obstinait à vivre dans la lumière d’un octobre finissant.
Bientôt la froidure l’emporterait vers l’au-delà des papillons.
Que resterait-il alors, de ce vol de couleurs, de cette légèreté soyeuse, de ces battements d’ailes désordonnés ?
Il ne resterait rien, si ce n’est le souvenir d’une beauté colorée et fragile qui un instant a pu égayer notre vie.
16:02 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature
24/10/2019
Automne
Le temps passe inexorablement
Et les vieilles tombes elles-mêmes ont perdu leur éclat.
Dans la brume de l’automne, les feuilles s’envolent vers d’autres rêves.
De mes mains s’échappent des nuages aux formes étranges,
Tandis que sur les falaises de l’infini des océans tempétueux viennent se fracasser inlassablement.
Il est dans les villages des églises aux formes floues et aux clochers incertains,
Des rivières qu’enjambent des ponts en pierres de schiste,
Et des passants courbés sous le poids de leurs déceptions.
Il est des forêts infinies, où des animaux sauvages survivent depuis l’origine du monde.
Au milieu d’une clairière, se dresse un monastère dont la porte est close.
Dans le silence, s’élève un chant beau et pur, qui dit la beauté de l’univers,
Mais derrière ces voix viriles on devine le désir de la femme éternelle,
Cette Marie des Evangiles, qui se donna par amour.
Sa silhouette reste gravée sur les vitraux,
Forme fragile et gracieuse qui rayonne de mille couleurs
Dans l’aube matutinale de l’hiver précoce.
Quand la gelée blanchit les herbes tendres de ma jeunesse.
22:54 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature
19/09/2019
La page est tournée
J’avais écrit sur le sable de la plage
Des mots éphémères
Qui se sont évanouis lors de la dernière marée,
Lors de la première grande bourrasque d’automne,
Quand l’équinoxe fut de retour
Et que le monde a basculé vers l’hiver et l’horreur.
J’avais écrit des poèmes aujourd’hui disparus.
J’en ai oublié les vers
Et leur musique morne et obsédante.
Il ne reste dans mon souvenir que le bruit des vagues
Déferlant en cascade sur l’infini du sable.
J’avais écrit des choses terribles
Sur la vie et la mort
Sur la solitude aussi
Ainsi que sur le temps qui passe et qui nous emporte.
De ces écrits sur le sable
Il ne reste rien, rien du tout.
Rien que le sentiment d’avoir perdu mon temps,
Ce peu de temps qu’il me restait à vivre.
23:13 Publié dans Littérature, Poésie | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : littérarure
13/08/2019
Le songe d'une nuit d'été
Dans des draps blancs aux ondulations vagues,
Elle dormait,
En partance vers des mondes oniriques et fabuleux.
Sous les plafonds constellés d’étoiles, le grand voyage nocturne commença,
Tandis que par les fenêtres, un troublant rayon de lune dévoilait toute sa nudité.
Partie pour des contrées ultramarines, elle rêvait à de merveilleux départs,
A des pays lointains, à des îles enchantées, ou à des mers où paraît-il prospérait le corail pourpre.
Les murs de la chambre étaient couverts de tapisseries anciennes
Et s’ouvraient sur des paysages magiques.
Sur des plages infinies, des sirènes à la peau brune et aux longs cheveux noirs
Montaient des chevaux aux yeux bleus et au regard tendre.
Dans le grand silence nocturne, leur chant ravissait la dormeuse.
Captivée par cette mélodie étrange, elle rêvait aux marins d’outre-mer,
A leur barbe drue et puissante, à leur peau salée, et à leurs baisers de feu.
Désir étrange que celui-là, dans un lit voguant au milieu de la nuit noire.
Les draps ondulent comme des vagues, le bateau tangue et le vertige monte.
Avant de sombrer définitivement dans les profondeurs de l’océan et de couler à pic,
Elle effleure son éternelle blessure et doucement gémit.
Puis elle reste là, étendue sur le sable blond, dans la clarté étrange d’une lune de juillet.
Elle dort, éternellement nue, enveloppée de ses draps blancs.
13:23 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : litterature
03/08/2019
Océane
Il y avait des plages infinies et une mer vaste et bleue.
Il y avait des horizons lointains et des navires en partance pour de mystérieuses destinées.
Il y avait des falaises abruptes et des phares qui éclairaient toute la nuit.
Il y avait l’odeur des marées et des coquillages par milliers sur le sable des marées basses.
Il y avait les châteaux de sable de l’enfance et toutes nos illusions perdues.
Il y avait des jeunes filles aux cheveux noirs dont les yeux reflétaient tous les mystères de l’Asie.
Il y avait, dans le port, un bateau échoué, et sur le quai des cordages détrempés.
Il y avait un café où s’assemblaient tous les marins du monde.
Il y avait la lande infinie et les bruyères mauves de la mort.
Il y avait des goélands intrépides qui plongeaient dans les flots noirs.
Il y avait le soleil qui se levait sur le premier matin du monde
Et l’écume blanche qui n’en finissait plus de déchirer les rochers de granite rose.
Ô enfance disparue avec la dernière marée.
23:53 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : litterature
13/04/2019
Ondine
Lui qui marchait au hasard, sur la piste de ses rêves,
Lui qui marchait sans fin depuis tant de jours,
Voilà qu’au bout du chemin, il se trouva soudain devant une rivière.
