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18/03/2008

Philosophons

Question philosophique sans intérêt, sans doute, mais dont la réponse n’est cependant pas facile à trouver. Qu’est-ce qui fait que je suis moi ? Bien sûr vous allez répondre par toute une série de considérations d’ordre génétique ou psychologique. Je possède tel caractère parce que dans mes gènes se trouve tel ou tel élément qui me conditionne à agir d’une manière ou d’une autre. La combinaison de ces éléments fait que je suis plus ou moins patient, plus ou moins agressif, plus ou moins tolérant. L’ascendance explique aussi que je possède ou ne possède telle force physique, telle couleur des yeux ou telle prédisposition à certaines maladies.

D’autres répondront que tout ceci est bien beau, mais que l’acquis détermine pour le moins autant le caractère d’un individu que sa carte d’identité génétique. Dans cette hypothèse, je posséderais tel caractère parce que j’ai évolué dans un certain milieu, à une certaine époque et que les expériences vécues ont conditionné à mon insu mes comportements actuels. Ainsi, une attitude de fuite correspondrait à tel traumatisme remontant à la petite enfance ou au contraire un comportement agressif correspondrait à la répétition d’une attitude bénéfique adoptée une fois dans un contexte précis.

Fort bien. Remarquons que les deux théories peuvent se combiner. Devant une même situation, deux individus, neutres au départ, réagiront différemment en fonction de leur tempérament de départ. Puis, selon que ce comportement a entraîné un échec (développant à son tour un traumatisme) ou au contraire une réussite, chacun adaptera le tir et soit répétera à l’infini le même geste dans des circonstances analogues, soit évitera de se retrouver dans cette même situation (devant laquelle il ne pourrait que rester bloqué).

Notons en passant que tout ceci est exponentiel. Un enfant craintif évitera de faire certaines expériences. Devenu adulte, il sera devenu d’autant plus craintif qu’il n’aura jamais eu l’occasion de se prouver à lui-même qu’il pouvait dépasser sa peur et résoudre en fait le problème. Inversement, celui qui était déjà de nature téméraire multipliera les expériences lesquelles, à leur tour, vont lui permettre de renforcer cette confiance qu’il a en ses propres capacités.

Tout ceci explique donc pourquoi je suis comme ceci plutôt que comme cela. Mais ce n’est pas de cela que je voulais parler quand je disais « pourquoi suis-je moi ? »

Si j’observe un animal (un chien par exemple), je trouve normal, puisqu’il a un cœur, des membres, un cerveau, qu’il vive et se déplace. Autrement dit, dans la peu de ce chien, il y a « quelqu’un ». Si je prends trois chiens en bonne santé, il n’y a rien de plus normal que de les voir sauter et courir, comme il est tout aussi normal que chacun ait son caractère et son tempérament. Donc, à l’intérieur de ces trois chiens, il y a trois êtres distincts. Mais qu’est-ce qui fait qu’à l’intérieur du premier chien (supposons qu’il soit blanc, pour la clarté de l’exposé) il y ait une « âme » (les croyants me pardonneront, mais je ne trouve pas d’autre manière de m’exprimer) qui soit propre à ce chien-là et qui n’est pas celle du deuxième ou du troisième chien ?

Ne revenez pas avec des explications de l’ordre de l’inné ou de l’acquis, elles ne font que dire pourquoi le chien blanc est plus gentil ou moins peureux, elles ne disent pas pourquoi c’est cette « âme-là » qui se trouve dans la peau du chien blanc et pas dans celle du chien noir.

Donc, pour m’exprimer autrement, s’il est normal qu’un être animé ait sa personnalité propre, cela ne nous dit pas comment ce chien, en son fort intérieur, peut dire « je ». Qu’est-ce qui fait que dans la peau de ce chien blanc il y ait un être qui a conscience d’exister et qui n’est pas le même que celui qui est dans la peau du chien noir ? Etant entendu que tout ce qui vient d’être dit des chiens peut s’appliquer aux humains. Je comprends que mon voisin est différent de moi, je comprends éventuellement pourquoi il a tel ou tel trait de caractère qui lui est propre, je comprends que dans son corps se trouve un être doué de raison qui dit « je », mais je n’arrive pas à expliquer pourquoi c’est lui (spécifiquement lui) qui est dans ce corps-là et pas moi par exemple. Si je trouve normal qu’un corps soit habité par un individu qui a conscience de lui-même, si je trouve normal qu’il en soit ainsi pour tous les corps (y compris ceux des animaux), je n’arrive pas encore à dire ce qui a fait que je suis moi, dans le corps que j’occupe et pourquoi je parviens à dire « je » au moment où j’écris ces lignes. En effet, mon propre corps aurait pu être « occupé » par une autre conscience, qui aurait dit « je » à son tour et dont la présence dans ce corps n’aurait choqué personne.

