20/05/2010
Obscurité (28)
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18/05/2010
Obscurité (27)
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13/05/2010
Obscurité (26)
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10/05/2010
Obscurité (25)
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06/05/2010
obscurité (24)
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03/05/2010
Obscurité (23)
(...)
Elle ne sait plus, tout est confus dans sa tête. Elle est terriblement fatiguée, elle n’en peut plus. Ce doit être le contre-coup de tous ces événements, c’est trop, vraiment. Elle se laisse tomber par terre, à la limite de la clairière et là, elle se met à pleurer. C’est un torrent de larmes qui déborde d’elle, comme si toute l’angoisse contenue depuis si longtemps avait enfin trouvé le moyen de s’exprimer. Elle pleure et plus elle pleure, plus les idées noires l’envahissent. Toute sa vie des derniers mois ressurgit du plus profond d’elle : le mariage raté, les coups, la fuite, la maison vide, la chute de Pauline dans le lac et maintenant cette agression… Qu’a-t-elle fait pour mériter tout cela ? Est-elle donc si mauvaise qu’elle doive être punie de la sorte ? Il faut croire que oui. Elle ne sait pas en fait. A travers ses larmes elle regarde le ciel où la lune brille maintenant de tout son éclat, énigmatique, lointaine, inaccessible, presque cruelle par son indifférence. Elle tourne autour de la terre depuis des millénaires. Une éternité ! Quel sens peuvent bien avoir ses souffrances à elle face à cet astre éteint et mort ? Elle contemple aussi les milliers d’étoiles de la voûte céleste. Qu’est-ce qu’une vie humaine, finalement, face à tout cela ? Et cette vie, à quoi set-elle ? A rencontrer quelqu’un un court instant, à souffrir de cette rencontre, à avoir des enfants, à les élever comme on peut, pour que dans vingt ou trente ans ils refassent la même chose, commettent les mêmes erreurs ? Mais c’est complètement absurde. Et ces étoiles qui brillent là-haut, quel est leur sens ? Aucun, évidemment. Ce ne sont que des bouts de cailloux en fusion qui se promènent dans le vide interstellaire. Elle sent comme un frisson dans tout son être. Ce vide, ce non-sens, jamais encore elle ne les avait perçus avec une telle acuité.
Elle se souvient que, petite, elle a dû croire en un Dieu, une sorte d’être supérieur qui réglait tous les problèmes et qui était là pour réparer toutes les injustices. Si une personne souffrait alors que ce n’était pas mérité ou même si elle mourait prématurément, ce n’était pas trop grave, car on savait qu’ailleurs, dans une sorte de paradis très mal localisé, elle jouirait enfin d’une vie paisible et les milliards d’années dont se composerait sa vie éternelle compenseraient bien les douleurs endurées ici-bas pendant quelques décennies. C’est ce que lui avait appris ses parents, c’est ce que le vieil instituteur du village, avec sa barbe et ses petites lunettes rondes, avait enseigné aussi, et c’est ce que le prêtre, lors des leçons de catéchisme, avait répété inlassablement. Alors, gamine, elle y avait cru, à toutes ces histoires, forcément. Puis, plus tard, quand elle avait été grande, elle avait un peu oublié. Cela ne la regardait plus vraiment en fait. Elle était dans la vie active, sans une minute à soi, alors cette éternité ne la concernait pas beaucoup, la mort non plus d’ailleurs. Elle avait donc gommé de sa mémoire une grande partie de cet enseignement mais, quand même, il restait dans un coin de sa tête cette idée d’un grand horloger qui orchestrait tout et qui, fatalement, donnait un sens à toute chose.
(...)
