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29/02/2008

Classiques Garnier

Fondées en 1833, les éditions Garnier Frères se sont éteintes en 1983. J’appréciais surtout la collection des «Classiques G arnier», ces gros livres jaunes abondamment annotés. Il s’agissait tout de même d’éditions scientifiques sérieuses dont le prix de revient était nettement inférieur à celui de la Pléiade. Avec des couvertures souples en carton (mais qui résistent), ces livres étaient plus faciles à emporter que leurs prestigieux concurrents sur papier bible, lesquels, par leur côté tape à l’œil, semblent condamnés à être lus dans l’intimité de votre bibliothèque plutôt que dans un train.

Imaginés en 1893, ces livres jaunes de Garnier voulaient fournir de la littérature à prix modique. Jean Giono se souvenait de cette époque: «Euripide, Eschyle, Sophocle, Aristophane, Virgile, coûtaient 0,95 F dans les Classiques Garnier. Avec mes deux francs, j'avais deux de ces gens-là et il me restait deux sous.»

Au cours du XXe siècle, la tendance à l'érudition va l’emporter sur l’aspect social (ils n’étaient quand même pas bon marché non plus). Puis, il y eut la concurrence des livres de poche proprement dits, dont l'appareil critique a eu tendance à se développer (notes, introduction, dossier en fin de volume, etc.)

Bref, rachetés en 1998 par la société Classiques Garnier Multimédia (filiale d'Infomédia), les Classiques disparaîtront en juillet de la même année pour être relancés en septembre, toujours sur le même principe : édition de référence et textes puisés dans le patrimoine littéraire. Le format, paraît-il, avait changé (je n’en possède aucun de cette époque) : nouvelle maquette et surtout expérience multimédia (un CD accompagne le volume afin, je suppose, d’entendre la voix de l’écrivain quand c’est possible ou celle d’un grand critique quand ce ne l’est pas).

Ainsi, j’ai trouvé dans Google :

Les plus grandes oeuvres de la littérature française : le cédérom
Paris, Classiques Garnier multimédia, 2002, 335 p., + 1 CD-ROM


Ce CD-Rom réunit 168 textes écrits par 77 auteurs, du Chevalier de la charrette de Chrétien de Troyes (1170) au Diable au corps de Radiguet (1923). Une vingtaine sont lus par le comédien Jacques Bonnaffé. On accède à une oeuvre en choisissant une période, son auteur ou son titre, tous classés par ordre alphabétique.

Pour chaque texte est aussi mentionnée l'édition choisie. Il est également possible d'effectuer une recherche d'occurrence sur un mot ou une partie de mot. Tous les textes, imprimables, peuvent être copiés sur le disque dur, à condition d'ajouter manuellement le suffixe de l'extension voulue.


Bon, concrètement, cela signifie que la collection a voulu se mettre au goût du jour en misant sur un public plus large (dans l’exemple cité, il s’agit manifestement d’une anthologie) et des moyens de communication modernes (le CD-room).

Ce choix a-t-il été judicieux ? Il semblerait que non. A ma connaissance, les « classiques Garnier » ont disparu de la circulation sans faire de bruit. On ne les trouve plus dans les librairies, même les bonnes. C’est un pan de l’histoire de l’édition qui disparaît. Un pan de notre jeunesse aussi.

Maintenant, il se pourrait bien que le fonds ait été repris une nouvelle fois par un autre éditeur et que les livres soient toujours publiés sous un autre nom et sous un autre format. Si quelqu’un est au courant de quelque chose, qu’il se manifeste.



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27/02/2008

Cultiver son jardin

« Il faut cultiver notre jardin » disait le Candide de Voltaire.
Le problème, avec ce genre de citation que l’on extrait du contexte dans lequel elles ont été écrites, c’est qu’on finit par leur faire dire à peu près n’importe quoi.

Le sens premier est qu’il vaut mieux vivre modestement sans trop se soucier des affaires du monde, dont on ne parviendra jamais pas à modifier le cours des événements.

Maintenant, on pourrait tout de même prendre ces termes dans un sens second, sans en altérer la philosophie générale. Le terme « jardin », au lieu de désigner un jardin réel (et faire référence à une activité bucolique reposante), pourrait renvoyer à la culture. L’expression, alors, voudrait dire : mieux vaut vivre pour soi, en s’intéressant aux connaissances qui peuvent nous enrichir, plutôt que de perdre notre temps à nous impliquer dans la grande agitation du monde.

