18/11/2013
Il y avait...
Il y avait la forêt, la grande forêt profonde.
Il y avait des champs et des prairies, dans la chaleur de l’été.
Il y avait des fermes, rien que des fermes, qui avaient fini par former un village.
Il y avait une rivière, qui sautait sur les cailloux.
Il y avait un pont avec deux arches, d’où je regardais passer l’eau.
Il y avait le long de la berge, des arbres centenaires qui avaient toujours été là.
Il y avait le vent dans leurs branches et ce chant que je n’ai jamais oublié.
Il y avait l’église et son vieux cimetière, au centre de tout.
Il y avait un jardin devant l’épicerie, avec des centaines de papillons volant de fleur en fleur.
Il y avait une fille de mon âge dont le corsage entrouvert m’intriguait beaucoup.
Il y avait un vieux cheval qui s’en allait débarder aux bois.
Il y avait des nuits noires avec des milliers d’étoiles.
Il y avait la lune, parfois, qui faisait luire les toits d’ardoise.
Il y avait dans la forêt des sentiers mystérieux qui menaient vers l’inconnu.
Il y avait des bêtes furtives, qu’on entendait parfois.
Il y avait toujours dans la boue la trace de leurs pas.
Il y avait en automne, le brame des cerfs qui résonnait dans les lointains.
Il y avait la forêt, la grande forêt profonde.
Images Internet
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08/11/2013
La mer
Il aimait la mer comme d’autres aimaient les femmes et trouvait dans les immensités océanes ce que d’autres cherchaient dans des yeux bleus ou verts.
La grande plaine liquide, ses vagues ondulantes, ses senteurs troublantes, tout le fascinait, jusqu’aux tempêtes rageuses qui parfois venaient se fracasser contre les rochers, les enlaçant dans des remous redoutables.
Le va et vient des marées, surtout, l’intriguait et il cherchait à comprendre quel plaisir la nature trouvait à ce jeu sans cesse recommencé. La mer avançait, conquérante et lascive, pour toujours revenir en arrière, avant de repartir à l’assaut de ces rivages inaccessibles qu’elle semblait vouloir posséder sans y arriver jamais.
Souvent, il s’asseyait sur le sable et regardait dans le ciel pur le vol des cormorans, dont les cris pleins de désespoir convenaient bien à son âme sombre et ombrageuse.
Ou bien il parcourait la plage infinie, rêvant à changer de vie, et ses pieds, sur le sable humide, laissaient des traces qui s’effaçaient aussitôt.
A l’horizon, dans des lointains improbables, passait parfois un bateau, seule présence humaine dans cette immensité. Alors il songeait à des voyages lointains, se demandant soudain si la mer, sous d’autres cieux, avait la même couleur, cette couleur verte ou bleue que d’autres trouvaient dans les yeux des femmes.
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27/10/2013
Souvenir pieux
Je suis retourné, seul, dans la collégiale que nous avions visitée ensemble,
Au temps de notre amour.
La nef m’a paru vide, terriblement vide.
Les grandes colonnes de pierre nue montant vers le ciel
M’ont semblé démesurées, froides, et inhumaines.
Ce jour-là, le soleil n’éclairait pas les vitraux, qui restèrent obstinément muets,
Ne délivrant aucun message, ne communiquant aucune poésie.
Les grandes peintures murales étaient ternes
Et aucune bougie ne brûlait dans la petite chapelle latérale que tu avais tant aimée.
Même le chœur était fermé et des portes de bois ouvragé en interdisaient l’accès.
Dans le grand silence, mes pas résonnèrent longtemps sur les dalles noires et inégales,
Tandis que je cherchais en vain l’écho de ton propre pas,
Qui n’existait plus que dans ma mémoire.
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18/10/2013
Nuages
Les nuages passaient, poussés par les grands vents atlantiques.
Dès l’aube naissante, ils défilaient, troupeaux affolés et sauvages,
Ravageant le ciel pâle.
Plus noirs que des chevaux fous, ils couraient vers des horizons improbables,
Venant des plaines océanes dont ils avaient conservé l’amertume.
Et moi, sur ce quai désert, je les regardais passer, incrédule.