Des saules en pleurs se penchaient vers l’onde verte, tremblants et émus,
Tandis que le vent caressait doucement leur chevelure murmurante.
L’eau était pure et calme comme au commencement du monde
Et le soleil jouait avec les reflets.
C’est alors qu’entre les joncs il la vit,
Elle, la déesse depuis toujours imaginée,
Elle, la femme dont parlaient tous les mythes,
Celle qu’il avait cherchée depuis toujours sans le savoir.
Elle était là, belle et nue, dans l’eau transparente de cette rivière d’été.
Instant magique, onirique, orphique.
Il regarda ce qu’il n’aurait pas dû voir,
Il contempla la sirène mystérieuse,
La dame chantée par les troubadours sur leurs lyres mystiques,
La muse que Pétrarque pleurait en sa Fontaine de Vaucluse,
Ou cette Eloïse qui fit perdre à Abélard la raison,
Il y a très longtemps, dans un Moyen-Age incertain.
Il la regardait nager voluptueusement dans l’eau froide et pure,
Ondine aux formes fascinantes, aux courbes envoûtantes.
Seul parmi les mortels il put, un instant, comprendre le mystère sacré,
Celui de la beauté pure, attirante et parfaite.
Les feuilles des saules s’agitaient, tandis que flottait au gré du courant
La longue chevelure noire et soyeuse,
Telle l’ombre de la déesse qui s’en allait, belle et nue,
Emportée par le courant perfide et cruel.
Un instant il rêva d’embrasser ses lèvres soyeuses et entrouvertes
Et ce triangle de tout désir, provoquant et sacré.
Mais déjà la fille s’éloignait et disparaissait derrière les joncs de la rive amère.
Déjà, il ne restait dans la mémoire du promeneur solitaire
Que le souvenir d’un songe aussi improbable qu’incertain.
00:26 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : littérature, poésie
29/03/2019
Amazonie
Ivre, le bateau qui remontait le fleuve,
Eclaboussé d’écume.
Ivres, les marins, qui chantaient et dansaient,
Sur le pont de tous les espoirs.
Ivre aussi, le capitaine,
La main sur une cuisse nue
Et qui cherchait l’éternel port.
Il remonte le fleuve, le grand navire,
Sous un soleil radieux
Et fend de son éperon les eaux boueuses des dernières pluies.
Dans les cales, tous les tonneaux sont en perce
Et le vin noir coule dans les jarres.
Il vogue vers la source, le beau bateau,
Tandis que dans la forêt, des yeux noirs le regardent passer.
Les voiles claquent, effrayant les grands oiseaux tapis dans les roseaux.
Dans sa cabine, le capitaine a déposé son couteau cranté.
Il caresse l’esclave à la peau brune,
Enlevée hier dans un village de la côte.
Il lui murmure des mots étranges et improbables
Et cherche dans les broussailles
Sa blessure primitive.
En a-t-il connu des deltas
Et même des triangles des Bermudes,
Mais maintenant, il s’agit de remonter le temps
Jusqu’aux origines du monde.
Les cheveux noirs et fous,
Le regard sombre,
La peau incroyablement nue et brillante,
Cette sirène possède toute la beauté du diable…
Il caresse une courbe, se désaltère à la source,
Mais ne voit pas la main brune qui tâtonne et s’empare du couteau.
Arrêté dans sa course, le navire s’est immobilisé dans la mangrove.
Sortant de l’ombre, dix indiens nus avancent sur leur pirogue.
Ils portent sur le front l’insigne vengeur du dieu du fleuve.
17:42 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : littérature
31/12/2018
Dernier soir
L’année s’achèvera donc sans poème, sans histoire contée ou à raconter.
Dans le grand hiver qui s’avance, règne le silence, celui des forêts de l’enfance.
Sur les branches des sapins, la neige s’accumule.
Elle s’accumule aussi au sol, où les chemins ont disparu. Il n’y a plus rien, rien que tout ce blanc et le noir des sapins.
Seules apparaissent les traces d’un animal sauvage, qui est passé par là, ce matin, ou hier, ou autrefois, dans un autre temps, dont on ignore tout. Était-ce cette année ou l’année dernière ? Tout se ressemble, je ne sais plus.
La neige continue à tomber, recouvrant inexorablement mes souvenirs.
J’ai tout oublié, même le chemin qu’il me faudrait emprunter.
Il n’y a que du blanc et ce froid qui petit à petit commence à me glacer le cœur.
Le vent se lève, le soir tombe, et tous les horizons s’estompent dans la brume.
Bientôt viendra la nuit et même la forêt aura disparu.
16:14 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature
03/10/2018
Autrefois, une île
C‘était un pays fabuleux qui peut-être n’avait jamais existé. C’était celui de toutes les enfances et la mer qui le bordait en effritait inexorablement les falaises lors des tempêtes d’hiver. Fragile, cette île se dressait face aux houles océanes, mais elle résistait depuis toujours et conservait une place de choix dans la mémoire des hommes.
Ses forêts étaient impénétrables et parfois on y entendait les brames de grands cerfs que personne n’avait jamais vus.
Ses fleuves, nés dans les hauts sommets enneigés, traversaient de larges plaines fertiles avant de se perdre dans des deltas incroyables. Là poussaient des palmiers sauvages, tandis que des animaux étranges, mi-dieux, mi-démons, jouaient à des jeux dont ils étaient les seuls à comprendre les règles.
Il y avait des maisons et des palais, des ruines de temples antiques et des églises à l’abandon. Il y avait des ponts qui enjambaient des rivières à sec et des déserts de sable blanc jusqu’à l’infini.