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27/04/2010
Obscurité (22)
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23/04/2010
obscurité (21)
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16/04/2010
Obscurité (20)
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12/04/2010
Obscurité (19)
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08/04/2010
Obscurité (18)
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02/04/2010
obscurité (17)
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30/03/2010
obscurité (16)
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25/03/2010
Obscurité (15)
Il arracha ses chaussures et s’avança à son tour dans l’eau. Elle était peu profonde à cet endroit, heureusement, et le lit de gravier semblait s’incliner en pente douce et non pas de manière abrupte. Mais sait-on jamais ! « Pauline, reviens » hurla-t-il. Elle se retourna enfin et sembla passablement étonnée de le voir derrière elle avec de l’eau jusqu’aux genoux. Mais au lieu de rejoindre son frère, la voilà qui pouffe de rire et qui reprend la direction du large en accélérant le pas. Mais ce n’est pas possible, qu’est-ce qu’elle fait ? Elle est devenue folle ou quoi ? Non, manifestement elle croit à un jeu de sa part car plus il l’appelle, plus elle se sauve en riant. « Pauline, arrête, je t’en supplie, c’est dangereux, tu pourrais tomber. » Mais il n’y a rien à faire, elle continue, provocante au possible, se retournant juste de temps à autre pour voir s’il la suit. Elle a de l’eau jusqu’en haut des cuisses, au point que le bas de sa jupe, qu’elle relève pourtant, est déjà mouillé. Mais elle continue à rire et à progresser en zigzags, afin qu’il ne la rattrape pas. Evidemment, marcher pieds nus sur des galets et du gravier, ce n’est pas très facile. A un moment donné, elle heurte un rocher, fait un pas de côté et là, soudain, le sol se dérobe sous elle. Encore un peu et elle tombait pour de bon. L’enfant, qui arrivait, s’élance pour la retenir, mais voilà que c’est lui qui glisse à son tour. Manifestement à cet endroit, la berge tombe à pic dans le lac. Il s’en est fallu de peu qu’ils ne se retrouvent tous les deux dans l’eau.
Mais Pauline, elle, rit de plus belle. Cette course-poursuite, manifestement, l’enchante. Elle est déjà repartie, mais vers la berge cette fois. Comme il n’y a plus de danger, le garçon se prend au jeu et tente de la rejoindre en riant à son tour. Mais au moment précis où il va enfin l’attraper, Pauline fait un mouvement brusque pour l’éviter et ce qui devait arriver arriva : elle glisse et s’étale de tout son long dans l’eau. Catastrophe ! Ils gravissent aussitôt la berge et se laissent tomber dans l’herbe, lui encore à moitié sec et elle complètement mouillée. Que faire ? Et que va dire leur mère, surtout ? La petite n’hésite pas une seconde. Personne à droite, personne à gauche ? Hop, elle enlève jupe, tee-shirt et sous-vêtements et les confie à son frère, qui les tord autant qu’il peut puis les étend au soleil. De son côté, il remarque que le bas de son short est trempé, mais cela n’est pas trop grave.
Les voilà donc assis côté à côte, elle toute nue et lui habillé. Ils regardent le lac sans rien dire et forment un couple pour le moins insolite et original. Mais ils ne sont quand même pas trop à l’aise. Et si quelqu’un arrivait ? Il n’y a qu’une solution. En grand seigneur, l’enfant ôte son tee-shirt et le donne à sa sœur. Comme elle est bien plus petite que lui, le vêtement lui arrive presque aux genoux. Ma foi, on dirait une robe et même si celle-ci est un peu large, elle fera parfaitement l’affaire. Ils se rassoient et l’enfant passe son bras autour du cou de Pauline, un peu pour la réchauffer, mais surtout pour la rassurer. Elle se sent bien avec son grand frère, elle est en confiance.