Moi qui n’allais plus nulle part et qui avais raté tous les trains, je restais là,
Perdu dans ma solitude.
Je les regardais, formes éphémères et changeantes
Chargées de tous les chagrins du monde.
Parfois, je me demandais où finirait leur course,
En quels pays lointains ils déverseraient leur pluie,
Et sur quel visage d’enfant ils feraient couler des larmes.
22:14 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : littérature
02/10/2013
Passion
Fantôme blanc enroulé dans la nuit de mes songes
Je te revois,
Étendue au travers des draps de l’amour,
Gémissant, lèvres entrouvertes,
Tandis que mes doigts profanes parcouraient la nudité de ta passion.
A l’oreille, je te murmurais des mots doux et chauds,
Des mots humides et tendres,
Comme nos langues qui se cherchaient dans des baisers d’éternité.
Dehors, éclataient de terribles orages
Et nous, apeurés par notre amour,
Nous écoutions les grands battements de nos cœurs.
C’est alors que sur tes lèvres, j’ai déposé des mots nus,
Et qu’une fleur rouge s’est épanouie sur la neige des draps blancs.
00:16 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature
13/08/2013
Les Barbares
Je suis resté au bord du chemin à les regarder passer.
Ils étaient nombreux, très nombreux, même.
Bottés, casqués, criant, vociférant, ils partaient conquérir Rome, Constantinople ou Jérusalem (peu importe l’endroit, finalement, ces ambitieux ne pensant qu’à s’emparer des capitales du monde).
Ils marchaient, couraient, galopaient, reprenant en chœur des chants guerriers dont les refrains évoquaient la douleur, le sang et la mort.
C’était à celui qui arriverait le premier afin de s’approprier l’or des temples et de dénuder les dernières vestales.
Assoiffés de richesses et d’honneurs, ils saccageaient tout sur leur passage, ne tolérant pas qu’on pût s’opposer à leur irrésistible ascension sociale.
Ils ont pillé, brûlé, violé.
Ils ont tué, détruit, assassiné.
Quand il n’y eut plus que des cendres là où se dressait notre village, ils sont repartis, plus fiers que jamais, en direction de Rome, de Constantinople ou de Jérusalem.
Et moi, je suis resté au bord du chemin à les regarder passer.
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28/05/2013
Rencontre
J’ai marché des jours et des jours, toujours vers l’ouest.
J’ai marché sans m’arrêter, sur des chemins qui fuyaient sans fin vers l’horizon de mes rêves.
Il y eut des soirs, il y eut des matins.
Il y eut des aubes tristes et des crépuscules flamboyants.
Parfois, j’avançais courbé sous la force du vent et sur mon visage ruisselait la pluie, comme des larmes d’un autre temps.
Parfois il faisait chaud, étouffant, et dans les lointains s‘élevait sans fin la fumée des pinèdes calcinées.
J’ai marché depuis les commencements du monde, sans m’arrêter.
Je n’avais qu’une idée en tête, celle de te retrouver, mon amour.
Et toi, toi, tu t’es mise à marcher vers l’est.
Tu as traversé des rivières et des fleuves, des plaines fertiles et des villes gigantesques.
Tu as contemplé des cathédrales plus hautes que le ciel dont les vitraux ensanglantés disaient la souffrance de tous les peuples.
Sous les voûtes ogivées ou dans l’obscurité des criques, tu as prié à genoux un dieu étranger.
Etendue nue sur les dalles bleues et glacées, le froid déjà gagnait ton cœur quand tout là-haut les grandes orgues se mirent à jouer seules au milieu de la nuit.
Alors tu t‘es levée et tu t’es remise en route.
Tu as marché en aveugle dans les ténèbres et quand soudain la lune est apparue, c’est mon reflet que tu as cru voir dans l’onde d’un étang bleu.
Alors tu as souri et tu m’as attendu, assise au bord du monde.
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11/04/2013
Aube
Sur la plage déserte, en ce matin du monde, nous cheminions.
La mer s’était retirée très loin, vaincue après ses assauts de la nuit.
Tandis que sur le sable nos pas laissaient des empreintes improbables,
Dans le ciel pur, un oiseau blanc passa,
Lançant un cri unique.
