08/03/2008
Reflexions
Laissons parler Montaigne, qui a déjà tout dit :
Il est toujours plus plaisant de suivre que de guider.
Ce n'est pas la mort que je crains, c'est de mourir.
La plus grande chose du monde, c'est de savoir être à soi.
Il n'est description pareille en difficulté à la description de soi-même.
C'est un sujet merveilleusement vain, divers et ondoyant que l'homme.
Notre religion n'a point eu de plus assuré fondement humain que le mépris de la vie.
Ce grand monde, c'est le miroir où il nous faut regarder pour nous connaître de bon biais.
La plus subtile folie se fait de la plus subtile sagesse.
Philosopher, c'est douter.
Il se trouve autant de différence de nous à nous-mêmes que de nous à autrui.
22:00 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : littérature, montaigne
Commentaires
Je suis de l'avis de Montaigne pour la deuxième réflexion. Ce n'est pas la mort que je crains ce de mourir (même si ce n'est qu'un mauvais moment à passer).
Écrit par : dasola | 10/03/2008
On pourrait craindre la mort en regrettant ce qu'on laisse. Mais peut-être qu'à un certain âge on n'est plus en état de regretter. Je ne sais pas...
Et si douter o;) c'est croire ? Parce que si l'on ne croit pas, on ne doute pas, on pourrait donc en conclure, si philosopher, c'est douter que philosopher, c'est croire ? En doutant ?
(ok, je sors o;)
Écrit par : Pivoine | 10/03/2008
Moi je me retrouve bien dans la première ! ;-)
Écrit par : Cigale | 11/03/2008
@ Dasola: on comprend ce que veut dire Montaigne mais ce néant, ce non-être, est tout de même drôlement inquiétant. Comment peut-on ne plus être? Pourquoi? Quel est Dieu sadique qui a inventé cela?
@ Pivoine: n'est-ce pas là un exemple de sophisme? ce qui permet de dire que Socrate est un chat.
@ Cigale: plus facile de suivre, en effet, mais c'est moins gratifiant quand on se regarde soi-même.
Écrit par : Feuilly | 11/03/2008
Pfff ! Montaigne ! Il est déjà passé chez Poivre d'Arvor, peut-être ?
Écrit par : Joseph Orban | 11/03/2008
Non, il n'a pas voulu l'inviter. Un auteur de province, perdu dans son Sud-Ouest profond, vous pensez...
Écrit par : Feuilly | 12/03/2008
"Moi je n'ai pas peur de mourrir, mais j'aimerais bien ne pas être là quand ça arrivera"
Woody Allen
Contre la connerie, il n'y a pas mieux que Montaigne, qui, lui, au moins, n'est pas bardé de ces certitudes qui rendent fous.
Écrit par : Amaury | 14/03/2008
Le 31/01/06, sur le site de Dominique Autié vous écrivez, à propos de "librairie" (Il évoquait "la librairie du Pont traversé" de Marcel Béalu, près du cloître Saint-Séverin, celle où j'aimais passer de longues heures entre ouvrages récents et d'autres, épuisés, sauf chez lui.). Vous écrivez donc, à propos de celle de Montaigne, ce qu'il en disait :
"La figure est ronde" "c'est là mon siège" "je vois d'une vue tous mes livres, rangés à cinq degrés" ; et cet espace "où être à soi, où se faire particulièrement la cour ", "j'essaye à m'en rendre la domination pure ."
Relisant votre si dense commentaire sur le "bateau..." de Ferré, de ce jour, je me dis que ce lieu a à voir avec le voyage et ...avec le retour...
Écrit par : Christiane | 16/08/2008
Mais les livres ne sont-ils pas des voyages?
Et quel capitaine que Montaigne! Il suffit de se laisser guider.
Écrit par : Feuilly | 17/08/2008
Oui, Montaigne et vous, cela va bien ensemble... ce calme, cette lucidité, cette honnêteté aussi devant le gouffre inconnu de la mort, de cet instant tendu à l'extrême entre partir ou rester... Enfin, le "ou" est de trop car le vouloir , je crois, à cet instant , ne nous appartient plus...
Je sens aussi, en vous deux, une certaine mélancolie, très pudique, juste cette distance avec les choses et les êtres qui n'est pas de la froideur mais une politesse du coeur...
Écrit par : Christiane | 17/08/2008
N'en jettez plus! Quelques éloges font du bien, mais de là à se comparer à Montaigne...
