Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

30/12/2007

Jogging matinal

«Un photographe de l'AFP, Thomas Coex, a eu le coude cassé par un policier égyptien alors qu'il prenait des photos de Nicolas Sarkozy et Bernard Kouchner en train de faire un jogging à Charm el-Cheikh samedi. »

On est tombé bien bas. A force de vouloir jouer sur la vague médiatique, le petit président aux amis très fortunés a renoncé à jouer le rôle de sa fonction, en principe emprunte de dignité, pour se complaire dans la théâtralisation de son propre personnage. Ce à quoi on a droit, ce n’est plus aux discours du président d’un grand pays sur les problèmes cruciaux du moment (chômage, dette publique, redressement économique, intégration européenne, Palestine et maintenant Pakistan), mais à des nouvelles sur sa vie privée : vacances sur un yacht en présence de sa femme enfin revenue, vacances aux Amériques en présence de sa ministre de la Justice dont on nous dit qu’il est très proche, vacances en Egypte en présence de Carla Bruni dont il est encore plus proche. Les photos succèdent aux photos, toutes dignes d’un reportage de Paris-Match sur une vedette de cinéma. D’ailleurs de Carla Bruni, dont on nous vente la vitalité sexuelle (elle s’est déjà glissée dans pas mal de lits), les journalistes en sont déjà à guetter des déclarations fracassantes sur les exploits intimes de Nicolas. Plus ceux-ci seront nombreux, plus la France aura un grand président et plus les Français seront fiers d’eux-mêmes. On croit rêver.

En attendant, ce qui est sûr c’est que Nicolas veille précisément à maintenir cette forme physique dont il a bien besoin. En vacances à Charm el-Cheikh, il fait son jogging matinal en présence de son ministre des affaires étrangères. Etrange, on nous avait pourtant dit que la femme de ce dernier, la très médiatique Christine Ockrent se trouvait en visite en Egypte pour des vacances privées et que l’objectivité de son émission sur FR3 n’aurait pas à souffrir de la présence de Sarkozy dans les parages. C’était donc par hasard que tout le monde se retrouvait en Egypte au même moment. La planète étant devenue un village, nous y avions cru (ou avions fait semblant d’y croire). Mais là, cela va être dur à avaler. Comment croire qu’on peut rester neutre quand on sait que votre mari court chaque matin avec le président ? Sans doute a-t-il bien besoin de se remettre en forme, le pauvre Kouchner, et n’a-t-il trouvé personne d’autre, dans cette cité adossée au désert, pour faire un peu de sport.

Signe du style décontracté à la Sarkozy : en hyperactif de première, il oblige tout le monde à courir avec lui. Les ministres courent, mais aussi les gendarmes chargés de sa surveillance (français et égyptiens confondus) et bien entendu les journalistes désireux de le prendre en photo :

« Le temps de sortir un appareil et de courir un peu vers eux, j'étais vraiment derrière, je suis arrivé à peut-être 10 mètres du président", a témoigné le photographe de l'AFP. Un policier égyptien en civil, qui courait derrière les responsables français et leurs gardes du corps, s'est dirigé vers le photographe de l'AFP alors que le reste du groupe continuait à courir. (…) Au cours de l'incident, le photographe a appelé à l'aide un garde du corps français qui suivait Nicolas Sarkozy. Ce garde du corps s'est retourné avant de continuer sa route derrière le président et M. Kouchner, dont le photographe blessé ne pouvait dire s'ils avaient eux-mêmes remarqué l'incident. (afp) »

Avec Sarkozy, on n’a plus le temps de la réflexion. Plus question de méditer sur la pertinence des actions entreprises. On va de l’avant et on court, dans ce qui commence à ressembler à une fuite en avant. Espérons qu’un précipice ne se trouve pas au bout du chemin.


85a9ac537a45eb168e72541d3723bc88.jpg

26/12/2007

De l'individu et de sa place dans le monde.

"Le même fleuve de vie qui court à travers mes veines nuit et jour court à travers le monde et danse en pulsations rythmées.
C’est cette même vie qui pousse à travers la poudre de la terre sa joie en innombrables brins d’herbe et éclate en fougueuses vagues de feuilles et de fleurs.
C’est cette même vie que balancent flux et reflux dans l’océan-berceau de la naissance et de la mort.
Je sens mes membres glorifiés au toucher de cette vie universelle. Et je m’enorgueillis, car le grand battement de la vie des âges, c’est dans mon sang qu’il danse en ce moment."

Rabindranath Tagore, L’Offrande lyrique, Poésie-Gallimard, page 104

On a rarement vu un poète pousser aussi loin la fusion avec la nature, derrière laquelle il voit la main de Dieu. Microcosme au sein du macrocosme, l’homme reçoit ses forces du monde qui l’entoure, monde dont il n’est qu’un des éléments. Loin du libre-arbitre et de la philosophie nietzschéenne du surhomme, Tagore nous donne une leçon d’humilité. Nous ne valons que par les dons gratuits que nous avons reçus.

Plus tard, à l’approche de la mort, il acceptera avec la même reconnaissance et sans révolte la disparition de ses forces et l’évanescence de son être. Tout ce que la nature lui a donné, il est logique qu’elle le lui reprenne.
Difficile de pousser le fatalisme aussi loin. On touche là du doigt la différence qui existe entre l’Orient et l’Occident.

23/12/2007

Gracq, tel qu'en lui-même l'éternité le change.

Gracq, paradoxe d’un homme qui a refusé le Goncourt mais qui a accepté de rentrer dans la Pléiade de son vivant. Ou qui n’a pas daigné être édité en collection de poche, mais qui jouit tout de même d’un grand prestige. Qui s’est montré très réservé envers la modernité et la culture de masse mais qui a vu, cependant, certains de ses livres portés à l’écran. Compagnon de route d’André Breton, on se demanderait bien en quoi son œuvre se rapproche du surréalisme.

Ceci dit, c’est un grand écrivain, au langage pur. Nous l’avions évoqué ici même dans une courte note. Certains lui reprocheront de n’être pas un grand narrateur, ses intrigues se résumant souvent à peu de choses. D’un autre côté, il y a souvent derrière les situations décrites une grande finesse d’analyse et un esprit aiguisé qui cherche à comprendre. Il y a du Proust, chez lui (ce côté vieille France un peu désuet, la préciosité du style, le regard essentiellement littéraire), du Huysmans aussi (il me semble parfois incarner lui-même le personnage de Des Esseintes, ce anti-héros esthète d’A Rebours).

Maintenant, Gracq a conservé jusqu’au bout une certaine logique. Méfiant envers les prix littéraires et toute l’intelligentsia parisienne (voir La littérature à l’estomac), il refuse la Goncourt pour cette raison. Méprisant le grand public manquant de culture, il refuse les éditions de poche, tandis que la Pléiade lui ouvre officiellement les portes du Panthéon littéraire. Au moins on ne peut pas lui reprocher d’avoir sacrifié au goût du temps et d’avoir truffé ses écrits de thèmes triviaux plaisant au public. Solitaire, il sera resté à l’écart du monde, ce qui lui aura permis de conserver un regard personnel, loin des modes du moment.




65bf32ad64aa4772c02b98aff65d481c.jpg

Solstice d'hiver

f47837d77fe2092d4b8b2f92d4121e59.jpg







En cette période de Noël, plutôt que de nous attendrir sur la symbolique de la crèche, je proposerai une réflexion sur nos origines païennes. A côté de Lascaux ou de la grotte de Gargas, si chère à Dominique Autié, il est des lieux préhistoriques qui nous interpellent car ils nous font réfléchir à la vie des hommes qui nous ont précédés. Le site de Stonehenge est incontestablement un de ces lieux privilégiés. Il représente une trace de notre passé, emprunte de mystère, et nous fait souvenir qu’avant nous des êtres ont eux aussi réfléchi au sens de leur présence sur cette terre.

Ce site était bien connu des druides celtiques, qui y pratiquaient des cérémonies, notamment aux périodes d’équinoxes et de solstices. Pourtant, on sait que les Celtes n’ont pas été les bâtisseurs de ce grand cercle de pierre, dont certains prétendent qu’il a été construit les Mycéniens.

Quant à savoir à quoi servait cette construction, tout le mystère demeure. Etait-ce un temple, un monument funéraire ou un observatoire? Ce qui est sûr, c’est que ces mégalithes mettent en valeur des phénomènes astronomiques. On parvient à y calculer le cycle des éclipses lunaires. D’un point de vue astronomique, les calculs et les résultats obtenus sont incontestables. Pourtant, les archéologues font remarquer que la construction s’est faite en trois ou quatre étapes, ce qui semble ruiner l’idée d’un but fonctionnel précis. Nos cathédrales, cependant, ont bien été construites sur plusieurs siècles, sans que la foi première qui a présidé à leur érection ait été modifiée. Combien d’églises n’ont pas une partie romane et une partie gothique ? Les techniques avaient évolué, mais la démarche religieuse était toujours la même. Alors il se pourrait bien qu’il en eût été de même à Stonehenge et que la démarche spirituelle des peuples primitifs qui bâtirent ce site fût restée la même. Mais comment des peuples primitifs, précisément, purent-ils avoir de telles connaissances en astronomie ? Cela semble improbable, ce qui renforce encore le mystère de ces mégalithes. D’un autre côté, quand on suit Lévi-Strauss dans son analyse structurale des mythes amérindiens, on se rend compte que ces mythes reposent souvent sur une base astronomique (position de la lune, constellations, etc.). C’est ainsi, par exemple qu’un même conte peut s’inverser selon qu’on se trouve dans l’hémisphère Nord ou dans l’hémisphère Sud. Il semble donc bien que ces peuples, habitués à vivre dehors et à se guider avec les étoiles avaient une meilleure connaissance des astres que nous.

En tout cas, pour ce qui est de Stonehenge, beaucoup de scientifiques s’accordent pour dire que la précision des emplacements des mégalithes est trop grande pour être le fruit du hasard. Ainsi, au solstice d'été, les premiers rayons de soleil traversent le cercle et viennent frapper la pierre centrale. Au solstice d'hiver (soit pour cette année le 22 décembre 2007 à 7H 07), les rayons passent entre les blocs de trois pierres placés aux extrémités. Cette précision a de quoi confondre et nous oblige à nous demander ce que furent et ce que pensèrent ces être qui nous ont précédés et dont nous descendons, incontestablement. S’ils ont inventé la science astronomique et la religion, on peut supposer aussi qu’ils inventèrent la littérature, même si elle était orale. Quels contes se racontèrent-ils, dans la nuit des temps, pour justifier leur existence sur cette terre ? Comment se persuadèrent-ils qu’ils étaient différents des animaux, nos frères ? Comment inventèrent-ils la culture en dressant vers le ciel ces énormes blocs de pierre ? Le mystère reste entier, ce qui rend leur existence encore plus fascinante à nos yeux.




5ac9df150d06f674d39ad2bc43a9999a.jpg 86b1ab7e79850fe38c913c782b1fe3cb.jpg536cc86ae24465f26d463c74690383d7.jpg

02:25 Publié dans Errance | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : stonehenge

21/12/2007

De la religion

On savait que Sarkozy aimait imiter le président Bush. On ne savait pas qu’il irait jusqu’à le suivre sur le terrain de la religion. « Les racines de la France sont essentiellement chrétiennes » a-t-il dit. On n’en avait jamais douté. Mais elles sont aussi celtiques et romaines. Et il ne faudrait tout de même pas passer sous silence 1789 et les deux siècles qui ont suivi. A force d’afficher sans complexe sa position à droite, il va bientôt nous tenir un discours digne de l’ancien régime. C’est sans doute ce qu’il voudrait : revenir à une société où les privilèges sont le propre de quelques-uns. D’ailleurs, si on l’écoute, on a l’impression que la Révolution n’a jamais eu lieu. Pour affermir sa position, il s’entoure de tous les penseurs chrétiens : Pascal, Bossuet, Péguy, Claudel, Bernanos, Mauriac, Maritain, Mounier, René Girard .

Il faut, nous dit-il, nous acheminer vers une laïcité positive. Que voilà un langage ambigu. La société française est laïque, point final. Intégrer officiellement la pensée religieuse dans son fonctionnement, cela revient tout de même à réduire la laïcité. Mais c’est que Sarkozy a besoin de citoyens qui « croient » et « espèrent ». Il n’a jamais si bien dit. Chacun espère qu’il tiendra ses promesses et donc que nous jouirons d’un meilleur pouvoir d’achat. Mais si notre attitude doit se fonder sur l’espoir, c’est donc que les promesses ne sont pas près d’être tenues.

Non, je plaisante. Par espoir, Nicolas veut parler de transcendance. Car la religion propose une morale, chacun le sait. Pour remettre de l’ordre dans notre société dépravée, il lui faut donc le concours des prêtres. Après les propos fermes contre le nucléaire iranien, tout cela commence sérieusement à ressembler au sabre et au goupillon.

