18/03/2010
obscurité (13)
Le dîner fut charmant, presque romantique. Après avoir empourpré les collines, le soleil avait très vite disparu derrière le faîte des arbres et la grande nuit, implacable, était revenue. Avec elle, les premières chouettes avaient recommencé à lancer leurs hululements caractéristiques, mais nos amis ne les entendaient plus. Ils étaient fascinés par les flammes et, tout en dégustant leur omelette ou en avalant une feuille de salade, ils tournaient leurs regards vers ce bon feu crépitant qui les réchauffait et les éclairait. C’était comme un phare dans la nuit au milieu de l’océan, un refuge inespéré pour les naufragés qu’ils étaient et le seul fait de le regarder leur réjouissait le cœur. N’était-ce pas le principal ? L’enfant, cependant, se souvenait des moustiques qui étaient attirés par les phares de la voiture, lors de leur première nuit passée sur le plateau de Millevaches. Se pourrait-il qu’il leur ressemblât et que ce bonheur qu’il vivait en ce moment ne fût qu’un leurre et un mensonge ? Allons, il n’allait quand même pas se décourager maintenant ! Pour une fois que tout allait bien, il n’y avait pas de raison d’être négatif. A réfléchir au malheur, on finit par l’attirer. Alors il sortit de sa rêverie, se resservit un peu d’omelette et écouta sa petite sœur, qui se prenait pour Shéhérazade et qui n’en finissait plus de raconter des histoires aussi étranges que merveilleuses.
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08:30 Publié dans Prose | Lien permanent | Commentaires (33) | Tags : littérature
Commentaires
Écrit par : Michèle | 18/03/2010
Précision un peu triviale, Inutile à mon humble avis.
Écrit par : Bertrand | 18/03/2010
Espérons que nos fuyards n'imaginent pas comme le poète un retour désabusé dans l'univers familier.
("Si je désire une eau d'Europe, c'est la Flache noire et froide...")
Écrit par : Michèle | 18/03/2010
@ Michèle: je ne pense pas que c'est ce qu'ils imaginent, mais la société va certainement tenter de les faire rentrer dans le "droit chemin". Nous verrons ce que l'avenir nous réservera.
Noter l'emploi du mot "flache" chez Rimbaud, qui est un régionalisme des Ardennes pour "flaque". En réalité c'est le français d'Ile de France qui a adopté flaque d'après le normano-picard (avec un son "k" provenant des langues germaniques), tandis qu'on trouvait "flasque" en ancien français lequel a donc donné flache ("k" devenant "tch" puis "ch"). L'influence du picard est telle qu'on pourrait parfois se demander si l'origine de notre langue ne doit pas être cherchée là plutôt que dans l'Ile de France.
Écrit par : Feuilly | 18/03/2010
Écrit par : giulio | 18/03/2010
Écrit par : Feuilly | 18/03/2010
Ce qui suit est du domaine de la poésie amoureuse fantasmée et du rêve. (Rimbaud)
Si tu réduis, par cette petite phrase, tout ça, à un besoin physiologique, hormonal, tel le manger ou le boire, ça perd, à mes yeux beaucoup, sinon tout.
Mais cela n'engage évidemment que moi, c'est-à-dire pas grand monde....
Écrit par : Bertrand | 19/03/2010
Écrit par : Feuilly | 19/03/2010
Écrit par : Bertrand | 19/03/2010
Il faut être femme, avoir eu son corps nié trop longtemps, pour comprendre ce besoin ( j'aurai donc employé ce même mot ), c'est tout simplement se laisser aller, et accepter ce que le corps demande. Je n'y vois rien de trivial.... Il faut se pencher complètement dans le contexte du texte et essayer de se mettre à la place de cette femme.... Je suis femme, donc peut être plus facile pour moi ?!!!!
Écrit par : Débla | 19/03/2010
Derrière ces mots, il y a toute la pudeur féminine, qui n'ose pas avouer franchement son amour mais qui le dit quand même. Un délice.