Il y avait aussi des écoles avec des marronniers dans les cours et des filles jolies aux longs cheveux soyeux qui jouaient à la marelle. Elles bondissaient de case en case avec élégance, et restaient un instant suspendues dans le vent d’automne aux senteurs de feuilles mortes.
Dans les encriers noirs, l’encre fraîche sentait bon la rentrée et sur les pages blanches couraient les premières plumes. Le maître épelait de mystérieux alphabets que répétaient les voix enfantines, chant primordial qui valait bien celui qui résonnait dans les églises, sous les voûtes ogivales et parmi les senteurs d’encens.
Parfois, c’était le bruit des armées que l’on entendait, des armées qui autrefois avaient défendu ces terres contre des barbares venus du fond de l’Histoire. Les scènes de massacre et de villages en feu étaient encore dans toutes les mémoires et le soir, au coin du feu, on se racontait les atrocités que les femmes avaient dû endurer. Ces soirs-là, la parole était de sang et les hommes tendaient un poing vengeur vers cet horizon marin d’où étaient venus ces étrangers depuis leurs brumes du Nord.
Puis s’avançait la nuit avec ses oiseaux aux longs sanglots. Parmi les ténèbres, on croyait alors entendre battre le cœur de la terre, qui parfois tremblait à des profondeurs incroyables.
Enfin, c’était le matin, et il suffisait de rester là, au bord du monde, à regarder la vie. Dans la plaine, des chevaux sauvages couraient, ivres de liberté, tandis que des papillons se rassemblaient par milliers, attirés par le parfum suave des premières fleurs du printemps.
Sur les plages infinies, face à la mer qui s’était retirée jusqu’à l’horizon, les jeunes filles se dénudaient et apprenaient l’amour.
L’enfance était terminée et il n’en restait que quelques échos dans la mémoire. Souvenir du crissement de la plume sur la plage blanche, odeur des feuilles mortes dans la cour de récréation, jeu de la marelle, innocence des chansons, et puis quelques contes cruels dans lesquels apparaissait immanquablement le loup des légendes.
La mer est revenue aux grandes marées d’équinoxe et a emporté tous mes souvenirs. Il ne reste, enfouie au plus profond de moi, que l’odeur de ta peau et le son de ta voix, tandis que sur le sable la trace de nos pas s’est irrémédiablement effacée.
00:05 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (6)
14/09/2018
Silence nocturne
Nous avons été jeunes sous tes frondaisons, ô forêt.
Je me souviens de tes clairières mystérieuses et des lacs bleus sous la lune.
Les branches entremêlées de tes arbres étaient plus noires que la nuit et de curieux oiseaux traversaient le néant en appelant la mort.
Parfois, la brise s’élevait dans le grand bois sonore et c’était là une musique étrange, comme venue d’un autre monde.
Dans l’obscurité, nous parlions à demi-mots de choses impossibles, t’en souviens-tu mon amour ?
Nous avions cet âge où l’on croyait encore qu’une caresse sur une peau nue pouvait ouvrir les portes de l’impossible. Ta voix était douce et inquiétante comme celle de la forêt, pleine des mystères de ta féminité.
Ta voix était la nuit et depuis toutes ces années j’en cherche encore le chemin.
Par les sentiers sinueux, j’erre en vain, troublé à l’idée qu’un soir, peut-être, je te retrouverai là, assise en silence au bord du lac bleu. Sur tes épaules nues la lune tracera la marque de l’au-delà et moi je me cacherai dans l’ombre pour mieux contempler celle que j’ai tant aimée et que je n’ai jamais revue.
08:27 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (7)
04/08/2018
Souvenirs
De l’enfance lointaine, au fond des forêts, subsistent des souvenirs de feuilles mortes, d’écorce chaude et d’odeurs sauvages et pénétrantes.
Le village, blotti au creux de la rivière, en épousait toutes les courbes. Les saules pleuraient éternellement et du haut des falaises, des oiseaux fantastiques planaient dans le ciel d’un éternel été.
Sur les routes écolières, par les ponts de bois ou de pierre, nous marchions vers notre devenir.
Sur l’estrade haute, le maître épelait des savoirs antiques et nous l’écoutions, rêveurs, en songeant à toutes ces vies éteintes qui avaient cessé d’être.
Les dimanches étaient désespérants et notre ennui se blottissait au cœur des églises, parmi les chants et les encens mystiques.
Les repas, interminables, prenaient fin avec la nuit, quand les hiboux énigmatiques lançaient des cris incompréhensibles.
Puis l’obscurité nous enveloppait, nous plongeant dans des terreurs primitives. Au milieu de nos rêves, surgissaient des ancêtres inconnus, qui dessinaient d’une main hésitante des animaux étranges sur les parois des grottes.
Ces grottes, nous partions à leur recherche dans l’aube blafarde, quand la terre s’éveillait lentement et que dans les grands chênes le premier oiseau du monde nous saluait.
Il nous fallut toute une vie pour comprendre qu’il n’y avait d’autre trésor que notre enfance, maintenant à jamais perdue.
20:53 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature
01/07/2018
Lune
La forêt a disparu dans la nuit et les ténèbres ont envahi l’espace. C’est alors que la lune mystérieuse s’est levée, d’abord lentement, puis avec plus de franchise. Elle vient d’ailleurs, d’au-delà de nos rêves, et nous réconforte dans notre solitude.
