20/11/2007
Ecriture
Enfance
Tante Babette prit une profonde inspiration et s’écria, consternée : « J’ai encore oublié d’acheter du sucre ! » Elle ouvrit donc son porte-monnaie et me tendit deux grosses pièces, avec pour mission de me procurer d’urgence le produit manquant.
Quel bonheur ! Me voilà aussitôt parti pour l’épicerie du village, cette caverne d’Ali Baba où l’on trouve de tout.
Pour aller plus vite, je pris le raccourci près de la maison. Au sommet de ce raidillon, se trouvait l’abreuvoir pour les vaches, à sec depuis toujours et caché dans les hautes herbes. Il fallait ensuite longer la ferme et s’imprégner au passage de l’odeur âcre et chaude des gros chevaux de labour, qu’on entendait parfois remuer tout au fond de leur écurie.
Enfin, on apercevait l’épicerie, toute seule au sommet de la colline, au beau milieu de son jardin fleuri. On y accédait par un petit chemin à flanc de coteau, qu’on gravissait lentement, entouré de centaines de papillons insouciants. Ceux-ci butinaient là le nectar des fleurs et, parfois, l’un d’entre eux venait se poser délicatement sur mon épaule. Une fois arrivé, on ouvrait une porte récalcitrante, déclenchant aussitôt la sonnette mécanique. On se retrouvait alors dans une quasi-obscurité, mais je savais qu’il fallait pendre à droite. C’était une petite pièce remplie d’odeurs diverses, sentant bon les épices, avec des étagères jusqu’au plafond. Après une bonne minute, le plancher grinçait et l’épicière, une dame âgée et courbée, toute vêtue de noir, apparaissait enfin. Mon père assurait qu’elle était déjà vieille quand lui-même était enfant, c’est tout dire ! Avec cela un sourire engageant et la bonté inscrite sur son visage. Je demandai mon kilo de sucre et au moment de partir elle m’invita, comme chaque fois, à choisir un ou deux biscuits parmi les piles qui encombraient le comptoir. Je la remerciai d’un sourire timide et, triomphant, je me retrouvai en pleine lumière, au milieu des papillons, mon précieux trésor enfoui tout au fond de ma poche.
Pour "Paroles plurielles"
09:16 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Littérature
Commentaires
Voilà, je suis revenue à l'enfance de votre blogue pour vous dire au-revoir puisque vous souhaitez être tranquille... Bonne suite, cher Feuilly et merci pour ces nuits étranges où le temps s'arrêtait pour nous écouter. Seul le sommeil le délivrait de ce sortilège puisqu'au réveil, c'était le matin tout chiffonné d'aube. Continuez à écrire, c'est si beau. Je viendrai vous lire pour le bonheur d'être un peu près de vous...mais je n'écrirai plus.
Que le jour vous soit bon, que tous les jours vous soient bons dans cet inachèvement que vous aimez.
Écrit par : Christiane | 01/09/2008
Comment cela je souhaite être tranquille? Je n'ai rien dit de tel, simplement que je n'ai matériellement pas le temps (du moins à certains moments) de consacrer plusieurs heures à ce site. C'est tout. Commentez autant que vous voudrez, mais mes réponses seront parfois laconiques par la force des choses, parfois non.
Écrit par : Feuilly | 01/09/2008
Les commentaires sont fermés.