Bon, si la foi redevient la base de notre société, que faut-il penser de la présence des musulmans dans notre pays ? Il voulait des croyants, Nicolas ? Et bien il en a des millions, de quoi se plaint-il ? Pourtant il n’a pas eu un mot à leur intention. C’est que ceux-ci, s’ils ont une foi plus vive que les catholiques, semblent se trouver du mauvais côté de la barrière. C’est bien connu, en religion, il y a les bons et les méchants. Les bons, c’est nous, les méchants, ce sont eux. Diable (enfin, si j’ose dire), tout cela va nous amener une guerre civile. D’un côté les catholiques intégristes, de l’autre, dans un même combat, les athées, les laïcs et les musulmans. Cela nous promet une belle Saint Barthélemy, tout cela.

19/12/2007

Actualité littéraire

Dans l’actualité littéraire, deux choses à retenir.

Notre ami Sarkozy (encore lui) propose d’autoriser la publicité pour les livres à la télévision. Puisque les jeunes ne lisent pas et qu’ils passent leur temps devant le petit écran, allons capter leur attention là où ils se trouvent, autrement dit colonisons littérairement ce petit écran.
Outre le fait qu’on pourrait se demander si une telle démarche relève bien de la fonction de la présidence (ne serait-ce pas plutôt là une réflexion qui devrait venir des députés ?), on est surtout étonné de voir Nicolas se pencher sur cette problématique de la lecture chez les jeunes.

Le problème, cependant, est double. D’une part rien ne dit qu’un jeune qui ne lit jamais va se précipiter sur un livre rien que parce qu’il en a vu une publicité. D’autre part, une telle démarche, qui relève du marketing, va encore affaiblir le contenu des livres proposés. En faisant de ceux-ci des objets à vendre, on sera inévitablement amené à proposer des romans faciles et au succès assuré. On n’ose imaginer dans quel précipice on va encore tomber. Il suffit d’avoir regardé dix minutes une Star Académie pour s’en faire une petite idée. Il est à craindre, en effet, que le contenu des livres qui seront ainsi proposés sera du même acabit.

On peut donc douter de la volonté du Président de vouloir promouvoir la lecture. Issu de la société médiatique, lisant probablement for peu lui-même, il semble surtout ici faire le jeu des grands groupes éditoriaux, lesquels seront les seuls capables de supporter les frais de publicité. L’écart va donc encore se creuser un peu plus entre la vraie littérature et de simples historiettes à vendre. Déjà qu’on n’éditait que des manuscrits évalués principalement sur leur capacité à se vendre (et émanant, de préférence de personnalités déjà bien connues), ce n’est pas cette reconnaissance officielle de la publicité qui va arranger les choses.

Ceci dit, Sarkozy ne trompe personne. Il n’a jamais parlé, lui, de littérature, mais simplement de livres. Il recevait les grands éditeurs lors d’un dîner à l’Elysée. Ceux-ci, comme les représentants de n’importe quel corps de métier, en ont profité pour se plaindre. Nicolas, qui, il faut le reconnaître, ne manque ni de ressources ni d’énergie (voir ses galipettes avec la belle Carla Bruni) leur a donc proposé de gérer leur secteur comme tous les autres. Pour vendre, il faut se faire voir. Il en sait quelque chose, le bougre.



Deuxième nouvelle, dont on a peu parlé : l’affaire Handke. On se souvient que suite à un article paru dans Le Nouvel Observateur, l’administrateur de la Comédie-Française, Marcel Bozonnet avait refusé que son institution jouât une pièce de Handke. La présence de l’auteur aux obsèques de Slobodan Milosevic avait en effet été perçue comme un soutien politique à ce régime tant décrié. Et bien, on apprend que Le Nouvel Observateur vient d’être jugé coupable de diffamation par le Tribunal de grande instance de Paris le 3 décembre. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on en a beaucoup moins parlé que lorsqu’il s’était agi de salir la réputation de l’écrivain. Comme il se trouve que j’aime bien les livres de Handke (un ami par ailleurs de Wim Wenders), toujours remplis de désespérance, je me permets de faire ici modestement écho à la décision du tribunal.

Handke avait attaqué l’hebdomadaire sur deux imputations diffamatoires : la position révisionniste qui aurait soi-disant été la sienne et le fait qu’il aurait approuvé le massacre de Srébrenica. Le tribunal a estimé que le terme « révisionnisme » avait été utilisé en général par le journal et non dans le sens précis qu’on lui donne habituellement. Handke n’obtient donc pas gain de cause sur ce point. Par contre, le même journal ne pouvait affirmer « sur la seule base de la présence, incontestée, de Peter Handke aux obsèques de Slobodan Milosevic, que celui-là approuvait les massacres reprochés à celui-ci. »

Malheureusement, la presse, plus prompte à s’acharner sur une personnalité un peu passée de mode qu’à rectifier ses erreurs, n’a pas donné à la décision de justice la publicité qui s’imposait. La victoire est donc purement morale (plus un euro de dommage et intérêts).

Sur le fond de l’affaire, je ne pense pas que Handke ait jamais approuvé l’attitude de Milosevic. Disons plutôt qu’il a vu dans le bombardement de la Serbie la mainmise de l’impérialisme occidental sur un petit état encore fidèle à Moscou. Il est vrai que la Serbie, en jouant cavalier seul, portait un peu ombrage à l’expansionnisme américain dans les Balkans. Elle risquait en effet, au nom d’une doctrine raciste condamnable et qu’on fait bien, par ailleurs, de réprouver, de reconstituer à son profit l’ancienne Yougoslavie. Soutenue par le Kremlin (l’amitié pro-russe se fond en partie, ô ironie du sort, sur une commune appartenance à la religion orthodoxe), il fallait donc diminuer son influence. Handke fut manifestement sensible à son rôle de victime. Cela ne veut pas dire qu’il approuvait la position raciste tenue par ses dirigeants. Condamner ipso-facto la Serbie (laquelle en 1940 était pourtant de notre côté alors que la Croatie soutenait Hitler, précisément pour se dépêtrer de l’hégémonie serbe) revenait pour l’écrivain à soutenir le nouvel impérialisme mondial. C’est du moins comme cela que j’ai cru comprendre sa position.




c0081966696e1a17c270556cbe8eaedb.jpg

17/12/2007

Feuilleton présidentiel

Ainsi donc il est parti. Ouf. « Il », c’est Kadhafi, bien entendu, celui qui a gâché la vie de notre président bien aimé pendant cinq longues journées. Evidemment, c’était le prix à payer. On ne peut pas à la fois arriver au bon moment, faire libérer les infirmières bulgares, devenir une vedette internationale et ne pas recevoir celui par qui tout cela est arrivé. Il faut dire qu’il n’attendait que cela, Kadhafi : se faire reconnaître, lui aussi, sur la scène internationale. On comprend donc pourquoi le courant avait si bien passé au téléphone entre lui et Nicolas, quand il s’était agi de trouver un accord équitable au sujet des infirmières.

Par contre, une fois à Paris, on a tout de même l’impression que c’est le leader libyen qui a eu la vedette. Normal, il se retrouvait en position de force. Il venait toucher le salaire promis, tandis que Nicolas, lui, passait à la caisse. Et l’addition fut salée puisqu’il lui fallut avaler à peu près toutes les couleuvres glissées par son invité. Et pour une fois il n’y a pas eu que la gauche pour protester. Dans son propre camp des voix se sont élevées pour critiquer cette visite, des voix provenant de personnes qu’on croyait définitivement attachées au service du Tsar. Ligotées et ficelées depuis le début dans les filets de la reconnaissance, elles qui devaient tout à Nicolas, voilà qu’elles se permettent de montrer leur désapprobation. Du jamais vu. Jusqu’à Kouchner, qui portant saluait sans problème le Guide en Libye et qui se montre subitement réticent quand celui-ci est à Paris. « Vous vous rendez compte ? On n’a jamais vu cela » a dû dire Nicolas. Et Kadhafi qui en rajoute en insistant sur les incohérences de ce médecin qu’on croyait sans frontières et qui en trace pourtant bien une entre lui et ceux qui ne respectent pas les droits de l’homme. Mais peut-être n’est-ce pas seulement sa bonne conscience qui le fait parler ? Lui qu’on sait résolument atlantiste et qui, par ses discours sur l’ingérence humanitaire, a contribué à justifier la guerre en Serbie, il ne faudrait pas s’étonner qu’il ait reçu des ordres d’ailleurs. Rien ne nous dit qu’il ne travaille que pour Nicolas (d’ailleurs il n’y a pas si longtemps qu’il était, il me semble, de l’autre côté de la ligne réputée infranchissable qui sépare la droite de la gauche. Avec des gens comme cela, il faut donc s’attendre à tout). Imaginez donc qu’il ait été chercher ses ordres outre-Atlantique ? « Ce serait incroyable, cela ! » comme dirait je ne sais plus qui. Car il se pourrait bien que la reconnaissance de Kadhafi par la communauté internationale ne plaise pas tant que cela à Washington. Après tout, n’était-il pas le poulet qu’on voulait plumer après Sadam ? Et voilà le volatile qui non seulement continue à bien se porter mais qui en plus prend son élan et vole de ses propres ailes. Il se pourrait donc que Nicolas, en voulant se mettre lui-même en avant, ait outrepassé la limite assignée par les Américains. De plus, aller vendre des centrales nucléaires clef sur porte à un pays arabe, cela ne doit pas plaire beaucoup.

Ah que d’ennuis quand on est président ! Bon, ce poste, il l’a voulu et il l’a eu (c’est comme les Français : ils ont voulu Nicolas, ils l’ont eu). On ne va quand même pas le plaindre, maintenant. Après tout, ce n’était pas si terrible, cinq jours. Il suffisait de ne rien dire et de se taire. En attendant, on comprend qu’il soit allé se distraire à Disneyland le samedi. Pas seul, évidemment et pas pour faire un tour de manège. Non, pour se promener en compagnie de la belle Carla Bruni. Ancienne Top-modèle, elle est devenu auteur-compositeur. Va-t-elle faire chanter Nicolas ? L’avenir le dira. En attendant, la presse à sensation va titrer sur cette promenade à deux, photos à l’appui. Et revoilà Sarkozy à la une des journaux, tout ce qu’il aime. Avouez qu’il l’a bien mérité. Cinq jours sans faire la vedette, c’était tout de même beaucoup. Et puis tant que les Français s’intéressent à ses amours, ils ne pensent plus à leur pouvoir d’achat. En jouant sans cesse des médias, Nicolas aura fait descendre la fonction de président bien bas, au niveau d’un amuseur public, autrement dit d’une vedette de cinéma. Après les vacances en famille et le divorce, voici les amourettes. Bah, tant que cela amuse le peuple… Ceci dit, elle est mignonne, la petite Carla, vous ne trouvez pas ? On finirait pas comprendre Nicolas et par lui donner raison. Même moi. Elle a un petit défaut, cependant. Elle est née en 1968. Heureusement, c’était en décembre !




5b0a85e3a065e58cc9ea6ba2fd625d22.jpg
64aa7461c20a9d15ed386e2f7c31fb1b.jpg

16/12/2007

Le temps des fêtes

Le temps s’écoule inexorablement. La religion, cet opium du peuple, en nous proposant à date fixe de commémorer la naissance d’un Dieu, semble avoir intégré l’ancien mythe antique de l’éternel retour. Chaque année, en effet, on nous demande de nous réjouir devant cette nouvelle naissance, symbole d’éternité, finalement, puisque l’enfant Dieu, tel le Phénix, n’en finit pas de renaître de ses cendres. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’Eglise a choisi la date du 25 décembre, soit le solstice d’hiver, pour célébrer cet événement. De tout temps la victoire de la lumière sur la nuit a marqué les consciences. Il était donc facile d’intégrer les mythes anciens et d’en proposer une nouvelle version. Les populations, déjà habituées à fêter cet événement, n’y ont rien trouvé à redire. Au-delà de la foi proprement dite, de petits subterfuges de cette sorte ont largement contribué à asseoir l’autorité encore balbutiante de l’Eglise.

De nos jours, le monde de l’argent et du commerce qui est devenu le nôtre a, à son tour, exploité la vieille croyance chrétienne. En nous proposant d’acheter des cadeaux et de fêter dignement l’événement, les managers commerciaux espèrent bien remplir leur tiroir caisse. Pour cela, ils exploitent donc les dernières images naïves qui remontent à notre enfance et qui conservent encore, dans notre esprit blasé, une certaine valeur.

Achetez et dépensez. Mangez et buvez. Fêtez ce mythe d’une naissance sans cesse renouvelée qui vous fait oublier un instant que vous vieillissez inexorablement et que le temps qui vous est imparti n’est qu’un segment de droite, lequel possède bien un terme. Peu importe, en oubliant un instant la réalité vous aurez au moins contribué à faire tourner l’économie, ce nouveau Dieu particulièrement injuste qui ne favorise que quelques privilégiés. C’est déjà cela, non ?





bd81d88e01bd08f4c6ec140e1caddcc0.jpg

14/12/2007

Contrats

Avec Kadhafi, Sarkozy semble avoir trouvé son maître. On apprend en effet que lors de sa journée « libre », le leader libyen a d’abord fait du shopping, histoire sans doute de montrer son nouvel attachement à l’économie de marché et qu’il a ensuite visité le Louvre en trente minutes. Même Nicolas n’est jamais parvenu à faire aussi court. On se souvient par contre des déclarations de ce dernier lors de sa visite à l’exposition Courbet, déclarations plus proches de celles d’un comptable que de celles d’un amateur d’art: « Vous vous rendez compte? 500.000 personnes qui voient des merveilles pareilles, ça tire toute la société vers le haut!".

