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02/12/2010

Lecture du jour

Quand l'art atteint une plus grande perfection que la nature...

 

On trouve par escrit que Zeuxis, cet excellent peintre, ayant esté prié par quelques honnestes dames et filles de sa connoissance de leur donner le pourtrait de la belle Helaine et la leur representer si belle comme on disoit qu’elle avoit esté, il ne leur en voulut point refuser ; mais qu’avant d’en faire le pourtrait , il les contempla toutes fixement  et, en prenant de l’une et de l’autre ce qu’il y put trouver de plus beau, il en fit le tableau comme de belles pièces rapportées, et en representa par icelles Helaine si belle qu’il n’y avoit rien à dire, et qu’il fut tant admirable à toutes, mais Dieu mercy à elles, qui y avoyent bien tant aydé par leurs beautez et parcelles comme Zeuxis avoit fait par son pinceau. Cela vouloit dire que de trouver sur Helaine toutes les perfections de beauté il n’estoit pas possible, encor qu’elle ait esté en extremité très-belle.

Brantôme, "les Dames galantes"

 

richem.gifChâteau de Richemont, demeure de Pierre de Bourdeille, dit Brantôme, dans le Périgord.

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25/11/2010

Ecrire, dit-il. Oui, mais comment?

J’ai beaucoup réfléchi au dernier commentaire de notre ami Halagu sur l’écriture naïve, telle que Flaubert la définissait.

Dans les naïfs, Flaubert plaçait Homère et Montaigne, par exemple. Des gens qui exprimaient ce qu’ils avaient à dire, sans trop se soucier de ce qu’on avait écrit autour d’eux ou avant eux et qui, avec un langage simple, non étudié, parvenaient à exprimer leurs idées. Leur force est là. Ils disent ce qu’ils ont à dire et du coup ils atteignent leur but.

A côté des naïfs, Flaubert admirait aussi les classiques, qui eux parvenaient à une sorte de concision et à un équilibre certain. Quant aux contemporains (en gros les romantiques), Flaubert les rejette car ils s’épanchent sans arrêt et tournent au sentimentalisme.

En tant qu’auteur, Flaubert essaie donc de concilier la force du message des naïfs avec la force du style des classiques. Et ce n’est pas facile, assurément. D’autant qu’il se rend compte que sa chronologie des écrivains n’est pas cohérente et que quelqu’un comme Hugo, bien qu’il soit romantique et contemporain, est aussi un naïf. Pris par l'urgence de son message, Hugo n'a pas le temps de s’interroger sur son style. Il écrit. 

Néanmoins il y a une chose triste, c'est de voir combien les grands hommes arrivent aisément à l'effet en dehors de l'Art même. Quoi de plus mal bâti que bien des choses de Rabelais, Cervantès, Molière et d'Hugo ? Mais quels coups de poings subits ! Quelle puissance dans un seul mot ! Nous, il faut entasser l'un sur l'autre un tas de petits cailloux pour faire nos pyramides qui ne vont pas à la centième partie des leurs, lesquelles sont d'un seul bloc (correspondance à Louise Colet).

Dès lors, le naïf travaillerait « en dehors de l'Art même » tandis que l'artiste (Flaubert) se bornerait à « faire du style ». Voilà de quoi décourager notre bon Normand qui passe des heures à modifier une phrase et à trouver le mot juste. Le génie, lui, se contenterait de suivre son tempérament sans penser à rien d’autre qu’à son message. En un mot, il n’a pas de style, mais n’en a pas besoin.

Flaubert classe donc dans ces génies Rabelais, Cervantès, Molière (bien que classique) et Hugo (bien que contemporain) Du côté des artistes (qui donc ne sont ni naïfs, ni classiques), il place par exemple Horace, La Bruyère et lui-même. Ceux-là recherchent la perfection du langage, mais atteignent bien difficilement la vérité. 

D’où sa fameuse phrase : « Quel homme eût été Balzac, s'il eût su écrire ! »

Qu’en penser ? A trop travailler une œuvre, on risque de la rendre artificielle et de s’éloigner de ce que l’on voulait signifier au départ. Inversement, on dit à juste titre que le génie n’existe pas et que tout est dans le travail. Quant à Céline, il s’exprimait ainsi :

Des écrivains, ne m'intéressent que les gens qui ont un style. S'ils n'ont pas de style, ils ne m'intéressent pas. Les histoires, y’en a plein la rue des histoires. J'en vois partout n'est-ce pas des histoires, plein les commissariats, plein les correctionnelles, plein votre vie, tout le monde a une histoire et mille histoires...

Des écrivains comme René Char ou Francis Ponge ont assurément porté leur attention sur le style. Tout est dans le jeu sur la langue et les mots. Ils peuvent même être parfois obscurs ou en tout cas difficiles à comprendre. Personnellement, je les trouve un peu froid, mais cette opinion n’engage que moi.

Par contre, quelqu’un comme Philippe Jaccottet me semble concilier à la fois la recherche sur la langue (trouver le mot juste) et l’expression du sens et de la sensibilité.  Ce qu’il dit m’émeut et en même temps j’ai conscience que les termes qu’il emploie sont exactement ceux qu’il fallait employer.