« Tu crois aux fantômes ? » lui demande-t-elle subitement. « Les fantômes ? Non, cela n’existe pas voyons » dit-il en riant. Elle hausse les épaules : « Ben , je sais bien que cela n’existe pas, va, ne te moque pas de moi. Mais j’ y crois quand même ! » « Comment cela ? » «Ben je veux dire, dans la vraie vie, non bien sûr. Mais dans une autre vie, celle des songes, alors oui, ils existent. » « Ah bon ? C’est un peu compliqué ce que tu dis là. C’est quoi la vie des songes ? » «C’est pas compliqué à comprendre, pourtant. Regarde les Mille et une nuits, par exemple. C’est un conte. Cela n’existe pas vraiment. Et pourtant, quand je lis cette histoire, elle existe pour moi, dans ma tête. Quand le héros risque de se faire tuer,,j’ai peur pour lui. Quand le méchant gagne, je suis triste. Quand la belle princesse trouve l’amour, je suis contente, comme si c’était à moi que cela arrivait. Donc, cela n’existe pas dans le monde, mais cela existe pour moi, qui lis le livre. Tu comprends ? Et bien les fantômes, c’est pareil On n’en voit jamais, mais quelque part ils existent puisque je peux en avoir peur. » L’enfant se mit à réfléchir. Il se souvenait de la nuit où il avait quitté la voiture et où il s’était retrouvé dans le noir absolu, au milieu des chouettes qui hululaient. C’est vrai qu’il n’en menait pas large quand même. Pourtant, au matin, à la lumière du jour, tout cela semblait ridicule. De quoi alors avait-il eu peur, finalement ? De choses qui n’existaient pas. C’est sans doute cela que sa sœur voulait dire…
« Et pourquoi tu parles de fantômes maintenant, toi ? » « Parce que je regarde le lac. Je pense aux personnes qui habitaient dans ces villages. Elles doivent être mortes, maintenant, non ? Il y a si longtemps… Alors je suis sûre que la nuit, quand il fait bien noir ou au contraire quand la lune brille bien fort, elles reviennent voir leur ancienne maison, au fond de l’eau. » « Tu crois ? » « Oui, j’en suis sûre, je te dis. Elles nagent comme des poissons puis se retrouvent tout au fond du lac. Et là, elles marchent dans les rues. Ce n’est pas facile, hein, de marcher dans l’eau ! Tu as vu tout à l‘heure, comme on tombe vite… » « ça, pour avoir vu, j’ai vu oui… » « Et bien, pour ces personnes qui sont mortes, c’est pareil. Elles marchent comme elles peuvent, en essayant de ne pas tomber. » « Ben, cela ne serait pas trop grave, elles sont quand même déjà mouillées, puisqu’elles sont au fond de l’eau. » « Gros bêta, tu n’as rien compris ! Les fantômes cela ne se mouille jamais puisque ce sont des esprits » «Comment cela, gros bêta ? Je vais t’en donner, moi » Et il se met à la chatouiller, mais Pauline le repousse, agacée. « Arrête, c’est sérieux ce que je dis. Ils se promènent dans le fond puis ils cherchent leur maison. Quand ils l’ont trouvée, ils essaient de rentrer dedans, mais ils n’ont pas la clef, puisque ce sont des fantômes. Alors ils doivent casser un carreau ou forcer la porte pour pouvoir aller chez eux. Les poissons les regardent mais ne disent rien car cela ne dit jamais rien un poisson. Une fois qu’ils sont dedans, ils vont s’asseoir dans un fauteuil et ils restent, là, à contempler leurs meubles qui sont tout abîmés par l’eau. Alors ils sont fort tristes et ils pleurent. Je suis certaine que si on venait ici la nuit, on les entendrait pleurer. » « C’est bien possible, finalement » « C’est certain, tu veux dire. Alors, le papa fantôme, il est si triste de voir sa maison abîmée, qu’à la fin il se révolte. Tellement qu’il n’en peut plus de voir tout ce désastre. Il se fâche tout rouge et puis il se met à frapper sur tout ce qui bouge, pour se venger, parce qu’il ne sait rien faire d’autre. Il commence par renverser les meubles, par casser la vaisselle, puis à la fin, s’il croise ses enfants, il les frappe aussi. Fort, très fort, de plus en plus fort. »
L’enfant ne dit rien, mais il écoute, la gorge serrée. La petite, elle, se met à pleurer lentement. « Pourquoi il te frappait papa ?Tu n’es pas méchant, pourtant. Et lui non plus, il n’est pas méchant. Alors pourquoi ? » «Je ne sais pas. Peut-être que comme pour ton fantôme les choses n’allaient pas pour lui comme il aurait voulu. » « Sans doute, mais quelles choses ? » « Je ne sais pas. Des choses de grandes personnes sans doute. Nous, on n’y comprend rien. » « Qu’est-ce qu’on aurait dû faire ? » « Rien, sans doute, c’était comme cela, c’est tout. » « Et pourquoi il m’a frappée moi ?» « Je ne sais pas non plus. Je ne sais vraiment pas. » « Tu crois qu’on le reverra ? » « Je ne pense pas, non. Mais je ne sais pas, en fait. » « C’est que je l’aimais bien, moi, mon papa » « je sais. »
Et ils restent là. La main de l’enfant est toujours posée sur l’épaule de sa sœur. Elle vient appuyer sa tête contre son épaule et ne dit plus rien. D’une main, elle essuie une dernière larme. Le soleil de juillet donne sur son visage, il fait chaud, elle ferme les yeux. Elle est fatiguée, maintenant, toutes ces émotions l’ont épuisée. Bientôt, elle tombe endormie.