On comprend finalement pourquoi Nicolas a invité Kadhafi. Parvenir à faire le tour du Louvre en 30 minutes, c’est absolument incroyable ! Vous vous rendez-compte ? Au moins, en voilà un qui va à l’essentiel, un qui ne perd pas son temps à rêvasser et qui agit. La preuve, il a signé plein de bons contrats avec la France (enfin, on ne sait pas qui les paiera, mais cela, ce n’est qu’un détail). D’ailleurs à tous ceux qui lui reprochaient d’avoir invité un hôte aussi encombrant, le Président n’a pas manqué de signaler que les contrats en question représentent 10 milliards d'euros (enfin, c’est une évaluation), soit « l'équivalent de 30.000 emplois garantis sur 5 ans pour les Français" (autre évaluation difficilement vérifiable). Alors, devant ces chiffres, tout le monde s’est tu, à commencer par la secrétaire d'Etat aux Droits de l'Homme, Rama Yade, laquelle avait pourtant émis quelques réserves au début de la visite du colonel libyen. Quant à Bernard Kouchner, qui avait pourtant jugé "assez pitoyables" les attaques de M. Kadhafi sur le manque de respect des droits des immigrés en France, on ne l’a plus entendu. C’est sûr que devant de tels chiffres (10 milliards d’euros, vous vous rendez-compte !), qui forcent le respect, plus personne n’a élevé la voix. Et tous d’approuver officiellement la politique du grand Calife, même si en dessous il y en a qui n’en pensent pas moins.

Et les infirmières bulgares dans tout cela ? J’en parle parce que la commissions parlementaire vient d’ouvrir le dossier et pas du tout parce que Kadhafi est présent sur le sol français. D’ailleurs, M. Guéant vient de réaffirmer la position officielle: "Il n'y a pas eu de contreparties" et la "France n'a pas déboursé un centime". Tout va bien, donc. Nous voilà rassurés. On se demanderait même bien pourquoi on a créé cette commission.





17dd93ce741117762c6ca82154e30a2d.jpg

Cadeau de fin d'année.

Pour ceux qui seraient de passage à Paris les 17 et 18 décembre, qu’ils n’hésitent pas à se rendre à 'hôtel Drouot, où on va pratiquer une vente aux enchères. Ils pourront ainsi acquérir, entre autres choses :

- un incunable des Lettres à Lucilius de Sénèque, imprimé à Rome en 1475, avec une tranche peinte.

- quelques ouvrages dédicacés qui ont appartenu à des personnages illustres comme ces Poèmes de Rimbaud passés entre les mains de Paul Valéry puis d'André Gide.

- un exemplaire des Paradis artificiels. Opium et haschich, de Charles Baudelaire, publié en 1860 par Poulet-Malassis. Cet exemplaire est annoté par l'auteur lui-même en vue des conférences qu'il devait prononcer en 1864 à Bruxelles (sur le thème des "excitants").
Ces annotations marginales autographes sont paraît-il très abondantes. Elles avaient même été publiées par Claude Pichois dans la Pléiade, mais en partie seulement. On peut supposer que Pichois n’avait pas eu accès à notre volume, qui appartenait à une collection privée. Les spécialistes (de la vente) estiment que l’heureux acheteur pourra emporter ce livre pour une somme relativement modique, qui est estimée entre 250.000 et 350.000 euros. Pensez-y pour vos cadeaux de fin d’année car c’est une véritable aubaine. Des soldes avant les soldes en quelque sorte. En effet, ce livre de Baudelaire a déjà été proposé en vente une première fois, mais pour le prix nettement moins attractif de 950 000 euros (il n’avait d’ailleurs pas trouvé d’acquéreur à ce moment-là). C’est donc une belle économie que vous réaliserez-là, tout en ayant la satisfaction de feuilleter des pages que la main du poète a tournées avant vous, ce qui, il n’y a pas à dire, est un honneur qui se paie.





2b17fed1441029811cdc8d3526db4486.jpg

12/12/2007

Saint Georges et le dragon

L’autre jour nous parlions pour ne pas changer du chevalier Sarkozy, qui, tel saint Georges, avait combattu le dragon. C’est que, menant ses combats sur tous les fronts, il donne l’impression (ou veut donner l’impression) d’être le bon justicier qui vient à la fois rétablir l’ordre et nous délivrer du mal.

Cigale, dans son commentaire, a fait allusion à la vie de saint Georges. Sur le site auquel elle renvoie, on apprend ceci :

- « Georges est un saint totalement légendaire, dont l'existence est mise en doute dès le Ve siècle. » Dont acte. Sarkozy, au contraire, est bien réel lui, mais il veut manifestement entrer dans la légende.

- « Georges est né en Cappadoce de parents chrétiens. » Nicolas, lui, ne semble pas beaucoup aimer les Cappadociens si on en croit ses discours sur la Turquie. Il est vrai qu’à l’époque romaine les Turcs n’avaient pas encore envahi l’Asie mineure. On ne sait pas ce qu’aurait dit le grand Vizir s’il avait vécu à cette époque.

- « Georges, officier dans l'armée romaine, traverse un jour une ville terrorisée par un redoutable dragon qui dévore tous les animaux de la contrée et exige des habitants un tribut quotidien de deux jeunes gens tirés au sort. Georges arrive le jour où le sort tombe sur la fille du roi, au moment où celle-ci va être victime du monstre. Georges engage avec le dragon un combat acharné ; avec l'aide du Christ, il finit par triompher. la princesse est délivrée et, selon certaines versions, dont celle de la Légende dorée, le dragon, seulement blessé, lui reste désormais attaché comme un chien fidèle. » On retrouve ici le thème du Minotaure (ce qui, soit dit en passant, nous oblige à lire ces vies de saints avec une certaine réserve). On se souvient, en effet, que la ville d’Athènes devait offrir chaque année sept jeunes gens et sept jeunes filles au roi Minos, en Crète, lequel les faisait dévorer par le monstre, enfermé dans le labyrinthe. Cette légende renvoie évidemment à la soumission de la Grèce continentale à la Crète, laquelle, en cette époque reculée, détient le pouvoir politique, économique et culturel. Ici, c’est la fille du roi qui va être dévorée, tandis que dans la légende grecque, c’est Thésée, le fils du roi Egée, qui se propose pour aller combattre le Minotaure. Nous avons donc un double chiasme : garçon/fille, être dévorée/combattre. C’est donc pour sauver la princesse que le futur saint Georges risque sa vie, reprenant à son compte le rôle habituellement dévolu à Thésée (lequel, on s’en souvient, était aidé par une fille de roi, Ariane). Evidemment, le christianisme a effacé toute trace d’érotisme. Ce n’est pas pour les beaux yeux d’une femme fatale qu’il se bat, mais pour faire triompher le bien. Il n’y parvient d’ailleurs que grâce à l’aide du Christ. De son côté, la fille, par ailleurs vierge et fort réservée, se contente de prier (Ariane, elle, tombait amoureuse et s’embarquait avec Thésée, ce qui est le signe, tout de même, d’un caractère bien trempé). Vaincu, le monstre (voir aussi celui qu’Œdipe avait vaincu, mais lui par les réponses données à une énigme) n’est même pas tué (charité chrétienne oblige), mais il est transformé en animal domestique (manière habile de montrer que les anciens païens doivent se soumettre à l’enseignement de l’Eglise. Ce n’est pas Joseph Ratzinger qui me contredira).

- Plus tard, Georges est « victime des persécutions antichrétiennes de l'empereur Dioclétien. Il subit en Palestine un martyre effroyable : livré à de nombreux supplices (brûlé, ébouillanté, broyé sous une roue, etc.), il survit miraculeusement et finit par être décapité. » Bon, autres temps, autres mœurs. On ne sait pas si Sarkozy est prêt à aller jusque là pour défendre ses idées. Seul l’avenir nous le dira.

Sur l’image ci-dessous, Sarkozy, c’est le chevalier, bien entendu. N’allez surtout pas croire que c’est le démon, vous laissant abuser par la petite taille et la colère de ce dernier.




82ba6ecf442285d88c90cfe3b9cb9834.jpg

10/12/2007

De la Libye

S’il y avait bien un dirigeant qui était mal vu dans le monde occidental, c’était assurément Kadhafi (il est vrai qu’il était à la tête d’un état qui avait commandité des attentats, ce que tout le monde avait pu vérifier).

S’il y avait bien un président qui n’aimait pas trop le monde arabe, c’était bien Sarkozy (il est vrai que les belles banlieues de Paris avaient été mises à sac par de jeunes étrangers mal assimilés, ce qu’il avait pu vérifier par lui-même. Qui plus est, il en avait fait un thème de prédilection de sa campagne électorale, ce qui lui avait valu d’être nommé à la tête de ce pays occidental qu’est la douce France).

S’il y a bien quelque chose que je ne comprends pas, c’est pourquoi il revient précisément au président Sarkozy de permettre à Kadhafi de revenir en grande pompe sur le devant de la scène internationale. Voilà en effet qu’il lui offre l’hospitalité dans son royaume et pour cinq jours encore bien, lui qui se fait toujours inviter à gauche et à droite (enfin, surtout à droite) lors de ses vacances.

Il n’y avait pas encore si longtemps que le président libyen était accusé de tous les maux. Alors qu’on en était encore à se demander si Sadam Hussein ne cachait pas des armes de destruction massive sous son lit, pour Kadhafi, les preuves étaient faites. Ce gars-là travaillait contre nous. N’avait-il pas nationalisé des pans entiers l’économie, empêchant nos industries de faire un honnête profit sur le dos du peuple libyen? De plus, comme Sadam, il avait du pétrole, ce qui aurait dû amener l’Occident, toujours prêt à défendre le bien et ses intérêts, à mener une nouvelle croisade et à annexer ce beau pays de sables pour son plus grand profit.

Mais Kadhafi s’est montré aussi rusé qu’un renard du désert. Il a su louvoyer un certain temps et faire semblant de faire amende honorable tout en ne cédant presque rien sur le fond. Pourtant, parfois, ses vieux démons le reprennent. N’a-il pas encore séquestré il y a peu d’innocentes infirmières bulgares qui étaient pourtant prêtes à offrir du sang à la Libye ? Il a fallu l’intervention de Saint-Georges lui-même, alias Sarkozy, pour ravir ces pauvres victimes au vieux démon musulman (enfin, prudent, il avait d’abord envoyé sa femme en reconnaissance, espérant peut-être secrètement s’en débarrasser).

Donc, visite en grande pompe, aujourd’hui à Paris. Le plus xénophobe des présidents accueille le plus anti-occidental des chefs musulmans. Grand sourire et poignées de mains. Dans les poches des deux larrons, des contrats. De beaux contrats : achats d’avions militaires et centrale nucléaire clef sur porte.

Alors là, il faudra encore que l’on m’explique. Sadam était perçu comme menaçant à cause des armes de destruction massive (mais finalement on n’en a trouvé aucune qui fût irakienne ; les armes malfaisantes furent surtout américaines et tombèrent du ciel) et ici on va aller vendre des avions de chasse sophistiqués à un ennemi potentiel. Même chose avec l’Iran, dont on redoute sans doute à juste titre qu’il ne se dote de l’arme atomique. Et voici qu’on vend à la Libye des centrales nucléaires toutes faites. Peut-être est-ce pour mieux envahir ce pays demain ? Ou alors c’est pour faire tourner les quelques usines françaises qui restent (celles qui ne se sont pas encore délocalisées en Chine ou en Afrique du Nord) ? A moins que notre grand Vizir, dans sa sagesse, ne pense au pouvoir d’achat des Français ? Justement, n’a-t-il pas dit qu’il voulait l’augmenter ce pouvoir d’achat ? Il est donc logique avec lui-même, le petit Nicolas et c’est encore moi qui suis allé chercher le mal où il n’était pas. Enfin, c’est clair. Si la France croule sous les contrats avec la Libye, il faudra bien que tout le monde fasse des heures supplémentaires. Et voilà l’argent qui rentre dans les chaumières. Je sens que les ménagères vont pouvoir dépenser des sommes folles pour les fêtes de fin d’année. Cela fera enfin tourner l’économie. CQFD.





85d79b588bd6e2629e04c7f9cebd755b.jpg

07/12/2007

Paresse linguistique

La paresse, de tout temps, a été à la base des actions humaines. En effet, pour arriver à leur fin, les hommes ont toujours emprunté la voie la plus facile. Pourquoi faire compliqué quand il y a moyen de faire simple ? Nicolas Sarkozy n’échappe pas à la règle. Il a beau demander aux Français de se lever tôt et de travailler davantage, de son côté il a adopté la solution de la facilité : faire augmenter son salaire sans modifier la nature et la durée des services qu’il rend à la collectivité.