Et pour la beauté des vers, citons Racine, dans "Iphigénie":
Je saurai, s'il le faut, victime obéissante,
Tendre au fer de Calchas une tête innocente,
Et respectant le coup par vous-même ordonné,
Vous rendre tout le sang que vous m' avez donné.
Si pourtant ce respect, si cette obéissance
Paraît digne à vos yeux d'une autre récompense,
Si d'une mère en pleurs vous plaignez les ennuis,
J'ose vous dire ici qu'en l'état où je suis
Peut-être assez d'honneurs environnaient ma vie
Pour ne pas souhaiter qu'elle me fût ravie, »
Ce dernier vers est bien une litote, puisqu'il témoigne en fait du désir de vivre de la jeune fille, que son père veut sacrifier pour avoir des vents favorables et aller semer la guerre à Troie. Rine d eneuf sous le soleil donc, la guerre l'a toujours emporté sur l'amour et la vie.
Écrit par : Feuilly | 19/03/2010
Je vois dans cet instant du bain le relachement de toute la tension acccumulée , un état éthéré, qui prend une dimension très poètique.....
Écrit par : Débla | 19/03/2010
Pour la litote, je répondais à Bertrand.
@ Debla: merci de ton commentaire car tu dis clairement ce que j'ai voulu exprimer par ce mot de "besoin". Malgré ses malheurs, cette jeune femme veut continuer à vivre et son corps lui rappelle qu'elle est jeune encore. Elle est mère (c'est pour d'abord pour protéger ses enfants qu'elle s'est sauvée), mais aussi femme. Ce moment de détente lui permet de s'en souvenir. Alors est-ce réducteur de parler de besoin, trop commun? Peut-être. Est-ce incompatible avec la poésie qui suit (les bougies, Rimbaud, le rêve un peu délirant)? Sans doute un peu aussi. Mais comment faire comprendre que c'est la nature qui ici dicte sa loi ? C'est moins par décision délibérée qu'elle retrouve sa féminité que par nécessité physique en quelque sorte. La scène s'y prête. Elle prend un bain, se déshabille et du coup se retrouve à contempler son corps. Elle qui n’avait été que mère depuis le début de l’histoire, retrouve une autre dimension d’elle-même. On peut d’ailleurs supposer que les derniers mois de vie commune avec le mari violent ont dû mal se passer. C’est dans la douceur (eau chaude, bougies) et par la douceur qu’elle renoue ave celle-même.
Et puis quoi, il serait vain de croire que nous sommes de purs esprits. La nature, bien souvent, dicte nos actions. Dans la querelle des Anciens et des Modernes, ne disait-on pas qu’on devait suivre la Nature ? C’était en tout cas la thèse d’Aristote, qui a plus d’autorité que moi pour trancher.
Écrit par : Feuilly | 19/03/2010
Je me suis transporté en arrrière, en imaginant que la femme aussi avait du vivre de mauvais moments avec un homme violent.
J'ai imaginé la trivialité dans l'utilisation de son corps par un homme violent ou aviné, qui ne donne pas, ni douceur, ni respect ...... Elle redécouvre donc dans ce moment de paix les vibrations intimes de son corps de femme... La mère là disparaît pour faire place à la femme et uniquement la femme, dans toute son acceptation....
Écrit par : Débla | 19/03/2010
Loin de moi une telle assertion, tu le sais bien, allons...
Il y a là malentendu, différence de vue...
Un corps nié est un individu nié, homme ou femme, dans sa totalité existentielle, personne n'a le privilège de cette triste constatation, et, le besoin d'être aimé est autant un appel de l'esprit, de la profondeur, que du corps. Là, comme partout, les deux notions sont indissociables. Je ne sais même pas si elles ont une existence autonome, ces deux notions.