Écrit par : Feuilly | 17/08/2008
Vous savez bien que dans la lecture profonde nous ne faisons plus qu'un avec celui que nous lisons. Une traversée absolue dans la nef d'un livre? Surtout vous ! Après avoir fait l'expérience de votre ...traversée de la chanson de Ferré...je me dis que vous habitez vraiment les textes que vous lisez, jusqu'à la moindre variation de la langue. Donc, si vous lisez Montaigne...Montaigne n'est pas loin... M'est avis qu'il vous en est resté quelque chose dans le coeur, comme des mots qui auraient pris racine et feraient de petites pousses hybrides : un peu de lui, un peu de vous... C'est l'histoire de votre grotte, cette expérience de la transmission, de la continuation, de cet inachèvement de la pensée qui flotte dans les livres et nous saisit quand nous lisons. Je sens cela quand vous parlez de ces écrivains que vous aimez...cette étrange impression de ne pas ouvrir un "blogue" mais d'entrer dans la forêt murmurante des livres... Un peu Dante, qui croise en son long voyage, des poètes , des artistes, des philosophes... et comme il n'est pas seul, j'aime à écouter et à marcher dans son ombre, même si ce qui se passe est en amont de lui, entre lui et ses ...livres...
Écrit par : Christiane | 17/08/2008
C'est vrai que les livres ne valent que par leurs lecteurs, tous leurs lecteurs, qui non seulement véhiculent le message initial (un peu comme le vent qui emporte le pollen des arbres) mais qui en plus se l'approprient, le transforment avec leur sensibilité propre et l'adaptent à l'époque où ils vivent.
remarque: plus haut, lire "jetez" et non "jettez".
Écrit par : Feuilly | 17/08/2008
Comme il doit être émouvant, également pour un auteur d'être lu. Je pense, parfois, au désarroi de ceux, inconnus, édités pour la première fois et dont les livres ne se vendent pas, puis sont retirés des rayons, puis sont entassés et enfin mis au pilon... Cela doit être terrible pour l'auteur. Ecrire, trouver un éditeur et le saut dans le vide jusqu'au lecteur....
Sur les blogues, cela doit être un peu pareil, écrire malgré le doute et attendre une réponse... Il y a tellement de blogues maintenant, tant et tant qui veulent communiquer dans cette époque de solitude...
Vous, vous avez toujours des lecteurs, cela doit vous encourager à écrire...
Écrit par : Christiane | 18/08/2008
Oui, c'est vrai, ils ne sont pas très nombreux, mais ils sont fidèles.
Ceci dit, on me citait le blogue d'un gamin de 13 ans qui après huit jours avait 1.300 lecteurs. Cela fait rêver.
Mais comme dans le fond je me moque assez bien du nombre de visiteurs, ce n'est pas bien grave.
Ce qui doit être inquiétant, c'est quand ce nombre commence à diminuer, ce qui n'est jamais arrivé ici, au contraire.
Écrit par : Feuilly | 18/08/2008
Oui, je vois cela quand je promène sur votre site et je lis avec beaucoup d'attention les questions, les réponses qui se croisent, souvent les vôtres mais pas seulement, c'est très beau ces voix sans visage qui surgissent de l'anonymat, souvent avec des prénoms ou des pseudo. Des êtres intéressés par vos textes ou par le débat qui s'installe et qui viennent apporter leur richesse, leur originalité. Parfois, les débats se font vifs, souvent quand ils frôlent les enfermements dans les "vérités" ou prétendues telles de l'Eglise.
J'ai eu la chance de croiser sur ma route des religieux respectueux de mes doutes et acceptant de les entendre, de les laisser en l'état et parfois même de révéler les leurs. Il y a beaucoup d'hommes de foi qui sont travaillés par le doute. Je trouve que c'est important et salubre.
Pourquoi toujours vouloir simplifier les mystères. J'aime l'idée d'un dieu qui ne répondrait pas aux questions des hommes, qui resterait inconnaissance mais qui serait. J'aime l'approcher avec l'idée du rien, du sans nom, du sans visage, de l'inutile ( dans le sens d'une liberté absolue répondant à notre liberté absolue ). J'aime que ces libertés se rencontrent par l'unique viatique (au sens littéraire) de l'amour, mais d'un amour oblatif. Une sorte de cadeau à la nuit de l'inconnaissance...
Voilà, c'est cela dont je teinte tout ce qui est inconnu : une force d'amour, un peu comme l'inspiration qui nous projette, vulnérables et téméraires sur la page blanche ou sur la toile ou sur la glaise... quelque chose qui nous met en marche et à partir de quoi nous rencontrons l'autre, nous risquons notre solitude. Et c'est beau parce que ce n'est pas gagné par avance, ni de la création, ni de la rencontre.
J'aime, sur les voûtes de la Chapelle Sixtine la fresque de Michel Ange sur la Genèse et ce détail de la création d'Adam : ces deux doigts qui ne se touchent pas et entre les deux un espace qui ressemble à l'éternité...
Je pense à quelque chose, soudainement. Voulez-vous que nous cessions de dialoguer pour que vos amis reviennent, si vous pensez que cela peut les gêner ? Cela est possible, si vous le souhaitez.
Écrit par : Christiane | 18/08/2008
Je suppose qu'ils vont revenir de toute façon. Dialoguons donc. Mais il se fait tard et le réveil sonne fort tôt...
Écrit par : Feuilly | 18/08/2008
Alors, bonne nuit.
Écrit par : Christiane | 18/08/2008
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