Il en a toujours été de la sorte et on n’y changera rien. Ainsi en va-t-il en linguistique également. La langue, en évoluant, est toujours allée vers plus de facilité. On pourrait même dire que c’est ce désir de simplification qui est la base même de son évolution. En voici quelques exemples :

-Réduction des 5 déclinaisons latines à 3

-Réduction des six cas latins à deux (nominatif et accusatif : cas sujet et cas régime) en ancien français et emploi accru des prépositions.

-Disparition du neutre.

-Suppression des voyelles finales, sauf le « a » qui devient « e » (muri : mur, canto : chant, rosa : rose)

-Suppression définitive du système casuel et emploi systématique des prépositions.

-Facilité de prononciation, qui est à la base même de l’évolution phonétique : capra qui devient kiabra, kiaebre, tchaevre, chèvre.

-Seules les voyelles initiales, accentuées, se maintiennent (lucore : lueur), tandis que les atones disparaissent.

-Disparition des voyelles situées à l’avant-dernière syllabe (TAbula : table)

-Formaticus (mis en forme) qui devient formage avant de passer à fromage ou comme nous l’avons vu, corcodillus qui disparaît au profit de crocodile.

-De nos jours, disparition progressive de l’imparfait et du plus-que-parfait du subjonctif.

Ou nous arrêterons-nous ? Quand on voit la langue utilisée dans les SMS il y a de quoi se poser des questions. Sans doute tout cela fait-il partie d’une évolution inéluctable…

06/12/2007

Des larmes de...

Il est amusant de se plonger dans l’étymologie du mot crocodile. Ce terme vient du latin crocodilus, mais en latin même on trouve les graphies crocodrillus. , corcodrillus cocodrillus (d’où l espagnol actuel cocodrillo). Le moins que l’on puisse dire, c’est que dans ce mot la lettre « r » semble aussi rapide à changer de place que notre reptile, lequel n’est jamais endormi qu’en apparence et se montre toujours particulièrement véloce quand il s’agit d’attraper une proie.

Ce qui est étrange, c’est que ces cocodrilli ou corcodrilli latins proviennent du mot grec krokodilos (krokodiloV), avec le « r » qui suit la première lettre, comme en français actuel, finalement.
Ce krokodiloV vient à son tour de krokh (galet) et de driloV (ver) et faisait allusion au petit lézard qui se dissimulait dans les murailles. On remarquera donc qu’en grec le « r » se retrouve donc à la fois dans « kroko » et dans « drille », d’où peut-être la confusion qui a régné par la suite quant à l’emplacement exact de cette lettre (sans parler des difficultés de prononciations, qui ont amené les locuteurs à modifier le terme supposé correct).

Ce qui est sûr, c’est qu’au départ était le lézard (et sa lézarde, histoire de ne point offusquer les féministes qui se passionneraient par ailleurs pour l‘étymologie). Par la suite, le mot a désigné le crocodile du Nil, quand les Grecs ont visité ces contrées. C’est du moins ce que nous dit Hérodote lequel s’y connaissait tout de même un peu en histoire puisqu’il porte le titre de Père de l’histoire.

Notons enfin que si crocodilus a donné crocodile, crocodrillus a donné crocodelle et cocodrillus cocodrille, deux termes qui ont définitivement disparu de la langue française au XVI° siècle.

D’un point de vue zoologique, le terme crocodile désigne souvent tous les membres de la famille des crocodiliens, qu’on retrouve aussi bien en Afrique qu’en Amérique, en Asie ou en Australie.
L’ordre des crocodiliens comprend trois familles : les crocodilidés (crocodiles), les alligatoridés (alligators et caïmans) et les gavialidés (gavial). Si on veut être précis, il y a donc lieu de ne désigner par le terme crocodile que les représentants de la famille des crocodilidés, afin de distinguer notre bon veux crocodile de l’alligator (lequel a une tête plus large, mais aussi plus courte et plus pointue) et du caïman (l’alligator d’Amérique du Sud). Le gavial, quant à lui, est un des seuls crocodiles asiatiques et il vit en Inde. Inoffensif pour l’homme, il a été chassé pour sa peau et a aujourd’hui pratiquement disparu. Comme quoi, un peu de méchanceté aide à survivre, il en va de même dans toutes les espèces et l’homme ne fait pas exception.

Animal sacré dans l’Egypte ancienne, le croco a donné son nom à une ville : Crocodilopolis ( Medinet-el-Fayoum aujourd’hui).

De nos jours, le terme crocodile renvoie au symbole de la marque Lacoste et il désigne souvent un politicien ou un industriel qui a les dents longues.

Enfin, notons que c’est le titre d’un court roman de Dostoïevski, assez humoristique au demeurant.






3d9db1da57c3529e10b89616b1f57362.jpg

04/12/2007

L'Etranger

« Au printemps, Tipasa est habitée par les dieux et les dieux parlent dans le soleil et l'odeur des absinthes, la mer cuirassée d'argent, le ciel bleu écru, les ruines couvertes de fleurs et la lumière à gros bouillon dans les amas de pierres »
Nicolas Sarkozy.

Non ? Non, Je me trompe, cette phrase n’est pas de Nicolas, mais d’Albert Camus. C’est un extrait de Noces à Tipasa, le premier texte qui compose Noces, ce beau livre dans lequel Camus se fait lyrique, prouvant par-là qu’il sait manier un autre style que celui, rugueux et sec, de l’Etranger.

Etranger, Camus ne l’était certainement pas en Algérie, puisqu’il y était né. Par contre Nicolas, à ce que l’on dit, ne semble pas particulièrement être le bienvenu. Il est vrai qu’il débarque avec sur le dos l’étiquette qu’il s’est collée lui-même, à savoir celle de « soutien inconditionnel de Georges Bush ». De plus, certains se demandent à Alger s’il n’aurait pas trop tendance à soutenir la politique extérieure de Tel Aviv, ce qui, d’un point de vue arabe, vous classe d’emblée dans le clan des suspects.

Mais laissons là toutes ces querelles. Oublions un instant le Proche-Orient, la politique et surtout Nicolas pour laisser parler Camus, qui s’exprime tout de même beaucoup mieux et dans un registre plus fleuri que l’ex-maire de Neuilly.


"Que d'heures passées à écraser les absinthes, à caresser les ruines, à tenter d'accorder ma respiration aux soupirs tumultueux du monde ! Enfoncé parmi les odeurs sauvages et les concerts d'insectes somnolents, j'ouvre les yeux et mon cœur à la grandeur insoutenable de ce ciel gorgé de chaleur. Ce n'est pas si facile de devenir ce qu'on est, de retrouver sa mesure profonde.

(…)

Des millions d'yeux, je le savais, ont contemplé ce paysage et, pour moi, il était comme le premier sourire du ciel. Il me mettait hors de moi au sens profond du terme. Il m'assurait que sans mon amour et ce beau cri de pierre, tout était inutile. Le monde est beau, et hors de lui, point de salut. La grande vérité que patiemment il m'enseignait, c'est que l'esprit n'est rien, ni le cœur même.

(…)

A Tipasa, je vois équivaut à je crois, et je ne m'obstine pas à nier ce que ma main peut toucher et mes lèvres caresser.






55fce6598af4b358e7e091d7dccbe8d7.jpg

03/12/2007

La gloire de Vincent

0d3c5853cdf70146e5964270876d6ce5.jpg
Question idiote, que je me posais en lisant sur Internet la biographie de Joan Miro. Que serait devenu ce peintre s’il n’était pas « monté » à Paris ? Certes, il avait déjà organisé une exposition à Barcelone avant de partir pour la France et on peut supposer qu’il aurait continué à persévérer dans son art. Cependant, on apprend qu’à paris il a côtoyé Picasso, ainsi que Breton et tout le groupe surréaliste. On peut donc raisonnablement supposer qu’il a évolué plus vite à partir du moment où il a été en contact avec ceux qui détenaient le haut du pavé en matière artistique dans ces années-là. Il suffit de comparer ses premières toiles et les suivantes pour se rendre compte de la rapidité de son évolution.

Donc, s’il était resté en Espagne, peut-être n’aurait-il été qu’un bon peintre local, célébré par les artistes du coin. Peut-être aussi que la guerre civile aurait entravé sa production.

Mais non, il monte à Paris, change de style au contact des célébrités du moment et finit par devenir incontournable. Quand on lit l’histoire à posteriori, on se dit qu’il ne pouvait en être autrement. Un tel génie ne pouvait rester à l’écart et il se devait de percer. Certes. Mais s’il n’avait pas connu Picasso et Breton ? Que serait-il devenu ? Qu’on me comprenne bien. Ma remarque n’enlève rien à sa capacité de peindre ni à son génie. Je me demande simplement si c’est grâce à son génie potentiel qu’il a été reconnu par ces célébrités (qui ont deviné avant tout le monde tout ce qu’il avait en lui) ou si c’est parce qu’il les a connues qu’il a été propulsé en avant (en partie parce que son art a évolué en fonction de la mode du moment, en partie parce que Picasso et les autres lui ont ouvert des portes). Cela revient donc à se demander ce qui est à l’origine du succès d’un artiste. Bien sûr les capacités doivent être là, cela semble l’évidence même, mais ne faut-il pas, à un certain moment, que des relations entrent en jeu ?

Si Miro, à Paris, s’était imprégné du mouvement surréaliste sans côtoyer personne ? Ses peintures auraient été les mêmes que celles qu nous connaissons, mais aurait-il percé avec la même facilité ? Les personnes optimistes diront qu’oui, que de toute façon quelqu’un aurait bien fini par le remarquer, isolé dans son coin et lui aurait ouvert les portes des salons et des expositions. Mais si cela n’avait pas été le cas ?

Qui dira jamais le rôle des relations dans ces affaires ? Je ne parle pas même pas ici de relations dans le sens habituel (relations politiques, personnages importants), mais simplement de relations amicales. De fil en aiguille, votre ami connaît quelqu’un, qui connaît quelqu’un et vous vous retrouvez subitement sous les feux de la rampe.

Imaginons un instant que Marcel Proust (sans même revenir sur ce problème de l’édition de la Recherche, les manuscrits ayant été refusés dans un premier temps comme chacun sait) n’aurait pas eu les relations qui étaient les siennes pour remporter le prix Goncourt (dont il est manifestement un des seuls lauréats à présenter une œuvre vraiment digne d ‘intérêt), aurait-on parlé de lui ? Beaucoup moins. Et qui dit qu’il n’aurait pas été oublié ?

Le chanteur Yves Simon, quand il avait décidé de renoncer à la chanson et de se consacrer à la littérature s’était vite rendu compte qu’il ne parviendrait pas à en vivre. Il ne cachait pas qu’il était allé trouver les bonnes personnes afin d’assurer à ses livres la publicité nécessaire. Il considérait que cela n’enlevait rien à sa capacité réelle d’écrire (c’est vrai, finalement) mais que cela prouvait simplement son désir d’entrer dans ce métier. Le fait d’employer son intelligence pour se positionner auprès des bonnes personnes n’étant qu’un moyen pour pouvoir ensuite s’adonner tout entier à l’écriture. Donc acte. Mais s’il n’avait pas agi de la sorte ? Ou s’il n’avait pas été capable de trouver ces bonnes personnes ? Et bien il se serait retrouvé professeur de lycée, ce qu’il redoutait par-dessus tout. Vous me direz qu’il aurait sans doute fait là œuvre plus utile. Sans doute. Mais les autres ? Les vrais grands génies ? Si personne, à un moment donné, ne les avait pris par la main ?

Il y a Van Gogh, bien entendu, qui est mort misérable et quasi-inconnu. Vous m’objecterez que son génie a fini par être remarqué et donc que la célébrité du moment ne fait rien à l’affaire. Peut-être. Mais peut-être existe-t-il aussi d’autres Vincent, qui sont mort anonymes dans leur coin et dont jamais personne n’a parlé ? Inversement, il y a pas mal d’artistes ou d’écrivains dont on nous rabat les oreilles tous les jours à la télévision (enfin, pour ceux qui la regardent) et qui finalement ne méritent sans doute pas le bruit qu’on fait autour de leur œuvre.

Alors ? Que serait-il advenu de Miro, s’il n’avait pas trouvé Picasso et les autres sur sa route ?



220babc7d257e60513adabc77137fd6b.jpg

30/11/2007

Au travail!