Le paysage nocturne s’est figé dans le grand silence de la mort. Tout ici dort. La vie est abolie, oubliée, inversée.
Dans le ciel noir brillent des feux éteints depuis dix mille ans et leur lumière menteuse n’est qu’une illusion.
En contrebas, s’écoule le grand fleuve, éternel et obstiné. Inéluctable, il dit le temps qui passe et les espoirs des embouchures magiques. Dans le delta sacré, il disparaîtra au milieu d’un océan magnifique. Majestueux, il se dirige vers les lendemains, porteur de nos rêves nocturnes et de nos désespoirs d’enfants.
Solitude. Recevras-tu un jour cette lettre que je te destinais et que je ne t’ai d’ailleurs pas écrite ? A quoi bon ? Quels mots aurais-je pu aligner pour dire les amours passées et évanouies ? Ce qui fut n’est plus et le fleuve d’hier n’est pas celui d’aujourd’hui. Seul son flot obstiné demeure, éternellement, comme le souvenir que j’ai de toi, ancré à jamais en moi. Sur ma table, brille une étoile arrachée au ciel. J’écris un poème qui parle de toi, mais qui ne t’est plus dédié. Comme les étoiles, tu as disparu du ciel nocturne. Quant à la lune, elle a dépassé l’horizon de tous les possibles. La forêt s’est évanouie dans le silence. Il n’y a plus rien qu’un léger souffle de vent, semblable à un soupir de femme. Là-bas, le fleuve s’écoule lentement vers son embouchure, vers ce delta de tous nos désirs.
01:25 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : lune
15/06/2018
Des îles
Il est des îles, là-bas, où des femmes mauresques racontent aux enfants des histoires de marins et de voiliers fantastiques.
Il est une ville, là-bas, où le vent apporte des senteurs marines chaque fois que le soir tombe.
Un grand fleuve fait de souvenirs coule lentement jusqu’à sa bouche océane.
Du haut des falaises du temps, on peut contempler les récifs où se sont brisés tous les rêves.
Dans les cafés enfumés aux vitraux mystiques, des hommes boivent de la bière amère et du vin doux. Ils devisent entre eux sur les femmes inconnues qu’ils ont croisées dans la nuit des cathédrales. Ils se souviennent de leurs regards de feu et du désir qui les a alors consumés. Ils se souviennent de leurs cheveux fauves, de leurs lèvres troublantes, et de leur sourire énigmatique. Ils se racontent les corsages entrouverts et les jupes flottant le long des cuisses nues, comme de grandes voiles invitant aux voyages. Ils parlent et ils boivent, puis s’en vont dans la nuit oublier les fantômes de ces sirènes qui hantent leur mémoire.
Il est des îles, là-bas, où les enfants dorment et où les femmes mauresques rêvent d’un ailleurs étrange. Elles laissent tomber leur robe et contemplent en silence le grand fleuve qui coule dans la nuit jusqu’à l’océan infini.
Il est des îles.
Là-bas.
00:25 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (4)
27/02/2018
Le canal
Les mouettes blanches se reflètent dans le miroir du canal noir.
Elles proviennent de la mer lointaine
Et tournent dans le ciel gris des hivers du Nord
Fantômes évanescents
Qui disent nos peurs devant la mort qui s’avance
Derrière les peupliers de la rive
Dans la brume matinale
Se dresse un clocher solitaire
Dont l’horloge égrène le temps
Au pied de la petite église je sais qu’il est un cimetière
Aux tombes oubliées
Où reposent ceux qui n’étaient que de passage
Eux aussi autrefois ont contemplé les mouettes aux grandes ailes
Et tout en marchant le long du canal
Ils ont compté les coups du clocher
Avant que de devenir fantômes
Dans la brume de notre mémoire
William Degouve de Nuncques Brume sur le canal (1908)
00:46 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (6)
17/02/2018
Aube marine
Là-bas il y aura la mer derrière la dernière dune
La mer la plage et le sable
Et puis l’infini du monde
Dans le vent planeront des oiseaux aux cris de tempête
A l’horizon disparaîtra un dernier navire en partance pour les îles
La nuit le vent soufflera sur la lande et quand l’aube se lèvera sur les champs de la mémoire
Nous raconterons nos batailles, nos peines et nos peurs
Nous raconterons nos espoirs nos amours et nos morts
Et puis tout ce qu’il a fallu oublier pour continuer à vivre
00:10 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (4)
11/02/2018
Paysage
J’ai vogué sur l’océan et me suis laissé emporter par les vagues de ton corps
J’ai aimé ce rivage humide et ta peau brûlée de soleil que caressaient mes doigts
Je t’ai aimée, toi, ta source, et les collines qui surplombaient la mer
Un petit chemin en descend qui serpente vers le rivage et la grotte des sirènes
C’est là que jaillit la fontaine au pied des falaises entre des pierres moussues
C’est là que je reviens sans cesse en répétant ton nom
Plus loin gronde l’océan et ses tempêtes meurtrières
11:44 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (3)
23/10/2017
L'esprit de la forêt
Prends le chemin et marche jusqu’au bois. Passe le petit pont de pierre et pénètre dans la forêt profonde. Tu n’as qu’à suivre le sentier, c’est facile et même si personne ne l’emprunte jamais, il est bien tracé. Laisse à ta droite la grande sapinière. Tu entendras peut-être ce qui pourrait ressembler à un soupir. Ne t’arrête pas et surtout ne regarde pas ! Il ne s’agit pas du bruit du vent dans les branches, comme tu pourrais le croire, mais des esprits des bêtes sauvages. Il ne faut pas les déranger, ils ne te connaissent pas. Ils pourraient s’effrayer ou se courroucer.