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22/03/2010
obscurité (14)
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18/03/2010
obscurité (13)
Le dîner fut charmant, presque romantique. Après avoir empourpré les collines, le soleil avait très vite disparu derrière le faîte des arbres et la grande nuit, implacable, était revenue. Avec elle, les premières chouettes avaient recommencé à lancer leurs hululements caractéristiques, mais nos amis ne les entendaient plus. Ils étaient fascinés par les flammes et, tout en dégustant leur omelette ou en avalant une feuille de salade, ils tournaient leurs regards vers ce bon feu crépitant qui les réchauffait et les éclairait. C’était comme un phare dans la nuit au milieu de l’océan, un refuge inespéré pour les naufragés qu’ils étaient et le seul fait de le regarder leur réjouissait le cœur. N’était-ce pas le principal ? L’enfant, cependant, se souvenait des moustiques qui étaient attirés par les phares de la voiture, lors de leur première nuit passée sur le plateau de Millevaches. Se pourrait-il qu’il leur ressemblât et que ce bonheur qu’il vivait en ce moment ne fût qu’un leurre et un mensonge ? Allons, il n’allait quand même pas se décourager maintenant ! Pour une fois que tout allait bien, il n’y avait pas de raison d’être négatif. A réfléchir au malheur, on finit par l’attirer. Alors il sortit de sa rêverie, se resservit un peu d’omelette et écouta sa petite sœur, qui se prenait pour Shéhérazade et qui n’en finissait plus de raconter des histoires aussi étranges que merveilleuses.
(...)
(...)
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15/03/2010
obscurité (12)
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11/03/2010
obscurité (11)
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05/03/2010
obscurité (10)
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27/02/2010
Obscurité (9)
Et puis, au-delà de tout ce capharnaüm, il n’y avait plus rien, c’était le vide absolu. La pièce, sur une longueur de vingt mètres environ, offrait la simple nudité de son roc, comme si l’homme, avec son amas de détritus, n’avait osé pénétrer plus avant sous la terre. Ici, le monde minéral régnait en maître et on devinait aussitôt la présence de la montagne au-dessus de soi, avec les millions de tonnes de sa masse granitique.
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23/02/2010
Obscurité (8)
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20/02/2010
Obscurité (7)
09:12 Publié dans Prose | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : littérature
16/02/2010
Obscurité (6)
A la fin, n’y tenant plus, il sentit la nécessité de sortir de la voiture et de faire quelques pas, dans l’espoir qu’il trouverait ensuite le sommeil. C’était étrange ce besoin inexpliqué, c’était comme si le fait de rester là, étendu, lui était devenu insupportable. Il devait partir, bouger, marcher, éliminer toute cette énergie qu’il percevait en lui, toute cette angoisse qui l’avait imperceptiblement envahi et qui avait atteint une telle intensité qu’il devait absolument faire quelque chose. Il fallait vraiment qu’il y fût contraint par une force intérieure, car d’un autre côté l’idée de s’extraire de la chaleur de son sac de couchage pour affronter les ténèbres n’avait rien de réjouissant en soi, comme on peut s’en douter. L’être humain n’est pas à une contradiction près et les enfants n’y échappent pas plus que les adultes.
Voir le livre paru aux éditions Chloé des Lys
13:12 Publié dans Prose | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : littérature
09/02/2010
Obscurité (5)
09:00 Publié dans Prose | Lien permanent | Commentaires (27) | Tags : littérature
05/02/2010
Obscurité (4)
Quand il se réveilla, la voiture était arrêtée sur un parking d’autoroute et sa mère dormait, la tête appuyée sur le volant. Pauline aussi dormait et en voyant comme elle était belle, il repensa à son rêve troublant de la veille et surtout à sa fin horrible. Dehors, le soleil se levait et ce qu’il vit l’étonna au plus haut point.