3c80e856342bc7e09ca58616a52ded14.jpg


Comme on pouvait s’y attendre, N. Sarkozy a admis qu’il y avait une baisse du pouvoir d’achat.
Comme on pouvait s’y attendre également, il a engagé les Français à travailler plus pour compenser cette perte (due en partie, et cela il ne l’a pas dit, au système ultra-libéral qu’il cautionne et qui consiste dans un premier temps à tout faire passer au secteur privé puis ensuite à ne plus intervenir). Les citoyens auront apprécié ses propositions à leur juste mesure, j’imagine. Ils se plaignent que tout augmente de manière scandaleuse et que leur salaire ne suffit plus et il leur répond : « vous n’avez qu’à travailler plus ». Encore faudrait-il qu’il y ait du travail pour tout le monde, mais cela, c’est une autre affaire. Sans oublier que ceux qui vont mettre en pratique les préceptes présidentiels en redoublant d’ardeur vont faire monter le nombre des chômeurs. Enfin, bon, ceux-là, on n’y intéresse au moment des élections parce qu’ils sont nombreux, mais après, on s’en désintéresse tout à fait. Après tout ils ne se lèvent pas tôt, eux et il est normal qu’ils n’aient pas voix au chapitre.

Non, le comble, c’est que Nicolaous se sert du malheur des gens pour poursuivre dans sa logique. Ainsi, il a parlé de vendre"3 % d'une grande entreprise publique française, EDF, pour faire un plan d'investissement de cinq milliards [d'euros] dans nos universités".

Cette somme serait notamment (mais pas exclusivement) consacrée « à l'amélioration des locaux dans l'enseignement supérieur et la création de logements dans les cités universitaires. » nous dit Le Monde.

Donc, on vend quelques bijoux de famille pour financer un secteur pourtant crucial. C’est un peu comme si un particulier vendait son jardin pour réparer sa toiture ou comme s’il revendait sa voiture pour pouvoir payer le billet d’avion de ses prochaines vacances. Si ce n’est pas s’appauvrir, je ne sais pas ce que c’est. En attendant, cela permet surtout de continuer la logique des privatisations tout en désamorçant la critique.

Ceci dit, on entend aussi parler d’une possible privatisation des universités. Le Président dément. Mais il est à espérer que la restauration des bâtiments n’est pas entreprise (avec l’argent provenant d’EDF, rappelons-le) pour mettre sur le dos de la collectivité des frais structurels importants et cela avant même de privatiser le tout.

On a déjà vu cela dans les chemins de fer par exemple. On privatise ce qui est rentable mais l’entretien des voies reste de la compétence de l’état.

Enfin, pour terminer, tout le monde aura, je pense, noté le néologisme employé récemment par Nicolas. Il s’agit de la « voyoucratie ». Certes le terme a déjà été employé par d’autres, mais le fait d’être prononcé par l’empereur lui-même lui confère une noblesse qu’il n’avait pas. Inscrivez-le vite dans votre dictionnaire car le Président étant compétent en toutes choses, il l’est aussi en matière de langue française. Encore heureux pour nous qu’il ne soit pas trop familiarisé avec l’anglais, cela nous ferait encore plein d’anglicismes…

29/11/2007

Tribunaux en grève.

44e21b216f8143d6c793e00452c54531.jpg







Est-ce une idée où l’étau n’est-il pas en train de se resserrer autour de notre ami Sarkozy ? Après les grèves de la SNCF, de la RATP, des enseignants, des fonctionnaires, des universités, voilà que ça brûle de nouveau dans les banlieues. A peine parti en Chine pour nous décrocher quelques contrats (à ce propos on ne sait pas si les firmes françaises bénéficiaires de ces contrats ne vont pas finalement se délocaliser en Chine, ce qui réduirait à la fois les frais de transport et les frais de production), il faut qu’il revienne bien vite afin de menacer de la prison les fauteurs de troubles. Il n’a pas tort, évidemment. Le problème, c’est qu’aujourd’hui, ce sont les juges eux-mêmes qui sont dans la rue afin de manifester leur mécontentement contre les réformes. Donc, si on arrête quelques jeunes incendiaires, il faudra bien attendre que les juges reviennent dans leur tribunal avant d’entamer la procédure de comparution immédiate...

Ceci dit, je me demande si, en cas de manifestation, la police recevra l'ordre de charger et de procéder à des arrestations administratives.

Je me demande aussi ce qui se passera quand les policiers, à leur tour, se mettront en grève.


Mais ne vous inquiétez pas, tout cela va s’arranger. Nicolas, qui n’est tout de même pas bête puisqu’il est président de la République (c’est en effet impossible qu’autant de personnes se soient trompées sur son compte en votant pour lui) a décidé de prendre le mal à la racine. Ce qui coince, c’est le pouvoir d’achat. Cela coince deux fois d’ailleurs, car en devenant plus pauvres les Français non seulement manifestent bruyamment leur mécontentement, mais en plus ils consomment moins, ce qui ralentit l’économie et met en péril la santé de nos entreprises (et, même s’il ne l’a pas dit, c’est tout de même pour augmenter les bénéfices de ces entreprises que Nicolas est venu au pouvoir). Donc, seule solution qui s’offre au Calife : augmenter le pouvoir d’achat. Le problème c’est que les caisses sont vides (on est même en déficit et l’Europe n’arrête pas de le rappeler) et qu’elles ne risquent pas de se remplir puisqu’on vient de faire des cadeaux aux entreprises (toujours elles). A moins d’un miracle, on ne voit donc pas comment Nicolas va s’en sortir. Et pourtant, fidèle à lui-même, il a déjà programmé une belle émission de télévision durant laquelle il va détailler ses recettes pour sortir tout le monde de l’impasse. Emission à ne pas rater pour une fois, car elle risque d’être du plus haut comique.

28/11/2007

FNAC (sous le livre, la télévision)

On apprend que la FNAC va créer des FNAC vertes, Grenelle de l’environnement oblige, sans doute. Cela consiste à acheter des terrains dans la banlieue des grandes villes pour transformer ces espaces verts en espaces commerciaux. Autrement dit, la Fnac, au lieu de rester là où elle s’est toujours trouvée, dans les centres urbains, va tenter de se délocaliser à l’extérieur. Avantage : des magasins plus grands, surtout centrés sur la technologie. Il est vrai qu’on avait remarqué qu’en vingt ans le nombre de rayons consacrés aux livres avait singulièrement diminué. Et il est encore plus vrai que si vous voulez acheter une télévision avec un écran géant pour mieux apprécier les interventions de Sarkozy sur TF1, ce sera tout de même plus pratique de venir avec votre voiture et de bénéficier du parking qui sera, on l’espère, gratuit.

En toute logique, le nombre des livres proposés devrait donc encore diminuer. Dès lors, on se demande bien pourquoi la Fnac parle toujours de produits culturels quand elle veut désigner son secteur d’activité car personnellement je ne vois pas de grande différence entre une machine à laver et une télévision. Il est vrai que je ne comprends jamais rien aux interventions de Sarkozy non plus, dont les propos me semblent souvent étranges. Cela doit être lié à un manque de culture de ma part.

Mais revenons à la Fnac. Dans leurs nouveaux grands magasins, ils pourront toujours vendre le nouveau livre du sénateur américain Ted Kennedy. Enfin le livre n’est pas encore écrit, mais on sait déjà que le jeune frère du président assassiné a signé un contrat avec un éditeur pour un montant équivalant à 5,4 millions d'euros et cela pour la vente de ses mémoires. Et il y en a qui disent que l’écriture ne rapporte rien ! Il est vrai que personne n’a affirmé non plus qu’il allait l’écrire lui-même.

13:50 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : Littérature, Fnac

27/11/2007

Jean VAN EYCK

2be91a1e3d46176f86daa26d52dd7d9e.jpg











Le blogue de Pivoine nous donne une leçon de peinture et nous propose d’admirer "La Vierge au chancelier Rolin" de VAN EYCK.

C’est vrai qu’il est remarquable, ce tableau. On en admirera particulièrement l’équilibre. Ainsi, dans le fond, nous avons trois croisées. Derrière chaque croisée, un paysage particulier (une campagne où prédomine le vert, le fleuve, une campagne où prédomine le jaune). La première colline se situe à gauche du fleuve, l’autre à sa droite. Le fait d’avoir deux tons pour ces collines rompt la monotonie. Le fleuve est l’élément central (il correspond d ‘ailleurs à la croisée centrale) et permet une perspective vers le lointain. Donc, dans l’imagination du spectateur, il est une invitation non seulement à dépasser la chambre, mais aussi le paysage proche, afin de rêver d’un ailleurs. Le bateau symbolise ce voyage de l’imaginaire. On remarquera la présence d’un pont, qui nous rappelle qu’à nos pieds se trouve une ville (nouvel équilibre, donc, cette fois entre la nature et la culture). Le pont marque aussi le passage d’une rive à l’autre et permet donc de relier les deux collines. Par son horizontalité, il rompt aussi la monotonie du paysage qui est surtout représenté dans sa verticalité. Celle-ci est atténuée par les méandres du fleuve (lesquelles, en elles-mêmes, sont aussi une invitation à la flânerie, ce qui contribue à donner à l’ensemble de la peinture une impression de calme et d’apaisement).

Les collines, du moins celle de gauche, sont cultivées, ce qui permet une transition douce entre le milieu urbain et les montagnes sauvages de l’horizon. La ville proprement dite (du moins des masses architecturales importantes, genre cathédrales, etc.) se trouve surtout à droite, peinte en jaune, comme la colline (plus sauvage) qui est derrière elle, tandis que pour la campagne cultivée (et donc moins sauvage) du côté gauche, c’est le vert qui prédomine. Nous avons donc une sorte de « chiasme» qui contribue à rompre la monotonie.

Revenons à la chambre où se déroule la scène. Aux trois croisées du fond (et à leurs trois paysages), correspondent trois autres croisées à gauche, perpendiculaires aux précédentes, ainsi qu’un mur à droite (lui aussi perpendiculaire). L’équilibre est donc parfait, géométrique. Pour mettre la pièce en valeur et ne pas donner une impression d’enfermement, un vitrail à gauche (discret, il est blanc et non en couleur; de plus il ne permet pas de voir le paysage qui est derrière lui; on est donc obligé de se concentrer sur la scène centrale) ouvre une perspective dans le prolongement des croisées du fond. Notre pièce centrale, non seulement s’en trouve agrandie, mais on comprend qu’elle fait partie d’un ensemble géométrique dont elle n’est qu’un élément. Comme l’homme, finalement, ce microcosme, qui n’est qu’une partie du macrocosme.

Donc, importance du chiffre trois : 3 croisées, 3 éléments de paysage (colline, fleuve, colline), 3 éléments de profondeur (la pièce, le paysage proche, les montagnes du lointain), 3 « murs » (croisées de gauche, croisées centrales, mur de droite) 3 personnages (le chancelier, la Vierge, l’enfant).

Parlons de ces personnages. Ils s’opposent par les couleurs. Celles-ci sont sombres pour le chancelier (habit et draperie qui recouvre le lutrin), vives pour la Vierge (rouge). Au centre, l’enfant Jésus est mis en évidence par sa blancheur. Remarquons que le carrelage reprend en les mélangeant les tons des habits. On y retrouve en effet à la fois les motifs bigarrés de l’habit du chancelier (en brun) ainsi que des traces de rouge (comme le vêtement de la Vierge), ce qui contribue à les rapprocher et renforce l’impression d’intimité de la scène. Ce carrelage offre aussi une perspective vers le paysage extérieur, dont il préfigure la fuite vers le lointain. Ainsi, l’esprit du spectateur lie les personnages, disposés de part et d’autre du carrelage qui est visible au centre et celui-ci invite le regard à s’échapper vers l’extérieur. Le « choc » mystique que l’on ressent en regardant les personnages enfermés dans la chambre prend de l’ampleur par l’incitation à trouver un ailleurs (vers le paysage extérieur et, via le fleuve, vers le lointain).

Notons que s’il y a trois personnages et trois croisées, il y a deux piliers et deux adultes. A chaque adulte correspond une croisée. A l’enfant, cependant, ne correspond pas la croisée centrale, ce qui aurait été ridicule pour le sens (l’enfant doit être près de sa mère) mais aussi pour la perspective (trop d’équilibre nuit). Par contre, si l’enfant n’occupe pas la croisée centrale, il est remplacé par deux petits personnages qui viennent mettre un peu de vie dans ce tableau fort religieux. Ils servent donc de transition à la fois symbolique (sacré/profane) et géographique (intérieur/extérieur ; proche/lointain).

Pour terminer, concentrons-nous sur le personnage de la Vierge. Elle n’est pas habillée de bleu, comme c’est habituellement le cas (le bleu symbolisant la virginité), mais de rouge. Par contre un ange se tient derrière elle, au-dessus à gauche. Lui, est habillé de bleu (mais un reflet rouge sur les ailes rappelle le vêtement de la Vierge, ce qui assure un rapprochement entre elle et lui : tous deux sont d’essence sacrée).