On dit aussi que tant qu’on veut faire de la littérature, on n’en fait pas. C’est quand on croit ne plus en faire qu’on en fait. Cela se comprend. Si je m’efforce d’employer des subjonctifs imparfaits ou si je ne m’exprime qu’au passé simple, pour faire bien, je suis surtout scolaire et ennuyeux. Quand j’oublie tout cela et que je parle simplement, pour atteindre ce que j’ai à dire (avec, pourquoi pas, des dialogues, des interjections, du langage parlé etc.), mon texte devient plus fort, je captive et on m’écoute.

Quelqu’un comme Giono conciliait les deux. Il y a des passages avec un vocabulaire fort riche, des phrases très recherchées et puis subitement on tombe dans des dialogues en langage parlé, qui font « vrai ».

Prenons maintenant quelqu'un comme Daudet et sa chèvre de Monsieur Seguin. Il aurait pu être ennuyeux à mourir en nous contant cette histoire d’une chèvre échappée de son enclos (c’est que le sujet est mince en soi). Mais, non, il parvient à nous captiver par la manière dont il rend la situation :

Ah ! qu'elle était jolie la petite chèvre de M. Seguin ! Qu'elle était jolie avec ses yeux doux, sa barbiche de sous-officier, ses sabots noirs et luisants, ses cornes zébrées et ses longs poils blancs qui lui faisaient une houppelande ! Et puis, docile, caressante, se laissant traire sans bouger, sans mettre son pied dans l'écuelle. Un amour de petite chèvre !

Le tout est de savoir si Daudet s’exprime ainsi naturellement (s’il est un naïf) ou si son texte est le fruit d’un long travail de correction. Le principal, pour nous lecteurs, c’est que cela semble naturel et aller de soi.

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07:00 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (52) | Tags : littérature

20/11/2010

Bilan sur l'écriture d'Obscurité

Quel bilan convient-il de dresser après cette expérience originale que fut la rédaction d’Obscurité ?

 

Tout d’abord, rappeler qu’au départ il ne s’agissait que d’une nouvelle, l’actuel chapitre un, avec l’enfant apeuré dans la cave. On se souvient que ce sont les lecteurs qui ont insisté pour que je poursuive, alors que de mon côté tout ce que j’avais à dire était déjà exprimé.

 

J’ai donc relevé le défi, un peu par jeu, un peu pour leur faire plaisir, mais surtout pour satisfaire mon propre plaisir d’écrire. Au départ, je n’imaginais évidemment pas que mon texte prendrait une telle ampleur. Je pensais à cinq ou six chapitres, sans plus. Et puis voilà. J’ai eu la chance de trouver un fil conducteur (le voyage), qui me permettait à la fois de parler des paysages traversés et d’ajouter une petite intrigue à chaque épisode. Je veux dire par-là qu’il n’y avait pas de plan d’ensemble, je ne savais absolument pas où j’allais aller.

 

Chaque chapitre était donc plus ou moins fermé sur lui-même. J’inventais un incident que je développais et généralement la fin du chapitre restait ouverte, suscitant la curiosité des lecteurs. Souvent, je me suis trouvé entraîné beaucoup plus loin que prévu. Par exemple, quand nos héros partent à Limoges pour trouver une clef, je croyais traiter cela en un  chapitre. Mais voilà, un incident en a amené d’autres. Pauline a failli se faire écraser en rue, puis il y a eu l’accident du sanglier (une route peu fréquentée, le soir…). Comme l’enfant était à l’écart, en train de regarder la pauvre bête qui agonisait, la mère se retrouvait seule sur la route et dans le noir. D’où l’idée de l’agression, ce qui a amené la fuite précipitée en voiture et la nuit passée dans les bois, etc.

 

Au début, les chapitres étaient de plus ou moins 8.000 signes (bonne longueur pour lire un texte sur écran), mais petit à petite et malgré moi ils se sont allongés (plus de 10.000 signes, parfois 12.000). Heureusement, il y  avait les photos pour aérer un peu le texte.

 

La seule chose dont j’ai assez vite été certain, c’est que l’histoire finirait mal et qu’elle finirait par un accident de voiture dans le Verdon. Mais moi, à ce moment-là, j’étais dans la Creuse. En dehors de cet accident du Verdon, tout a été laissé au hasard. Bien souvent ce sont les personnages eux-mêmes qui m’ont guidé (les souvenirs de la mère à Bergerac ou à Beynac par exemple). J’espère que l’ensemble ne donne pas une impression de décousu, c’est le risque. Evidemment, on est pris par l’action et on a envie de connaître la suite, ce qui fait un peu oublier le manque de structure de l’ensemble.

 

Les lieux géographiques cités sont généralement connus de  moi, ce qui était une force pour en rendre l’atmosphère. A part Limoges, où je ne suis jamais allé  et la plage des Landes sous la tempête, j’ai visité et même logé à Beynac, Hendaye, St Julien d’Arpaon, etc. C’était aussi pour moi l’occasion de renouer avec mes souvenirs, certains fort éloignés et remontant à l’adolescence. Les chouettes de La Courtine sont réelles. Je n’ai jamais entendu autant d’oiseaux de nuit que dans cet endroit. Evidemment, ici, le cri de ces chouettes dépasse l’anecdotique pour prendre une autre dimension (la chouette voit dans l’Obscurité à la différence de l’enfant ; son cri est inquiétant, etc.)

