09/02/2013
In memoriam
Toujours, il y aura des personnes pour crier la vérité.
Pas beaucoup, mais il y en aura.
Il y en aura au moins un.
Alors, comme souvent, le croyant seul, d’autres viendront pour le faire taire.
D’où sortent-ils ?
Nul ne le sait, on ne les avait jamais vus, ni ici ni ailleurs.
Peut-être, après tout, étaient-ils bien cachés ?
Mais aujourd’hui, ils sont là, loups hurlant avec la meute, trottant en bande dans nos avenues, piétinant nos rêves.
Et voilà que quatre coups de feu ont retenti, quatre coups de feu qui marquent la fin d’un monde.
Un homme s‘écroule devant chez lui, assassiné au nom d’un livre sacré.
L’ont-ils bien lu, ce livre, ceux qui viennent de tirer, tuant du même coup la liberté, la justice et la vérité ?
Un grand silence s’est fait dans toute la ville, un silence terrible, plus profond que celui du désert.
Les loups s’en donnent à cœur joie. Ils sont maîtres des avenues, ils sont maîtres de nos rêves.
Déjà, ils gravissent les marches du Palais, où leurs pattes laissent des empreintes de sang.
Mais voilà qu’un homme sort de sa maison, puis un autre et encore un autre.
On entend le claquement sec des portes qui se referment derrière eux.
Ils marchent au milieu de l’avenue, ensemble, bientôt rejoints par d’autres encore.
Ils sont maintenant des dizaines, des centaines, des milliers.
Dans leurs yeux, il y a toute l’étendue du désert, toute sa beauté et son grand silence.
Dans leurs yeux il y a l’image de ces arbres qui poussent au milieu des sables et qui ne meurent jamais.
Ils marchent au milieu de l’avenue, ils ne disent rien.
Ils marchent.
Ces lignes sont dédiées à Chokri Belaïd, assassiné cette semaine en Tunisie pour ses idées de gauche.
00:27 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : littérature
Commentaires
Quel superbe texte et quel magnifique hommage! La musique de cette langue m'invite au silence et je m'y plie volontiers.
Écrit par : Halagu | 09/02/2013
Comme Halagu.
Écrit par : Michèle | 09/02/2013
Respect pour l'éloquence du cœur.
Écrit par : Barnabé | 09/02/2013
J'ai envoyé, hier, un message à mon frère ainé pour lui conseiller la lecture de ce beau poème. Voici sa réponse que j'ai reçue ce matin, je vous la livre telle quelle. Je suis sûr qu'il me pardonnera la liberté que je prends en la rendant publique:
"Il y a des fois où l'on accuse les mots de tous les maux. On pense que c'est de leur faute si on n'arrive pas à dénicher parmi eux, ceux qui auraient le pouvoir d'exprimer avec justesse ce que le cœur ressent. Ce beau poème vient nous dire: non ! Il vient nous rappeler que nos émotions, lorsqu'elles sont profondes et sincères, sont capables d'agencer les mots simples, les mots de tous les jours pour les faire rejaillir du plus profond de notre être et aller saisir le lecteur dans ce qu'il a de plus sensible, dans ce qu'il a de plus humain..., enfin ! Merci au poète."
Écrit par : Halagu | 10/02/2013
Eh bien... je ne sais que dire. Je suis content en tout cas que ce petit texte ait pu toucher pas mal de monde, ce qui signifie que le thème abordé est loin de laisser indifférent.
Écrit par : Feuilly | 10/02/2013
Bel hommage, justifié.
Que restera-t-il de lui ?
Le livre sacré est en effet profané par ce meurtre et ne peut l'avoir inspiré.
J'espère que d'autres en effet auront le courage de poursuivre.
Écrit par : Rosa | 10/02/2013
@ Rosa : malheureusement, Rosa, ceux qui ont fait cela se sont bien inspirés du livre sacré. Je ne dis pas qu'ils l'ont compris. A moins, à moins, que quelque main sanguinaire, désirant voir la Tunisie s'embraser, n'ait poussé à la chose. Est-ce qu'on connaît le dessous des cartes ?
Écrit par : Feuilly | 10/02/2013
Réponse : très rarement.
Écrit par : Barnabé | 11/02/2013
Un bel hommage à ceux qui veulent continuer à marcher la tête haute !
Écrit par : saravati | 14/02/2013
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