Cet ange est en fait le quatrième personnage de la scène. On pourrait dire qu’il est en surnombre et qu’il vient rompre le bel équilibre fondé sur la trinité. Il n’en est rien. En effet, il représente un contrepoids à l’enfant Jésus et renforce en fait l’impression d’équilibre. L’enfant est plus bas que le visage de la Vierge, l’ange est plus haut. Chez l’enfant, les couleurs claires prédominent, chez l’ange ce sont les couleurs foncées. N’étant pas humain, il n’appartient pas au trio présent. Par contre, étant d’essence divine, il préfigure la divinité de l’enfant, dont il est en quelque sorte la marque tangible dans le tableau. Notons encore qu’une autre trinité est créée par l’alignement des visages : enfant, Vierge et ange. Alors que sur un plan horizontal on assiste à une scène normale (homme, femme, enfant), sur le plan vertical (ou plutôt oblique), on a une scène mystique (enfant-Dieu, Vierge, ange).

L’ange ne couronne pas l’enfant mais la Vierge. L’esprit divin passe donc de l’ange vers la mère et enfin de celle-ci vers l’enfant.

Si on découpe maintenant le tableau en tranches horizontales, on remarquera trois personnages à l’avant-plan, puis trois croisées (avec trois paysages correspondant) et enfin, au niveau supérieur, deux vitraux colorés et carrés. Les personnages étant plus écartés que les croisées, on a donc une sorte de pyramide : à la base, les trois personnages, au milieu les croisées (déjà plus étroites) et au sommet les deux vitraux (fort rapprochés). Nouvel équilibre, donc, mais sur un autre plan, dans ce tableau qui décidément n’en manque pas. Rien d’étonnant donc, à ce qu’il nous inspire des impressions très fortes.

26/11/2007

Ce temps qu'on dit imparfait.

Tout le monde connaît le dialogue entre Chimène et Rodrigue, dans le Cid de Corneille et surtout la fameuse réplique : « Va, je ne te hais point », qui est souvent citée dans les manuels scolaires comme l’exemple même de la litote (dire moins pour faire comprendre plus)

Cette phrase peut faire sourire, mais c’est que l’expression des sentiments n’a jamais été une chose aisée. Comment, en effet, dire à une personne qu’on l’aime ? La langue, heureusement, semble nous aider dans cette démarche en nous proposant quelques procédés.

Sans vouloir aujourd’hui approfondir ce sujet, qui le mériterait cependant, je me contenterai de reprendre une phrase autrefois citée dans « Langue sauce piquante » et qui concernait les rapports de tendresse entre une mère et son petit enfant : « C’était le bébé à sa maman ».

Pourquoi, dans une telle phrase, employer l’imparfait de l’indicatif ? Pour tenter de répondre à cette question, il faut, je crois, se pencher sur l’aspect de l’imparfait.

D’abord , comme chacun sait, l’imparfait a en lui-même et naturellement un aspect duratif (« je préparais mon repas quand on sonna à la porte »). Il est donc normal qu’on l’emploie dans le genre d’expressions évoquées ici. L’utilisation du présent, tout en assurant l’être cher de votre affection, comporterait un inconvénient : celui que cette affection ne soit finalement que temporaire. L’imparfait permet de rompre avec cet aspect éphémère des choses en situant le locuteur dans un monde atemporel, éternel en quelque sorte. « C’était le bébé à sa maman », c’est-à-dire que ce l’est depuis longtemps et que ce le sera pour longtemps encore. L’aspect d’inachèvement propre à l’imparfait a donc un côté rassurant (ce sera encore pour longtemps le bébé à sa maman). Mais il faut noter l’emploi obligatoire de la troisième personne, un peu comme si, dans notre exemple, la mère se tenait à distance. Elle ne s’adresse pas directement à son bébé en le tutoyant mais parle de lui en rejetant « l’action » dans un passé fictif. Paradoxalement, c’est cette mise à distance qui permet à la part d’affectivité de s’exprimer. Dire son affection en face de la personne, en la tutoyant, est plus difficile. Parler d’elle à la troisième personne en rejetant sa présence dans le passé permet d’avouer ses sentiments.

Nous ne confondrons pas cette démarche avec celle de César, qui, dans sa Guerre des Gaules, parlait de lui-même à la troisième personne. Ceci dit, il s’agissait tout de même de créer la même mise à distance par rapport à un personnage. Le but, cependant, n’était évidemment pas affectif chez le général romain, mais il s’apparentait plutôt à une volonté de glorification. En parlant de lui comme d’un personnage historique important, il entrait déjà dans la légende. Le comble, c’est que c’est lui-même qui s’y faisait entrer, en employant un tel procédé, comme quoi la langue peut se montrer aussi utile que les armes pour asseoir la réputation d’un grand stratège.

23/11/2007

De l'édition de masse

Il n’y a pas que les pots de yogourt que l’on veut vendre aux masses. Les produits culturels, littéraires en particulier, n’échappent pas à la règle. On lit plus, nous dit-on ; on n’a jamais publié autant de livres ; la société n’a jamais eu autant de diplômés. Tout cela est vrai, certes. Et pourtant…

Pourtant on a surtout l’impression que l’on édite ce qui se vend. Sans doute reste-t-il quelques perles rares au milieu de cet océan, je n’en disconviens pas, mais il devient malaisé de les repérer au milieu de toute la masse compacte que forment les livres de la rentrée d’automne.

Je constate surtout :

- Qu’on édite des personnalités déjà connues, même si elles n’ont plus grand chose à dire

- Que si on édite des inconnus, il faut qu’ils aient été recommandés d’une manière ou d’une autre (ce qui souvent, ne présage en rien de la qualité de leurs textes, même si c’est parfois le cas)

- Qu’on édite des livres qui portent sur des thèmes porteurs (ce qui ne présage rien de bon de l’avenir du livre quand on voit ce que la télévision, ce média du grand public par excellence, est devenue)

- Que ce sont souvent les éditeurs qui cherchent des auteurs capables de leur fournir un livre qui aborde tel ou tel thème, livre pour lequel ils auront reçu la consigne d’intégrer autant de pages de ceci et autant de pages de cela. On n’est donc plus tellement loin de la politique éditoriale des éditions Harlequin, lesquelles demandent des histoires d’amour romantiques entre une jeune fille pauvre et un riche médecin, avec juste un peu de sexe, mais pas trop, histoire de pouvoir faire rêver sans tomber dans un dévergondage malséant.

- Que la poésie devient manifestement le parent pauvre du milieu de l’édition au point qu’on se demande si un nouveau Rimbaud parviendrait à s’imposer si par hasard il s’en trouvait encore un.

- Que l’éditeur a tendance à demander à l’auteur de modifier le manuscrit initial, histoire que le livre publié corresponde plus à ce qu’il estime lui, être intéressant. Il est normal qu’il agisse ainsi, guidant les premiers pas de l’apprenti, mais on n’imagine pas Proust modifiant La Recherche du temps perdu pour en faire un roman de gare, ni Hugo donnant une version abrégée de Notre dame de Paris et transformant le personnage d’Esméralda en celui d’une nymphomane perverse, histoire de faire grimper les chiffres de vente.

- Qu’une fois que l’auteur est connu et reconnu (et surtout si ses chiffres de vente sont honorables), le même éditeur n’osera manifestement plus lui demander de modifier quoi que ce soit à son manuscrit. Or il faut bien reconnaître qu’il arrive même aux meilleurs auteurs de proposer des livres plus faibles ou de moins bonne qualité.

Tout ceci étant dit, ils doivent cependant avoir raison quelque part, ces éditeurs, dans la mesure où leur travail est de mettre à la disposition du public des réflexions qui intéressent tout le monde et pas seulement l’égotisme étroit de l’auteur.

D’un autre côté, on se dit que tout est phénomène de mode et qu’après avoir publié le nouveau roman qui consacrait 30 pages à détailler une poignée de porte (selon la théorie du « chosisme ») ou préfère maintenant l’auto fiction, qui n’est quand même qu’une sorte de nombrilisme exacerbé.
Alors, où est la littérature, dans tout cela ? Souvent, désorienté par toute cette agitation, écœuré par les spots médiatiques, déçu par les querelles mesquines entre écrivains, le lecteur ordinaire aura tendance à se retourner vers les classiques, chez lesquels, à l’abri de l’agitation du monde, il pourra savourer le plaisir de lire de grands livres.




22e74ee0fc97d1659564ecbc18df38b1.jpg

22/11/2007

Le départ de l'artiste.

Maurice Béjart est français (né à Marseille sous le nom de Maurice-Jean Berger), mais c’est à Bruxelles qu’il a créé le Ballet du XX° siècle en 1960, avec lequel il parcourra le monde entier. Suite à un conflit avec le directeur de La Monnaie de Bruxelles en 1987, il se réfugiera en Suisse, où il créera le Béjart Ballet Lausanne. Il aura donc contribué, un peu malgré lui, à donner à l’étranger une certaine image de la francophonie tout en sortant du centralisme parisien.





3e6b424638828faf1b8a01dd71bbf33c.jpg

Bon appétit

Nous avons parlé l’autre jour de Danone et de ses petits pots de yogourt bons marchés destinés à la population du Bangladesh. Il conviendrait de poursuivre notre réflexion.

La question est de savoir si c’est vraiment de yogourt que cette population a besoin. La réponse est non, évidemment. Pourtant, quand on se penche sur la production agricole, on s’aperçoit que rien n’est fait pour assurer une alimentation saine et équilibrée aux populations. Je ne veux même pas parler ici du marché de la transformation alimentaire, qui fait qu’on retrouve dans les assiettes des produits contenant des colorants, des édulcorants, des conservateurs, sans parler des résidus de pesticides, d’engrais et d’autres nitrates. Non, je parle simplement ici de la quantité de matière première disponible dans un pays. On aurait pu croire que chaque gouvernement aurait pris des mesures adéquates, afin d’éviter une éventuelle famine, or il n’en est rien. On s’alarme sans cesse au sujet des réserves de pétrole (mais plus celles-ci sont basses, plus les prix montent, ce qui doit forcément profiter à quelques-uns) mais on parle bien peu des réserves alimentaires. Or celles-ci sont au plus bas. Elles n’ont même jamais été aussi basses. En Europe même, après l’été pluvieux que nous avons connu, les stocks de blé sont à moitié vides, sans compter que maintenant il faut encore aller puiser dedans pour produire du biocarburant (ce qui rend le blé encore plus rare et donc encore plus cher, ce qui doit une nouvelle fois profiter à quelques-uns).

Or comment est gérée la politique agricole ? Par l’OMC et le principe de la libre concurrence. Autrement dit, il faut laisser faire et tout est supposé se régulariser de soi-même.

Rien n’est plus faut, évidemment. Autrefois, les politiques protectionnistes de chaque état permettaient à la fois de maintenir les prix internes et si pas d’assurer des stocks suffisants du moins de tenter d’y contribuer. Aujourd’hui, c’est le contraire. Le paysan reçoit moins, le consommateur paie plus et nous sommes au bord de la disette. Qui donc a trouvé avantage dans ce système ? Les intermédiaires, évidemment, ceux qui transportent, qui transforment ou qui vendent, quand les trois actions ne sont pas réunies dans une même société. Car vous avez de ces firmes de distribution qui possèdent leurs propres bateaux, leurs propres usines et leurs propres magasins. Devant un tel monopole, rien d’étonnant à ce que les prix montent

Le mensonge fondamental, c’est donc de nous faire croire qu’en laissant faire le secteur privé, la libre concurrence permettra des prix plus accessibles et que tout le monde y trouvera son compte. Rien n’est moins vrai, car aussitôt que les règles du jeu sont appliquées, on voit des monopoles se constituer. Détenant tout, ces firmes peuvent tout. Citons à titre d’exemple Cargill , ADM ou Louis Dreyfus

On peut dire sans trop exagérer que pratiquement tout le blé qui est produit sur terre est acheté par ces trois grandes compagnies. Les paysans n’ont donc pas le choix et les prix leur sont imposés. Ensuite, dans la chaîne de transformation, nous retrouvons des géants bien connus comme Nestlé ou Unilever, qui ont eux aussi un monopole. Ensuite viennent les chaînes de grands magasins, lesquelles exercent aussi une forte pression sur les prix. Prenons l’exemple du café :

« La suppression des accords du café a non seulement fait que les paysans reçoivent deux fois mois pour leur café, mais que les consommateurs paient aussi deux fois plus. Aux Etats-Unis, une étude a montré qu’entre 1970 et 2000, le revenu des fermiers a baissé de 20%, mais que les prix payés par le consommateur ont augmenté en moyenne de 35%. » Cela laisse rêveur.


Que le commerce soit devenu mondial, cela semble inévitable, vu les moyens de transport dont nous disposons aujourd’hui. Et puis, finalement, la route de la soie ou la route des Indes, c’était déjà du commerce mondial. Mais ne conviendrait-il pas que les prix, précisément, ne dépendent pas de ces grandes sociétés qui sont devenues plus puissantes que les états (ou dont le chiffre d’affaire dépasse souvent largement le PIB des pays les plus riches). En dessous d’elles, ce sont des millions et des millions d’agriculteurs dans le monde qui vivent dans l’incertitude. Sans compter que le phénomène est complexe. Gagnant moins, les paysans du tiers-monde abandonnent leurs champs et vont se réfugier en ville, où ils provoquent une baisse des salaires (puisque la main d œuvre y est excédentaire) tout en vivant eux-même dans une pauvreté encore plus grande. La dernière étape, c’est l’exil vers les pays riches, qui ne parviennent plus à gérer cette immigration de masse.