La suite est à lire dans le livre paru aux éditions Chloé des Lys
08:23 Publié dans Prose | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : littérature
30/01/2010
Obscurité (3)
A la fin sa propre mère se décidait à intervenir et il se retrouvait enfermé dans sa chambre sans dîner et puni jusqu'au lendemain. Ainsi il aurait le temps de réfléchir, lui lançait-on à travers la porte. Mais lui, la seule chose qui le tracassait, c’était de savoir pourquoi sa mère avait finalement demandé à son compagnon de se calmer.
La suite est à lire dans le livre paru aux éditions Chloé des Lys
11:55 Publié dans Prose | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : littérature
25/01/2010
Obscurité (suite)
Terrorisé, l’enfant ferme les yeux. En une seconde, il revoit tout ce qui s’est déjà passé autrefois, tout ce qui se passe, depuis toujours : les coups de ceinture, les coups de poings, les coups de pieds. La douleur dans le ventre, quand la bottine ferrée arrive dans le creux de l’estomac, la douleur dans le dos, quand on le frappe avec un cintre et qu’il entend celui-ci voler en éclats. mposé une attitude de mépris, une manière de dire « Cogne toujours, tu ne m’atteindras pas ».
La suite est à lire dans le livre paru aux éditions Chloé des Lys sous le titre Obscurité.
12:15 Publié dans Prose | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : littérature, enfant, écurie
19/01/2010
Obscurité
Dans l’écurie, l’enfant attend. Il attend, roulé en boule dans un coin, le regard hébété, mais l’oreille attentive cependant. C’est qu’il est important de ne pas être découvert et le moindre bruit annonçant des pas qui s’approcheraient le ferait se recroqueviller encore plus, si c’était possible. Il est assis là, dans ce coin obscur, à même le sol de terre battue. Il sent le froid le gagner petit à petit et pourtant il ne bouge pas. Au contraire, il reste là, immobile, comme prostré dans sa douleur.
Il faut attendre, attendre que cela se passe. Cela se passe toujours, il suffit d’avoir de la patience, c’est son expérience qui le lui dit. Cette fois-ci, pourtant, ce n’est pas comme d’habitude, c’est beaucoup plus grave et il le sait. C’est d’ailleurs pour cela qu’il s’est réfugié ici, dans la vielle écurie désaffectée. Comme il n’a rien à faire, il regarde autour de lui, dans la pénombre. C’est une manière comme une autre de tromper son angoisse, d’oublier. Les mangeoires taillées dans la pierre brute sont toujours là, ainsi que les râteliers. Fixés au mur par des crochets gigantesques, couverts de rouille, ils laissent pendre des chaînes qui semblent sorties d’une salle de torture du Moyen-Age. Plus loin, à même le sol, s’entassent des outils étranges. Une herse, des râteaux, un fléau, quelques faux. Il regarde toutes ces tiges métalliques qui dépassent, ces barres de fer pointues, ces lames qui furent acérées un jour mais qui doivent encore couper suffisamment si jamais on venait s’empaler dessus… Son instinct de survie lui fait tendre l’oreille… Non, personne ne vient. Ouf ! C’est qu’une fuite dans la pénombre pourrait très mal se terminer avec tous ces outils qui traînent… Heureusement qu’il a barricadé la porte comme il a pu avec de vieux cageots !
A droite de cette porte se trouve une espèce de meurtrière, bien trop petite pour qu’une personne puisse y passer. Seule une lumière tamisée s’infiltre comme elle peut par l’ouverture étroite, après avoir traversé le vieux mur de schiste d’un mètre d’épaisseur. C’est le seul éclairage de l’écurie, autant donc dire qu’on ne voit quasi-rien à l’intérieur. C’est une chance aussi : quiconque entrerait ici venant de l’extérieur ne distinguerait absolument rien dans un premier temps. L’enfant calcule le nombre de secondes dont il disposerait alors pour se terrer encore plus, disparaître dans le sol, se volatiliser, devenir poussière. Puis il se dit que ses calculs sont faux, car une fois la porte grande ouverte il est évident que la lumière entrerait à flots. Le tout est de savoir si elle arriverait jusqu’à sa cachette, dans ce coin reculé… Bien malin qui pourrait le dire. La vie est ainsi faite, remplie d’incertitudes.