Les croyants auront beau jeu de me resservir leur théorie sur l’âme et sur la création transcendante. Dieu aurait créé de toute pièce ce « je » que je suis en train de tenter de définir et l’aurait placé dans un corps (peu importe lequel, en fait) ou bien, selon d’autres théories, plus orientales, cette même âme immortelle ne ferait que passer d’un corps à un autre.

A partir du moment où on réfute la religion (belle croyance qui permet de vaincre la peur de la mort en s’accordant à bon compte l’immortalité), il nous faut cependant tenter de comprendre d’où vient ce « je ». Avoir la foi consiste souvent à croire sans comprendre, en déplaçant le problème. En effet, pas plus que moi le croyant ne peut expliquer l’origine du monde, mais il pallie à cette incompréhension en disant que c’est Dieu qui a créé le monde, oubliant au passage de nous expliquer qui est Dieu. De son point de vue à lui, il est vrai qu’il n’a pas à le faire, car c’est un postulat de sa foi : Dieu existe, point final. Il en va de même avec la théorie de l’âme. Ce « je » que je tente en vain de définir, le croyant lui donne un nom : c’est mon âme, dont l’existence est voulue par Dieu. Content avec cette explication qui ramène tout à la dimension humaine (et qui est, avouons-le, d’un anthropocentrisme étroit, l’univers s’étendant bien au-delà de la simple espèce humaine, apparue il y a peu et manifestement appelée à disparaître dans pas bien longtemps), le croyant est rassuré : Dieu a voulu son existence et l’aime, comme ses parents avaient voulu aussi son existence et en principe l’avaient aimé. On touche du doigt ici le côté puéril et rassurant de la foi, qui permet à l’individu de justifier son existence sur terre. Il « est » parce que d’autres l’ont voulu et il n’a pas à se demander pourquoi. Dès lors il peut se laisser vivre, se sentant en harmonie avec le monde (son moi intérieur, ce microcosme, rejoignant le grand tout, le macrocosme).

Pour nous, il n’en va pas de même et il nous faut bien tenter de comprendre pourquoi nous sommes là, qui nous sommes et ce que nous pourrions bien faire en ce lieu.

En attendant, rien ne nous dit comment ce « moi » qui m’habite a pu surgir du néant. C’est tout de même un miracle absolu que ce « moi » ait pu exister (et votre « moi » pour vous qui me lisez, car je ne veux pas ici me replier dans une démarche nombriliste, mais au contraire réfléchir pour tout un chacun d’un point de vue ontique). C’est bien pour cela que nous y tenons beaucoup. Nous le sentons fragile, nous le savons éphémère et nous savons qu’il sera appelé à disparaître. C’est là qu’est l’horreur. Je citais l’autre jour Montaigne qui disait qu’il n’avait pas peur de la mort mais bien de mourir. Sans doute. Il n’empêche que ce néant de l’être, cette dissolution du « je », cet évanouissement d’une conscience a de quoi inquiéter. Comment peut-on ne plus être ? Comment accepter cette absence de soi-même ? Pour un peu, on réinventerait Dieu pour lui demander des comptes.


Commentaires

Admettre le néant, c'est nier le néant... Parce que, par definition, le néant c'est rien. Alors ?

Écrit par : redonnet | 18/03/2008

Mais dîtes-moi, Cher Feuilly, vous êtes donc de ces pays bleus et verts d'où je viens ?

Écrit par : Redonnet | 18/03/2008

Je ne connaissais pas votre site, je le découvre par quelqu'un y fait allusion chez moi...
Je partage vos propos globalement à propos de Dieu et des religions.
En revanche je m'interroge sur certains points.

- la conscience que le chien peut avoir de lui-même ?
- le dualisme que vous semblez poser comme postulat quant au corps et à l'âme (la conscience, le je...)
Vous dites : "mon propre corps aurait pu être occupé par une autre conscience".
J'ai plutôt tendance à penser que c'est de l'ordre de l'impossible.
Bien sûr, on peut toujours rêver et supputer...