Comme quoi, tout est bien complexe.




423079e2c011fd03f31f64651955c146.jpg

20/11/2007

Gagner plus, toujours plus.

8c4680fab257dc3470c50362c52317a6.jpg












« Travailler plus pour gagner plus », avait dit Nicolas Sarkozy durant la campagne électorale. Pour le moment, il s’agirait plutôt soit de travailler plus pour gagner la même chose (les cheminots), soit de travailler plus pour gagner moins (les fonctionnaires restant en poste après les pertes d’emploi annoncées devront assumer une charge de travail supplémentaire, mais entre-temps leur pouvoir d’achat se sera érodé), soit de travailler moins pour gagner moins (les grévistes) soit même de travailler au même rythme pour gagner plus (Sarkozy). Allez comprendre quelque chose.

Mais le petit Nicolas, qui s’est montré particulièrement discret ces derniers jours (comme cela a dû être dur pour lui !), va, paraît-il, sortir de sa réserve mercredi ou jeudi. On sait déjà en gros ce qu’il va dire (ce qui fait que, finalement, il pourrait se dispenser de parler, ce ne serait pas plus mal).

Il va dire que pour les cheminots, les grèves ne sont pas de sa faute. Il était normal que des gens à qui on demande de travailler des années supplémentaires pour recevoir en contrepartie une pension réduite (et donc bénéficier d’un pouvoir d’achat moindre) manifestent leur mécontentement.. Comme c’était une mesure inévitable (ha bon ?), il n’est donc pas, lui, le Président, responsable. De plus, à la SNCF on a l’habitude des grèves, il n’y a donc rien de plus normal que d’avoir des trains qui ne roulent pas pendant quelques jours. Dont acte.

Pour le reste, il se félicite que GDG et EDF soient déjà sortis du conflit. Lors de la fusion avec Suez, en effet, les syndicats avaient accepté le principe même de la réforme et les discussions avaient porté sur les modalités. Il espère donc qu’il en sera de même pour la SNCF et félicite déjà les syndicats pour leur maturité et leur sens des responsabilités. Il soulignera aussi que la base demande un dialogue. On se demande même finalement qui peut bien se trouver dans la rue en ce moment.

Il est vrai qu’il avait par ailleurs demandé l'évacuation par la police de neuf dépôts bloqués par les actions violentes de grévistes. Mais c’est qu’il n'accepte pas les « jusque-boutistes » (pour reprendre ses propres termes, mais n’allez pas voir dans le dictionnaire, cela ne s’y trouve pas. C’est semble-t-il l’apanage du Président de prendre des initiatives dans tous les domaines, y compris dans celui de la langue française). Ces « jusque-boutistes », donc, empêchent la majorité des salariés de reprendre le travail. Quant à lui, il est le premier président à s'être rendu dans un dépôt de SNCF pour discuter avec les cheminots. Je n’en ai pas eu d’échos. Espérons que l’entretien fut plus cordial que celui qu’il eut l’autre jour avec les marins bretons…

Par contre il ne comprend pas le mouvement de grogne qui anime les universités. Pourquoi ne va-t-il rencontrer les étudiants alors ? La Sorbonne, c’est toujours plus près de l’Elysée que les ports bretons.
D’un autre côté, il se félicite des conflits présents pour pouvoir montrer ce qu’il sait faire (et cela alors même que sa côte de popularité est en baisse). Partant du principe que l'opinion a compris la nécessité des réformes et qu'elle les souhaite (ah bon?), il suffit de rester ferme sur les grands principes mais de dialoguer sur les détails.
Ensuite, une fois cette réforme passée, il faudra faire passer les autres. C’est que Nicolas I entend mener à bien la fusion de l'ANPE-Unedic, de la direction des impôts, du rapprochement DST-Renseignements généraux, et celle de la carte judiciaire. Par ailleurs, le droit social et la démocratie sociale (le financement et la représentativité des syndicats) sont jugés trop lourds. On est Calife ou on ne l’est pas. Après tout c’est lui qui décide, non ?
Petite ombre au tableau : la croissance est en baisse (à la différence de son salaire personnel), mais ce n’est pas bien grave. Qu’on soit avec 2% ou avec 3% de croissance, de toute façon il y aurait eu des grèves. Cela ne change donc rien. Tout va de plus en plus mal, mais il faut continuer les réformes jusqu’au bout, même si cela devient catastrophique pour certains. Après tout, les Français ont voté pour lui, non ? Ils voulaient des réformes, non ? Et bien ils vont en avoir.
C’est à cela qu’on reconnaît un grand Président.

Remarque : on dit que Nicolaou a invité (son ennemi) Hugo Chavez afin de discuter du cas d’Ingrid Betancourt (imaginez sa popularité s’il parvenait, lui si petit, à la faire libérer. On en oublierait presque les grèves). Espérons qu’il ait envoyé le jet privé d’un de ses amis le chercher et que le Président vénézuélien ne soit pas venu avec Air France. Espérons aussi que celui-ci n’ait pas dû prendre le RER à l’aéroport et que la limousine présidentielle l’attendait, sinon il va se demander dans quel pays il est tombé. C’est vrai que toutes ces grèves cela fait un peu désordre. En voyant autant de mécontents dans les rues, Il risquerait de ne pas comprendre par qui, finalement, Nicolas a été élu.

Ecriture

58cb75e67dfcccb9d17593f4fd7ec5fe.jpg









Enfance


Tante Babette prit une profonde inspiration et s’écria, consternée : « J’ai encore oublié d’acheter du sucre ! » Elle ouvrit donc son porte-monnaie et me tendit deux grosses pièces, avec pour mission de me procurer d’urgence le produit manquant.
Quel bonheur ! Me voilà aussitôt parti pour l’épicerie du village, cette caverne d’Ali Baba où l’on trouve de tout.

Pour aller plus vite, je pris le raccourci près de la maison. Au sommet de ce raidillon, se trouvait l’abreuvoir pour les vaches, à sec depuis toujours et caché dans les hautes herbes. Il fallait ensuite longer la ferme et s’imprégner au passage de l’odeur âcre et chaude des gros chevaux de labour, qu’on entendait parfois remuer tout au fond de leur écurie.

Enfin, on apercevait l’épicerie, toute seule au sommet de la colline, au beau milieu de son jardin fleuri. On y accédait par un petit chemin à flanc de coteau, qu’on gravissait lentement, entouré de centaines de papillons insouciants. Ceux-ci butinaient là le nectar des fleurs et, parfois, l’un d’entre eux venait se poser délicatement sur mon épaule. Une fois arrivé, on ouvrait une porte récalcitrante, déclenchant aussitôt la sonnette mécanique. On se retrouvait alors dans une quasi-obscurité, mais je savais qu’il fallait pendre à droite. C’était une petite pièce remplie d’odeurs diverses, sentant bon les épices, avec des étagères jusqu’au plafond. Après une bonne minute, le plancher grinçait et l’épicière, une dame âgée et courbée, toute vêtue de noir, apparaissait enfin. Mon père assurait qu’elle était déjà vieille quand lui-même était enfant, c’est tout dire ! Avec cela un sourire engageant et la bonté inscrite sur son visage. Je demandai mon kilo de sucre et au moment de partir elle m’invita, comme chaque fois, à choisir un ou deux biscuits parmi les piles qui encombraient le comptoir. Je la remerciai d’un sourire timide et, triomphant, je me retrouvai en pleine lumière, au milieu des papillons, mon précieux trésor enfoui tout au fond de ma poche.


Pour "Paroles plurielles"

09:16 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Littérature

19/11/2007

Philanthropie

Comme tout le monde, j’ai eu à plusieurs reprises l’occasion de constater qu’il faut se méfier de la presse, surtout si celle-ci est officielle. Du coup, les années passant, je suis malheureusement devenu de nature suspicieuse. C’est mon petit défaut et je n’y peux rien. Ainsi, il suffit qu’on m’annonce quelque nouvelle réjouissante et aussitôt j’ai tendance à chercher la faille. Je me dis qu’une telle nouvelle n’est pas possible.

Ainsi, quand j’ai lu, sur le site–même de Danone (qui n’est pas, il faut l’avouer, mon site de prédilection), que cette firme, sans doute lassée de faire du profit, s’était transformée en société philanthropique, je n’ai pu m’empêcher d’éclater de rire. C’est bien moi, cela, toujours à voir le mal où il n’est pas.

J’ai tort, évidemment. En effet, on apprend que Franck Riboud, le patron de Danone, s’est associé avec Muhammad Yunus (le prix Nobel de la paix, celui qui a inventé le principe des micros crédits). Leur objectif est de fabriquer au Bangladesh des yaourts enrichis en micronutriments et donc de lutter contre la malnutrition, tout en faisant travailler des populations locales particulièrement démunies. Cela permettra à la fois de donner du travail (et donc des salaires) et de produire le yaourt le moins cher du monde. Résultat des courses :les enfants jusqu’ici mal nourris vont recevoir ainsi jusqu’à 30% de leurs besoins énergétiques quotidiens rien qu’avec ce pot de yaourt à bas prix (dans lequel on a ajouté du zinc, du fer, des vitamines et de l’iode). Il fallait y penser.

Les employés de Danone ne s’y sont pas trompés. La larme à l’œil, ils ont même ouvert leur portefeuille pour financer eux-mêmes le projet, à concurrence de 1.500 euros en moyenne par personne. Grâce à Danone, le Bangladesh, enfin, ne mourra plus de faim.

En février 2007, la première usine de Grameen-Danone a été inaugurée en grandes pompes par Zinedine Zidane lui-même, cette forte tête qui visiblement s’y connaît aussi en yaourt (ce que j’ignorais) à moins que ce ne soit en sous-développement (ce que j’ignorais aussi).

La distribution sera assurée par des femmes qui feront du porte à porte. Plutôt que de créer des magasins onéreux qui feraient monter artificiellement le prix dudit pot de yaourt, Danone a donc eu recours à ce moyen simple mais combien efficace pour pénétrer dans les chaumières et répandre ainsi le divin produit.

La multinationale, qui ne recule décidément devant rien quand il s’agit de la santé des enfants, envisage par ailleurs d’ouvrir jusqu’à 50 usines dans cette région du monde.

On ne peut que se féliciter de cet acharnement à lutter contre la pauvreté et la malnutrition.
Il faut en effet être malintentionné comme moi pour se dire :

- Qu’un pot de yogourt par jour pour un enfant ce n’est quand même pas beaucoup quand on a faim.
- Que Danone, indirectement, va ainsi conditionner des millions de personnes qui actuellement ne consomment pas de yogourt et qui s’en passent fort bien.
- Que par ce procédé, les coûts de fabrication sont réduits au maximum, ce qui n’empêche pas la firme de faire son bénéfice habituel.
- Que quand on dit qu’on achète le lait à un prix fixe, cela veut dire d’une part qu’on l’achète bon marché et d’autre part que ce prix ne sera pas revu à la hausse même si les autres denrées augmentent.
- Que les ménagères qui vont aller vendre les divins petits pots à leurs voisines permettent indirectement à Danone de réduire ses coûts de publicité en les ramenant à zéro tout en assurant la pénétration du produit (y compris chez des habitants qui ne savent même pas ce que c’est que la publicité).
- Que ces enfants élevés aujourd’hui au yogourt seront sans doute demain des consommateurs acharnés.
- Que si les habitants du Bangladesh sont pauvres, leur nombre permet tout de même d’assurer de plantureux bénéfices, même si le petit pot est vendu à un prix démocratique.
- Qu’il est déjà question d’inciter les éleveurs de bétail à améliorer leur cheptel (à leurs frais ?), ceci afin d’assurer une meilleure qualité au lait produit (et acheté à un prix fixe par Danone, rappelons-le).

Bref, avouez que pour raisonner ainsi, il faut vraiment avoir l’esprit mal tourné. Vous voudrez bien m’en excuser, mais on ne se refait pas. Plutôt que de rouspéter, je ferais mieux d’aller acheter des produits Danone afin de soutenir cette firme qui distribue aux pauvres tout ce qu’elle gagne. Au moins je ferais une bonne action dans ma vie.

Ps. : l’histoire ne dit pas ce qu’il advient du bétail, du lait, des vendeuses, des pots de yogourt et des enfants en cas d’inondation.


c4ade95bf343847fc8b20e2965ab96ad.jpg

14/11/2007

Alina Reyes (suite)

Nous ne parlerons pas ici de la série des prix littéraires qui est (enfin) en train de se terminer. Qu’en dire, en effet ? Un Goncourt à Gilles Leroy, qui semble bien fade pour assurer la relève après Les Bienveillantes de Littell. Un Renaudot à Daniel Pennac dont je ne comprends toujours pas le succès qu’il peut remporter. Personnellement, je n’ai lu qu’un livre de Pennac et cela m’a suffit. Oui, c’est plaisant et il y a de l’humour. Et après ? Une fois le livre refermé, on s’empresse de l’oublier et on ne retient le nom de l’auteur que pour se souvenir qu’il ne faut plus rien acheter de lui.