Au-dessus de lui, il reste du foin qui pend entre les poutres du grenier. C’est que la maison est construite à flanc de colline, directement sur le rocher. Alors autrefois (et il s’est quand même trouvé quelqu’un pour le lui expliquer un jour), les chariots s’arrêtaient du côté de la route, à ras du toit et de plain-pied avec le grenier. C’était facile pour décharger et ensuite le foin tombait tout seul en contrebas, dans l’écurie. Il suffisait de le tirer à soi avec une fourche. L’enfant regarde cette herbe sèche qui n’en finit plus de s’échapper entre les planches disjointes depuis une bonne soixantaine d’années. Il se dit que son père, quand il avait son âge, a dû voir les mêmes choses que lui. Reste à savoir s’il venait aussi se réfugier dans la pénombre de l’écurie, ça c’est un mystère qu’il ne pourra jamais percer. Il regarde donc le foin bien sec et il se dit qu’il suffirait d’une petite allumette pour que tout soit fini : l’obscurité, la peur, les coups et même la vie. Ce serait si simple : rien qu’une petite allumette…
Mais ses poches sont vides et de toute façon ce n’est pas trop dans son tempérament de se révolter ainsi. Lui, il a plutôt appris à biaiser, à se sauver, à esquiver. Alors il est là, dans le noir, au fond de cette écurie désaffectée. Du sol humide s’échappe une odeur pénétrante qu’il identifie mal, mais qui doit provenir de toutes les bêtes qui ont vécu là, pendant un siècle ou deux. Les deux chevaux de labour à l’entrée, avec leur croupe et leurs pattes énormes, puis quelques vaches maigres, une chèvre aussi, sans doute et dans le coin là-bas, un cochon qu’on essaie d’engraisser avec le peu de nourriture qui sort de la cuisine. Car on a toujours été pauvre dans la famille, l’enfant le sait, comme il sait qu’il ne pourra jamais en être autrement. Pour passer le temps, il essaie de se mettre à la place du bétail qui a occupé ce lieu autrefois. Ca pense à quoi, une vache, quand ce n’est pas dans une prairie et que cela doit rester là, tout un hiver, attachée et immobile, à regarder un mur passé à la chaux ? C’est difficile à imaginer et d’ailleurs est-ce que cela pense, seulement, une vache ? L’enfant se dit qu’il aurait mieux valu que cela ne pensât point (enfin, il le dit dans son langage à lui, sans employer le subjonctif imparfait qu’on ne lui a pas appris à l’école), c’est toujours moins pénible quand on ne se rend compte de rien. Lui, par contre, ses méninges fonctionnent bien et cela cogite ferme dans sa petite tête. De tout ce qu’il a vu, de tout ce qu’il a entendu et surtout de tout ce qu’il a déjà enduré, il a retenu qu’il vaut mieux se terrer ici et attendre. En espérant cependant qu’on ne le découvre pas trop tôt, car alors ce serait pis encore. De la vie, il a retenu deux choses essentielles : la première, c’est qu’il vaut mieux disparaître quand les adultes sont énervés, la deuxième, c’est qu’il ne faut surtout pas se faire prendre quand on essaie de se cacher.
Il regarde autour de lui et s’aperçoit que les vieux murs sont recouverts de toiles d’araignées. Les pierres de schiste ont été assemblées avec de l’argile car on ne connaissait pas le mortier autrefois. Avec les années, les joints creux se sont vidés petit à petit et, dans toutes ces anfractuosités, des générations entières d’araignées ont tissé leur toile. Cela fait comme de grandes draperies poussiéreuses qui pendent le long des parois. L’enfant a même l’impression que tout cela ne constitue qu’une énorme toile, tissée par une araignée monstrueuse. Craintif, il regarde aussitôt dans le coin derrière lui. On ne sait jamais… Ouf, il n’y a rien. Mais il conserve tout de même l’impression d’être lui-même englué dans une toile immense, gigantesque. Pourra-t-il jamais s’en dépêtrer ?
C’est à ce moment qu’il entend un bruit de pas et que la porte s’ouvre brutalement, dans un grand fracas de cageots brisés. Ebloui par la lumière, il ne voit rien, mais il sait que c’est fini, qu’il n’y a plus rien à espérer. Sa dernière heure est venue.