La conscience est une émanation de la personne, et elle lui est unique, elle lui est intimement et corporellement liée. (D'ailleurs, on dit MA conscience). Elle ne peut pas se balader de corps en corps, comme l'oiseau sautant de branche en branche.
Le moi qui habite la personne n'est autre... que soi-même. Un peu comme le reflet dans la glace n'est jamais que moi projeté. La conscience n'est pas quelqu'un, mais une capacité réflexive. Toute la problématique me semble être qu'à partir du moment où je me regarde dans le miroir, je me mets à dialoguer avec mon reflet. (La voix de la conscience). Comme un autre moi-même, comme un autre en moi... Mais est-ce la juste réalité ?

Difficile d'imaginer une âme surgir du néant pour se précipiter dans un corps qui passerait par là. En outre cela supposerait une sorte d'ailleurs ayant existence et la contenant, et voici donc que le néant cesse d'être rien...

Cependant, quelque soit la manière dont on envisage les choses, il reste évidemment la question du pourquoi, telle que vous la posez avec justesse.
À partir du moment où on envisage cette question au regard de notre sort après la mort, il est particulièrement tentant d'espérer se survivre... Ce gouffre insupportable du « plus rien après » est tellement énorme et profond que l'homme n'a eu de cesse que d'inventer des "Ailleurs" où nous pourrions continuer...

J'ai écrit sous forme d'affirmations, par commodité, pour éviter la lourdeur des formes hypothétiques et interrogatives, ce n'est pas pour autant que je crois détenir une quelconque vérité... Mon propos n'est évidemment pas pour vous contredire ou chercher à avoir raison contre vous, car ces questions sont éternelles et s'il existait une réponse unique cela se saurait depuis longtemps... Et nous aurions une Religion Unique et Universelle pour adorer L'Unique Réponse !... :))

Bien amicalement.

Écrit par : alainx | 19/03/2008

Je n'ai jamais accouché que d'une réponse, et cette réponse je n'ai jamais su la dire. Je vis dans un monde qui accepte la greffe d'organes, mais pas que 'l'on soit "défiguré" : il est certain que la conscience que j'ai de moi-même lorsque je me regarde dans le miroir et lorsque je parle est faussée. Je porte une conscience autre que celle-ci. Ni ce rein, ni ce coeur, ni ce visage... Ce que j'associe communément à ce reflet, lorsque je l'associé au silence qui m'habite, alors je sais.

Écrit par : solko | 19/03/2008

Réponse à Alain X :

Je ne connaissais pas non plus votre blogue, mais ce que j’y ai lu m’incitera certainement à y retourner.
Après ces échanges de politesse, venons-en aux faits.

1) la conscience du chien : l’animal a conscience de son existence. Ainsi, il sait qu’il est un chien et pas un chat ou un humain. S’il décide d’aller à droite plutôt qu’à gauche, c’est bien lui, par sa volonté, qui le décide. C’est la religion qui a décrété, une fois de plus, que l’animal n’a pas d’âme. Elle était obligée de le dire puisque selon elle Dieu a créé l’homme à son image. L’animal ne pouvait donc être qu’un être imparfait, resté dans une sorte d’enfance et d’inconscience. On sait qu’au XVII° siècle encore, quelqu’un comme La Mettrie, considérait que l’animal ne soufrait pas. Si on le frappait et s’il criait, c’était en quelque sorte mécaniquement, mais sans rien ressentir en fait. Depuis, heureusement, on a progressé et s’il est certain que l’animal n’atteint pas au même stade de conscience de soi que l’homme, on admet maintenant qu’il peut souffrir physiquement (et le législation le protège) et même psychiquement (sentiment de peur, d’angoisse, d’abandon, etc.). Ceci dit, on ne sait rien de la vision que l’animal peut avoir de sa propre mort. A regarder les éléphants qui semblent réfléchir devant le crâne de leurs congénères, on se poserait cependant bien des questions. Brassens ne disait-il pas, en parlant des arbres et des prêtres : « Qu’est-ce qu’il en sait, le bougre, qu’il n’y a pas de chêne au paradis ? »

