Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

12/03/2008

Le temps qui passe

Vous l’aurez remarqué, j’ai eu peu de temps, ces jours-ci, pour venir déposer des articles sur ce blogue. Ce qui m’amène à une question hautement philosophique sur le temps qui s’écoule. De combien d’heures disposons-nous vraiment pour nous-mêmes dans une journée ? Si on retire les heures de sommeil, les déplacements vers le lieu de travail, le travail lui-même, les tâches domestiques, les occupations familiales et autres, la part qui nous est impartie pour nos loisirs est finalement assez restreinte. Cela ne veut pas dire que mon travail m’ennuie, mais c’est d’abord le travail, autrement dit une activité dont le but premier est avant tout alimentaire. Ensuite, bien entendu, on essaie de se réaliser au mieux dans son emploi, mais entre celui-ci et moi-même, il y a tout de même un hiatus. Pour le dire autrement, je ne suis pas (par essence) ce travail. Je suis autre chose que ce que je fais là. Heureusement, me direz-vous. Remarquez, cependant, qu’il existe des personnes qui ne vivent que pour leur travail ou pire, pour la société qui les emploie. Ils « sont » le groupe Fortis, ou IBM ou la chaîne Carrefour. De telles réactions m’ont toujours semblé louches. Est-ce moi qui ne parviens pas à m’identifier à certaines valeurs ou bien est-ce eux qui manquent de vie intérieure au point de devoir s’occuper l’esprit en permanence avec leur travail ? Je pencherais plutôt pour la deuxième solution..

Mais revenons au temps qui passe. On parle toujours de la civilisation des loisirs, mais personnellement j’ai toujours l’impression de manquer de temps. Je veux parler de ces heures que je pourrais consacrer à ce qui m’intéresse vraiment et qui font qu’en fin de journée j’aurais l’impression d’avoir vécu pour quelque chose. Notez que dans les loisirs eux-mêmes nous sommes souvent occupés à tenir un rôle car comme époux, père, voisin ou citoyen nous sommes souvent amenés à faire des choses qui nous plaisent certes et qui ne sont pas désagréables, mais qui ne correspondent pas encore à ce qu’il y a vraiment au fond de nous.

C’est pour cela, sans doute, que j’aime particulièrement la nuit. Quand tout est calme dans la maison et dans la ville, il est plus facile de se retrouver enfin avec soi-même. Ceci dit, il se pourrait bien que ce que je fais alors ne soit pas existentiellement fondamental. Est-ce plus important de lire tel livre ou d’écrire quelques lignes ici que de préparer le repas ou tondre la pelouse ? Il me semble qu’oui. Pourtant, si notre vie se résumait à cette activité liée à notre monde intérieur, on la trouverait bien vide aussi. Imaginons que devenu rentier (il faudrait pour cela se décider à jouer au loto) je n’aie plus rien d’autre à faire que de lire à longueurs de journées. Il est fort probable qu’après avoir ingurgité quelques centaines d’ouvrages ma vie m’apparaîtrait bien vide. Où donc se trouve ce qui la rend importante ? Enfin, je veux dire importante à mes propres yeux, car dans l’absolu, aucune vie n’est importante, bien entendu, Dieu étant mort depuis longtemps et les astres qui nous entourent semblant des masses inertes dépourvues de sens en elles-mêmes.

Donc, sans me placer face au néant pascalien, je suis tout de même en droit de me demander ce qu’il serait légitime d’accomplir afin que cette vie, déjà si courte (au mieux quatre-vingts ans) et ces journées plus courtes encore (voir plus haut) prennent un semblant se sens. Car ce qui me semble intéressant pour moi (et ce pour quoi je n’ai pas beaucoup de temps comme je l’ai déjà dit) n’est peut-être pas intéressant en soi (d’un point de vue existentiel). Pour m’exprimer autrement, il se pourrait bien que l’individu n’ait tendance à accomplir que ce qui l’intéresse. Si ses passions sont mesquines, il aura tout perdu. C’est le cas de l’alcoolique, par exemple, qui à ses propres yeux vit pleinement sa passion, mais qui à nous nous semble perdre son temps. Il en va de même des gens assoiffés de gloire et de pouvoir. Pour eux, rien n’est plus important que de devenir directeur de ceci ou président de cela. Pourtant, les efforts mis en œuvre pour parvenir à un but aussi futile sembleront étranges à un artiste qui, lui, vit pour autre chose. Tout cela pour dire que nous restons foncièrement prisonniers de notre caractère et de nos humeurs. C’est au point qu’on se demanderait bien comment on parvient encore à avoir un semblant de dialogue avec nos contemporains, chaque être humain semblant enfermé dans une prison mentale qui lui est propre.




1783175380.jpg