Et c'est en axant "un besoin" plus sur l'une que sur l'autre, que ça devient trivial, à mon sens, parce ça coupe l'individu en deux et c'est faux
Je maintiens donc fermement.
Écrit par : Bertrand | 19/03/2010
L'attente de cette femme n'est pas le ressassement vain d'un temps antérieur. Elle n'est pas dans la fascination d'un passé "toujours déjà perdu". Elle a cassé sa coquille, s'ouvre, se découvre.
Tout cela ne s'est pas réalisé sans quelques brisures : vitre cassée par où tous trois passent et repassent ; frontière franchie (celle de la peur, celle du territoire familier qu'on a quitté)
Une thématique d'effraction pour dire l'accès à une autre vie.
Écrit par : Michèle | 19/03/2010
D'où toutes ces portes, ces serrures, ces couloirs obscurs, qui sont autant d'obstacles à vaincre pour accéder à autre chose.
Notons en pasant que c'est volontairement que j'ai privé la maison d'électricité (sinon, ils retombaient dans une maison banale, une vie banale). Ici, ils restent confrontés à l'obscurité (car ils ne sont pas sauvés, simplement en sursis), ils ont donc encore des épreuves à surmonter. Ils déjouent cette obscurité par différents moyens (le feu et son côté romantique, les bougies et leur caractère intime) qui leur permettent de se retrouver vraiment.
Écrit par : Feuilly | 19/03/2010
Est-ce que j'ose une remarque sur la forme? Le regard, jusqu'à présent, venait (presque) toujours de l'enfant. Soudain, l'angle de vision est essentiellement différent. A ce stade, cela déséquilibre. On pourrait imaginer que vous ajoutiez maintenant plusieurs fois dans l'histoire, la vision de la femme-mère, et pourquoi pas, celle de Pauline. Mais cette rupture!
Je n'ai aucun intérêt chez Flammarion Jeunesse, je trouve plutôt enrichissant que vous donniez une lumière plus adulte. Mais alors, il faut commencer plus tôt dans le récit.
J'ai lu le texte un peu vite. Le relirai ce soir.
A plus tard!
Écrit par : Natacha | 19/03/2010
Les héros ont lutté pour se sauver et trouver un refuge. Ils viennent de l'atteindre, l'équilibre est retrouvé. On est au point culminant de leur recherche. Après on verra.
Écrit par : Feuilly | 19/03/2010
Écrit par : Michèle | 19/03/2010
Si l'idée de retourner en arrière et de remodeler vous ennuie, restez alors dans la ligne claire: un même regard jeté sur l'histoire. Cela ne tient pas debout d'envoyer les enfants au lit et de changer tout l'éclairage!
Peut-être vous en sortirez-vous, je ne vois pas comment. Qui parle? L'auteur qui aime Rimbaud. Mais si l'auteur est comme Dieu, grand marionnettiste, pourquoi seulement maintenant? Avant, l'auteur avait le regard de l'enfant. Dans ce dernier texte, l'enfant est évidemment exclu. Est-ce que cela vous apparaît impossible de retravailler, reprendre? Où Dieu, le seul qui sait, peut-il s'en foutre du lecteur (de la lectrice Natacha, certes).
Bien à vous.
Écrit par : Natacha | 19/03/2010
Quant à Rimbaud, oui, le narrateur l’aime bien, mais son choix n’est pas gratuit. On suit la logique du voyage, de la quête, de la conquête de lieux impossibles et fabuleux (ce qu’ils ont trouvé dans la maison).
Loin de moi, donc, l’idée de me moquer de mes lecteurs.
Écrit par : Feuilly | 19/03/2010
Mais ce que je vois c'est qu'avant cette séquence 13, il y a eu des séquences où tout est montré en plan d'ensemble, c'est-à-dire qu'on situe bien les personnages entre eux et leur place dans les différents lieux.
Sans qu'il y paraisse, il y a déjà eu des focalisations sur la mère, sur Pauline et même sur la maison (qui pourrait raconter son histoire au fil des siècles).
