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22/11/2007

Bon appétit

Nous avons parlé l’autre jour de Danone et de ses petits pots de yogourt bons marchés destinés à la population du Bangladesh. Il conviendrait de poursuivre notre réflexion.

La question est de savoir si c’est vraiment de yogourt que cette population a besoin. La réponse est non, évidemment. Pourtant, quand on se penche sur la production agricole, on s’aperçoit que rien n’est fait pour assurer une alimentation saine et équilibrée aux populations. Je ne veux même pas parler ici du marché de la transformation alimentaire, qui fait qu’on retrouve dans les assiettes des produits contenant des colorants, des édulcorants, des conservateurs, sans parler des résidus de pesticides, d’engrais et d’autres nitrates. Non, je parle simplement ici de la quantité de matière première disponible dans un pays. On aurait pu croire que chaque gouvernement aurait pris des mesures adéquates, afin d’éviter une éventuelle famine, or il n’en est rien. On s’alarme sans cesse au sujet des réserves de pétrole (mais plus celles-ci sont basses, plus les prix montent, ce qui doit forcément profiter à quelques-uns) mais on parle bien peu des réserves alimentaires. Or celles-ci sont au plus bas. Elles n’ont même jamais été aussi basses. En Europe même, après l’été pluvieux que nous avons connu, les stocks de blé sont à moitié vides, sans compter que maintenant il faut encore aller puiser dedans pour produire du biocarburant (ce qui rend le blé encore plus rare et donc encore plus cher, ce qui doit une nouvelle fois profiter à quelques-uns).

Or comment est gérée la politique agricole ? Par l’OMC et le principe de la libre concurrence. Autrement dit, il faut laisser faire et tout est supposé se régulariser de soi-même.

Rien n’est plus faut, évidemment. Autrefois, les politiques protectionnistes de chaque état permettaient à la fois de maintenir les prix internes et si pas d’assurer des stocks suffisants du moins de tenter d’y contribuer. Aujourd’hui, c’est le contraire. Le paysan reçoit moins, le consommateur paie plus et nous sommes au bord de la disette. Qui donc a trouvé avantage dans ce système ? Les intermédiaires, évidemment, ceux qui transportent, qui transforment ou qui vendent, quand les trois actions ne sont pas réunies dans une même société. Car vous avez de ces firmes de distribution qui possèdent leurs propres bateaux, leurs propres usines et leurs propres magasins. Devant un tel monopole, rien d’étonnant à ce que les prix montent

Le mensonge fondamental, c’est donc de nous faire croire qu’en laissant faire le secteur privé, la libre concurrence permettra des prix plus accessibles et que tout le monde y trouvera son compte. Rien n’est moins vrai, car aussitôt que les règles du jeu sont appliquées, on voit des monopoles se constituer. Détenant tout, ces firmes peuvent tout. Citons à titre d’exemple Cargill , ADM ou Louis Dreyfus

On peut dire sans trop exagérer que pratiquement tout le blé qui est produit sur terre est acheté par ces trois grandes compagnies. Les paysans n’ont donc pas le choix et les prix leur sont imposés. Ensuite, dans la chaîne de transformation, nous retrouvons des géants bien connus comme Nestlé ou Unilever, qui ont eux aussi un monopole. Ensuite viennent les chaînes de grands magasins, lesquelles exercent aussi une forte pression sur les prix. Prenons l’exemple du café :

« La suppression des accords du café a non seulement fait que les paysans reçoivent deux fois mois pour leur café, mais que les consommateurs paient aussi deux fois plus. Aux Etats-Unis, une étude a montré qu’entre 1970 et 2000, le revenu des fermiers a baissé de 20%, mais que les prix payés par le consommateur ont augmenté en moyenne de 35%. » Cela laisse rêveur.


Que le commerce soit devenu mondial, cela semble inévitable, vu les moyens de transport dont nous disposons aujourd’hui. Et puis, finalement, la route de la soie ou la route des Indes, c’était déjà du commerce mondial. Mais ne conviendrait-il pas que les prix, précisément, ne dépendent pas de ces grandes sociétés qui sont devenues plus puissantes que les états (ou dont le chiffre d’affaire dépasse souvent largement le PIB des pays les plus riches). En dessous d’elles, ce sont des millions et des millions d’agriculteurs dans le monde qui vivent dans l’incertitude. Sans compter que le phénomène est complexe. Gagnant moins, les paysans du tiers-monde abandonnent leurs champs et vont se réfugier en ville, où ils provoquent une baisse des salaires (puisque la main d œuvre y est excédentaire) tout en vivant eux-même dans une pauvreté encore plus grande. La dernière étape, c’est l’exil vers les pays riches, qui ne parviennent plus à gérer cette immigration de masse.

Comme quoi, tout est bien complexe.




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