Ce qui nous renvoie à une autre notion : la culture n’est-elle pas un repli sur soi ? De prime abord, non, puisqu’elle est avant tout une ouverture vers l’extérieur (et qu’elle m’oblige à quitter les préoccupations de mon « moi » nombriliste), mais d’un autre côté elle peut être considérée comme un plaisir et donc comme un refuge.

Ainsi, je peux préférer flâner entre les rayons d’une librairie plutôt que de m’abreuver à la télévision des propos éloquents d’un homme politique de renom en train de visiter une foire agricole. Ou, si j’apprends l’incident qui s’est produit lors de cette foire agricole, plutôt que de m’agiter en prenant parti, je peux, plus sagement, relire le passage des comices agricoles dans « Madame Bovary ». Ce sera plus bénéfique pour moi et me permettra de prendre du recul avec l’agitation ambiante.
Mais est-ce que ce recul, si salutaire qu’il soit, n’est pas une sorte de fuite ? Car cela revient à ne plus vouloir voir le monde qui m’entoure en me réfugiant dans une activité que j’aime bien..

On pourrait tenir le même raisonnement pour les écrivains. Doivent-ils parler de poésie ou prendre parti dans la lutte politique ? Et s’ils adoptent cette dernière attitude, doivent–ils le faire dans leur oeuvre ou simplement en tant que citoyen ?

Comme quoi, quand on commence à se poser des questions, on n’arrête plus.

25/02/2008

Le nouveau roman est mort.

A l’enterrement dAlain Robbe-Grillet, à Caen, il n’y avait pas un éditeur (à l’exception des fils de Jérôme Lindon, le patron des éditions de Minuit ), pas un académicien, pas un membre du jury Médicis, dont il fut pourtant un des fondateurs). On remarquait juste la présence du directeur de « l'Institut Mémoires de l'édition contemporaine » installé à Caen, précisément (à l’abbaye d’Ardennes, si ma mémoire est bonne). On sait que l’auteur avait cédé ses archives à cet Institut et on en déduit que son directeur ne pouvait pas faire autrement que d’être présent..

Ce silence du monde des lettres est impressionnant. Certes, il y avait bien quelques officiels, comme le président du Centre national du livre, ou bien une représentante de la ministre Christine Albanel (qui ne s’et pas déplacée en personne), ainsi que les actuels et précédents présidents du conseil régional de Basse-Normandie, mais en dehors de ces délégations obligées, rien.

Cet enterrement en dit long sur l’influence posthume de Robbe-Grillet et de son nouveau roman. Le « pape » s’en est allé dans l’indifférence générale. Lui qui avait atteint, à une certaine époque, les sommets non pas de la popularité, mais en tout cas de la célébrité, le voilà qui part seul vers sa demeure d’éternité. A n’avoir écrit que sur les choses, il s’est sans doute attiré la haine des humains, ses semblables. Cela nous fait comprendre que la gloire est souvent passagère. Seule la postérité décidera s'il convient de conserver quelque chose de son œuvre.

22/02/2008

Pouchkine

Pouchkine, "récits."

Livre trouvé d’occasion dans la collection aujourd’hui disparue du livre de poche classique (relié et couverture rouge). Enfin, le livre de poche classique existe toujours, mais pas avec cette couverture rouge en gros carton épais. Au moins voilà des ouvrages qui durent et qui ne risquent pas de se couper en deux quand je les ouvrirai dans quinze ans, comme c’est habituellement le cas avec mes « Marabout Université » et les autres poches. Celui que je tiens en main date de 1964 et il a fait ses preuves. De plus, comme il a été acheté un euro chez un bouquiniste, je me dis que la lecture reste tout de même accessible pour celui qui le veut vraiment. Pendant longtemps j’ai d’ailleurs systématiquement acheté en occasion. Cela permettait d’avoir des livres de meilleures qualité à des prix souvent dérisoires. L’inconvénient, évidemment, c’est que vous êtes tributaire de ce qu’il y a en rayon (ou dans les boîtes). Il ne faut pas espérer trouver un livre précis, mais avec un peu de temps on finit toujours par tomber dessus.