Outre le fait que ces deux romans sont publiés (directement ou indirectement) chez Gallimard, on pourrait tout de même se demander sur quels critères se sont basés les membres du jury. La réponse, c’est Patrick Besson qui la donne lui-même : «Pennac, c'était une idée de Le Clézio, reprise par Giesbert. Ce sont mes copains, alors j'ai voté comme eux». Evidemment, vu comme cela, il n’y a plus rien à dire…

Le 6 novembre, Gallimard a encore ajouté le prix Décembre à son palmarès avec « Cercle » de Yannick Haenel.. Les lecteurs de ce blogue se souviendront peut-être de lui car j’avais déjà parlé de cet auteur, non pour ses qualités littéraires, certes, mais au sujet des accusations de plagiat qu’Alina Reyes avait formulées à son encontre.

Où en est cette affaire ? Sur son propre blogue, Alina a patiemment relevé tous les emprunts qui avaient été faits à son livre « Forêt profonde » par ledit Haenel. La liste en est si longue qu’on en reste médusé. Ceci dit, elle ferait peut-être bien d’arrêter là son décompte des emprunts, car, à force de vouloir en trouver, elle finit par fournir des preuves moins évidentes que celles qu’elle donnait au début, ce qui risque de déforcer son dossier. Par ailleurs, elle a contacté un avocat pour estimer ses chances de succès au cas où elle irait en justice. Le chose est faisable, lui a répondu celui-ci en substance, mais pas gagnée d’avance. Evidemment. Ce qui est sûr, par contre, c’est que ce n’est pas elle qui a remporté les 30 000 euros du prix Décembre, l'un des mieux dotés de la saison. Avec cet argent elle aurait au moins pu s’assurer une bonne défense.

Sollers, l’éditeur de Haenel doit être content, lui. Ce qui est amusant, c’est qu’il est par ailleurs un des membres du jury du prix Décembre. Il aurait fallu qu’il soit fou pour ne pas voter pour son poulain. Ainsi va la littérature, entre plagiat, compromission, renvoi d’ascenseur et petits prix que l’on se décerne entre amis.

Quant à Alina Reyes, manifestement, elle ne se trouve plus parmi les amis de Sollers. C’est du moins ce qu’elle avait dit elle-même sur le blogue de Pierre Assouline, le 09 octobre (à 16H 47, pour ceux qui veulent aller vérifier), quand elle se plaignait qu’on (c’est-à-dire Sollers) ne faisait aucune publicité à son roman:

« La vérité c’est que tout ceci tient à des questions d’ordre privé entre Philippe Sollers, l’éditeur de Yannick Haënel, et moi. J’ai longtemps parlé par mail à Sollers, et il m’a répondu à travers des livres, entre autres - entre autres celui de Haënel, qui lui a en même temps servi de contre feu au mien.
La vérité c’est que je l’aime très fort, Sollers, et qu’il ne devrait pas se sentir menacé par mon livre “Forêt profonde”, qui est un roman avec des personnages sortis de mon imaginaire, des personnages inspirés par des personnes réelles mais transformées, amplifiées parfois jusqu’à l’horreur par mon imaginaire.
»
(…)
« Je dis la vérité. Il me déplait d’avoir à évoquer des questions d’ordre privé, mais je n’ai d’autre moyen de défendre mon livre, puisque ce sont ces questions, en grande partie, qui l’empêchent d’accéder à une visibilité normale. »

Moi qui suis en train de lire « Forêt profonde », afin de me faire une idée, je me dis que finalement tout tient aux relations personnelles. Vous êtes en bons termes avec Sollers et on vous propulse au sommet de la gloire, votre étoile décline et vous voilà rejeté aux orties avec vos livres.

Ce qui est plus troublant, c’est que j’en arrive à me demander si le héros de « Forêt profonde » n’est pas Sollers lui-même. L’héroïne du roman est amoureuse d’un ministre avec lequel elle correspond par mail. Visiblement les deux parties trouvent du plaisir à cet échange à distance, jusqu’au jour où une rencontre réelle se solde par échec. Econduite, la femme rejetée sombre dans le désespoir avant d’essayer de se reconstruire. Le problème c’est que ce « ministre », tel qu’il est décrit, ressemble beaucoup à un écrivain (il a d’ailleurs écrit des livres) et fort peu à un homme politique. Il est par ailleurs affublé d’une mégère acariâtre qui lui sert de secrétaire. De là à imaginer un roman à clef et voir Sollers et Savigneau (Le Monde des livres) derrière ces personnages de papier, il n’y a qu’un pas que je ne franchirai pas. Mais avouez que les propos-mêmes d’Alina Reyes sont troublants puisqu’elle avoue elle-même avoir eu des échanges de mails avec Sollers (lequel, comme le héros, lui a répondu à travers des livres). Elle ajoute aussi « aimer très fort Sollers » et s’être inspirée de personnages réels, même si son imaginaire les a transformés « jusqu ‘à l’horreur ». Si mon hypothèse est juste (mais ce n’est qu’une hypothèse) cela expliquerait à la fois pourquoi l’auteur regrettait « d’avoir à évoquer des questions d’ordre privé » pour défendre son livre et pourquoi ce livre n’a pas reçu beaucoup de publicité.

Comme quoi, les histoires d’amour avec le Roi Soleil, c’est bien, à condition de ne pas s’appeler Louise de La Vallière.



312a5d2675e0ae820ba2c7456b5b0e3e.jpg

13/11/2007

La Sarkozie et le petit écran.

Nous parlions hier de la chaîne TV5-Monde, soulignant son originalité puisqu’elle regroupe à la fois la Suisse, la Belgique, le Québec et bien sûr la France. Or voici qu’on apprend aujourd’hui qu’une réunion a eu lieu le 09 novembre à Lucerne sur l’avenir de cette chaîne, réunion qui a été qualifiée de particulièrement « houleuse ».

La France, qui, il faut être juste, « détient 66 % des actions de la chaîne mais la finance à hauteur de 84 % » (selon le journal Le Monde), a été critiquée par ses partenaires qui l’accusent de vouloir faire de TV5 Monde "la voix de la France".

Il est vrai, ère sarkozienne oblige, que le gouvernement français avait fait part d’une « prochaine réorganisation de son audiovisuel extérieur » et qu’un comité, composé de conseillers de l'Elysée, des ministères des finances, des affaires étrangères et de la culture avait été mis en place. Ce comité, qui doit remettre un rapport à Sarkozy, doit réfléchir à une réforme de l'audiovisuel extérieur français. Parmi les changements envisagés, un possible rapprochement entre TV5 Monde, France 24 et Radio France internationale.

Le risque est donc de transformer TV5 "en un instrument essentiellement au service du rayonnement international de la France » et cela, évidemment, au détriment des autres partenaires.

A cette réunion de crise, était présent M. Benamou, conseiller pour l'audiovisuel de Sarkozy, lequel a suggéré que « TV5 Monde rejoigne une "marque ombrelle" regroupant tout l'audiovisuel extérieur français. » Adieu donc la chaîne dans son état actuel, et adieu les partenaires non français, qui vont soit claquer la porte, soit se retrouver en train de faire de la figuration dans des émissions dont le but sera de proclamer les mérites de la grande Sarkozie. Pourquoi ces états, en effet, continueraient-ils à financer une télévision dont l’objectif unique serait de glorifier la seule France (dans un but de propagande évident), et surtout son représentant maximus, le sieur de Sarkozy, actuellement grand calife. Comme quoi, quel que soit le domaine qu’il touche, le petit Nicolas a le don d’exaspérer.

Pour essayer de dé-dynamiter le conflit qui s’annonce, les petits pays ont accepté d’augmenter leur participation financière de 2,5% chacun. Ils ont surtout réaffirmé « leurs engagements dans ce grand projet multilatéral francophone" et ont souligné "les principes fondateurs de TV5 : le pluralisme, le caractère généraliste multilatéral et la diversité culturelle." Qu’on se le dise, TV5-Monde ne veut pas devenir le relais officiel et international des grandes œuvres sarkoziennes. Car il y a fort à parier que derrière l’apologie de la seule France, c’est à la glorification de son Président qu’il s’agira de travailler. Qui oserait encore parler de liberté de la presse ? Mais mieux vaut réagir avant que Nicolas ne place un de ses chefs de cabinet comme directeur général. Ila juste oublié une chose, le petit Nicolas, c’est qu’il a ici devant lui des pays souverains et non le public qui a voté pour lui. Ceci dit, il suffit de voir comment il parle des Africains pour comprendre l’idée qu’il se fait des pays souverains.

12/11/2007

BHL

Pour opérer une transition douce entre mes derniers propos, fort politiques, et le monde des livres, je souhaiterais faire allusion à une interview de Bernard-Henri Lévi entendue l’autre jour à la télévision suisse (via TV5-Monde, qui nous offre ainsi un regard sur la Suisse, la Belgique et le Québec, ce qui contribue à rassembler un peu les pays dont la langue maternelle est le français).

D’une manière générale je n’aime pas BHL, son « Testament de Dieu » étant un des seuls bouquins que je n’ai pas terminé. Je trouve que derrière ses grands airs d’intellectuel engagé, il ramène tout à des questions personnelles. Souvent, tout tourne chez lui autour du thème de la judaïté, ce qui est certes légitime, mais pour autant qu’on annonce clairement la couleur. Quelqu’un qui me dit : « en tant que Juif, Arabe, Kosovar, Corse, Basque, Marocain, musulman, bouddhiste (…), je pense que… », je suis toujours disposé à l’écouter avec attention. Mais BHL, lui, joue toujours au grand penseur objectif alors qu’en réalité il fait une lecture de la réalité qui va dans le sens qui l’arrange. C’est ce qu’on appelle du sophisme et cela me dérange.

L’autre jour, donc, il n’a pas dérogé à ses habitudes. Interrogé sur la problème de l’aide humanitaire au Darfour, il a soutenu sans retenue la position de l’Arche de Zoé, ce que même Sarkozy n’avait pas osé faire (Sarkozy avait dit, lui, qu’ils étaient coupables mais qu’ils avaient fait cela pour la bonne cause, que c’était une bande d’illuminés et qu’on devait les libérer ou du moins les juger en France).

Défendre un point de vue humanitaire, c’est toujours louable, mais dans cette histoire du Darfour, on se demande toujours ce qu’il y a derrière (un sous-sol fort riche par exemple, ou des ennemis musulmans dans les pays limitrophes). Alors BHL est-il manipulé quand, de bonne foi, il demande l’intervention de l’Occident au Darfour ? Peut-être. Mais peut-être aussi sait-il ce qu’il fait.

Interrogé sur Nicolas Sarkozy, lui l’homme de gauche (enfin, il se présente comme tel), a dit (sans se justifier), qu’il y avait de bonnes choses et de moins bonnes chez le Président. Parmi les bonnes, il y a le rapprochement avec les Etats-Unis, dont il se réjouit (mais pourquoi ? Il ne l’explique pas, il se contente d’user de son autorité d’intellectuel reconnu pour dire que c’est une bonne chose), ainsi que le rapprochement avec l’OTAN et l’adoption du traité européen. On aurait pu s’attendre à ce qu’un Français de gauche ait une autre opinion. Pour comprendre, il faut deviner que BHL se place du point de vue du gouvernement israélien, qui ne peut que se réjouir d’avoir un nouvel allié pour s’opposer à l’Iran (et pour intimider la Syrie). Ce sont là des opinions qui se défendent. On les admet du point de vue de Jérusalem, on veut bien les admettre aussi du point de vue de BHL, mais pour autant qu’il annonce la couleur. Or il ne le fait pas. Il se contente de dire où est le mal et où est le bien, en grand seigneur qu’il est, sans entamer la moindre démonstration. Derrière tout cela, on retrouve toujours son opinion personnelle qui, dans son cas, tourne autour du sionisme. Il défendrait la religion musulmane ou les témoins de Jéhovah que ce serait encore la même chose pour moi. Certes, son opinion est légitime, je ne dis pas le contraire, mais cela m’embête que la grille de lecture qu’il applique sur la réalité est toujours celle-là, qu’il ne dit pas que c’est celle-là (avec Tariq Ramadan, par contre, on sait à quoi s’attendre) et qu’il veut nous influencer pour aller dans un sens qui l’arrange lui seul. Cela devient un peu lassant et je trouve finalement que ce grand intellectuel a des œillères.

Et puis toutes ces opinions qui tournent autour d’une race et d’une identité ont toujours de quoi inquiéter. Qu’on regarde ce qui se passe en Flandre, où un nationalisme exacerbé, poussé par l’extrême droite (et repris par la droite traditionnelle, puis par les autres partis démocratiques), est en train de se réveiller. On ne peut pas dire que c’est ce qui favorise le dialogue et la compréhension entre les peuples.




c5bebc40fef5747e8ef5a06af3da51db.jpg