Continue ta promenade. Si tu vois des champignons le long du chemin, salue-les, car ils sont en communication permanente avec les royaumes souterrains, là où règnent les âmes qui se sont tues, celles que tu as aimées.
A ta gauche, si tu marches d’un bon pas, tu verras bientôt de grands chênes qui montent vers le ciel. Ils sont immenses et ont plus de trois cents ans. La, tu t’arrêteras et t’assoiras sur la mousse. Ne dis rien, écoute. Cela peut prendre un certain temps, ne te décourage pas. Ferme les yeux, concentre-toi. Oublie tous tes soucis du jour, tous tes cauchemars de la nuit, et toutes les blessures que les hommes t’ont infligées. Ne pense plus à rien, chasse toutes les idées qui envahissent ton esprit, surtout les mauvaises. S’il ne se passe toujours rien, souviens-toi d’un lieu agréable, où tu as éprouvé de la joie. Penses-y très fort et essaie de te remettre dans le contexte de l’époque. Descends en toi, au plus profond. Bientôt, une sorte de joie va t’envahir. Tu seras redevenu celui que tu étais ce jour-là, dans ce lieu-là. Que tu le veuilles ou non, tu vas te mettre à sourire. Tes muscles vont se détendre et ton esprit va s’apaiser. C’est alors que tu vas les entendre. Cela ressemblera à des notes de musique, d’abord dispersées, puis qui finiront par se transformer en une sorte de mélodie. Ouvre alors les yeux et contemple les grands chênes. Tu les verras beaucoup plus beaux et beaucoup plus grands que précédemment. Et tu entendras leur musique. Ce sera comme un murmure doux et continu, qui viendra des arbres eux-mêmes. Alors tu sauras que tu es entré en communication avec les esprits de la forêt. Plus jamais tu n’oublieras cet instant.
Plus tard, bien plus tard, quand ton cœur sera rempli de cette mélodie, tu pourras repartir, enfin apaisé. Mais avant de t’en aller, remercie la grande forêt, comme c’est la coutume. Agenouille-toi, écarte les bras et dis tout simplement merci. Merci à la vie et à l’univers, dont tu fais partie.
Photo personnelle
17:31 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (4)
25/05/2017
Le silence
Ecoute le silence.
Ecoute-le bien et tu entendras la face cachée du monde.
Ecoute.
Est-ce le vent qui mugit là-bas dans la forêt ? Et ce bruissement ? Est-ce le doux frottement des épis de blé dans la brise matinale ?
Ecoute encore.
Quelque part, un chien aboie, loin, très loin, dans un village que tu ne connais pas.
Puis un oiseau lance un cri. Le danger est imminent.
En effet, dans les herbes rousses, voilà que surgit le renard.
D’un pas silencieux il débouche sur le chemin et t’aperçoit.
Immobiles, vous vous regardez.
Puis il s’en va en trottinant, indifférent à ta présence, superbe de mépris.
Tu restes seul dans le silence et déjà tu ne sais plus si tu as rêvé ou non.
Emu, tu entends les grands battements sourds de ton cœur.
La vie est si simple, parfois.
01:31 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature
16/03/2017
La lectrice et son livre
Elle se livre parfois
Quand commence un nouveau chapitre
Et que l’écriture lui plaît
Elle se livre à livre ouvert
Tandis que lui, il tourne les pages
De son passé, de son présent
Elle lui raconte son enfance
Toutes ses turbulences
Et parfois lui lit un conte d’autrefois
Il l’écoute en feuilletant
Ce livre ouvert
A la page de l’amour
Il l’effeuille page à page
Caresse son visage
Contemple sa nudité
Son doigt glisse sur les pages
Le dos, la tranche
Et s’attarde en un point précis
Elle gémit lentement
Quand il pénètre au cœur de l’histoire
Et qu’il lui murmure son amour
Elle gémit dans le grand lit
Tandis qu’il tourne les pages
Et lui lit la suite de l’histoire
Puis arrive le mot « fin »
Le livre est refermé
La page est tournée
Il s’en est allé
Dans la bibliothèque
Le livre est rangé
Le conte est terminé
Elle rêve à cette histoire
A cet amour perdu
A ce livre merveilleux
Elle rêve à la manière dont il racontait l’histoire
Elle revoit sa main
Qui parcourait les pages
Sa main qui caressait son dos
Sa tranche, son ventre
Mais qui a fini par tourner la page
00:49 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : littérature
27/02/2017
Prise de conscience
Quand j’étais un cheval, je parcourais des plaines immenses, du matin au soir et du soir au matin. Je broutais l’herbe verte des hauts plateaux puis descendais me désaltérer dans les eaux limpides des rivières.
Quand j’étais un aigle, je planais des heures durant dans les hautes sphères, regardant en face le soleil et observant, en contrebas, la pauvre vie des êtres éphémères.
Quand j’étais un poisson, j’étais un grand requin bleu et je nageais en eaux troubles à l‘affût de la moindre proie. J’étais redouté partout et la faune marine craignait mes ondoiements languissants et sournois.
Quand j’étais une tortue, je prenais mon temps et méditais sur mon grand âge, bien à l’abri sous ma carapace.