Puis ce fut le silence.
Le grand silence des origines,
Celui qui régnait avant l’apparition de l’homme.
Nous poursuivîmes notre route, savourant secrètement le monde et son premier matin.
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29/03/2013
La lettre
Je t’ai écrit trois mots, rien que trois mots.
Je les ai écrits à la main, lentement, au stylo, avec une belle encre bleue, puis j’ai signé de mon prénom.
Ils n’occupaient pas beaucoup de place, mes trois petits mots, au milieu de la page blanche.
Ils semblaient même un peu ridicules, alignés comme cela, avec tout ce vide autour d’eux.
Pourtant, en les relisant, il m’a semblé qu’ils disaient tout, tout ce que j’avais à te dire.
Alors j’ai plié la feuille en quatre et je l’ai glissée dans une enveloppe.
Ensuite, cette enveloppe, je l’ai collée avec ma langue, lentement, et c’était comme un baiser qui n’aurait pas eu de fin.
Un baiser humide, volé à la saveur salée de tes lèvres.
J’ai écrit ton nom, celui qui hante mes songes, ainsi que ton adresse, que je connais par cœur.
Puis j’ai mis un timbre, un beau timbre avec l’océan, une plage immense, et tout le ciel bleu de mes rêves.
Il ne restait plus qu’à poster ma lettre.
Je suis sorti au milieu de la nuit, la neige tombait et il faisait froid.
En me retournant j’ai vu les traces de mes pas sur la terrasse : trois petits points noirs au milieu du grand tapis blanc.
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08/03/2013
Pluie nocturne
Toute une nuit durant, la pluie est tombée drue,
Drainant des pierres vers la rivière en crue.
Sur le petit sentier qui monte à la maison,
Elle a effacé toutes les traces,
Même celles de tes pas…
Ces traces que je contemplais depuis des jours,
Depuis que tu n’es plus venue me voir.
20:07 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature
01/03/2013
Hiver
On est bien peu de chose
Et les fleurs déjà sont fanées dans le jardin des rêves.
Coupés par l’hiver, les chemins ne mènent plus nulle part
Et la neige a recouvert les tombes de ceux qui se sont tus.
Dans le froid et le silence gelé, un oiseau quelque part a crié.
Reste la forêt, immobile et nue,
Seul espoir d’un printemps qui tarde à venir.
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09/02/2013
In memoriam
Toujours, il y aura des personnes pour crier la vérité.
Pas beaucoup, mais il y en aura.
Il y en aura au moins un.
Alors, comme souvent, le croyant seul, d’autres viendront pour le faire taire.
D’où sortent-ils ?
Nul ne le sait, on ne les avait jamais vus, ni ici ni ailleurs.
Peut-être, après tout, étaient-ils bien cachés ?
Mais aujourd’hui, ils sont là, loups hurlant avec la meute, trottant en bande dans nos avenues, piétinant nos rêves.
Et voilà que quatre coups de feu ont retenti, quatre coups de feu qui marquent la fin d’un monde.
Un homme s‘écroule devant chez lui, assassiné au nom d’un livre sacré.
L’ont-ils bien lu, ce livre, ceux qui viennent de tirer, tuant du même coup la liberté, la justice et la vérité ?
Un grand silence s’est fait dans toute la ville, un silence terrible, plus profond que celui du désert.
Les loups s’en donnent à cœur joie. Ils sont maîtres des avenues, ils sont maîtres de nos rêves.
Déjà, ils gravissent les marches du Palais, où leurs pattes laissent des empreintes de sang.
Mais voilà qu’un homme sort de sa maison, puis un autre et encore un autre.
On entend le claquement sec des portes qui se referment derrière eux.
Ils marchent au milieu de l’avenue, ensemble, bientôt rejoints par d’autres encore.
Ils sont maintenant des dizaines, des centaines, des milliers.
Dans leurs yeux, il y a toute l’étendue du désert, toute sa beauté et son grand silence.
Dans leurs yeux il y a l’image de ces arbres qui poussent au milieu des sables et qui ne meurent jamais.
Ils marchent au milieu de l’avenue, ils ne disent rien.
Ils marchent.