 

Qu’en est-il des commentaires ? Le texte a bien pour origine la volonté des lecteurs d’avoir une suite au chapitre un (qui ne s’appelait pas encore le chapitre un). Très vite le dialogue s’est installé en cours de rédaction. Cela a cependant coincé à un certain moment, quand des désaccords sont apparus (l’incident du bain de la mère : on quittait une histoire innocente pour entrer dans autre chose. On ne se concentrait plus sur l’enfant mais sur tous les personnages). J’ai tenu bon car je sentais que mon texte serait plus volumineux que prévu et que j’avais la possibilité de mettre tout les personnages en scène. Vers la fin de l’histoire, je me suis aussi fait plus discret dans mes réponses aux commentaires car chacun voulait me proposer sa propre manière d’envisager la suite et je ne voulais ni me laisser influencer, ni dévoiler ce que j’avais en tête. Le plus dur, c’est quand dans un commentaire je trouvais exactement ce que j’allais dire le lendemain (partir à l’étranger par exemple). J’avais un peu peur qu’on ne m’accusât de plagiat ou que mon roman ne devînt celui de tous. Car si j’ai innové en écrivant en direct, sans relecture de l’ensemble et sans possibilité d’aller rectifier des détails (je devais me contenter des situations dans lesquelles j’avais mis mes personnages et bien souvent je me suis demandé ce que j’allais faire pour les sortir du pétrin où ils étaient allés se fourrer), si j’ai innové, dis-je, en écrivant en direct, ce « roman » ne fut pas non plus une écriture collective et j’ai très vide mis des barrières. J’aurais été incapable de suivre les suggestions des lecteurs, qui m’auraient envoyé l’un à droite, l’autre à gauche au point que j’en aurais perdu le Nord.

 

Pour ma méthode de travail, elle est chaque fois la même et il en a toujours été ainsi.  L’histoire (le thème plutôt) me trotte en tête pendant un ou deux jours. Je n’y pense pas volontairement ni systématiquement, mais à certains moments (en attendant un métro, en se brossant les dents) des idées viennent. Puis elles s’agencent petit à petit. A ce moment, j’ai donc mon plan pour l’épisode suivant. Je sais ce qui va se passer, mais cela tient en quatre mots. Quand je me mets à écrire, je développe ces quatre mots, c’est tout. Cela se fait alors facilement, mais il me faut donc en amont ces deux ou trois jours durant lesquels les idées, encore embryonnaires, germent, sans cela je ne suis incapable d’écrire. Une fois que tout est rédigé, il faut relire, mais je me contente souvent de corriger les fautes de langue, d’améliorer, de modifier, pour rendre une phrase plus harmonieuse, plus musicale. C’est là sans doute ma faiblesse, je ne corrige pas assez. Mais l’avantage, c’est que le texte, malgré ses imperfections, conserve sans doute une certaine fraîcheur.

 

Ce fut parfois un peu stressant de savoir que les lecteurs attendaient la suite, alors que le dernier épisode avait été posté un lundi par exemple, qu’on était déjà le vendredi et que je n’avais encore rien imaginé dans ma tête. D’un autre côté, je reconnais que sans cette pression derrière moi, j’aurais sans doute trouvé mille prétextes pour faire des choses plus urgentes et soi-disant plus importantes (la gestion des tâches quotidiennes). Merci donc à tous.

 

Pour votre information, Obscurité fait finalement 116 pages Word, des pages pleines évidemment. Il comporte 589.889 signes (espaces compris), ce qui n’est tout de même pas rien.  

 

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16:18 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : littérature

15/11/2010

Obscurité (61)

 

 

 

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07:00 Publié dans Prose | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : littérature

12/11/2010

Obscurité (60)

 

 

 

00:28 Publié dans Prose | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : littérature

08/11/2010

Obscurité (59)

 

 

 

 

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07:00 Publié dans Prose | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : littérature

04/11/2010

Obscurité (58)

« Comment çà, plus d’argent ? » demanda Pauline qui avait tout entendu. « Vous savez bien que j’ai dû payer la réparation de la voiture et qu’à la banque il m’a été impossible de retirer quoi que ce soit. Et si je me rends dans une autre banque, il y a de fortes chances pour que la police débarque à nouveau. J’ai donc de l’argent sur mon compte d’épargne, mais c’est comme si je n’en avais pas puisque je n’y ai pas accès. » « Qu’est-ce qu’on va faire alors ? » « En réalité, il me reste soixante-dix euros. Mais le réservoir de la voiture est presque vide et si on veut arriver jusqu’en Italie, il faudra bien garder cet argent pour faire le plein. Sinon, tout est fini.» « Mais comment est-ce qu’on va pouvoir rester sans manger ? » s’inquiéta encore la petite. « On va essayer de dormir quelques heures. Ce sera l’occasion de vérifier la véracité du proverbe « qui dort dîne ». Après on repartira en pleine nuit, pour ne pas attirer l’attention des patrouilles de gendarmerie. Car cette fois, l’alerte générale doit être donnée et à l’heure qu’il est ils sont sûrement tous à nos trousses. Le plus dur, cela va être de passer la vallée du Rhône. Ils vont surveiller les ponts sur le fleuve. » « Comment est-ce qu’on va faire alors ? » demandèrent les deux enfants en même temps. « Je ne sais pas encore très bien. Mais il faut absolument qu’on passe le Rhône. Après, on sera en montagne, on prendra les petites routes et on se dirigera vers l’Italie. »

 

(...)

