04/04/2008
Eloge de la poésie
Loin de cette « rumeur du monde », nous trouvons donc la poésie. Ceci dit, on a connu des poètes engagés, non seulement dans leur vie active, mais aussi dans leurs écrits. On pourrait même affirmer sans trop s’avancer que leur célébrité est venue précisément à cause de leurs écrits engagés. Ainsi en va-t-il de Pablo Neruda et de son « Canto general » (mis en musique par Mikis Theodorakis, autre figure de proue de l’opposition politique). Plus près de nous, citons Mahmoud Darwich, qui doit assurément la popularité dont il jouit parmi ses concitoyens à ses poèmes politiques, qui dénoncent l’occupation israélienne (cf. « l’Arabe »). Pourtant, lui-même a ensuite délaissé cette poésie de combat pour retourner à ses souvenirs d’enfance et à la description de son pays, la Palestine, sentant bien quelque part que la poésie, précisément, se doit de parler d’autre chose que d’événements contemporains, par essence éphémères.
Il existe certes différentes sortes de poésie. Plaisante ou enfantine (Maurice Carême), centrée sur la prosodie et la versification (Hugo), hermétique (Char, Ponge), désespérée et initiatique (Rimbaud), galante (Verlaine), ou bien à la recherche d’une vérité cachée dans la nature (Jaccottet).
Dans tous les cas, la poésie replace l’homme au centre de l’univers et cherche à lever un coin du voile sur le mystère ambiant. Du coup, par cette démarche maïeutique, elle nous conduit plus loin, vers des vérités jusqu’alors insoupçonnées (« Et j’ai vu ce que l’homme a cru voir »). Cadeau des dieux, dictée par les muses, elle relève d’une vérité autre, presque mystique, en tout cas sacrée. Par cet aspect de sa nature, elle établit un lien entre l’homme et le monde dans lequel il vit (pas au sens politique ici, mais au sens cosmique), lui permettant précisément d’accéder à une partie de lui-même que sans elle il n’aurait même pas soupçonnée.
Certes les cartésiens la dénigreront, ne voyant en elle qu’une vérité tronquée, établie sur une inversion des valeurs et des termes (ex : « soleil noir de la mélancolie »). Mais les initiés savent qu’elle ouvre les portes d’un autre monde et que le poète, tel le chaman des peuples antiques, parvient à dire la vérité de l’univers tout en faisant comprendre à l’homme qui il est vraiment.
01:00 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (5)
Commentaires
Joli !
Écrit par : Pivoine | 05/04/2008
Tu sais ce que j'ai choisi comme sujet de dissertation à la fin de mes études ? (On avait 3 sujets au choix, une phrase de Julien Gracq, un extrait de Suzanne Lilar et cette question...)
"Pourquoi la poésie ?"
Écrit par : Pivoine | 05/04/2008
Beau sujet, en effet, qui permet plein de développpement.
Ceci dit, je me sentais plus "poète" entre dix-sept et vingt-deux ans, regardant parfois le monde autour de moi comme à travers un nuage de brume. Un simple paysage, une simple situation pouvait prendre un caractère "autre".
Par la suite, confronté aux problèmes concrets de la vie, toout a été différent. C'est peut-être Nizan qui avait raison. Il n'y a qu'à vingt ans qu'on a un peu de lucidité...
Écrit par : Feuilly | 06/04/2008
Un caractère "autre" ou son caractère profond ?
Ou ce que nous y mettons de profondeur ?
L'affectif est très fort dans la poésie.
Je parlerais alors d'extra-lucidité...
Je pense que tout peut coexister, même si on ne fait pas tout en même temps (écrire de la poésie, réfléchir sur l'économie et la politique et étudier la langue o;)
Écrit par : Pivoine | 06/04/2008
Un caractère profond, en effet, allant jusqu'à une vie autonome de la matière par projection de sa propre sensibilité sur le monde ambiant.
Écrit par : Feuilly | 07/04/2008
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