Ces lignes sont dédiées à Chokri Belaïd, assassiné cette semaine en Tunisie pour ses idées de gauche.
00:27 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : littérature
30/01/2013
La neige
La neige, infiniment blanche, avait tout recouvert.
Elle avait recouvert les routes et les chemins, les plaines et les collines, les villes et les villages.
Fascinés par cette blancheur étincelante qui couvrait le monde, nous en avions oublié nos peines, celles qui se cachent au plus profond de l’être.
Comme des enfants, nous avions marché et joué dans cette neige, image du paradis perdu, jardin de l’insouciance, désert aux congères changeantes comme des dunes de sable blanc.
Puis la pluie est revenue. La pluie et ses tempêtes qui te font si peur, mon amour.
Et avec la pluie, nos peines ensevelies sont réapparues, plus fortes que jamais. Comme si nos routes ne devaient plus jamais se croiser.
21:47 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature
23/12/2012
Le temps
Crédit Photo, AFP
Le jour où le temps s’est arrêté
Tout s’est arrêté
Les hommes ont perdu leurs souvenirs
Et n’ont plus eu d’avenir
Quant aux femmes qu’ils aimaient ils les ont oubliées
Sans doute étaient-elles déjà mortes
Ensevelies sous les décombres du monde
12:58 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : littérature
22/12/2012
Nuages...
En ce temps-là, je sculptais des nuages
Je leur donnais des formes étranges et insolites
Des formes que personne n’avait jamais vues
Surtout pas dans des nuages
Certains ressemblaient à des îles lointaines
Perdues au milieu des flots
D’autres avaient l’aspect de vagues écumantes
Venant s’abattre avec fracas sur les rochers du bout du monde
Avec mes doigts, je pétrissais leur substance cotonneuse
La malaxant avec amour jusqu’à leur donner l’apparence de mes rêves
Et des rêves, j’en avais beaucoup à distribuer
La nuit je les guettais durant mon sommeil
Et je capturais les plus beaux
Au petit matin, j’en avais tout un tas
De beaux rêves d’amour, de poésie et de liberté
Pour ne pas les retenir prisonniers dans ma chambre
Où ils auraient dépéri tels des oiseaux en cage
Je les incorporais dans l’âme des nuages
Alors poussés par le vent ils partaient à la conquête du monde
Allant dire à tous qu’il existe quelque part des îles lointaines perdues dans l’océan
Et des vagues écumantes qui se fracassent contre les rochers
A ceux qui me demandaient où se trouvaient ces îles
Et en quelle contrée on pouvait admirer de si belles vagues
Je répondais que ce pays était au fond d’eux-mêmes
Et que pour le découvrir il leur suffisait de regarder les nuages
Les beaux nuages qui traversaient le ciel, remplis de rêves
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09/12/2012
Disparition
La neige de ce matin a disparu
Elle a fondu sous des cieux chahutés
Qui sentaient bon le vent marin
Elle a emporté avec elle
Les traces de François Villon
Autrefois poète
Aujourd’hui bandit de grand chemin.
Où est-elle partie cette neige ?
Elle s’en est allée comme l’image de ton visage
Que je ne retrouve plus au fond de ma mémoire.
Credit photo : Isabelle Legault
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02/12/2012
Brouillard
Le brouillard a tout effacé et je reste seul avec moi-même.
Les collines ont disparu, ainsi que le village et la forêt.
Il n’y a plus rien.
Rien que le murmure de la rivière, quelque part dans ma mémoire.
Je marche, enveloppé d’un voile de coton blanc.
Je marche sans savoir où je vais.
Il fait froid, très froid.
Autrefois, la vie était ici : des oiseaux dans les arbres, des bourgeons sur chaque branche, un lièvre à l’arrêt, les oreilles au vent, affolé par un bruit insolite, ou bien encore un renard, trottinant à travers les prés, une proie entre les dents.
Aujourd’hui, il n’y a plus rien. Plus de bourgeons, plus d’oiseaux. Le grand lièvre est mort et le renard a disparu.
Il a disparu dans la brume, comme les collines, comme le village, comme la forêt.
Aujourd’hui il n’y a plus rien et je marche seul dans la nuit qui tombe,
Sans savoir où je vais et sans même savoir qui je suis.