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31/10/2010

Obscurité (57)

 

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26/10/2010

Obscurité (56)

 

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22/10/2010

Obscurité (55)

 

 

 

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Ce ne fut pas bien facile de trouver ce troisième garage. Enfin, si on pouvait appeler cela un garage... C’était plutôt une sorte de prairie encadrée par une palissade de tôles de toutes les couleurs et de toutes les dimensions. Là-dedans, il y avait bien une centaine de véhicules, dans tous les états possibles et imaginables. Certains semblaient quasi-neufs, d’autres n’avaient plus de pare-chocs ou avaient les vitres brisées, d’autres encore étaient sans moteurs et laissaient béer un capot désespérément ouvert. De nombreuses voitures étaient même méconnaissables. Déclassées lors d’un accident ou brûlées lors d’une émeute, elles offraient des carcasses de tôle déchiquetée ou calcinée, quand ce n’était pas les deux à la fois. Il y avait aussi des sièges qui traînaient un peu partout. Certains, éventrés, laissaient échapper leurs ressorts. Abandonnés là depuis des années, malmenés par les hivers rigoureux et les étés torrides, ils ne ressemblaient plus à grand-chose. Dans ce cimetière, une bonne dizaine d’hommes s’affairaient à démonter des pièces. La mère les regarda d’abord distraitement, puis avec incrédulité quand elle s’avisa qu’ils faisaient partie de la clientèle. Manifestement, chacun allait chercher ce qui lui convenait dans ce tas de ferraille et ensuite on passait à la caisse pour payer. Elle était tombée dans une sorte de self-service des pièces détachées, il ne manquait plus que cela !

 

Cela ne l’arrangeait pas beaucoup car elle ne voyait pas comment elle allait repérer un démarreur sur une vieille 206 ni surtout comment elle allait s’y prendre pour le démonter sans casse. C’est donc avec une certaine appréhension qu’elle franchit la porte de la petite cabane qui servait de bureau. Trois hommes étaient en train de discuter avec le patron, mais tout le monde se tut quand elle entra. A part le patron, personne ne répondit à son bonjour et elle se sentit aussitôt mal à l’aise. Mais déjà on ne faisait plus attention à elle et la conversation reprenait. A vrai dire, elle ne comprenait pas grand-chose à ce qui se disait. On parlait de vilebrequin, d’arbre à cames, de vérin rotatif ou de silentbloc, bref on employait un tas de termes qu’elle ne connaissait absolument pas et elle en était à se demander si ces gens-là s’exprimaient bien en français. Ben oui, pourtant. Le malaise qu’elle avait ressenti en entrant s’amplifiait. Elle se sentait vraiment étrangère dans ce monde d’hommes, à mille lieues de leurs centres de préoccupation à eux. Parfois, un des locuteurs la regardait à la dérobée et cela l’agaçait vraiment. Elle avait l’impression d’être une bête curieuse qui aurait débarqué d’une autre planète.

 

(...)

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16/10/2010

Obscurité (54)

 

 

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11/10/2010

Obscurité (53)

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04/10/2010

Obscurité (52)

A partir de ce moment, l’enfant ne se souvient plus très bien des endroits qu’ils ont traversés, tant leur parcours a commencé à ressembler à une fuite perpétuelle. Une seule chose est sûre, c’est qu’après le causse du Larzac, ils sont passés par Millau, où ils ont admiré le grand viaduc de l’autoroute dont on avait tant parlé dans la presse. Mais après ? Ils ont dû longer le causse Noir et traverser celui de Sauveterre car ce soir-là ils ont campé à Marvejols. La ville était trop grande pour que la mère eût envie de s’y établir, aussi, dès le lendemain, continuèrent-ils vers le Nord et ils se retrouvèrent finalement dans le massif de l’Aubrac. A quel endroit exactement, il ne pourrait plus le dire, mais pour la première fois il avait fait très froid la nuit et au petit matin ils avaient été heureux de boire un chocolat chaud pour se réchauffer. Heureusement, ils étaient dans un camping à la ferme et ils avaient pu acheter sur place du vrai lait, cent pour cent naturel, du lait comme ils n’en avaient jamais bu et qui n’avait rien à voir avec celui qu’on vendait en bidon. Pauline avait regretté l’absence d’Azraël, car celui-ci n’aurait pas manqué de se régaler s’il avait pu y goûter. Pauvre chat, il était mort trop jeune, sans avoir pu jouir de tous les plaisirs de la vie…

