04/01/2012
Présence-absence
Dans le miroir, j’ai aperçu ton reflet.
C’était impossible, je devais rêver.
J’ai mieux regardé et, en effet, il n’y avait rien.
Rien qu’un grand vide avec au fond tous mes souvenirs.
Dans le salon, j’ai cru sentir ton parfum.
Ce n’était pas possible, il y avait si longtemps…
J’ai ouvert la fenêtre et tout s’est évanoui
Sauf le désir que j’avais de te revoir.
J’ai pris le sentier qui mène au petit bois,
Celui où nous allions nous promener autrefois.
Dans la boue fraîche, sous les feuilles mortes,
J’ai cru distinguer l’empreinte de ton pas.
C’était sans doute celui d’une autre promeneuse.
Il y a si longtemps que tu n’es plus venue par ici…
Dans la clairière, sur le petit banc, un livre avait été oublié.
J’ai feuilleté ses pages, mais elles étaient toutes blanches.
La pluie, sans doute, avait tout effacé.
En descendant vers la plage, déserte à cette heure,
J’ai cru entendre ta voix, dans les lointains.
Ce n’était que le bruit du vent dans les pins.
Du moins je crois.
Sur le sable, j’ai trouvé des traces de pas
Et je les ai suivies.
Elles menaient droit à la mer,
Où elles disparaissaient.
Alors j’ai compris que je t’avais vraiment perdue.
Aquarelle peinte par notre ami Halagu, qui s'est inspiré de ce poème
18:58 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : littérature
Commentaires
Une absence qui se diffuse en une présence infiniment discrète, intensément secrète.
Beauté et pudeur du poème en réponse à la pudeur du retrait...
Écrit par : Michèle | 05/01/2012
@ Michèle : pour dire que le souvenir d'une personne autrefois aimée ne s'estompe jamais vraiment.
Écrit par : Feuilly | 05/01/2012
L'amour a besoin de mirages pour entretenir ses souvenirs.
Et puis soudain un moment de lucidité remet les choses à leur place jusqu'à la prochaine fois...
Écrit par : saravati | 06/01/2012
Dans la clairière, sur le petit banc, un livre avait été oublié.
J’ai feuilleté ses pages, mais elles étaient toutes blanches.
La pluie, sans doute, avait tout effacé.
Au moment où je lisais ces magnifiques vers, j'ai revu ma petite fille, âgée d'à peine trois ans, assise à mes côtes, un iPad sur les genoux. Dans un mouvement vif et assuré, elle tournait "les pages" avec son index. J'ai pensé que dans quelques années, quand elle saura lire, elle aura une bibliothèque entière chargée dans une « liseuse » portable de quelques millimètres d’épaisseur. La poésie d'un livre oublié sur le petit banc aura peut-être sur elle, le même impact qu'a eu sur ma génération, la chandelle de Ronsard. Je me rassure presque en pensant qu'elle aura mes livres pour sentir -simple curiosité olfactive- l'odeur du papier imprimé.
Dernier souvenir (oui, encore un, et je n'y peux rien !) évoqué par votre poème est lié aux "Souvenirs d'enfance" de Pagnol. L'adaptation télévisuelle des tomes III et IV (Le Temps des secrets et Le Temps des amours) de ce roman en quatre volumes, contient une petite chanson de générique éponyme, écrite par Didier Barbelivien et interprétée par Ludivine Ambiel. Elle évoque en particulier "l'absence qui se diffuse en une présence infiniment discrète, intensément secrète" (Michèle) et votre réponse à savoir que " le souvenir d'une personne autrefois aimée ne s'estompe jamais vraiment."
Le refrain : Le temps des amours, le temps des secrets/Nous revient toujours des années après/Face au temps qui court on n'oublie jamais/Le temps des amours, le temps des secrets.
Pour l'écoute, voici le lien :
http://www.dailymotion.com/video/xdazrg_pagnol-le-temps-des-secrets_shortfilms
Bonne année poétique et douce à tous.
Écrit par : Halagu | 06/01/2012
@ Saravati : l'amour, oui. Il fait souvent souffrir, mais que vaudrait la vie sans lui?
@ Halagu : merci pour ce témoignage. Je me pose les mêmes questions. Mon amour pour les livres, les générations suivantes ne l'auront probablement pas, tout simplement parce qu'il n'y aura plus de livres. Les moines copistes du Moyen-Age ont dû ressentir la même chose quand l'imprimerie est née. Il n'empêche, les livres ont fait partie de notre vie, s'en priver sera une perte.
Écrit par : Feuilly | 07/01/2012
C'est beau à en avoir envie de pleurer, Feuilly. Heureusement que les vieux comme moi n'ont plus de larmes, sinon tu vois l'inondation... avec tout ce qui a été, n'est plus, eût pu être, ne sera jamais, etc...
Écrit par : giulio | 11/01/2012
@ Giulio : oui, tout ce qui n'est plus nous fend le coeur. Nous en conservons la nostalgie au plus profond de nous. Quant à tout ce qui aurait pu être, c'est encore plus prenant, car la douleur est récente et à vif.
Écrit par : Feuilly | 11/01/2012
Magnifique aquarelle. Merci Halagu.
Écrit par : Michèle | 19/10/2012
Merci à vous Michèle, très touché.
Merci aussi à Feuilly qui a fait bon accueil à une passion hésitante.
Écrit par : Halagu | 24/10/2012
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