Quand j’étais un écureuil, je gambadais dans la forêt et tel un éclair roux et imprévisible j’atteignais la cime des arbres avant d’en redescendre la tête en bas.
Quand j’étais un loup, je chassais en meute les élans magnifiques et les rennes rachitiques. Dans la neige je laissais l’empreinte de mes pas, terrifiant les enfants en chaperon rouge.
Quand j’étais un cerf, je portais sur ma tête l’emblème de la forêt et conscient de ma noblesse, je parcourais en bonds majestueux les clairières et les halliers.
Quand j’étais un sanglier, je parcourais l’Ardenne en fouinant de mon groin les faînes et les glands. Quand on lâchait sur moi des meutes de chiens, ceux-ci ne me rattrapaient jamais.
Aujourd’hui je suis un homme. Je ne peux ni voler dans les airs ni courir par les plaines. Je n’ai ni la force du loup ni l’agilité de l’écureuil. C’est à peine je parviens à suivre mon chien dans la forêt, quand celui-ci a senti la trace d’un sanglier.
Alors je reste là, méditant sur mon sort, et j’appelle réflexion ce qui n’est que rumination et attente de la mort.
00:17 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature
20/02/2017
Renouveau
Seule et obstinée elle a trouvé son chemin…
Tandis que nous rêvions au coin du feu
Aux temps anciens
De notre jeunesse évanouie,
Elle, elle a percé la couche glacée
Et s’est épanouie, radieuse, dans la blancheur du paysage.
Le matin, à l’aube, on ne voyait qu’elle,
Verte tige obstinée et confiante,
Qui ne savait pas que l’hiver encore
Avait de beaux jours devant lui.
Insouciante et belle
Comme une fille au printemps,
Elle continua de croître malgré le vent du nord.
Bientôt, deux bourgeons troublants
Vinrent couronner sa silhouette svelte et fine.
Encore un jour et elle atteignit sa pleine maturité,
Incroyablement belle,
Attirante et attendrissante comme une femme.
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29/01/2017
Page blanche
Quand la page est blanche
Et que la neige tombe,
Ecrire encore serait comme une rature
Sur la beauté du monde.
Dans le jardin, un chat a laissé l’empreinte de ses pas
Jusqu’au bout de la nuit.
La neige tombe toujours
Et bientôt l’univers aura disparu.
On devine dans la brume
Une lune blanche et blafarde.
Silence nocturne.
J’écoute le chant de mes rêves.
Dans la nuit gelée
Il n’y a plus rien.
Rien que ma page blanche
Et moi qui la contemple.
Pourquoi écrire d’autres histoires
Quand tout est là, dans cette blancheur éternelle ?
Que dire encore qui n’ait déjà été dit
Par tous ceux-là qui se sont perdus sur les chemins du temps ?
L’aube déjà se lève.
Un oiseau ose un cri,
Puis retourne à l’oubli qui n’a pas de nom,
Celui du grand hiver qui a tout englouti.
Dans le salon, la lampe est restée allumée
Au-dessus du petit cahier bleu.
Sur la page vierge, un seul mot est tracé.
C’est celui d’un prénom de femme.
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23/12/2016
Plaisir de la lecture
J’ai tourné les pages de ce livre une à une, lentement,
Comme autrefois j’enlevais tes vêtements,
Sans hâte et méticuleusement.
Subtil effeuillement, plaisir suprême.
J’ai commencé à lire, une ligne, puis l’autre
Et les mots soudainement ont pris un sens
Comme mon doigt qui descendait le long de tes courbes,
Histoire sans fin d’un corps qui disait son bonheur.
Il est des chapitres sombres et des chapitres clairs,
Comme il est des jeux d’ombre et de lumière sur ta peau
Des monts éclairés, des gorges profondes,
Des clair-obscur à découvrir tendrement.
Il est des senteurs étranges de vieux parchemin,
Et celles du cuir doré des vieux livres.
Il est des senteurs sauvages dont je m’imprègne
En parcourant ta peau qui se lit comme un livre.
La fin de l’ouvrage est toujours un peu triste,
On voudrait rester encore avec les personnages,
Mais te quitter est plus triste encore
Et je voudrais demeurer infiniment en toi.
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10/12/2016
La maison des souvenirs
Il suffit de caresser la mousse qui recouvre le vieux tronc pour entendre le murmure de la forêt. C’est une musique douce à mes oreilles, celle qui déjà emplissait le monde de mon enfance.
Cet arbre-ci, je l’ai toujours connu, lui dont les branches s’agitaient près de la fenêtre de ma chambre. Parfois, les nuits de grand vent, elles venaient se frotter contre les vitres en caresses étranges et troublantes. Alors je fermais les yeux et m’endormais rassuré, bercé par ce doux va-et-vient monotone et entêtant.
Aujourd’hui, la maison est en ruine, plus personne ne l’habite. Inutile d’entrer, je connais chaque recoin par cœur. Des marches glissantes de schiste bleu descendent vers la cave au sol de terre battue. Il règne là une odeur de mort que seuls supportent les rats, terribles mangeurs de récoltes. Dans la cuisine, la grande cheminée attend les brassées de bois pour des feux imaginaires que plus personne n’allumera. Autour de la table maintenant vermoulue, l’ombre de mes frères et sœurs doit continuer à hanter ces lieux, fantômes éternels qui errent au fond de ma mémoire. Le vieil escalier de bois grince-t-il encore quand on monte vers les chambres d’un pas hésitant, sachant qu’on va bientôt basculer dans le monde irrémédiable des rêves ? Le grenier est sans doute resté désert. Seul un grand drap blanc qu’on avait mis là à sécher se balance-t-il encore doucement, car la vitre de la tabatière est brisée. C’est par là que pénétraient les oiseaux de la nuit, dont on entendait les pas incertains sur le vieux plancher.