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Après l’Aubrac, trop froid, ils étaient montés encore plus au Nord par de petites routes sinueuses et vraiment dangereuses. Heureusement, on avait le temps et pour une fois on ne roula pas trop vite. Ils arrivèrent finalement à Murat, dans le Cantal. Ils y restèrent six nuits car la mère voulait explorer la région à la recherche de son hypothétique village. La journée, ils la passaient donc en voiture, à sillonner les routes dans tous les sens. Il faisait chaud en ce début septembre, vraiment chaud et ils virent des paysages magnifiques, notamment le Plomb du Cantal, mais pas uniquement lui. On était loin de la plaine languedocienne ici et c’était carrément des montagnes qu’ils traversaient. C’était donc très beau, il n’y avait pas à dire, mais les nuits étaient affreusement froides. En effet, le camping de Murat devait se situer aux alentours des mille mètres d’altitude. Comme le ciel était dégagé, il faisait très chaud la journée, mais les nuits étaient quasi polaires. L’enfant se souvient qu’il grelottait dans son sac de couchage, malgré le pull qu’il enfilait au-dessus de son pyjama. A la fin, ils ne déshabillaient même plus et dormaient tout habillés. Pour se réchauffer un peu, lui et Pauline avaient trouvé une astuce dont ils n’osèrent pas parler à leur mère. Ils s’étaient mis à dormir dans le même sac de couchage. Certes, ils y étaient un peu à l’étroit, mas au moins la rigueur des nuits du Cantal leur semblait moins dure à supporter. Et puis il y avait aussi quelque chose d’affectif dans leur démarche.

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C’est qu’ils sentaient que leur mère allait maintenant au hasard, sans but précis. Certes elle cherchait son fameux village, celui qui aurait eu toutes les qualités qu’elle désirait, mais ils se rendaient bien compte qu’elle ne le trouverait jamais. Ils avaient même l’impression qu’elle ajoutait de nouvelles exigences chaque fois qu’ils en repéraient un qui aurait pu convenir. Non, celui-ci était trop peuplé ou au contraire il n’y avait plus que quelques personnes âgées qui y vivaient encore et c’était morbide. Celui-là était trop proche de la route nationale, il fallait l’exclure d’office. Un autre était bâti sur un plateau exposé aux regards, il aurait fallu une forêt pour le dissimuler. Une forêt ? Justement le suivant était en plein bois. Oui, il aurait pu convenir, mais il était vraiment éloigné de tout. Eloigné de tout ? Mais n’était-ce pas ce que l’on cherchait ? Sans doute, mais il n’y avait pas d’école… « Mais, maman, il n’y a jamais d’école dans un village ». « Certes, mais si au moins il était desservi par une ligne d’autobus, je ne dirais pas non… » Bref, ils avaient beau mettre en avant les qualités respectives de tous les villages traversés, leur mère ajoutait à chaque fois de nouvelles exigences. Ils en étaient donc arrivés à la conclusion qu’elle ne désirait pas vraiment trouver une solution et qu’elle préférait chercher une sorte de chimère inaccessible. Cela ne faisait pas trop leurs affaires car ils commençaient à se lasser de ce voyage perpétuel dont le terme semblait bien incertain. Ils s’étaient donc rapprochés de plus en plus et ils avaient fini par ne plus parler qu’à deux, nouant une complicité extraordinaire dont l’adulte du groupe, petit à petit, fut exclu. Ils étaient un peu devenus les marins sages d’un navire dont le capitaine aurait perdu la raison. Comme il y allait de leur survie, ils se mirent donc à prendre des initiatives à deux, sans même en avertir leur mère. Ainsi c’étaient eux, maintenant, qui s’occupaient des repas ou qui décidaient qu’il fallait s’arrêter de rouler pour faire quelques emplettes. C’étaient eux aussi qui montaient et démontaient les tentes ou qui lavaient la vaisselle.

Dans un tel contexte, on peut comprendre qu’ils aient cherché une solution pour combattre la froideur des nuits. Et c’est ainsi qu’ils se retrouvèrent dans le même sac de couchage, bravant tous les interdits familiaux sur l’inceste. Oh, ce n’est pas Pauline qui pensait à mal, elle était surtout bien contente d’avoir un peu de chaleur, tant physique qu’affective, et se retrouver ainsi dans les bras de son grand frère. Lui par contre ne savait plus trop où il en était. Parfois ce n’était qu’un enfant qui dormait innocemment avec sa sœur, parfois au contraire son sommeil était agité par des rêves étranges. A chaque fois, il lui semblait entendre une musique sublime. Il était en pleine forêt et il marchait vers la source de ces sons merveilleux. Alors, dans une clairière, il découvrait sa sœur qui jouait du violoncelle et son amie musicienne était à ses côtés, guidant ses mains. L’enfant alors se réveillait. Il se sentait ému et son cœur battait très fort. Puis il se rendormait en tenant Pauline fortement enlacée, ne sachant plus trop bien qui elle était, de sa sœur ou de son amie. Dans le rêve, la musique recommençait, plus plaintive, plus langoureuse. Il se réveillait de nouveau et là il avait nettement conscience d’avoir un corps de fille collé contre le sien et cela le troublait fort. Il sentait alors dans son propre corps comme un émoi inconnu qu’il ne s’expliquait pas. Puis il se rendormait et, au matin, il avait tout oublié.