15:12 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature
27/11/2012
Toi
Toi que j’ai connue dans un lit de tendresse
Toi qui m’as donné ton cœur, ton âme et ton corps
Toi qui m‘as tout donné, même tes souvenirs d’autrefois
Toi qui es venue à ma rencontre quand je n’espérais plus rien
Toi qui m’as souri quand nos regards se sont croisés pour la première fois
Toi qui m’as aimé comme jamais personne ne m’avait aimé
Toi qui m’as écrit des milliers de lettres des milliers de mots
Toi qui as parlé de l’amour comme personne encore ne m’en avait parlé
Toi qui un soir es venue te blottir contre moi
Toi qui m’as dit simplement « je ne veux pas te quitter »
Toi que j’ai connue dans un lit de tendresse
Toi…
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24/11/2012
Autrefois
Autrefois j’ai parcouru le monde.
J’ai vu des déserts, des montagnes et des mers,
De grands fleuves, des marais et des rivières.
J’ai traversé des forêts, des plaines et des vallées
Et j’ai emprunté tous les chemins de la terre.
J’ai connu la neige et le froid
Sur les massifs schisteux ou les grands plateaux calcaires
Puis j’ai connu la sécheresse et la chaleur
Au fond de toutes les Espagnes
J’ai visité Venise la belle
Noyée dans son miroir
Et la verte Toscane
Dont les collines courent vers la mer.
J’ai vu les lacs des Alpes et les torrents des Pyrénées
Tous les pins des Landes et même la côte bretonne
Des falaises d’Irlande, j’ai contemplé l’océan
Cette immensité liquide aux remous incertains.
Autrefois j’ai parcouru le monde.
Autrefois.
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15/11/2012
Le retour
Ce jour-là, j’ai retrouvé la forêt.
Pas ce petit bois qu’on rencontre à la sortie des villes. Non, la vraie forêt, la forêt primitive, celle de mon enfance, celle de toujours. L’indomptée, l’insoumise, celle qui fut toujours forêt et que l’homme, jamais, ne parvint à évincer. Depuis le plus haut Moyen-âge, jamais bûcheron n’en vint à bout, jamais paysan ne put en conquérir la moindre parcelle pour agrandir ses champs. Toujours la forêt fut là, aussi loin qu’on remonte dans la mémoire des hommes.
Le village, j’en ai parlé. Il dort au cœur des grands bois, le long d’une boucle de la rivière. Trois maisons, un cimetière. C’est là que reposent les miens. Partout autour, c’est la forêt. Celle de Rimbaud, celle de Verlaine, celle qui traverse toutes les frontières. C’est un pays sauvage où la vie, toujours, a été dure. C’est le pays qui m’a formé, c’est mon pays.
Ce jour-là, j’ai retrouvé la forêt.
Photo personnelle, octobre2012
11:59 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : littérature
02/11/2012
Dans le grenier
Dans le grenier, il n’y a rien, rien que quelques boîtes remplies d’objets hétéroclites, souvenirs d’époques révolues. Les ouvrir vous plonge dans des regrets sans fin et mieux vaut donc éviter cette descente aux enfers de la mémoire.
Dans le grenier, il n’y a rien, rien qu’un vieux fantôme qui parfois me rend visite. Gentil, courtois, il glisse dans l’ombre sans faire de bruit. C’est à peine si on le devine, tant il est discret. Seule une toile d’araignée frémit dans un coin, signe de son passage pour ceux qui savent voir.
Dans le grenier il n’y a rien, rien qu’un gros morceau de fromage laissé là pour les souris, par amitié pure pour la gent rongeuse. Parfois, de ma chambre, je les entends trottiner à qui mieux mieux, organiser des débats, traiter des affaires de leur Etat. C’est un peuple pacifique et craintif, qui jamais n’assassina personne.
Dans le grenier il n’y a rien, rien qu’une vieille horloge aux aiguilles arrêtées, symbole du temps qui fut et qui jamais plus ne sera. Il y a aussi une armoire remplie de vêtements vieux. Nul ne sait à qui ils purent bien appartenir, ni en quel siècle ils furent portés, si jamais ils le furent.