Cette maison est remplie de légendes, de souvenirs et d’histoires incroyables.
A l’extérieur, le long du mur, une plante étrange s’est mise à pousser. Ces fleurs sont rouges comme le sang. Ce sang qui coula ici, à la fin de la guerre, quand les ennemis qui se repliaient voulurent laisser une trace de leur passage.
Je descends vers la rivière, laissant à ma droite le cimetière aux souvenirs. Je ferme les yeux. Du fond de mes rêves perdus, j’entends le murmure de ceux qui se sont tus. Ce ne sont que les arbres de la forêt qui bruissent sous le vent du passé.
02:19 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : littérature
22/11/2016
Cap breton
C’est un grand cap qui s’avance dans la mer, une étendue verdoyante où fleurissent les bruyères. Quand on emprunte le petit chemin qui mène à son extrémité, on finit par se retrouver seul devant l’immensité bleue de l’océan qui gronde en-dessous. Il faut alors prendre le sentier tortueux qui descend par palier à flanc de falaise, en veillant à ne pas regarder en bas, sous peine de se sentir irrésistiblement attiré par le vide qui vous entoure de toute part. Il faut continuer à marcher et ne pas se laisser distraire par le bruit sauvage et continu qui provient des profondeurs. Vous savez que là les vagues se fracassent contre les rochers noirs et qu’inlassablement les galets sont roulés dans un grondement de fin du monde.
Une fois arrivé tout en bas vous pourrez vous asseoir sur le sable fin d’une crique minuscule et contempler le spectacle grandiose et sauvage de la nature primitive. Eclaboussé d’écume, recouvert d’embruns, vous vous souviendrez être venu ici avec elle, autrefois, à une époque lointaine. De tout cela, il ne reste que la saveur de deux lèvres salées et la chaleur d’un corps qui se blottissait contre le vôtre. Et puis aussi des cheveux flottant au vent et cachant un visage souriant.
A vos pieds la mer continue de s’agiter, enragée comme jamais, en harmonie avec le trouble qui s’empare de votre cœur.
Après une heure passée à contempler les flots écumeux, vous finirez par remonter le sentier à flanc de falaise, puisqu’il le faut bien. Au sommet, vous contemplerez encore une fois l’immense océan et ses flots bleus et en vous éloignant vous vous demanderez pourquoi l’herbe de la lande est devenue si terne et pourquoi les fleurs des bruyères semblent si clairsemées.
C’est un grand cap qui s’avance dans la mer. En bas, il y a des vagues qui se fracassent contre des rochers noirs.
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09/09/2016
Nocturne
Je voudrais dire le bruit de la pluie dans les petits matins,
Quand le café noir fume encore dans les tasses
Et que son goût âcre m’emporte bien loin.
Je voudrais dire les figures tristes croisées dans le métro
Quand les rêves se sont trompés d’aiguillages
Et que j’ai oublié le goût de tes baisers.
Je voudrais dire les grands bateaux blancs qui se perdent en mer
Quand le soleil se couche
Et engloutit tous nos espoirs.
Je voudrais dire.
Mais enfermé dans le silence immobile,
Je contemple les dernières étoiles mortes
Qui brillent au milieu de nulle part.
Là-bas, dans la brume nocturne,
On entend la rivière,
La belle rivière de nos enfances
Qui n’en finit plus de ronger les paysages.
Insomniaque à ma fenêtre
Je rêve du temps passé.
La nuit d’août s’achève.
Bientôt, les cerfs brameront dans les clairières de feu
Et l’automne venteux s’infiltrera sous les portes de ma mémoire.
Je voudrais dire, encore une fois,
L’immensité de la forêt,
Sa rumeur, ses soupirs et son éternel mystère.
Je voudrais dire les chemins parcourus par les aventuriers
Depuis les ruines de Carthage
Jusqu’aux steppes infinies de l’Asie centrale.
Je voudrais dire tant de choses…
Mais qui entendra ma voix ?
J’aurai beau crier du haut de la falaise,
Le bruit des vagues, toujours, l’emportera,
Monotone et éternelle clameur des mondes.
Demain est aussi loin qu’un pays étranger.
Seule existe la rumeur des feuillages dans la brise d’été,
Rumeur semblable au ressac de l’océan
Contre les murs du temps.
Tout près de moi, un oiseau de la nuit a frôlé les cimes
Puis s’est perdu dans l’immensité,
Emportant avec lui son cri mystérieux
Chargé de tous nos désespoirs.
Il faudrait dormir.
Minuit est passé depuis longtemps
Et la lune elle-même s’en est allée,
Poursuivant son éternelle course incompréhensible.
Le ciel, maintenant, est vide et noir.
Seule subsiste dans mon cœur une petite musique intérieure,
Sonate composée de quelques notes seulement,
Mais qui me dit de croire à la vie.
Alors je me souviens que les yeux des femmes brillent
Parfois, dans la pénombre des chambres.
Je voudrais dire leurs gestes tendres et gracieux,
Le son de leur voix,
Et le parfum qui imprègne leurs vêtements
Quand lentement elles se déshabillent
Et s’avancent nues dans l’immensité du monde.