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A l’aube du septième jour, la mère décida de partir. Elle ne trouverait rien dans le Cantal. Elle avait longuement consulté la carte Michelin et elle était arrivée à la conclusion que le seul endroit où elle pourrait découvrir un village isolé dans les bois, c’était dans les Cévennes. En plus, ce massif se trouvait plus au Sud et était moins élevé en altitude, ce qui n’était pas négligeable car elle commençait également à souffrir des nuits glaciales de Murat. On démonta donc les tentes et on reprit la route. Au moment de payer le camping, la tenancière demanda l’air de rien si les enfants allaient à école. Il fallut mentir avec aplomb. Justement, ils retournaient chez eux pour cela, mais leur école avait été incendiée début juillet et la rentrée avait été reportée d’une semaine. La brave dame fit semblant de les croire et leur souhaita un bon voyage, mais à peine furent-ils seuls dans la voiture qu’ils convinrent qu’ils étaient confrontés à un problème supplémentaire. Il n’était pas normal, en effet, que des enfants se promenassent ainsi en pleine journée. Les vacances avaient constitué leur alibi principal jusqu’à maintenant, mais non seulement cet alibi ne les couvrait plus, mais même il les desservait carrément. Il allait leur falloir être de plus en plus vigilants et éviter de parler avec les gens. Évidemment, cela ne serait pas très commode pour trouver une maison à louer… « Et on va la payer avec quoi, dis, maman, la maison ? » demanda Pauline. La mère expliqua qu’il lui restait encore suffisamment d’argent sur son compte d’épargne et qu’elle pouvait tenir quelques mois encore. Après, on verrait. Voilà une réponse qui ne rassura personne.

 

 Ils roulèrent donc vers le Sud-Est, longèrent le massif de la Margeride puis, après Saint-Chély d’Apcher, ils obliquèrent vers Mende, qu’ils prirent grand soin d’éviter. Ensuite, ils abordèrent le causse de Sauveterre, où ils  se perdirent littéralement dans les petites routes. C’était un vrai désert, avec de grandes étendues pelées, de l’herbe rare et quelques moutons. Ils avaient l’impression d’avoir atteint le bout du monde et comme en plus la mère n’arrivait pas à retrouver sa route, les enfants commençaient à ne pas être trop rassurés. Il était déjà plus de vingt heures quand on décida de dîner. Il fallait se dépêcher avant que la nuit ne tombât. Quant à trouver un camping dans ce lieu lunaire, il ne fallait même pas y compter. On installa le Campingaz près de la voiture, à l’abri du vent, et on cuisina comme on put. Malheureusement, à un certain moment, la mère eut l’imprudence de dire qu’ils étaient dans le Gévaudan. Elle avait raison, puisque cette province de l’ancien régime correspond plus ou moins au département actuel de la Lozère, où ils se trouvaient. Mais dès qu’elle entendit ce nom de Gévaudan, Pauline fut prise de panique car elle avait lu trop de contes qui parlaient de la Bête. On eut beau lui expliquer que tout cela s’était passé il y avait très longtemps et que de toute façon cette fameuse bête n’était probablement qu’un grand chien ou à la rigueur un loup, rien n’y fit. La petite n’en démordait pas. Déjà qu’ils avaient croisé un loup blanc, l’autre jour le long d’un canal, dans un endroit qui était loin d’être aussi désertique que celui-ci, alors il était clair pour elle que des hordes de loups gigantesques allaient les attaquer d’un moment à l’autre. Elle jetait à gauche et à droite des regards effarouchés et sursautait au moindre bruit. D’ailleurs, c’est à peine si elle toucha à son assiette. Elle décréta que pour rien au monde elle ne dormirait dans la tente si jamais on la montait. La Bête aurait bien trop facile de se glisser par en-dessous pour venir planter ses dents dans sa gorge. Et puis elle était trop jeune pour devoir mourir !

Sur ce dernier point, tout le monde lui donna raison, mais pour le reste on essaya de lui prouver que ses craintes étaient tout à fait injustifiées ou en tout cas fortement exagérées.  Rien à faire, Pauline n’en démordait pas : cette région était infestée de loups, c’était une chose que tout le monde savait et la preuve c’est qu’on en parlait même dans les livres. Sa mère tenta de lui expliquer qu’il y avait certainement eu, autrefois, un loup qui sortait de l’ordinaire et qui avait semé la panique dans tout le Gévaudan. Mais bon, c’était il y avait très longtemps et cela ne s’était jamais reproduit. Malheureusement, les gens en avaient tellement parlé, que ce loup était devenu un véritable mythe et qu’il était entré dans les contes. « Cela voudrait donc dire », riposta la gamine, « que ce que l’on dit dans les livres n’est pas exact ? » « Ben, c’est-à-dire… Quand c’est un roman ou un conte, non, ce n’est pas vraiment la réalité. Ou en tout cas celle-ci est fortement déformée et exagérée. » « Tu veux donc dire », ajouta-t-elle, «que les histoires de Shéhérazade ne sont que des inventions et qu’il n’y a rien de vrai dans tout cela ? » « Ben non, ce sont des contes, donc des histoires inventées. » Pauline la regarda, effarée et complètement désorientée. Elle avait l’impression que le sol s’effondrait sous ses pieds. Bien sûr, quelque part, elle savait qu’un conte n’était pas la réalité, mais d’un autre côté elle croyait dur comme fer à toutes ces histoires qui la faisaient rêver. Or, si tout n’était qu’invention, cela voulait dire aussi que les choses auxquelles elle aspirait ne se réaliseraient jamais. Elle ne serait donc pas une belle princesse vivant dans un château et aucun beau prince ne viendrait sur son cheval blanc... Elle était anéantie, tout se défaisait autour d’elle. En réalité, elle venait de quitter brusquement le monde enchanté de l’enfance pour découvrir, un peu trop tôt sans doute, la dure réalité de la vie. 

