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04/08/2018

Souvenirs

De l’enfance lointaine, au fond des forêts, subsistent des souvenirs de feuilles mortes, d’écorce chaude et d’odeurs sauvages et pénétrantes.

Le village, blotti au creux de la rivière, en épousait toutes les courbes. Les saules pleuraient éternellement et du haut des falaises, des oiseaux fantastiques planaient dans le ciel d’un éternel été.

Sur les routes écolières, par les ponts de bois ou de pierre, nous marchions vers notre devenir.

Sur l’estrade haute, le maître épelait des savoirs antiques et nous l’écoutions, rêveurs, en songeant à toutes ces vies éteintes qui avaient cessé d’être.

Les dimanches étaient désespérants et notre ennui se blottissait au cœur des églises, parmi les chants et les encens mystiques.

Les repas, interminables, prenaient fin avec la nuit, quand les hiboux énigmatiques lançaient des cris incompréhensibles.

Puis l’obscurité nous enveloppait, nous plongeant dans des terreurs primitives. Au milieu de nos rêves, surgissaient des ancêtres inconnus, qui dessinaient d’une main hésitante des animaux étranges sur les parois des grottes.

Ces grottes, nous partions à leur recherche dans l’aube blafarde, quand la terre s’éveillait lentement et que dans les grands chênes le premier oiseau du monde nous saluait.

Il nous fallut toute une vie pour comprendre qu’il n’y avait d’autre trésor que notre enfance, maintenant à jamais perdue.  

 

Littérature

20:53 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature

Commentaires

J'aime comment, avec ton texte, on est dans des histoires de la petite enfance, une petite enfance géologique, qui peut remonter à des millions d'années.
La grotte et les dessins sur les parois pour maîtriser les peurs nocturnes, la grande peur immémoriale d'une nuit éternelle qu'aucun jour jamais ne viendra relayer.
Le Mérimée de nos dictées fut aussi l'homme sauveur du patrimoine : quand, en 1845, on déterra le premier os magdalénien décoré de deux biches dans la grotte de Chaffaud dans la Vienne, des spécialistes celtiques s'empressèrent de l'attribuer à l'âge de fer (nous dit Rouaud dans "La splendeur escamotée de frère Cheval").
Mérimée douta de cette datation - un âge de fer en os, c'est suspect -, au point de réaliser une première, un calque des deux cervidés. Le voile s'entrebâillait sur les confins de notre histoire, on commença d'y regarder de plus près.

Écrit par : Michèle | 05/08/2018

Je suis très touchée par ce texte. Intellectuellement je comprends par quoi je suis touchée, renvoyée à la caverne, à des gouffres (un peu) effrayants. Mais je sens bien que ça me touche aussi à un point aveugle, un endroit où moi je suis aveugle. Mais j'aime. C'est doux. C'est tendre.

Écrit par : Michèle | 06/08/2018

@ Michèle : oui, ce texte parle de l’enfance individuelle, mais élargit le débat en évoquant celle de l’humanité. Les dessins rupestres m’ont toujours fascinés, par ce qu’ils disent (ou ne disent pas ) sur nos ancêtres. Ces quelques traces laissées par des êtres qui ont vécu tellement longtemps avant nous sont poignantes.
J’ignorais l’anecdote sur Mérimée.

Écrit par : Feuilly | 07/08/2018

Merveilleuse évocation de cette période si belle et si trouble, où se construit et se démolit tout à la fois...
Merci JF
 •.¸¸.•*`*•.¸¸✿

Écrit par : celestine | 07/08/2018

@ Célestine : oui, l'enfance, on n'en finit pas d'y revenir...

Écrit par : Feuilly | 07/08/2018

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