Dans le grenier il n’y a rien, sauf une lucarne par où je contemple le ciel. Couché sur le plancher, je regarde l’azur, qu’un oiseau parfois traverse d’un vol lent ; ou je compte les nuages, qui passent de droite à gauche, en partance pour nulle part ; ou bien encore j’observe les étoiles, ces mondes disparus qui éclairent ma nuit incertaine. Parfois, fatigué de rêver à des amours improbables et à des voyages impossibles, je m’assoupis un instant. Du fond de mes songes, il me semble entendre un bruit étrange, et je me réveille vaguement. S’agit-il d’une souris qui trotte dans l’obscurité, du fantôme qui frôle l’armoire aux souvenirs, ou de la vieille horloge qui aurait sonné les douze coups de minuit, marquant la fin inéluctable de la partie ?
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28/10/2012
Cimetière
Je suis revenu.
Je suis revenu au village après toutes ces années d’absence. Vingt ans au moins, si pas plus.
J’ai ouvert la petite grille du cimetière, qui a grincé comme autrefois. Rien ne semblait avoir changé.
Les tombes, avec leurs croix de pierre, étaient blotties contre le mur de la vieille église et les arbres penchaient toujours vers elles leur feuillage abondant.
Je me suis avancé dans l’allée de gravier, le cœur battant. Le silence était impressionnant. Les oiseaux, en ce début d’automne, étaient partis et j’étais vraiment seul.
Alors, tout en marchant, j’ai regardé autour de moi.
Ils étaient tous là. Tous ceux que j’avais connus et tous ceux dont le nom m’était familier. Il n’en manquait pas un. Ils avaient été les compagnons d’école de mes parents. Parfois, je les avais rencontrés, revenant des champs, et tenant par la bride leurs chevaux de labour. Ils s’arrêtaient un instant et roulaient une cigarette en évoquant le bon vieux temps.
Et aujourd’hui ils étaient là. Leurs noms s’alignaient les uns après les autres sur les pierres des tombes. Ils étaient de nouveau réunis, comme autrefois autour du « Maître d’école», quand ils étaient enfants. Mais ils étaient sages comme ils ne l’avaient jamais été, et immobiles à jamais.
Il n’en manquait pas un. Ils étaient tous là.
J’ai refermé la petite grille derrière moi et je suis parti, méditant sur les années qui avaient passé. Un coup de vent fit voler quelques feuilles jaunes. L’automne, déjà, était là, annonçant un hiver qui approchait à grands pas.
Photo personnelle octobre 2012
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19/10/2012
Sur la route...
Sur la route, il n’y avait rien.
Rien que l’asphalte mouillé où mes pas résonnaient.
Dans les fossés, la pluie récente avait laissé d’étranges flaques.
Des flaques où se réfléchissaient tous les nuages du ciel.
De chaque côté du chemin, les grands arbres ployaient sous le vent.
Un fort vent d’automne, qui soufflait en rafale.
Des gouttes, parfois, tombaient des branches aux feuilles jaunissantes.
Elles tombaient dans les fossés, au milieu des nuages.
Point d’animaux, dans la grande forêt.
Nulle course effrénée, nul chant nostalgique.
Rien que le silence.
Les oiseaux s’étaient enfuis vers un Sud improbable et le grand cerf était mort.
Mort d’une balle assassine, dans la saison des amours.
Moi, je marchais au hasard, sans but, ne sachant où aller.
Je tentais d’oublier un chagrin, que je cachais avec peine.
Je marchais, et mes pas résonnaient sur l’asphalte mouillé.
Sur la route, il n’y avait rien.
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09/09/2012
Galop fantastique
Quel était ce galop entendu dans la nuit ?
Quelles bêtes étranges, quelles créatures bizarres
sont passées près de nous, au milieu de nos songes ?
Le sol en tremblait, martelé par des millions de sabots,
Et la vieille maison en fut tout ébranlée.
Quel était ce galop, entendu dans la nuit ?
Quels êtres sauvages, farouches et indomptés
passèrent sur le chemin, près de la vieille demeure ?
Ils étaient des millions à marteler le sol,
Beuglant à l’unisson, comme les bêtes de nos songes.