Ce livre de Pouchkine contient les récits suivants :

- La fille du capitaine.
- Le maure de Pierre le grand
- Le convive de pierre.
- La roussalka

« La fille du capitaine » repose sur des événements historiques. On peut donc le qualifier de roman historique. En réalité, Pouchkine, était proche du Tsar , lequel avait par ailleurs des vues sur sa femme. Il faut dire que lui-même avait des vues sur l’impératrice, alors…
Je disais donc que le Tsar avait demandé à l’écrivain de publier un livre sur la reconquête du Sud de la Russie, après l’insurrection des cosaques de Pougatchev, celui-ci s’étant proclamé illégalement empereur.
Pouchkine finit par être tellement fasciné par le personnage de Pougatchev, que celui-ci devient un des personnages principaux de son livre, qu’il détourna ainsi de son but premier : faire l’apologie des Tsars.
On y trouve des descriptions savoureuses, comme celles de la garnison qui occupe un fort sur le frontière. Il ne se passe rien (comme dans « Le désert des tartares ») et les soldats vivent en famille dans la maison du capitaine, aidant sa femme à tricoter en dévidant la laine.
La suite est plus martiale, avec les exécutions menées avec barbarie par les cosaques.
A partir d’une belle histoire d’amour (le jeune héros s’est amouraché de la fille du capitaine), Pouchkine dresse un tableau assez invraisemblable certes, mais où le personnage de Pougatchev est haut en couleur.

Dans « Le maure de Pierre le grand », Pouchkine avait le projet de retracer la vie d’un de ses ancêtres (un esclave noir arraché aux Turcs et auquel l’empereur s’était attaché). Le roman reste inachevé et le lecteur ressent la même impression qu’à la fin de Bouvard et Pécuchet ou de Armance. Le destin a emporté l’auteur en pleine création et la page blanche laisse à chaque fois un sentiment amer.

On connaît la fin tragique de Pouchkine, qui mourut en duel pour défendre l'honneur de sa femme.

21/02/2008

Réponse de la bergère aux bergers

Suite de l’article précédent.

« Christine Ockrent, la future directrice générale de la holding chapeautant l'audiovisuel extérieur français, a estimé "injuste et humiliant" le fait "d'être périodiquement ramenée à ce statut de femme de"

En tant que femme, elle n’a pas tort, évidemment. Il n’empêche que si cela avait été le contraire (elle ministresse et lui directeur de l’audiovisuel), le problème aurait été le même. C’est l’objectivité de l’information qui est en cause.
On veut ramener le débat sur le terrain privé pour nous faire oublier que toutes les chaînes, qu’elles soient privées ou publiques, sont à la solde de quelqu’un.

On parle beaucoup de la liberté de la presse et on regrette ce qui se passe dans certains pays. Mais notre propre presse ne dit pas tout, loin de là et elle répond aux injonctions du pouvoir.

En se présentant comme une victime, Chritine Ockrent met de son côté toutes les femmes et toute la gauche (qui n’osera plus lui reprocher quoi que ce soit au nom de la liberté).

En attendant elle prend les rênes du pouvoir et je maintiens qu’il y a peu de chance que nous puissions voir une émission critique à l’encontre de l’actuel gouvernement. Il faudrait pour cela que son mari fût remercié pour incompétence (tiens n’avait-il pas dit qu’il allait solutionner le problème israélo-palestinien ? Justement, la solution tarde un peu à venir, il me semble).


Jouer à l'épouse est devenu humiliant
Et semble être un signe des temps
Cécila l’avait bien compris,
Qui, à peine arrivée, aussitôt partit.
Ce ne fut point le cas de Carla
Qui sarkozy épousa
Quant à Christine, la nouvelle directrice
Elle dit que c’est une injustice
Que de répéter à toute la terre
Qu’elle vit avec Kouchner.
En attendant, la presse n’est point libre.
Mieux vaut retourner à nos livres.


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20/02/2008

Une télévision publique de qualité.

Nouvelle idée du président Sarkozy. Il a déclaré vouloir que les chaînes de télévision publiques en France diffusent des programmes de qualité sans "tyrannie" de l'audience, et non plus "du pain et des jeux", pour justifier son projet contesté d'y supprimer la publicité. »

Ma foi, on ne peut qu’applaudir des deux mains. Si j’étais président, je n’aurais pas fait autre chose. Ceci dit, venant de lui, je me méfie.