00:33 Publié dans Prose | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : littérature, enfant, écurie
15/01/2010
Marcel Thiry
Suite à ma petite note intitulée « Dans les matins d’hiver », Pivoine, dans son commentaire, a fait allusion à un poème de Marcel Thiry intitulé « Les wagons de troisième classe ». Voici ce poème, qui mérite assurément le détour. C’est avec plaisir que je suis allé chercher, sur les rayons de ma bibliothèque, le volume de Thiry intitulé « Toi qui pâlis au nom de Vancouver » (publié chez Seghers en 1975) et que je n’avais plus ouvert depuis longtemps, je l’avoue.
En réalité, ce gros volume de 500 pages comprend
« Toi qui pâlis au nom de Vancouver », autrement dit les poèmes de 1924 :
Toi qui pâlis au nom de Vancouver
Tu n’as pourtant fait qu’un banal voyage,
Tu n’as pas vu la croix du Sud, le vert
Des perroquets ni le soleil sauvage
…
« Plongeantes proues », poèmes de 1925
« L’enfant prodigue », poèmes de 1927
« Statue de la fatigue », 1934
« La mer de la Tranquillité », 1938, dont est tiré notre poème et bien d’autres recueils encore dont le dernier est daté de 1974
Marcel Thiry est né à Charleroi, en Belgique, en 1897 et il est mort près de Liège en 1977. Ecrivain d’expression française donc, il fut aussi un militant wallon, ce qui signifie qu’il revendiqua à la fois la spécificité de la Wallonie (par rapport à un état belge hybride et fabriqué de toute pièce) et qu’il défendit la langue et la culture françaises dans cette Belgique qui, de plus en plus, était en train de passer sous la coupe de l’autorité flamande. Tout cela a débouché sur la régionalisation d’une série de compétences, ce qui a permis à ce pays, semble-t-il, de survivre encore un peu. On sait que depuis il est devenu quasiment ingouvernable, mais c’est un autre problème.
Outre le recueil de poésie dont nous parlons ici, Marcel Thiry a aussi écrit des nouvelles, notamment les « Nouvelles du grand Possible ». Notons encore qu'il fut membre de l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique (ARLLFB) et qu'il en fut même le secrétaire perpétuel de 1960 à 1972.
x x x x x x
Les wagons de troisième étaient pleins de poètes
De tabacs matinaux, de distances défaites,
Et sinuant parmi les paliers des fumées
D’un parfum d’orange angélique et miséreux.
Il en est qui mettaient leur manteau sur leurs yeux
Pour mieux poursuivre, au lent toxique des fumées,
Leur nuit, comme un jardin perdu, dans l’encoignure.
De leurs genoux glissait le journal défloré ;
Au dehors, sur l’ennui d’un pays ignoré
De lourdeur laboureuse et d’âpre agriculture,
La vitesse roulait son long mur de fumée.
Les poètes savaient l’échelle des salaires,
La date du loyer, les tarifs, les horaires,
Ils savaient qu’au zénith calme de l’infortune
La Mer de la Tranquillité est dans la lune,
Que Tirlemont passait dans le mur de fumée,
Que nous tournons en roue avec la voie Lactée,
Que l’univers s’espace en mitraille éclatée ;
Et leur siècle, leurs dols, leurs trafics, leurs brevets,
Leur nuit lointaine au flanc des tiédeurs fabuleuses
Et Tirlemont dans la fumée, ils les savaient
S’ouvrir dans l’éventail sans fin des nébuleuses.
(…)
La Mer de la Tranquillité est dans la lune,
Très haut, sur le jardins d'Europe et le décor
De festin lent peuplant les terrasses nocturnes
Où, devant les vins d'ombre et les danseuses nues,
Nous sommes gais parmi le silence des morts.
Les jardins sont d'ifs noirs et de pelouses bleues
Où la lune allongée étend ses calmes fleuves;
On voit de la terrasse, au-delà des parterres,
Des daims légers paissant les rivages lunaires.
La dame en robe ouverte un peu bas sur les seins
Est gaie et lève le calice où nos desseins
A tous ont été déliés par sortilège;
Mais, à travers les fleurs qui s'aiment dans les urnes,
Nos yeux mal enchantés reconnaissent encore,
Debout, sa face haut levée au ciel nocturne,
Apposant sa main d'os au dossier de son siège,
Son fils mort qui la veille en casque, et qu'elle ignore.