Quel était ce galop entendu dans la nuit ?
Quelles créatures fantastiques, quels troupeaux diaboliques
martelèrent le chemin, près de notre vieille maison ?
Des heures durant, nous en tremblâmes dans nos rêves,
et en fûmes ébranlés au plus profond de notre être.
Quel était donc ce galop, entendu dans la nuit ?
22:47 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature
05/09/2012
Bleu marine
Toi qui dors nue au milieu de tes rêves,
Toi qui lis toute la nuit sous la lune bleue
Et qui entends la mer battre les falaises du monde,
A quoi songes-tu quand la marée monte
Et que le désir te submerge dans l’ombre,
Tandis que les vagues, dans les lointains,
Se retournent avec fracas sur les rochers noirs ?
Toi qui dors nue au milieu de nulle part,
Toi qui rêves de la lune et de tous les départs,
Et qui entends battre ton cœur chaque fois que la marée monte
A qui songes-tu dans ton grand lit sombre,
A quel marin parti vers de vagues lointains,
Tandis que la lumière d’un grand phare
Eclaire subitement tes beaux cheveux noirs ?
Toi qui rêves nue au milieu de la nuit,
Toi qui écoutes la mer au pied des falaises bleues
Et qui dors dans un lit balloté par les vagues,
Pourquoi songes-tu à tous ces marins, à tous ces départs,
A tous ces navires perdus et sans phare,
Tandis que la marée monte le long des rochers noirs ?
00:55 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature
25/01/2012
Le cahier bleu
C’était un cahier bleu avec des pages blanches.
Des pages toutes blanches que je voulais remplir.
Dehors, de grands oiseaux tournoyaient dans l’infini des cieux
De grands oiseaux de mer qui venaient de très loin.
Sur ma table était posé un stylo à l’encre bleue
Une encre bleue qui ressemblait à la nuit.
Dans mon cœur il y avait les souvenirs des jours passés
Les jours passés à aimer.
Dans ma tête se pressaient tous les rêves
Ces rêves qui ouvrent les portes du lendemain.
Derrière moi, se trouvait une bibliothèque
Une bibliothèque où s’entassaient la plupart des écrits du monde.
J’ai ouvert le cahier à la première page
La première page toute blanche
J’ai regardé l’oiseau qui volait dans le ciel
Le ciel infini et bleu.
Dans ma main je tenais mon stylo
Ce stylo qui avait tant écrit déjà.
Ce jour-là pourtant je n’ai trouvé aucun mot
Aucun mot digne de figurer dans le cahier bleu.
J’ai regardé encore l’oiseau et le ciel
Le ciel rempli de rêves et de souvenirs.
Alors derrière moi j’ai pris un livre
Un livre qui parlait de la mer et de la nuit
Je suis resté longtemps à écouter le silence
Le silence qui régnait dans mon cœur.
Dehors le bel oiseau blanc était parti
Parti à jamais dans l’obscurité de la nuit.
J’ai déposé mon stylo, j’ai refermé le cahier
Le cahier bleu avec ses pages blanches.
00:56 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature
20/01/2012
Quand vient la nuit
Quand le soleil est descendu à l’horizon
Et que la nuit, lentement, s’est installée.
Quand les animaux se sont tus
Et que le vent est tombé.
Quand la mer, sur la plage, s’est retirée
Et que les montagnes ont disparu dans la brume.
Quand dans le ciel noir une étoile enfin a brillé
Et que dans le lointain un hibou l’a saluée
Alors, dans la forêt, les loups se sont levés
Et lentement se sont approchés.
Certains ont même vu luire leurs yeux dans l’ombre.
07:00 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature
17/01/2012
Eté pluvieux
Trois gouttes d’eau descendent lentement
Le long d’une feuille,
Vestiges d’une averse
Au cœur de l’été.
Trois gouttes d’eau qui coulent
Le long de ta joue,
Et ton cœur en pleurs
En plein juillet.
Trois gouttes d’eau qui tombent sur le sol
Puis s’évaporent
Dans la chaleur estivale.
Trois gouttes d’eau au goût de sel
Qui tombent sur ton cœur.