Il a pourtant assuré vouloir compenser (mais comment , les caisses sont vides ?) la perte de revenus liée à la suppression de la publicité.

Il a même ajouté qu’aucune chaîne publique ne serait privatisée.

On croit rêver. Cela cache quelque chose, c’est sûr. Nicolas qui finance la culture, qui veut des programmes de qualité, qui se désintéresse de l’audimat, c’est pour le moins étrange. Il est vrai que son propre audimat (sa cote de popularité) est en chute libre, mais bon…

Revenir à une chaîne publique de qualité, qui tirerait les auditeurs vers le haut, plutôt que de les rassasier de leur propre image dans des séquences de télé réalité qui tournent en boucle, c’est magnifique.

Mais je n’y crois pas. Cela cache quelque chose, je l’ai déjà dit. Mais quoi ? Ou alors l’idée ne vient pas de lui.

Je feuillette un peu la presse et je découvre ceci :

« Christine Ockrent, 63 ans, journaliste belge et compagne du ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner, deviendrait la directrice générale du holding France Monde qui chapeautera France 24, TV5 Monde et RFI, à en croire les révélations faites ce mardi par « le Figaro ».

Nous y voilà. Il fallait une place pour Mme Ockrent.

Elle qui avait cessé d'animer une émission politique de France 3 lorsque Bernard Kouchner était devenu ministre des Affaires étrangères tant elle était intègre et impartiale, se retrouvait sans emploi.
En effet, elle ne présente plus qu’une fois par semaine un billet de six minutes pour France 24 avec un salaire annuel de 120.000 euros. Une aumône, quoi.

En la nommant directrice générale, elle ne va certainement pas influencer les programmes et faire l’éloge de Nicolas ou de sa politique (ou encore de l’Otan car c’est une atlantiste convaincue, liée à des cercles d’influence dans ce domaine). En tout cas, c'est ce que croiront les téléspectateurs qui ne la verront plus sur les écrans. N’est-ce pas ce qui compte, après tout ?

Et puis on ne pourra plus se plaindre qu'il n'y a que TF1 qui fait de la publicité pour Nicolaou.

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19/02/2008

Devoir de mémoire

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1940-1945, l'horreur


Il n’en rate pas une, notre ami Sarkozy. Il aurait voulu dresser l’une contre l’autre les différentes communautés présentes en France qu’il ne s’y serait pas pris autrement avec son projet de parrainage des enfants juifs massacrés pendant la guerre.

La France, qui se pensait comme un état laïc, est en train de redécouvrir qu’elle est composée de citoyens appartenant à des religions différentes. Nicolas, accompagné de sa future belle-mère ( ???) était allé salué le pape en décembre. Rien de plus normal que ces visites entre voisins bien éduqués, mais de là à affirmer que le prêtre ne remplacera jamais l’instituteur, il y a un pas qu’il aurait mieux fait de ne pas franchir. Cela revenait à mettre sur le devant de la scène politique une religion catholique par ailleurs un peu à bout de souffle. Cela revenait aussi à dire que tout bon dirigeant avait besoin du secours de la religion pour cantonner les citoyens dans l’espérance d’un monde meilleur et les empêcher de se révolter contre leur pouvoir d‘achat en chute libre. Rien de plus conservateur, en effet, que la hiérarchie de l’Eglise. En vous apprenant à ne pas séduire la femme de votre voisin (surtout s’il s’appelle Nicolas) et à ne pas voler le jet privé de votre patron, l’Eglise vous donne une conscience morale irremplaçable.

Ceci dit, il convient de nuancer et je connais des prêtres qui, sur le terrain, font un travail social remarquable, tandis que d’autres critiquent à juste titre la société de consommation basée uniquement sur l’argent et le mépris de nos semblables. On pourrait citer aussi des mouvements comme la Théologie de la libération, qui, en Amérique du Sud avait pris le parti des plus pauvres. Enfin, il s’agit souvent d’initiatives individuelles qui sont généralement en conflit avec Rome et on comprend pourquoi.