 

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Comme il était déjà près de vingt et une heures et que la nuit allait bientôt tomber, on renonça à monter les tentes. D’ailleurs le sol pierreux semblait bien trop dur pour pouvoir y planter le moindre piquet et en plus le vent venait de se lever. Tout le monde dormit donc dans la voiture, à la plus grande satisfaction de Pauline, d’ailleurs.

 

Le lendemain, on se leva de bonne heure. Ils se demandaient un peu où ils étaient, perdus dans ces étendues désertes. Dans le ciel, des oiseaux de proie planaient, mais ils étaient tellement haut qu’il était difficile de les identifier. L’enfant dit qu’il avait remarqué la veille, non loin de là, une carcasse de mouton, dont il ne restait que les os blanchis. Pauline prit prétexte de cette découverte pour recommencer avec son histoire de bête du Gévaudan. Cela en devenait presque lassant. On mangea assez rapidement, puis on décida de partir. Il fallait reconnaître que ce lieu aride, où il n’y avait que des pierres et des animaux morts, n’était pas très accueillant. On bourra tout dans le coffre et on monta dans la voiture. Malheureusement, quand la mère voulut mettre le moteur en marche, celui-ci refusa de démarrer. Elle essaya deux fois, trois fois, rien ! Allaient-ils donc devoir rester là toute la journée ? Sans même savoir si quelqu’un allait passer ? Quelle horreur !      

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01/10/2010

Obscurité (51)

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27/09/2010

Obscurité (50)

 

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21/09/2010

Obscurité (49)

 

 

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16/09/2010

Obscurité (48)

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10/09/2010

Obscurité (47)

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04/09/2010

Obscurité (46)

 

 

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30/08/2010

Obscurité (45)

 

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« Et s’il s’était perdu ? » demanda Pauline dans un sanglot. On tenta de la rassurer, mais la mère comme l’enfant savaient au fond d’eux-mêmes qu’elle n’avait que trop raison. On abrégea donc un peu le repas et on se mit à faire une battue en règle. On inspecta d’abord tout le camping, en interrogeant l’ensemble des touristes présents. Un chat ? Non, malheureusement personne n’avait vu de chat. Alors on agrandit le cercle des recherches et on arpenta la campagne avoisinante. On ratissa comme on put les champs de maïs qui poussaient le long de la Dordogne, on examina les berges du fleuve, on parcourut les chemins de terre. Rien. On alla jusqu’à traverser le pont et à patrouiller sur l’autre rive, dans des champs et de petits bois. Toujours rien. On finit par se séparer pour agrandir le périmètre des recherches, avec consigne de se retrouver près de la tente dans une heure. Pauline et sa mère se dirigèrent vers la ville tandis que l’enfant, suivant son instinct et répondant au mauvais pressentiment qu’il avait, se mit à suivre la départementale en direction de La Roque-Gageac.

Il n’avait pas parcouru un kilomètre quand il l’aperçut de loin le long de la route, immobile dans l’herbe du fossé. Plus il s’approchait, plus son cœur battait, car il ne voulait pas croire à l’inéluctable. Peut-être qu’Azraël dormait, tout simplement, épuisé par sa longue promenade. Mais enfin, c’était là un bien curieux endroit pour s’assoupir, avec les voitures qui passaient à cinquante centimètres de lui. Hélas, quand il ne fut plus qu’à deux mètres, il s’immobilisa : C’était bien Azraël, mais il ne bougeait plus. Il ne bougerait jamais plus, en fait. Du sang lui sortait par les oreilles et par le nez et de son ventre s’échappait quelques viscères. L’enfant s’agenouilla près de son chat et le regarda tout ému. Qu’est-ce qu’il allait dire à Pauline ?

(...)