C’est tout l’été qui pleure.
07:00 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : littérature
04/01/2012
Présence-absence
Dans le miroir, j’ai aperçu ton reflet.
C’était impossible, je devais rêver.
J’ai mieux regardé et, en effet, il n’y avait rien.
Rien qu’un grand vide avec au fond tous mes souvenirs.
Dans le salon, j’ai cru sentir ton parfum.
Ce n’était pas possible, il y avait si longtemps…
J’ai ouvert la fenêtre et tout s’est évanoui
Sauf le désir que j’avais de te revoir.
J’ai pris le sentier qui mène au petit bois,
Celui où nous allions nous promener autrefois.
Dans la boue fraîche, sous les feuilles mortes,
J’ai cru distinguer l’empreinte de ton pas.
C’était sans doute celui d’une autre promeneuse.
Il y a si longtemps que tu n’es plus venue par ici…
Dans la clairière, sur le petit banc, un livre avait été oublié.
J’ai feuilleté ses pages, mais elles étaient toutes blanches.
La pluie, sans doute, avait tout effacé.
En descendant vers la plage, déserte à cette heure,
J’ai cru entendre ta voix, dans les lointains.
Ce n’était que le bruit du vent dans les pins.
Du moins je crois.
Sur le sable, j’ai trouvé des traces de pas
Et je les ai suivies.
Elles menaient droit à la mer,
Où elles disparaissaient.
Alors j’ai compris que je t’avais vraiment perdue.
Aquarelle peinte par notre ami Halagu, qui s'est inspiré de ce poème
18:58 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : littérature
28/12/2011
La grande marche
Nous sommes descendus des collines et nous avons marché vers la mer.
Cela nous a pris des semaines et des semaines, probablement des mois. Parfois, même, nous nous sommes égarés et il nous a fallu demander notre chemin.
Nous avons traversé des forêts qui n’avaient pas de fin. La route fut si longue que les feuilles, déjà, jaunissaient alors que nous en étions encore à chercher la sortie. Nulle clairière où nous reposer. Nous marchions sans arrêt et, sous nos pieds, les feuilles finirent par former un tapis épais qui amortissait le bruit de nos pas.
Nous avons écouté le grand silence et nous avons compris que nous étions seuls.
Enfin, un jour, nous sommes arrivés dans la plaine. Ce fut plus facile alors pour progresser. Il nous suffisait d’emprunter le chemin qui traversait les vignes et de le suivre jusqu’à l’horizon. Cela nous prit pourtant encore pas mal de temps. Chaque soir le soleil empourprait le ciel tandis que nous poursuivions en vain notre marche en nous guidant sur cet étrange incendie.
La nuit, les ceps dénudés tendaient leurs branches sans vie. Dans la pâle clarté lunaire, on se serait cru dans un cimetière, un cimetière qui n’aurait eu ni commencement ni fin. Au petit jour, des corbeaux lançaient leurs cris dans le brouillard, voix mystérieuses et invisibles qui sonnaient à nos oreilles comme d’imprécises menaces.
Enfin, un soir, sous sommes arrivés sur une plage, face à la mer écumante. Il n’y avait personne. Rien que le vent qui balayait le sable, créant des formes aussi étranges qu’improbables. Nous avons contemplé ces fantômes de poussière, semblables aux chimères qui hantaient nos rêves. Nous avons su alors que tout était perdu et qu’il n’y avait plus rien à attendre.
La vie était derrière nous, dans nos rêves d’enfants et nos désirs d’adolescents. Nous avions tous en mémoire des amours trop tôt disparues et nous savions maintenant que ce n’était pas ici, dans ce désert de sable, de vent et d’écume, que nous allions les retrouver.
Nous nous sommes assis et nous avons contemplé l’océan. Sa fureur n’avait plus rien à nous apprendre. Nous avions compris, désormais, que toute colère est vaine et que le temps perdu ne se rattrape pas.
Nous nous sommes couchés à même le sable, écoutant le bruit monotone des vagues qui, les unes après les autres, venaient mourir contre les rochers.
A la fin, épuisés, nous nous sommes endormis.
Aucun de nous ne s’est réveillé.
07:02 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : littérature