Mais revenons à Sarkozy. Après sa visite à Saint Jean de Latran en décembre 2007, le président a déjà annoncé qu'il assisterait à une séance solennelle de la loge maçonnique du Grand Orient de France. Pendant ce temps, les musulmans attendent patiemment leur tour (mais ils ont déjà eu droit à un discours tenu en Arabie, dans lequel le grand Calife Nicolas I faisait l’éloge du fait religieux).
En rappelant ainsi que chaque Français est religieusement différent de son voisin, il va réveiller les communautarismes. Ne vaudrait-il pas mieux insister sur les valeurs communes et rappeler que l’idéal républicain ne fait pas de différences entre les citoyens ?

En remettant maintenant le problème juif sur le devant de la scène, il risque de faire pis que mieux. Curieusement, lui qui dit que la France n’a pas à se repentir de ses actions et surtout pas de son passé colonial, voilà qu’il invite chaque enfant à ruminer le passé et à se culpabiliser pour ce que ses ancêtres auraient fait.

Bien sûr, ce sont là des faits dramatiques qu’il ne convient pas d’oublier et même s’il n’y avait eu qu’un seul enfant juif de tué pour la seule raison qu’il était juif, il faudrait encore en parler et dénoncer une telle barbarie. Bien sûr, le devoir de mémoire s’impose. Mais prenons le cas des jeunes Allemands. Doivent-ils être éduqués dans la repentance plus de soixante ans après les faits ? Sont-ils eux, en tant qu’individus, personnellement responsables des atrocités commises par leurs ancêtres ? Non, bien sûr. Ce qui ne veut pas dire qu’ils ne doivent pas savoir ce qu’a fait l’Allemagne à cette époque, afin précisément qu’ils agissent autrement. Mais ils ne vont tout de même pas, à chaque sommet européen, s’excuser devant la délégation française des actes commis par leur pays dans le passé. Nicolas l’a bien dit : il ne faut pas toujours se sentir coupable.

Alors, ce qui est vrai pour les Allemands l’est aussi pour les Français. D’autant plus qu’il ne faut pas oublier que pas mal de citoyens ont caché des Juifs pendant la guerre et que c’est leur gouvernement qui a honteusement collaboré. Donc, jusqu’à preuve du contraire, c’est surtout le monde politique de l’époque qui semble coupable, beaucoup plus que les personnes ordinaires, dans les rangs desquelles ont a tout de même trouvé des résistants pour s’opposer aux Allemands et des êtres sensibles pour s’insurger, avec leurs modestes moyens, contre les rafles des Juifs.

En résumé, si quelqu’un devait vraiment se sentir coupable, ce serait le successeur de Pétain, le grand Nicolas lui-même, pas à titre personnel, évidemment, mais de par la fonction qu’il occupe. Alors qu’il aille faire des excuses à Jérusalem au nom de l’Etat français si cela lui chante, c’est une chose, mais qu’il décide de culpabiliser toute la jeunesse actuelle, cela me semble particulièrement morbide. Un peu comme l’était déjà l’imposition de la lecture de la lettre de Guy Moquet. Les psychologues feraient bien de se pencher sur les conséquences que pourraient avoir un tel type d’enseignement ainsi que sur les motivations profondes du chef de l’Etat, qui semblent un peu pathologiques.

De plus, en imposant d’en haut une telle mesure ne risque-t-il pas d’obtenir le contraire de l’effet escompté et dresser la communauté musulmane contre les enfants juifs ? On dira certes qu’il ne faut pas se plier à ce genre de considération (et je suis le premier à trouver étranges ces horaires de piscines qui visent à séparer les hommes des femmes et cela afin de complaire aux exigences des imams) mais tout de même, le rôle d’un Président n’est-il pas de rassembler plutôt que de diviser ?

En fait Sarkozy est étrange et imprévisible. Pourquoi, au moment de son élection, avait-il boudé les cérémonies commémoratives du 8 mai (capitulation de l'Allemagne), mais avait tenu à assister à la Journée du souvenir de l'esclavage ? Etrange pour quelqu’un qui veut préserver la mémoire de l’Histoire mais qui ne veut pas se repentir. N’aurait-il pas dû faire l’inverse, s’il voulait être logique avec lui-même ?