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26/08/2010

Obscurité (44)

 

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19/08/2010

Obscurité (43) (et cinq centième note de Marche romane)

 
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13/08/2010

Obscurité (42)

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09/08/2010

Obscurité (41)

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05/08/2010

Obscurité (40)

 

 

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14/07/2010

Obscurité (39)

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08/07/2010

Obscurité (38)

L’enfant se mit aussitôt à courir en direction de la maison, ce qui eut pour effet de réveiller tous les porcs à moitié assoupis, tandis que le verrat, lui, trottinait déjà sur ses talons. Il se retourna juste une seconde, pour évaluer la distance qui le séparait de l’animal. Elle n’était pas bien grande cette distance, pour ça non ! Dix mètres tout au plus, ce qui ne le rassura pas du tout, vu qu’il devait encore bien parcourir deux cents mètres pour parvenir à la clôture.  En même temps, il nota que tous les cochons étaient maintenant debout et qu’ils commençaient à grogner d’une manière effroyable. Il continua donc à courir, mais ce n’était pas facile car la prairie montait en pente vers la ferme, ce qui ralentissait considérablement sa progression. Il sentait ses jambes qui tremblaient sous lui et son cœur qui battait à tout rompre. Il avait l’impression d’un grand vide intérieur, comme si toutes ses forces l’avaient subitement abandonné.

Derrière, ça n’en finissait plus de grogner et de couiner. C’était un raffut pas possible. Il se retourna encore une fois pour constater que le verrat s’était dangereusement rapproché, tandis que là-bas, les énormes truies s’étaient toutes mises à courir dans sa direction également. Et ce qui devait arriver, arriva. A trop regarder en arrière, il ne vit pas une taupinière contre laquelle son pied vint buter. Ce fut un fameux plongeon, qu’il fit là, il n’y avait pas à dire. Il se retrouva à plat ventre par terre, tandis que les mains et les genoux lui faisaient bien mal. Il se retourna tout en se redressant à moitié et se retrouva assis. A un mètre de lui, l’énorme verrat venait de s’immobiliser, se demandant sans doute pourquoi sa victime abandonnait subitement la partie. Ce n’était plus de la peur que ressentit l’enfant, mais véritablement de la panique. L’animal était là, énorme, tellement près qu’il aurait pu le toucher. Il en sentait l’odeur caractéristique et derrière les autres arrivaient en grognant toujours et en se bousculant. Si un seul de ces monstres l’attaquait, il était perdu. Cela allait être la curée et il n’en sortirait pas vivant. Alors, avec l’énergie du désespoir, il se releva d’un bond et avec sa main lança la terre de la taupinière dans les yeux du porc puis il reprit sa course effrénée vers la clôture. Quelque part dans un hangar, des chiens se mirent à aboyer furieusement.

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07/07/2010

Obscurité (37)

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27/06/2010

Obscurité (35)

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Bref, toutes ces idées s’entrechoquaient dans sa tête pendant qu’ils continuaient d’avancer, si bien qu’ils se retrouvèrent à la clairière sans même qu’il s’en rendît compte. La musicienne arrêta de jouer sitôt qu’elle les vit. Comme ils restaient là, interloqués, elle leur fit un petit signe et tout en souriant leur dit d’avancer. « C’est ta petite sœur ? Tu ne m’avas pas dit que tu avais une sœur. Elle est bien jolie, dis donc. » Quelque part, il se sentit rassuré, mais en même temps les choses étaient en train de se dérouler comme il le craignait. Elle était elle, l’adulte et eux les enfants. Et en effet, pendant la petite heure durant la quelle ils discutèrent, elle s’adressa surtout à Pauline, à qui elle apprit également à jouer du violoncelle. L’avantage, tout de même, c’est qu’elle parla d’elle et qu’il en apprit un peu plus sur son compte. Elle n’habitait pas du tout dans un château, mais dans une vieille ferme, tenue par son père déjà âgé. Sa mère était morte il y avait pas mal d’années déjà et elle se sentait un peu seule, ici, au milieu des bois. Comme les jeunes de son âge, elle aurait bien aimé sortir, voir du monde et même, ajouta-t-elle en rougissant, rencontrer des garçons. Mais il n’y avait personne dans ce désert et en disant ces mots elle planta ses yeux dans ceux de l’enfant qui en fut tout retourné et qui sentit comme des picotements dans tout son  être. A la fin, ils descendirent vers le bas de la clairière, empruntèrent un petit chemin et elle leur montra de loin la ferme de son père.

C’était une vieille bicoque, à moitié en ruine, avec une bonne vingtaine de stères de bois de chauffage qui séchaient en plein soleil et qui faisaient devant la maison  comme une barricade infranchissable et peu accueillante. Dans les étages, des carreaux avaient été cassés et n’avaient pas été remplacés, si ce n’était pas une feuille de plastique. Sur la droite, au milieu d’un pré en friche, une espèce de marre qui avait dû être un superbe étang servait d’abreuvoir et de piscine aux cochons. Deux truies énormes d’au moins quatre cents kilos chacune étaient d’ailleurs vautrées dedans, tandis qu’un verrat, plus imposant encore, les regardait avec ses petits yeux libidineux. Deux grandes dents, qui n’étaient pas sans rappeler les défenses du sanglier, sortaient de sa mâchoire et c’est sûr qu’on n’aurait pas osé s’approcher d’un pareil monstre  sans être  accompagné par le propriétaire. Comme si cela ne suffisait pas, trois chiens enchaînés, des molosses de belle taille, s’étaient mis à aboyer avec rage dès qu’ils avaient aperçu les visiteurs.

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22/06/2010

Obscurité (34)

 

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mais pas trop cela. Je pressentais qu’il allait se passer quelque chose.

 

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