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07/01/2010

AL –NABIGHA-AL-DHOUBYANI

De ses longs cheveux se voilant…

 

Le voile a glissé sans qu’elle voulût

Le voir tomber.

D’une main le saisit et de l’autre

Nous fit signe

D’avoir à craindre Dieu, en réprimant

Notre curiosité avide.

 

Une main aux doigts teints,

Souple, aux extrémités déliées

Comme fruits de l’anam

Qui semblent ne pouvoir

se nouer, tant est grande

leur délicatesse.

 

Puis, de ses longs cheveux noirs

à demi bouclés se couvrant,

elle se ploya comme la vigne s’appuie

sur l’étançon qui la soutient.

 

Enfin elle te regarda comme

Pour te rappeler que, malgré sa prière,

Tu aurais pu obtenir

Ce que tu n’as pas essayé de prendre…

Lourd regard d’attente qu’un malade

Adresse à ceux qui le visitent.

 

AL –NABIGHA-AL-DHOUBYANI (vers 604 de l'ère chrétienne)

Ce poète fréquenta tour à tour les rois arabes qui gardaient les frontières de l’Empire perse ou byzantin et fut très renommé de son vivant. Texte trouvé dans "La poésie arabe", anthologie traduite et présentée par René Khawam, Phébus, Libretto, pages 61 et 62.

 

 

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Image Internet

Commentaires

Texte sublime, Feuilly...Vraiment.
Jamais entendu parler de l'auteur. Merci de cette trouvaille, merci de la remettre au jour.
Pour notre délectation.

Écrit par : Bertrand | 07/01/2010

Oui, ce jeu des regards, dans lesquels passent différentes émotions, par ailleurs contradictoires, est sublime. Et d'un érotisme à vous couper le souffle tout en étant pudique.

Histoire de dire le raffinement de la culture arabe au VII° siècle de notre ère et de contrer les négationistes d'aujourd'hui qui, à droite de la droite, soutiennent que cette culture n'a jamais existé, que notre culture à nous ne doit rien aux Arabes -alors qu'on voit bien, en lisant cette anthologie, que l'amour courtois occitan en est l'héritier direct- et que notre Renaissance du XVI° doit tout à Constantinople et sûrement pas aux synthèses d'Averroès par exemple.

Écrit par : Feuilly | 07/01/2010

Excellent choix Feuilly, j'admire aussi le choix du traducteur : un fin connaisseur des deux cultures.
Je relis la dernière strophe : tout est affaire de regard dit le poème.
Amicalement

Écrit par : Arbi | 07/01/2010

L'érotisme est toujours pudique et c'est bien ce qui le différencie de la pornographie.
J'ai relu ce poème.
Derrière lui, il y a beaucoup, beaucoup de choses.
Très, très grand poème.

Écrit par : Bertrand | 08/01/2010

A l'instar de Bertrand, je relis et chaque lecture ouvre à un infini du sens.
Envie de lire d'autres poèmes arabes du VIIe, traduits, comme le dit Jalel, avec la fine connaissance des deux cultures.

Écrit par : Michèle | 08/01/2010

Splendide à vous couper le souffle! Mais quel poète!

bon article bio sub http://en.wikipedia.org/wiki/Al-Nabigha

Écrit par : giulio | 08/01/2010

Ce poème de la période pré-islamique est très intéressant. Il rejoint une multitude de poèmes arabes qui parlent de la chevelure féminine en lui attribuant un rôle de séduction essentiel et un pouvoir magique irrésistible qui s’apparente à la sorcellerie. Jusqu’à nos jours, rares sont les poètes arabes qui n’ont pas évoqué la sensualité de la femme sans l’associer à sa chevelure. Est-ce cette littérature sensuelle abondante qui explique les textes des théologiens musulmans recommandant aux femmes de « cacher leurs chevelures »? Je ne suis pas loin de le penser et ce n’est pas tiré par les cheveux !

Écrit par : halagu | 10/01/2010

Intéressante remarque, Halagu. Des cheveux déliés, non attachés, possèdent en effet une connotation érotique indéniable. Libres et longs, ils permettent à la femme de souligner sa féminité (par opposition aux cheveux courts des hommes). Passer sa main dans les cheveux ou les déployer subitement d’un geste brusque de la tête relève donc du langage de la séduction, nos psychologues occidentaux le disent. Le voile est donc bien un moyen de nier cette chevelure et d’interdire le message qu’elle voudrait faire passer. La femme peut donc être désirable pour son mari dans l’intimité, mais en aucun cas elle n’a le droit de séduire en public. La religion devient donc la garante de l’ordre social. La religion catholique n’ a pas fait autre chose quand elle a institutionnalisé le mariage dans le Haut Moyen-Age (voir les livres de Georges Duby sur ce sujet).

Écrit par : Feuilly | 10/01/2010

« Ce n’est que le christianisme, avec son fond de ressentiment contre la vie, qui a fait de la sexualité quelque chose d’impur : il a jeté de la boue sur le commencement, sur la condition première de notre vie». Nietzsche aurait pu remplacer le mot christianisme par un générique, le mot religion. Le mépris de la sensualité, de la sexualité, du corps et de la femme… date probablement de la première religion monothéiste ennemie de toute existence jubilatoire.

Écrit par : Halagu | 13/01/2010

G. Duby explique bien comment, pour l’Eglise primitive, ne comptait que l’au-delà et la vie après la vie. Cette vie-ci n’ayant aucun intérêt, il fallait la dépasser, d’où l’idée de chasteté pour les prêtres. Il fallait savoir faire un effort de privation maintenant, dénigrer son corps, pour mieux mériter la vraie vie, autrement dit la vie éternelle. Comme il était impossible de demander la chasteté à tout le monde, on a réservé cette pratique aux « purs » donc aux prêtres. Les autres, tant pis, continueraient à avoir des rapports sexuels, un peu comme les animaux, mais tant qu’à faire, on a canalisé tout cela dans le mariage (sacrement du mariage). Cela limitait ces pratiques à une seule partenaire et assurait la cohésion sociale (enfants légitimes dont l’aîné recevait seul l’héritage).

Écrit par : Feuilly | 13/01/2010

C'est superbe. Beau moment de lecture. Et il y a au moins autant à découvrir dans les commentaires à tes entrées que dans les entrées !

Écrit par : Pivoine | 14/01/2010

Les commentaires sont fermés.