Si bien que cette scène-ci qui est, certes, d'un autre ton, n'est pas si en rupture que cela, ou plutôt cette rupture est préparée par ces plans d'ensemble qui courent sur trois ou quatre des séquences précédentes.
Il faudrait relire plus finement que je ne viens de le faire, mais il me semble que ce gros plan sur la mère fonctionne.
Et l'on ne peut pas dire qu'elle envoie les enfants au lit et change tout l'éclairage. C'est leur première nuit là, elle les a couchés, comme elle a conduit la voiture, fait les courses. Elle prend son bain et a disposé des bougies autour de la baignoire...
Écrit par : Michèle | 20/03/2010
Voilà, il y a cela aussi. Ils accèdent tous à une autre vie. Elle, on ne l'a vue qu'en tant que mère depuis le début, il fallait donc montrer un chagement et la décrire en femme. On aurait pu imaginer une brève rencontre amoureuse pour dire la même chose, mais là cela aurait vraiment brisé la structure du récit, axée sur l'enfant. Ici, on reste dans le contexte initial: la maison, les bougies, le calme et la sérénité (comme au coin du feu). On profite du repos des enfants pour continuer dans la même logique mais en regardant un autre personnage. Je crois que si j'avais simplement dit qu'elle prenait un bain près de ses bougies et qu'elle se sentait bien, personne n'y aurait trouvé à redire.
Écrit par : Feuilly | 20/03/2010
"Un coup de projecteur" oui, préparé.
Écrit par : Michèle | 20/03/2010
Ce qui dérange, je crosi, c'est l'aspect érotique, qui est trop en rupture avec le ton initial du récit.
Et comme tu le dis, j'ai déjà donné de petits coups d'éclairage sur Pauline et la mère. Quant à la maison et à son aspect historique, on pourrait dire aussi que c'est hors sujet. Mais c'est au contraire pour donner une dimension supplémentaire à un récit qui ne se veut pas un livre pour enfants avec plein d'aventures.
On m'a tellement parlé de littérature jeunesse que par réaction j'ai plongé dans l'érotisme (inconsciemment snas doute). Mais bon, c'et poli quand même... Choquant peut-être, mais pas vulgaire.
Écrit par : Feuilly | 20/03/2010
Écrit par : Le Photon | 20/03/2010
Écrit par : solko | 20/03/2010
Écrit par : Débla | 20/03/2010
La scène décriée et un peu osée, je l’avoue, se veut surtout poétique et non provocatrice. D’où Rimbaud et son voyage onirique. Pour le reste, vous avez raison, la mise en abyme fait bien référence à ce qui s’est dit autrefois dans les commentaires au sujet de la maison et de L’Histoire (là aussi, le thème traité était décalé par rapport aux aventures de nos héros). C’était bien un clin d’oeil aux lecteurs.
Quant à la scène décrite, je ne pense pas qu’elle soit vulgaire (en tout cas elle ne se voulait pas telle) mais au contraire elle est exprimée d’une manière qui se voulait poétique (car l’érotisme est ici un moyen d’aller plus loin, au bout de soi-même, vers des voyages intérieurs.
Écrit par : Feuilly | 20/03/2010
Il est probable en effet, que le lecteur, qui a plusieurs jours pour imaginer la suite, soit contrarié quand le texte ne l’amène pas là où il voulait. Et ici, il est certain que j’ai voulu donner au récit une dimension plus adulte, pour rompre avec l’étiquette de roman pour enfants.
Écrit par : Feuilly | 20/03/2010
Écrit par : Feuilly | 20/03/2010
Dites 33 , ahhhhh . M'enfin docteur... Depuis quand est il mal vu de sortir du cadre? Depuis longtemps? je crois , non ? Hélas hein !
Il est interdit de souffler sur les bougies , non mais !
Écrit par : hérisson lunois, ou cactus gaffeur selon ... | 22/03/2010
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