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Bref, toutes ces idées s’entrechoquaient dans sa tête pendant qu’ils continuaient d’avancer, si bien qu’ils se retrouvèrent à la clairière sans même qu’il s’en rendît compte. La musicienne arrêta de jouer sitôt qu’elle les vit. Comme ils restaient là, interloqués, elle leur fit un petit signe et tout en souriant leur dit d’avancer. « C’est ta petite sœur ? Tu ne m’avas pas dit que tu avais une sœur. Elle est bien jolie, dis donc. » Quelque part, il se sentit rassuré, mais en même temps les choses étaient en train de se dérouler comme il le craignait. Elle était elle, l’adulte et eux les enfants. Et en effet, pendant la petite heure durant la quelle ils discutèrent, elle s’adressa surtout à Pauline, à qui elle apprit également à jouer du violoncelle. L’avantage, tout de même, c’est qu’elle parla d’elle et qu’il en apprit un peu plus sur son compte. Elle n’habitait pas du tout dans un château, mais dans une vieille ferme, tenue par son père déjà âgé. Sa mère était morte il y avait pas mal d’années déjà et elle se sentait un peu seule, ici, au milieu des bois. Comme les jeunes de son âge, elle aurait bien aimé sortir, voir du monde et même, ajouta-t-elle en rougissant, rencontrer des garçons. Mais il n’y avait personne dans ce désert et en disant ces mots elle planta ses yeux dans ceux de l’enfant qui en fut tout retourné et qui sentit comme des picotements dans tout son être. A la fin, ils descendirent vers le bas de la clairière, empruntèrent un petit chemin et elle leur montra de loin la ferme de son père.
C’était une vieille bicoque, à moitié en ruine, avec une bonne vingtaine de stères de bois de chauffage qui séchaient en plein soleil et qui faisaient devant la maison comme une barricade infranchissable et peu accueillante. Dans les étages, des carreaux avaient été cassés et n’avaient pas été remplacés, si ce n’était pas une feuille de plastique. Sur la droite, au milieu d’un pré en friche, une espèce de marre qui avait dû être un superbe étang servait d’abreuvoir et de piscine aux cochons. Deux truies énormes d’au moins quatre cents kilos chacune étaient d’ailleurs vautrées dedans, tandis qu’un verrat, plus imposant encore, les regardait avec ses petits yeux libidineux. Deux grandes dents, qui n’étaient pas sans rappeler les défenses du sanglier, sortaient de sa mâchoire et c’est sûr qu’on n’aurait pas osé s’approcher d’un pareil monstre sans être accompagné par le propriétaire. Comme si cela ne suffisait pas, trois chiens enchaînés, des molosses de belle taille, s’étaient mis à aboyer avec rage dès qu’ils avaient aperçu les visiteurs.
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Commentaires
Ce n'était donc pas au chapitre 22, mais 35, v'là les flics!
Que le frère et la soeur aient quand même vécu cette complicité tranquillise un peu, pour le futur. Mais quel avenir? Fini de rire, même de sourire, à moins que l'auteur, charitable, laisse encore un peu d'espoir aux lecteurs.
Et si les flics, comme les routiers, et même les «Chasse, Pêche et Tradition» étaient sympas?
Écrit par : Natacha | 27/06/2010
Souffler le chaud et froid. On approche de l'extase et... Pataras! Ce n'est pas une histoire pour cardiaques. Tu es un vrai romancier!
Une prière, Feuilly: sur quel site à tu pêché le tableau de la jeune fille au violoncelle? C'est à la fais incroyablement poétique et d'un érotisme brûlant. Connais tu le peintre? J'aimerais le découvrir.
Écrit par : giulio | 29/06/2010
J'entendais dernièrement un paléo anthropologue souligner, parlant de l'érotisation des corps, qu'on ne distinguait pas un singe mâle d'un singe femelle si on les voyait de dos ; que chez les humains aucune équivoque, la femme de dos était pareille à un violoncelle... et l'homme qui parlait, accompagnait son dire de gestes arrondis.
J'eusse sans doute prêté peu d'attention à ces paroles, n'eût été la jeune fille au violoncelle.
Écrit par : Michèle | 29/06/2010
@ Natacha: nous verrons bien ce que l'avenir leur réservera.
@ Giulio: pour le tableau "la jeune fille au violoncelle", j'ai voulu, comme d'habitude, citer mes sources, mais je n'y suis pas arrivé. Hautefort n'accceptait pas l'adresse.
Je ne voulais pas mettre ici une personne réelle, afin que les lecteurs puissent continuer à imaginer la jeune fille comme ils l'entendent. J'ai donc préféré un tableau, qui parle plus et qui rend mieux cette note mélancolique du violoncelle.
http://www.jacqueline-hubert.com/galerie1.html
Allez tous voir ce site, qui offre de jolis tableaux de femmes.
@ Michèle. Je n'avais pas pensé à cela. L'instrument de musique comme métaphore, métonymie et même synecdoque du corps de la femme.
En réalité, je voulais un instrument énorme, qu'on ne trouverait pas en principe dans une forêt, pour insister sur le caractère insolite de cette musique entendue au milieu des bois.
Un piano aurait fait l'affaire, comme dans les Illuminations de Rimbaud ("Après le déluge").
"Madame *** établit un piano dans les Alpes"
D'après Suzanne Bernard, qui a réalisé l'édition de Rimbaud dans les Classiques Garnier (1960), cette phrase serait même une allusion à Madame Bovary (la sottise de la bourgeoisie qui se pique d'apprécier l'art). Personnellement, j'y vois plutôt une volonté de faire de l'art, même dans les endroits les plus insolites.
Dans une vieille nouvelle, écrite il y a plus de dix ans, j'avais imaginé un médecin de MSF en train de jouer au piano, seul dans la brousse.
Mais ici, la jeune fille ne pouvait transporter seule son piano. J'ai donc opté pour le violoncelle, qui en impose quand même par son volume. De plus les sons qu'il rend correspondaient bien à ce que je voualis exprimer (la mélancolie de la jeune fille qui recherche l'amour sans le savoir).
Écrit par : Feuilly | 30/06/2010
Cherché en vain sur ton lien ta jeune violoncelliste, mais de fil en aiguille je l'ai trouvée sur www.philippetrouvepeintrepoete.net/
Avis aux amateurs,
merci
Écrit par : giulio | 30/06/2010
De fait, je me suis trompé en cliquant sur l'adresse du lien, ce n'était pas le bon.
Écrit par : Feuilly | 30/06/2010
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