2) le dualisme entre le corps et l’âme. Vous avez raison, évidemment et c’est par difficulté à m’exprimer que j’ai ainsi représenté les choses. Ce sont les religieux, en fait, qui ont imposé cette dualité. La théorie de la réincarnation hindoue imagine une âme immortelle qui irait de corps en corps, tandis que le catholicisme, plus avare et moins généreux, ne nous offre qu’une âme et un corps. Mais une nouvelle fois, il fait bien la distinction entre les deux. Qu’on se souvienne du Moyen-Age et des fosses communes où on jetait les cadavres sans même les enterrer vraiment (au point que les chiens les déterraient et qu’il n’était pas rare, en se rendant à la messe et en traversant le cimetière qui jouxtait l’église, de heurter un fémur ou un humérus. C’est du moins c que dit Ph. Aries, dans son livre sur « L’Histoire de la mort en Occident »).
Qu’on se souvienne aussi en quel mépris le catholicisme a toujours tenu le corps et ses plaisirs (sans même parler de la sexualité). Seul compte la vie éternelle et donc seule l’âme a de l’importance. Pourtant, comme vous le dites, l’âme est indissociable du corps qu’elle habite, dont elle est en fait l’émanation pure et simple. Ce que j’ai voulu dire, c’est que s’il est normal que mon propre corps se manifeste par une conscience de lui-même qui est moi (comme il est normal que le corps de mon voisin se manifeste lui aussi dans une conscience qui est lui), il est tout de même étonnant que moi je suis moi. Pour le dire encore autrement, parmi les milliards de créatures qui ont existé, il n’y en a qu’une qui est moi (et dans laquelle je me vois moi en train d’être moi).

Mon corps, tel qu’il est, devait forcément débouché sur une conscience intelligente de lui-même. Mais que cette conscience soi précisément « moi », voilà qui est extraordinaire. Si le problème de la dualité vous dérange à juste titre, disons encore les choses autrement. J’aurais pu ne pas naître (un autre spermatozoïde aurait pu féconder un autre ovule) ou naître différemment (un autre spermatozoïde et le même ovule). Ou je n’aurais pas existé ou cela aurait été un autre être qui s’exprimerait ici en ce moment et qui ne serait donc pas moi. D’où la question initiale : comment se fait-il que j’existe. Des milliards d’être humains continueront à naître et jamais plus ne se trouvera parmi eux une personne qui sera moi (même donc si je n’avais pas existé). Je suis lié au corps qui est le mien et qui aurait très bien pu ne pas être. Cette incroyable chance est tellement rare que les prêtres s’en sont rendus compte. C’est pour cela qu’ils parlent d’une volonté divine de me créer. A partir du moment où je réfute leur enseignement, je ne peux que m’extasier devant le peu de probabilités que j’avais eu d’exister. Dans un espace infiniment grand (et en perpétuel expansion) ma petite présence hautement improbable a tout de même de quoi faire rêver. On se sent à la fois très petit et incroyablement important. Mais pourquoi est-ce précisément moi qui habite mon corps ? Cela aurait pu être une autre conscience. Impossible me direz-vous. D’accord. Alors, si vous préférez mon corps aurait pu ne jamais exister et donc moi non plus.

3) quand on réfléchit aux milliards de milliards d’êtres qui auraient pu exister, on demeure fasciné par l’absence de toutes ces consciences qui ne ce sont jamais manifestées mais qui auraient pu le faire.

4) reste a savoir le sens de tout ceci. Aucun sans doute. La nature se bat pour la survie de l’espèce, pas pour celle de l’individu. Mais même cette espèce, on ne comprend pas bien pourquoi il est si important qu’elle existe. En fait il n’y a pas de nécessité, simplement des opportunités. Les loups se multiplient parce qu’il y a beaucoup de gibier, c’est tout. Les dinosaures ont bien disparu sans que le cours des choses en soit autrement perturbé.

Écrit par : Feuilly | 19/03/2008

A Solko:

Comme il existe un hiatus entre la perception que j'ai de moi-même et celle qu'en ont les autres, qui ne me jugent que par mes actions (ou par ce qu'ils perçoivent de mes actions).

Écrit par : Feuilly | 19/03/2008

Merci d'avoir pris le temps de me répondre aussi longuement. Je perçois mieux le sens de votre pensée. (Jusque-là je n'ai lu de vous que cette seule entrée).

Concernant le point 1.
Certes, l'animal n'est pas un simple objet animé. De là à dire que son psychisme va jusqu'à une conscience réflexive de lui... Je ne sais !