Le vent se lève et il fait plus froid.
Bientôt le beau chêne près de la fenêtre perdra ses feuilles.
Celles-ci tomberont une à une, inexorablement,
Comme les minutes qui avancent au cadran de la vie.
Dans le ciel passeront des oiseaux en partance
Vers des cieux improbables.
Tout n’est que départ, mouvance et éternel recommencement.
Seul je demeure au milieu du silence.
Une ancienne blessure s’est rouverte,
Blessure d’amour qui saigne au milieu de la nuit
Et qui colore l’horizon d’une encre rouge.
Voilà le soleil qui se lève au-dessus des abîmes.
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31/08/2016
Le port
Il y avait là des voiliers, de grands voiliers revenant de nulle part.
Il y avait la mer, qui rongeait les pierres grises du port et puis surtout il y avait des dizaines de marins, attablés dans les petits cafés aux toits d’ardoise.
Et ça riait et ça criait fort, bien plus fort que le bruit des vagues qui tout à côté déferlaient sur la plage de galets.
Parfois une bagarre éclatait, pour quelques sous perdus au jeu, pour une femme éperdue, ou même pour rien, si ce n’était le plaisir de se battre.
Dans l’ombre du soir, on voyait briller la lame des couteaux et quand le sang coulait sur les pavés noirs, jamais personne ne serait allé dénoncer le coupable. C’est qu’ils étaient tous frères de la mer et du vent et qu’il y avait plus de vingt ans qu’ils voyageaient ensemble, de Dunkerque à Agadir et de Monrovia à Dar es Salam.
Ils étaient les enfants de la mer et si l’un d’entre eux disparaissait, jamais ils ne versaient une larme. Pourtant, quand un goéland venait se poser au bout du ponton, ils lui souriaient comme à un ami, saluant en lui son désir de voyage et de liberté.
Partir, voilà ce qui comptait, peu importe où et comment, finalement.
Partir, quitter le triste aujourd’hui et découvrir un ailleurs.
Dans le port, les attendaient les voiliers, les grands voiliers en partance pour nulle part.
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13/08/2016
Fin de partie
Je vous écris du bout du monde.
Je vous écris d’un pays qui n’existe pas, qui n’a jamais existé.
Ici, c’est la nature à l’état pur. Il n’y a pas de routes, à peine des sentiers, qui serpentent à travers la forêt profonde et que l’on suit comme on peut, malgré les moustiques et la chaleur accablante.
Quand on a bien marché, pendant six ou sept jours, on débouche au-dessus d’une grande falaise et alors devant vous s’étend la mer, la mer immense, à l’infini.
En contrebas, il y a des rochers qui s’avancent dans l’eau et qui finissent par disparaître au milieu de l’écume banche et rageuse.
Au-delà, il n’y a plus rien. Rien que l’océan, dont on entend la rumeur éternelle, seule musique de cette terre inhabitée.
Parfois, un goéland vient vous frôler, lançant un cri strident. On se souvient alors qu’on est seul, incroyablement seul. Personne autour de vous, rien que l’immense forêt dans votre dos et devant vous cette masse liquide qui s’agite et qui vous attend.
Je vous écris du bout du monde, d’un endroit au-delà duquel il n’y a plus rien. Rien que la falaise abrupte et le remous des vagues qui n’en finissent plus de se briser.
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26/06/2016
Al Andalus
Il est là-bas des palais de rêves qu’ont construits des génies.
Dans la nuit andalouse, quand monte la lune dans le ciel noir,
Se découpent les créneaux d’une forteresse d’un autre temps.
Dans les jardins endormis, si tu prêtes l’oreille,
Tu entendras le murmure des fontaines
Et le doux chant de l’eau qui retombe en pluie dans les vasques bleues.
Murmure magique, douce mélodie
Dont les syllabes ressemblent aux paroles de celle que tu aimas.
Celle-là qui un soir s’en alla, magicienne du silence,
Au travers des arceaux arabes des palais andalous.
Reste la mémoire et les sanglots de la fontaine.
Mais parfois, quand la lune resplendit,
Il me semble voir une ombre qui se glisse, féminine et svelte,
Le long des murs de l’Alhambra.
Ce n’est sans doute qu’un rêve.
Pourtant, dans les jardins du Generalife, l’odeur entêtante des roses
Parle encore d’amour dans la chaleur enivrante de la nuit andalouse.
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05/06/2016
Sable
Le sable de la plage est comme une ardoise
Que la mer efface jour après jour
Et toujours les pas des amoureux disparaîtront
Dans les profondeurs océanes.
Quand il ne reste rien que quelques grains de sable
Que le vent emporte en tourbillons improbables
Comment croire encore que Roméo et Juliette ont pu se rencontrer
Et marcher ici même dans la brise marine ?
Comment imaginer qu’ils ont pu s‘aimer devant l’immensité du monde
Et se faire des promesses éternelles sous le vol blanc des grands oiseaux de mer ?
A l’horizon passe un bateau en partance vers un Orient lointain.
Bientôt il aura disparu et il ne restera de lui qu’un souvenir
Qui s’effacera petit à petit dans la mémoire des vieux marins.
Et voilà la marée qui monte encore une fois à l’assaut de la plage
Et efface pour la millième fois les traces de tes pas.
Seule demeure la profondeur océane et la brise marine qui emporte tout
Absolument tout
Même les grands oiseaux blancs de nos rêves.
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