06/04/2008
Petits calculs sur la vie chère (suite et « faim »)
Résumons : d’un côté les prix sont libres, n’étant plus réglementés par les états et le champ libre est laissé à la concurrence, laquelle est supposée éviter tout dérapage en créant un nouvel équilibre.
C’est la thèse libérale classique. En pratique, elle permet aux plus grosses firmes d’élimer les petites (et donc toute une classe moyenne de petits artisans et de petits commerçants), de se retrouver en positon monopolistique et donc de proposer les prix qu’elles veulent. D’un côté elles recherchent le prix de revient le plus bas (n’hésitant pas à délocaliser leurs entreprises dans des pays où la main d’œuvre est sous-payée et où la législation ne réglemente pas la sécurité des travailleurs ou bien encore en grignotant quelques euros sur la qualité du produit proposé), de l’autre elles jouent sur la spéculation pour parvenir au prix le plus élevé possible. On affame les producteurs et on presse les consommateurs, ce qui permet de dégager des bénéfices plantureux qui reviennent à des actionnaires qui sont finalement en dehors de la chaîne de production tout en étant les principaux bénéficiaires. La situation est donc comparable à celles des seigneurs du Moyen-Age qui exploitaient le monde paysan, lequel subvenait seul aux besoins de tout le monde (noblesse et clergé) alors qu’il était lui-même dans la misère la plus noire.
Nous avons déjà parlé des prix du pétrole ou des denrées alimentaires, qui grimpent selon une courbe exponentielle particulièrement inquiétante. Nous avons vu qu’en Afrique, où le niveau de vie était déjà très bas, la situation est en train de devenir catastrophique, au point que les manifestations commencent à devenir régulières, faisant même des morts.
On apprend aujourd’hui qu’en Europe même, en Slovénie, les syndicats européens ont organisé une grande manifestation contre la vie chère, à deux pas de l’endroit où les ministres des finances de l’Union parlaient, eux, argent et gros sous. Interrogés sur cette manifestation de syndicats, leur réponse est tout de même incroyable. « Ils veulent une augmentation des salaires ? Soyons sérieux, ils savent très bien que pour que cela soit possible il faudrait que la production augmente, autrement dit que tous ces gens décident enfin de travailler un peu plus. » Ce ne sont pas les termes exacts qui ont été employés, mais le ton y est. Devant une telle situation, on ne peut que rester silencieux.
Ainsi donc, on culpabilise ceux qui sont à la base du système de production (c’est-à-dire nous tous, ouvriers, employés, fonctionnaires, enseignants, petits indépendants, etc.) en leur faisant croire que s‘ils ont du mal à boucler les fins de mois, c’est à cause de leur fainéantise innée. Alors que pendant ce temps- là des actionnaires rentiers ne font que réclamer aux firmes qu’ils détiennent plus de rentabilité encore, ce qui entraîne aussitôt des licenciements en cascade.. Je crois qu’il n’est pas besoin de s’étendre ici plus longtemps sur ces problèmes. Nous sommes arrivés à un point de rupture. La fracture entre les gens qui survivent par leur travail et ceux qui prospèrent par leurs actions est en train de devenir si importante qu’aucun dialogue ne sera bientôt plus possible.
A moins que… Car au lieu de se révolter, tous ces gens à petits salaires admirent les sportifs de haut niveau qui eux gagnent des fortunes colossales. Jamais autant qu’aujourd’hui la formule latine « panem et circenses » n’a été autant d’actualité. Il suffit d’ailleurs d’ouvrir sa télévision (ce que je vous déconseille vivement) pour s’en rendre compte.
A propos des sportifs, j’apprends à l’instant qu’un certain footballeur français dont j’ignorais même le nom a gagné l’an passé 17,5 millions d’euros, tandis que plusieurs autres ont reçu entre 9 et 12 millions d’euros. C’est tout de même incompréhensible ou en tout cas je ne parviens pas à comprendre en quoi le fait de jouer avec un ballon peut justifier un tel salaire. Ont-ils fait avancer l’humanité ? Non, bien sûr, mais la moitié de la nation s’est intéressée à leur jeu-spectacle et ceci explique cela. Décidément, on se croirait dans la Rome antique, avec des esclaves exploités, des personnes sans emploi, quelques riches affranchis genre nouveaux riches, deux trois nobles de vieille souche, par ailleurs désabusés, et une série de politiciens véreux qui s’enrichissent sur le dos des provinces qu’ils administrent (tout en étant entourés d’une foule de clients qui espèrent quelques miettes). Comme quoi, l’Histoire est un éternel recommencement. Il suffit de le savoir pour ne pas plonger dans le désespoir.
01:00 Publié dans Actualité et société | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Revenons dare-dare à la Dictature du Prolétariat....
Écrit par : alainx | 06/04/2008
Comme quoi il n'y a pas vraiment de solution...
Écrit par : Feuilly | 07/04/2008
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