C'est l'hôtesse d'oubli, la douceur ancienne,
La dame en fleur parmi les fleurs d'ingratitude;
On dit qu'elle s'appelle Europe ou Madeleine
Ou Marie -et son fils qui veille, quelquefois
On essaye, au tremblement des cierges, de voir
Sa face haut levée au ciel et sa blessure;
Mais les cierges tremblants sont gênés par la lune
Et les regards repris par des esclaves nues.
Et l'on entend vers le fond pensif des jardins
Des retentissements qui font bondir les daims
En arches vives sur les fleuves de la lune,
Des clameurs d'ombre, de souterraines huées
Comme si de grands pans du monde s'écroulaient,
Ou, pendant que la lune argente les nuées,
Comme si, salué de sourds canons coupables,
Un parâtre adultère et royal de Hamlet
Avait vidé son noir hanap à notre table...
La dame appuie avec tendresse entre ses seins
Le frais museau vorace et charmant de sa biche,
Le monde croule à pans de Genève et d'Autriche,
Le héros mort détourne à jamais des jardins
D'Europe son visage où vieillit la blessure,
La Mer de la Tranquillité est dans la lune.
Les phares des autos au loin sur les collines,
Les soirs d'hiver, dans l'au-delà noir des vallées,
Naissent comme des comètes, et puis déclinent
Et s'éteignent quand va virer leur destinée.
Ce sont les moments d'autres âmes inconnues,
Les passages d'existences à notre large,
Quelque signal d'humains univers qui émergent
A notre ciel, et puis qui rentrent dans l'obscur.
Ce sont des vies, qu'on ne saura jamais, d'étoiles,
Courts embrasements, suivis d'agonies, solaires.
Les phares prennent leur long-cours comme des voiles
Et se fondent en vous, grandes années-lumière.
00:33 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : littérature, marcel thiry
12/01/2010
Il pleut
Il pleut.
Pas beaucoup, mais il pleut.
Petit à petit tout s’humidifie
et une odeur de terre mouillée,
âcre et envoûtante, épicée même,
emplit l’atmosphère.
Le promeneur s’arrête,
attentif à ce presque rien qui l’enivre.
La vie est faite de bonheurs simples, parfois,
qu’il ne faut pas négliger.
Sur la feuille d’un noisetier, roule une goutte,
lentement d’abord, puis plus vite.
Quand elle parvient aux bords dentelés,
on croit qu’elle va tomber,
emportée par sa vitesse.
Mais non, elle reste là, hésitante,
suspendue au bord du gouffre,
dans un instant d’éternité.
La moindre brise la ferait choir,
mais l’air est immobile,
déjà il ne pleut plus.
Alors elle demeure là,
incertaine, accrochée aux cannelures
vert tendre de la jeune feuille.
Quand revient le soleil,
elle brille sous ses rayons,
miroir féerique qui réfléchit le monde.
Le flâneur solitaire se penche
et observe, intrigué, la goutte passagère.
Microcosme magique, perle de l’univers
elle est tout à la fois rouge, verte et jaune,
et conserve comme le souvenir d’un reflet
qui ressemble au bleu des songes.
Impudique, elle laisse voir par transparence
la pureté de son être.
Là sont rassemblés toute l’énigme du monde,
les rêves évanouis et les espoirs déçus.
Dans cette goutte qui hésite à tomber
se trouve la réponse à tout questionnement.
Ephémère et belle, elle continue à vivre,
miroir de toutes ces contrées
où défilent les nuages.
En son centre, au cœur de l’onde pure
tu découvriras le joyau de toute chose
y compris ce secret jamais dévoilé
que seul connurent les dieux.
Sphère parfaite,
elle tourne sur elle-même, une dernière fois,
avant que de chuter irrémédiablement
Et de s’écraser sur le sol boueux
où elle disparaît à jamais.
A-t-elle vraiment existé ?
On pourrait en douter.
D’ailleurs qui se souviendra d’elle
si ce n’est ce promeneur solitaire,
qui s’en va d’un pas lent
vers sa propre destinée…
09:10 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : littérature, poésie, pluie