26/12/2007
De l'individu et de sa place dans le monde.
"Le même fleuve de vie qui court à travers mes veines nuit et jour court à travers le monde et danse en pulsations rythmées.
C’est cette même vie qui pousse à travers la poudre de la terre sa joie en innombrables brins d’herbe et éclate en fougueuses vagues de feuilles et de fleurs.
C’est cette même vie que balancent flux et reflux dans l’océan-berceau de la naissance et de la mort.
Je sens mes membres glorifiés au toucher de cette vie universelle. Et je m’enorgueillis, car le grand battement de la vie des âges, c’est dans mon sang qu’il danse en ce moment."
Rabindranath Tagore, L’Offrande lyrique, Poésie-Gallimard, page 104
On a rarement vu un poète pousser aussi loin la fusion avec la nature, derrière laquelle il voit la main de Dieu. Microcosme au sein du macrocosme, l’homme reçoit ses forces du monde qui l’entoure, monde dont il n’est qu’un des éléments. Loin du libre-arbitre et de la philosophie nietzschéenne du surhomme, Tagore nous donne une leçon d’humilité. Nous ne valons que par les dons gratuits que nous avons reçus.
Plus tard, à l’approche de la mort, il acceptera avec la même reconnaissance et sans révolte la disparition de ses forces et l’évanescence de son être. Tout ce que la nature lui a donné, il est logique qu’elle le lui reprenne.
Difficile de pousser le fatalisme aussi loin. On touche là du doigt la différence qui existe entre l’Orient et l’Occident.
22:13 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : littérature, rabindranath tagore
Commentaires
Bonsoir Feuilly !
Et merci pour cette note qui ouvre ma boite de Pandore !
J'ai eu dans ma jeunesse un fort engouement pour l'hindouisme - entre autres - et j'adorais le poète Tagore. Je passais mon temps à copier ses textes dans des petits carnets, mais aussi certaines sourates du Coran (pas de fanatisme à cette époque) et versets de la Bible. Le tout à la plume Sergent Major et à l'encre violette, bien sûr...(je rendais aussi mes devoirs de philo (1976) écrits à la plume !)
Écrit par : Cigale | 28/12/2007
Philo 76. Les bons en math n'ont plus qu'à faire le compte et méditer sur les années écoulées. Mais laissons, encore une fois, parler le poète qui vous fut cher, adolescente.
"Durant plus d'un jour de paresse j'ai pleuré sur le temps perdu. Pourtant il n'est jamais perdu, mon Seigneur ! Tu as pris dans mes mains chaque petit moment de ma vie.
Caché au coeur des choses, tu nourris jusqu'à la germination la semence, jusqu'à l'épanouissement le bouton, et la fleur mûrissante jusqu'à l'abondance du fruit.
J'étais là, sommeillant sur mon lit de paresse et je m'imaginais que tout ouvrage avais cessé. Je m'éveillai dans le matin et trouvai mon jardin plein de merveilles et de fleurs."
Rabindranath Tagore
Écrit par : Feuilly | 29/12/2007
Là, vous êtes en avance sur vos questions de 2008 et avec un sage éclaireur. pourquoi tout s'est obscurci, après ? Parfois il ne faut pas aborder les questions en philosophant, en raisonnant, mais seulement en posant son visage sur le ventre de la terre ou, allongé sur elle accepter de dériver en plongeant son regard dans la course des nuages. Se laisser mêler à tout cela nous met en voyage, comme lorsqu'on écoute ses rêves.
Ce qui est beau avec Tagore c'est qu'il a partagé cela avec des paroles pour que d'autres puissent écrire, comme vous. La poésie est là bien vivace, elle s'écrit de par le monde.
Certains pour l'aborder doivent de dévêtir parce qu'ils ont trop appris dans les livres et ils n'osent plus s'amuser avec les mots. Ils ont tout de la langue, sauf le rire... Parfois, je me dis que si vous saviez rire en écrivant, votre langue bondirait et vous seriez heureux.
Rire... Ionesco avait compris cela...comme l'ultime bataille face à l'absurdité. Tagore n'avait pas osé mais il est resté magnifique et accordé.
Je garde dans ma besace de gosse de la Butte, ces rires qui me délivrent de toutes les nasses, pour m'ébrouer, sauvage, dans tous les terrains vagues des langues, pas encore pétrifiées.
Parfois j'aime être chez vous, parfois tout cela est trop sérieux et je cherche un autre espace. Ce matin, il fallait cette clairière...
Écrit par : Christiane | 07/07/2008
Le rire face à l'absurdité est souvent un rire grinçant et une manière de prendre ses distances.
Tout ici est trop sérieux dites-vous. Il faut dire que vous avez pour ainsi dire lu l'ensemble du blogue en deux jours, ce qui représente un exploit sportif considérable. Rien d'étonnant à ce qu'un peu de lassitude s'installe.
Par contre votre phrase sur le rire me fascine. Rire en écrivant, pourquoi pas, finalement. Mais cela suppose au préalable d'être en paix avec le monde.
Écrit par : Feuilly | 07/07/2008
Oh, non, je n'en ai lu qu'une infime partie mais en choisissant un chemin...(celui où je laisse des petites choses...)
Oui, il faut être en paix avec le monde pour rire d'un rire frais et amical en écrivant, parfois...seulement parfois...des moments de fraîcheur d'âme...
Le rire grinçant c'est celui de mes amis des livres : Beckett, Ionesco, Gombrowicz, Kerouac et cie...
Écrit par : Christiane | 07/07/2008
N'ooubliez pas Cioran,mais lui ne rit pas vraiment, il est plutôt cynique.
Écrit par : Feuilly | 07/07/2008
Je ne connais Cioran que de nom. Que me conseillez-vous de lui ? Comme cela, quand je le lirai je penserai :
que vous l'avez aimé avant moi
que vous me l'avez conseillé
qu'il est de la famille des "grinçants" !
J'ai changé un peu mes habitudes d'oiseau de nuit parce que j'héberge, pour trois jours, mon merveilleux petit-fils(10 ans) et que, (quand même), une mamie, digne de ce nom, lui laisse la priorité du temps à partager !
Écrit par : Christiane | 08/07/2008
Cioran: "De l'inconvénient d'être né" Tout un programme, comme vous voyez.
Écrit par : Feuilly | 08/07/2008
Ah, vous ne dormez pas ? Alors, nous partageons la même nuit silencieuse... Je viens de répondre à votre deuxième message...
Celui-ci, le Cioran, je vais le commander chez ma petite libraire, sauf s'ils (c'est un jeune couple militant du livre et de la lecture et leur petite librairie se nomme "Folies d'encres" !), sauf s'ils, suivant les migrations estivales, devaient s'absenter.
Donc, ce serait un "inconvénient d'être né" ?
Parfois on a cette impression, pas toujours, en tous cas pas en ce moment !
Bonne veille !
Écrit par : Christiane | 08/07/2008
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