Concernant les autres points.
Nous touchons là au coeur même de l'existence...
Comme vous dites : quel est le sens de tout ceci ?

À quoi cela sert-il donc d'avoir conscience de soi ?
cette évolution du vivant a-t-elle une destinée...?

Pour quelles raisons avons-nous la capacité de nous poser cette question : pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?

Cela supposerait une finalité...
Mais voilà, y en a-t-il une ?

Écrit par : alainx | 20/03/2008

S’il y en a une, nous ne la percevons pas, sans doute parce que nous sommes trop limités dans nos moyens ou notre intelligence. C’est bien là le drame de l’homme : un roseau pensant, « Un néant à l'égard de l'infini, un tout à l'égard du néant, un milieu entre rien et tout »
La conscience que j’ai de moi fait que je vis pour moi. Or la nature lutte pour la survie de l’espèce, non pour celle de l’individu. Il est peut-être plus facile d’être une abeille, qui est conditionnée pour défendre sa ruche sans considération pour son destin personnel.

Ou alors une hydre, dont la reproduction asexuée par scissiparité a de quoi faire rêver puisqu’elle lui confère une sorte d’éternité.


ps: j'ai bien peur que vous ne soyez déçu si vous lisez les autres articles, car c'était la première fois que j'abordais ce genre de problématique existentielle.

Écrit par : Feuilly | 20/03/2008

Première réaction : d'où que vous veniez, je suis heureuse que vous existiez !
Puis, ce que vous soulevez, là, devient très complexe. Votre moi "unique" est en perpétuel devenir, comme le mien et celui des autres. Une conscience qui s'affirme et se définit, de jour en jour, selon vos réactions aux évènements qui vous touchent, selon les êtres que le hasard met sur votre chemin.
Et puis,... cela devient encore plus compliqué, par l'art et par la culture. un infini s'ouvre et nous rattache, en amont de nous, à ce chant d'hommes depuis 10000 ans. Ces fameuses grottes dont nous parlions, ces objets retrouvés dans les fouilles, tous ces témoignages d'une pensée qui enfante la nôtre. Les livres... je vous liais à Montaigne, dans la nuit, pas seulement pour les lignes en incipit mais aussi pour les battements d'ailes de vos pensées gémellaires. Je ne pense pas du tout à des réincarnations ou transmissions occultes, non, mais à un patrimoine humain dont nous portons la charge de beauté, mais aussi l'écrasante laideur et cruauté. Nous ne sommes pas une génération spontanée mais comment se relier à cela ?
Une remarque "d'anonymat" sur la RDL, à propos du désir enfoui d'Alexis Léger de signer ses oeuvres Saint-John Perse, et surtout sur le lien qu'il faisait vers une analyse très fine du pseudo, du masque, m'a conduite vers les collections du musée des Arts Premiers. Et j'ai réfléchi, pendant une heure, dans le chuchotement de ces masques, de ces parures, de ces plumes, de ces objets, de ces statues.
Et c'est vers vous que je reviens avec ma charge de souffles et de murmures. Je me suis laissée guidée et me voici, sur cette page, propice à cette réflexion.
C'est un voyage de passeurs...Je suis, à nouveau, restée immobile et fascinée devant l'art tribal des Taïnos. Ces pierres polies à trois pointes, parfaites, que j'aimerais tant tenir longuement dans mes mains me font penser à Brancusi. Là il y a transmission d'un savoir. Ces grands rêveurs, si doux, si respectueux de la nature avaient peur de la mort... les amulettes en forme de tête de mort...le rôle des chamans...
Ces terres des Grandes Antilles me ramènent à votre bateau plus juste que ceux des espagnols !
Puis, j'ai remonté l'allée à la rencontre des hommes-oiseaux...les indiens d'Amazonie. ô, ces parures de plumes ! Porte ouverte sur les rêves... une palette inouïe. Nuances à l'infini, brillances, chatoiements, éclats métalliques...musiques envoûtantes. Tous les oiseaux mêlent leurs plumes et leurs danses nuptiales. Les hommes s'en couvrent, comme les mâles dans la nature... Je les envie tant que devant les vitrines, j'oublie un peu de ma féminité. Moi, j'aurais dansé avec ces plumes quitte à conquérir une squaw ! et je m'invente un animal-totem aux plumes d'oiseau diaprées et flamboyantes... Entrer dans leurs mythes de la création du monde, se concilier les esprits des forêts... et puis,
partir très vite
et flâner un peu sur les quais de la Seine...
et vous retrouver, enchanteur des mots...et pas seulement des mots...

