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03/05/2010

Obscurité (23)

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Elle ne sait plus, tout est confus dans sa tête. Elle est terriblement fatiguée, elle n’en peut plus. Ce doit être le contre-coup de tous ces événements, c’est trop, vraiment. Elle se laisse tomber par terre, à la limite de la clairière et là, elle se met à pleurer. C’est un torrent de larmes qui déborde d’elle, comme si toute l’angoisse contenue depuis si longtemps avait enfin trouvé le moyen de s’exprimer. Elle pleure et plus elle pleure, plus les idées noires l’envahissent. Toute sa vie des derniers mois ressurgit du plus profond d’elle : le mariage raté, les coups, la fuite, la maison vide, la chute de Pauline dans le lac et maintenant cette agression… Qu’a-t-elle fait pour mériter tout cela ? Est-elle donc si mauvaise qu’elle doive être punie de la sorte ? Il faut croire que oui. Elle ne sait pas en fait. A travers ses larmes elle regarde le ciel où la lune brille maintenant de tout son éclat, énigmatique, lointaine, inaccessible, presque cruelle par son indifférence. Elle tourne autour de la terre depuis des millénaires. Une éternité ! Quel sens peuvent bien avoir ses souffrances à elle face à cet astre éteint et mort ? Elle contemple aussi les milliers d’étoiles de la voûte céleste. Qu’est-ce qu’une vie humaine, finalement, face à tout cela ? Et cette vie, à quoi set-elle ? A rencontrer quelqu’un un court instant, à souffrir de cette rencontre, à avoir des enfants, à les élever comme on peut, pour que dans vingt ou trente ans ils refassent la même chose, commettent les mêmes erreurs ? Mais c’est complètement absurde. Et ces étoiles qui brillent là-haut, quel est leur sens ? Aucun, évidemment. Ce ne sont que des bouts de cailloux en fusion qui se promènent dans le vide interstellaire. Elle sent comme un frisson dans tout son être. Ce vide, ce non-sens, jamais encore elle ne les avait perçus avec une telle acuité.

 

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Elle se souvient que, petite, elle a dû croire en un Dieu, une sorte d’être supérieur qui réglait tous les problèmes et qui était là pour réparer toutes les injustices. Si une personne souffrait alors que ce n’était pas mérité ou même si elle mourait prématurément, ce n’était pas trop grave, car on savait qu’ailleurs, dans une sorte de paradis très mal localisé, elle jouirait enfin d’une vie paisible et les milliards d’années dont se composerait sa vie éternelle compenseraient bien les douleurs endurées ici-bas pendant quelques décennies. C’est ce que lui avait appris ses parents, c’est ce que le vieil instituteur du village, avec sa barbe et ses petites lunettes rondes, avait enseigné aussi, et c’est ce que le prêtre, lors des leçons de catéchisme, avait répété inlassablement. Alors, gamine, elle y avait cru, à toutes ces histoires, forcément. Puis, plus tard, quand elle avait été grande, elle avait un peu oublié. Cela ne la regardait plus vraiment en fait. Elle était dans la vie active, sans une minute à soi, alors cette éternité ne la concernait pas beaucoup, la mort non plus d’ailleurs. Elle avait donc gommé de sa mémoire une grande partie de cet enseignement mais, quand même, il restait dans un coin de sa tête cette idée d’un grand horloger qui orchestrait tout et qui, fatalement, donnait un  sens à toute chose.

 

(...) 

07:00 Publié dans Prose | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature

Commentaires

" Comme toi hérisson c’est à la faveur de la nuit que je redresse la tête pour affronter le monde endormi. "

Écrit par : Michèle | 03/05/2010

Très beau moment «sous le monument aux oiseaux, suspendu entre deux eaux, dans le ciel...»

Écrit par : Natacha | 03/05/2010

Là, on est dans un moment important o;) (puisqu'elle a compris l'esssentiel...) Un jour, lors d'une promenade nocturne en famille, on a sauvé un hérisson en le transportant de l'autre côté de la route qu'il s'apprêtait à traverser. Enfin, est-ce qu'on l'a sauvé? Je ne le sais pas trop ...

Écrit par : Pivoine | 04/05/2010

J'aime bien ces instants où la contemplation offre un moment de répit.
Un clair de l'une et juste en dessous la sortie nocturne d'un hérisson vision d' un joli moment . Dite vision qui arrive même à décrocher un sourire à votre personnage et à moi aussi... Un sourire ça fait toujours chaud dedans .

Écrit par : ellesurlalune | 04/05/2010

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