Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

12/01/2010

Il pleut

Il pleut.

Pas beaucoup, mais il pleut.

Petit à petit tout s’humidifie

et une odeur de terre mouillée,

âcre et envoûtante, épicée même,

emplit l’atmosphère.

 

Le promeneur s’arrête,

attentif à ce presque rien qui l’enivre.

La vie est faite de bonheurs simples, parfois,

qu’il ne faut pas négliger.

 

Sur la feuille d’un noisetier, roule une goutte,

lentement d’abord, puis plus vite.

Quand elle parvient aux bords dentelés,

on croit qu’elle va tomber,

emportée par sa vitesse.

Mais non, elle reste là, hésitante,

suspendue au bord du gouffre,

dans un instant d’éternité.

 

La moindre brise la ferait choir,

mais l’air est immobile,

déjà il ne pleut plus.

Alors elle demeure là,

incertaine, accrochée aux cannelures

vert tendre de la jeune feuille.

 

Quand revient le soleil,

elle brille sous ses rayons,

miroir féerique qui réfléchit le monde.

 

Le flâneur solitaire se penche

et observe, intrigué, la goutte passagère.

 

Microcosme magique, perle de l’univers

elle est tout à la fois rouge, verte et jaune,

et conserve comme le souvenir d’un reflet

qui ressemble au bleu des songes.

 

Impudique, elle laisse voir par transparence

la pureté de son être.

Là sont rassemblés toute l’énigme du monde,

les rêves évanouis et les espoirs déçus.

Dans cette goutte qui hésite à tomber

se trouve la réponse à tout questionnement.

 

Ephémère et belle, elle continue à vivre,

miroir de toutes ces contrées

où défilent les nuages.

En son centre, au cœur de l’onde pure

tu découvriras le joyau de toute chose

y compris ce secret jamais dévoilé

que seul connurent les dieux.

 

Sphère parfaite,

elle tourne sur elle-même, une dernière fois,

avant que de chuter irrémédiablement

Et de s’écraser sur le sol boueux

où elle disparaît à jamais.

 

A-t-elle vraiment existé ?

On pourrait en douter.

D’ailleurs qui se souviendra d’elle

si ce n’est ce promeneur solitaire,

qui s’en va d’un pas lent

vers sa propre destinée…

 

070326100535-goutte-eau-feuille.jpg

 

 

09:10 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : littérature, poésie, pluie

Commentaires

Très joliment tourné.

Cela me fait penser à ces poèmes baroques sur le thème de la rosée ou de la goutte d'eau enfermée dans la glace. Voir par exemple le poème d'Andrew Marvell "On a drop of dew" (http://www.luminarium.org/sevenlit/marvell/dewdrop.htm), dont Pierre Laurens nous a offert une traduction de la version latine dans son "Anthologie de la poésie latine lyrique de la Renaissance'.

Peut-être connaissiez-vous ce poème ?

Cordialement,

Thomas M.

Écrit par : VexillumRegis | 12/01/2010

Non, je ne connaissais pas ce poème, mais du coup je découvre votre site avec intérêt.

Écrit par : Feuilly | 12/01/2010

J'aime beaucoup ce texte.
La goutte sera remplacée par une autre, le promeneur par un autre et ainsi va le monde...

Écrit par : Cigale | 12/01/2010

Oui, Cigale, cela doit être ce que l'on appelle l’éternité.

Écrit par : Feuilly | 12/01/2010

Dans un entretien inédit au Monde des livres du 5 février 2000, Julien Gracq disait (écrivait ?) ceci :
"L'ouverture d'une langue à la poésie dépend pour beaucoup de l'aptitude acquise de ses mots au scintillement : les mots dans la poésie troquent presque toute autre qualité contre celle de pouvoir réfléchir la lueur d'un autre. Une langue résonante avant même d'être signifiante se met alors en place, dans le flux continu de laquelle les significations se posent et se déplacent en liberté, du moment qu'elles se répondent. La poésie est, de nature, décloisonnement du vocabulaire."

J'ai lu ce poème "Il pleut" avec bonheur.

Écrit par : Michèle | 13/01/2010

Belle découverte que ce site de Thomas M. : La Couronne poétique.

Écrit par : Michèle | 13/01/2010

Les commentaires sont fermés.