Écrit par : Christiane | 17/08/2008

"d'où que vous veniez, je suis heureuse que vous existiez"

Heureusement que je vous sais grand-mère avec 40 années d'enseignement derrière vous, sinon je finirais par m'inquiéter sur le sens exact de vos propos...

Mais je sais que votre sagesse millénaire nous préserve de cette approche et qu'il s 'agit ici d'esprit complice.

Écrit par : Feuilly | 18/08/2008

Non, c'était en rapport avec le débat qui vous nouait avec les autres amis sur votre blog, à savoir, le rômle éventuel de Dieu, ou la migration d'une âme à travers plusieurs vies... Je résumais tout cela par " d'où que vous veniez" ! Pour ma part je pense comme vous qu'il y a une seule aventure singulière pour chacun de nous et comme vous je m'émerveille devant ce miracle qu'est chaque vie et bute sur chaque mort qui la suspend...mais là, nous ne savons plus... Quand on aime très fort un être qui meurt, il survit dans notre amour et ce n'est pas seulement un souvenir... Parfois on le sent si proche... Est-ce le fruit de notre chagrin, notre impossibilité à l'oublier ou autre chose... Et s'il y a autre chose, qu'est-ce que c'est ? Théo me pose souvent des questions sur l'après de la mort. J'essaye toujours de ne pas mentir, de ne pas l'influencer, de ne pas inscrire en lui une "vérité" religieuse qui serait , en fait, un mensonge... Mais lui va plus loin puisque, comme tous les enfants, il ne peut accepter l'idée de la mort. Je reste sur des paroles évasives : on aimerait... certains pensent...d'autres pensent... et toi, que penses-tu ? ...moi, je ne sais pas... Parfois j'aimerais... mais rien ne le prouve... C'est un grand mystère ou pas de mystère...
C'est tellement merveilleux d'être grand-mère !
Un jour - il avait 5 ans, il en a maintenant 10 et demie, et il tient à la demie ! - un jour donc, il est sorti de ses jeux pour me demander : - Dis , mamie, tu pourras mourir avant moi ? J'ai ri, amusée par la question, lui répondant que c'était très certainement ce qui se passerait, ce que je souhaitais qu'il se passe puis, intriguée, je lui ai demandé pourquoi il me posait cette question. Il s'est alors projeté dans sa mort avec l'âge qu'il avait et m'a dit : - papa ne croit pas au ciel, maman n'en parle pas, toi je crois que tu sais, alors, c'est tellement grand là-haut, j'aurais si peur ... si tu es là, je n'aurais plus peur, je te donnerais la main.
Les larmes me sont montées aux yeux, vite je me suis levée pour qu'il ne les voit pas. J'ai eu peur tout à coup qu'il meure avant moi et qu'il soit perdu dans un océan de solitude...
Les enfants ont des questions qui nous atteignent en plein coeur...

Écrit par : Christiane | 18/08/2008

perdu dans un océan de solitude. Quel triste paradis ce serait pour lui...

Écrit par : Feuilly | 18/08/2008

Mais franchement, je ne sais pas ce qu'il y a de l'autre coté de la mort. Je préfèrerai le rien à cette immense solitude où roulent les astres, un univers comme un bateau fantôme qui vogue à la dérive, sans capitaine et sans cap... Mais cela ne peut pas être, il y a trop d'amour en ce monde... Le dernier mot appartient toujours à l'amour...

Écrit par : Christiane | 18/08/2008

On vous sent plein de questionnements. Je préfère cela aux vérités absolues. Après tout, ce qui est gai, c'est de chercher. Dans une marche, c'est le voyage qui est intéressant, pas l'arrivée.

Écrit par : Feuilly | 18/08/2008

Ah, voilà une bonne pensée ! Comme vous avez raison. J'aime beaucoup cette gaité, mais pas toujours évidente à conserver même si avec notre cérémonie du café (dans quelques heures !) nous mettons tout plein de bonne volonté à accueillir le jour qui s'annonce comme porteur de joie !

Écrit par : Christiane | 18/08/2008

Je recherche la page où nous avons parlé de Cioran et je ne la retrouve pas... J'avais quelque chose d'important à vous demander à son propos. si vous avez le temps...

Écrit par : Christiane | 18/08/2008

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