09/01/2010
Dans les matins d'hiver...
Feuilly
Moins dix degrés quand je quitte la maison ce matin. Le sol est glissant avec cette neige des derniers jours qui s’est tassée sous les pieds des passants. J’arrive comme je peux à la gare et j’attends un train qui tarde à venir (locomotive en panne, aiguillages gelés ?). Sur le quai tout blanc le vent souffle. Il fait froid, vraiment froid. Il fait noir aussi, à cette heure. Rien de plus normal, on est en hiver, il n’y a rien à redire à cela. Je regarde les autres voyageurs. Emmitouflés dans leurs vêtements, ils se replient sur eux-mêmes sous l’effet des bourrasques et s’isolent. Personne ne parle et tout le monde attend dans l’obscurité ce train qui ne veut pas arriver.
Je me dis qu’on passe finalement sa vie à attendre quelque chose et que ce quelque chose arrive rarement. Bien sûr il faut forcer le destin, bien sûr. Il n’empêche que le train n’arrive pas. Et s’il arrivait enfin, où m’emporterait-il ? La vie en fait ressemble à ce matin d’hiver. On reste là, à côtoyer des inconnus, qui ne vous regardent pas et qu’à vrai dire on ne regarde pas non plus. Chacun attend pour lui son propre train qui le conduira à l’autre bout de la vie. Et après ? Que restera-t-il après ce beau ou ce moins beau voyage ? Il restera un quai désert, où soufflera le vent pour l’éternité et où la neige, malgré les moins dix degrés, ne crissera plus sous les pieds d’aucun passant. Il restera un quai où plus jamais ne passera le moindre train.
Ne serait-ce pas là la grande leçon de l’hiver ? Nous obliger à rentrer en nous-mêmes et nous faire réfléchir à ce que nous sommes inexorablement en train de devenir ?
01:52 Publié dans Errance | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : littérature
Commentaires
Et si au contraire tout était là, à partée de main, à portée de regard; s'il suffisait de tendre le bras, d'ouvrir les yeux vers l'horizon....
Je te souhaite une année lumineuse.
Écrit par : incertaine | 10/01/2010
"Et si au contraire tout était là, à partée de main"
Bien sûr. C'est en quelque sorte l'éternelle histoire de la bouteille à moitié vide ou à moitié pleine. Doit-on boire avec délice le vin qu'elle contient encore ou ne pas y toucher, au risque de le laisser perdre, sous prétexte qu'il en manque déjà beaucoup?
Il faut boire ce qui reste, à mon avis, mais savoir aussi que bientôt la bouteille sera irrémédiablement vide.
Écrit par : Feuilly | 11/01/2010
sûr, c'est toujours ça de gagné, nam primum vivere, deinde filosofari
Écrit par : giulio | 11/01/2010
Brrrr ! non ne n'aimerai pas me trouver sur ce quai de gare par ce froid matin d'hiver.....
Mais bon, en même temps c'est l'hiver ! on semble étonnés par le froid et la neige ce qui est logique malgré le chamboulement climatique.... Quant au temps qui passe ma foi ne pouvant rien contrôler à ce sujet je m'en accomode , carpe diem ......
Écrit par : Débla | 12/01/2010
@ Débla
Bonjour Débla et très bonne année à toi. Cela fait plaisir de te réentendre.
@ Feuilly
Image forte que celle de ce train. Du coup j'ai recherché le mot dans Le Robert, dictionnaire historique de la langue française et voici ce qu'il m'a plu de relever :
"Un 'train' a désigné (vers 1160), dans les chansons de geste, un ensemble de cadavres dont la terre est jonchée."
Écrit par : Michèle | 13/01/2010
Mais le même Robert historique nous dit aussi qu’en 1190 on a le sens de « convoi de bêtes voyageant ensemble », ce qui est quand même plus rassurant. En 1240 on trouve « file de bêtes de somme voyageant ensemble avec le personnel de service » et en 1225 on avait déjà « ensemble de domestiques, de chevaux, de voitures accompagnant une personne ». Dans ces exemples, on retrouve donc déjà les idées de file et de mouvement. C’est cette idée de suite, de convoi, que l’on a retenue dans notre « train » actuel. Le concept de mouvement, lui, se retrouve dans « un train de sénateur » et dans « au train où vont les choses ». Pour comprendre les tournures « train de vie » ou « mener grand train », il faut remonter à au concept « suite d’une maison, domesticité » et par extension « dépenses ».
Au départ de tout cela, on a le verbe « tragere », forme altérée de « trahere », tirer (voir aussi notre verbe « traire »)
L’idée première était donc d’effectuer un déplacement en tirant quelqu’un ou quelque chose. Puis on a mis l’accent sur la difficulté qu’il y avait, justement, à tirer (d’où : « se traîner » = avancer avec peine ou encore « traîner la jambe ») A un autre moment, on a plutôt vu l’aspect temporel, le temps que l’on mettait pour avancer (d’où : « traîner en longueur », « parler d’une voix traînante »).
Ah, la langue est un véritable roman et on ne peut pas ouvrir le Robert historique sans rester bouche bée ( de « bayer » ou « béer » et non de « bailler » comme chacun sait) devant les merveilles qu’il contient. Cela me donne la nostalgie du temps où, dans Marche romane je m’amusais ainsi à décortiquer telle ou telle tournure. Il faudrait peut-être penser à y revenir, entre deux poèmes…
Écrit par : Feuilly | 13/01/2010
Je suis d'accord o;) pour l'origine des mots et des expressions... J'adore ça o;)
Dans un roman sur la jeunesse de Marie Stuart, dans la collection Rouge et Or - Spirale (ça remonte aux années 60') Jacqueline Dumesnil titre un chapitre consacré aux voyages de la Cour en France, "De grand matin j'ai rencontré le train". Je pense qu'elle l'entendait dans le premier sens où tu le soulignes.
J'ai toujours aimé le train, préféré le train à la voiture (où là, on ne voit pas les autres, à tel point qu'on les écrase, au sens propre du terme...) - il est vrai que je ne navette pas, ce qui me ferait peut-être prendre le train en horreur !
Et connais-tu ce poème de Marcel Thiry, "les wagons de troisième étaient pleins de poètes" ???
Très beau...
Écrit par : Pivoine | 14/01/2010
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