On pourrait aussi regretter que les cours d’Histoire ne sont plus ce qu’ils étaient. Ne serait-il pas plus judicieux de les rétablir (y compris un cours de critique historique) afin non seulement de ne pas oublier des faits aussi importants que la Shoah, mais aussi afin de pouvoir replacer ces faits dans un contexte précis. Non, dit le Président, le «devoir de mémoire», ce n’est pas l’Histoire. On le regrettera car sensibiliser les jeunes à ce problème en jouant exclusivement sur la corde affective, c’est se rapprocher de pratiques comme le culte du héros. La seule différence, c’est que le héros, ici, est une victime.

A la limite, glorifier Jeanne d'Arc comme Pétain ou Le Penn ont pu le faire est certes contestable (puisqu’on poursuit en fait un but inavouable et inavoué) mais offre au moins l’avantage de vouloir rassembler tout le monde sous une seule bannière, celle de la France (avec cette restriction que pour le Penn, les immigrés n’ont pas à être français). De plus, le culte du héros voulait forger les personnalités en encourageant l’émulation : quels hommes que Surcouf, Du Guesclin, etc. ! Certes, une telle démarche nous semble aujourd’hui bien contestable et bien ridicule, puisqu’elle visait en fait à renforcer le patriotisme ou la religion (si l’idole était un saint comme Saint Vincent de Paul), mais au moins canalisait-elle les efforts dans un sens positif. Ici, c’est le contraire. Non seulement on revient avec un matraquage idéologique digne de ces époques qu’on croyait révolues, mais en plus le résultat final sera négatif puisqu’au mieux il culpabilisera et au pire il divisera.

Maintenant, s’il faut accepter ce «devoir de mémoire»,à la demande du président, pourquoi ne le pratique-t-il pas lui-même quand il se rend en Algérie par exemple ? Pourquoi les crimes perpétrés la-bas par les Français ne doivent –ils pas être rappelés alors que les mêmes crimes contre le peuple juif doivent l’être ? On sent bien qu’il y a inégalité de traitement et notre cher Nicolas voudrait attiser le ressentiment dans les banlieues à forte composante maghrébine qu’il ne ferait pas mieux.

Parce qu’il s’il faut se remémorer tous les crimes de l’Histoire, on peut y aller. A commencer par la Saint Barthélemy (comme cela il verra que la religion a parfois des excès et que c’est bien pour cela qu’on a préféré un état laïque), mais aussi la colonisation, le massacre des populations amérindiennes par les Espagnols, sans parler des bombes au napalm sur le Vietnam.

Ce n’est pas tout à fait la même chose, me direz-vous. Dans les cas que je cite, il s’agit simplement d’un pays qui impose sa volonté à un autre (colonisation) ou ses idées à un autre (St Barthélemy), tandis que les enfants juifs, eux, ont été massacrés exclusivement à cause de leur appartenance à une race. C’est vrai. Mais alors on pourrait citer le génocide cambodgien, la guerre civile de Yougoslavie (dont le dernier chapitre vient de s’inscrire hier avec l’indépendance du Kosovo), les attentats entre Chiites et Sunnites, l'épuration raciale et religieuse au Soudan et finalement le génocide rwandais (où la France, qui soutenait inconditionnellement les Tutsis semble idéologiquement bien impliquée).

Ne conviendrait-il pas de faire appel à l’intelligence et à la raison pour éviter ce qui se passe sous nos yeux plutôt que de jouer sur l’émotionnel en retournant soixante ans en arrière ? En n’oubliant pas que les débats de nature émotionnelle retombent aussi vite qu’ils sont nés. S’il veut que son action perdure, Sarkozy ferait donc bien mieux d’en appeler à la raison plutôt qu’à l’affectif.

Sans compter qu’étant lui-même d’origine juive, son calcul ne semble pas désintéressé. On va l’accuser de travailler pour son camp c’est-à-dire pour Israël. Même si sa démarche, au départ, est louable et part d’un bon sentiment, on va lui reprocher de se servir de la France et des Français pour tenter de justifier ou du moins de faire oublier ce qui se passe aujourd’hui dans la bande de Gaza.

Car était-il normal, quand les Américains ont imposé un boycott international à l’Irak, avant la guerre contra Sadam Hussein, que des enfants soient morts dans les hôpitaux par manque de médicaments ? Est-il normal que la même chose risque d’arriver à Gaza ? Ces situations ne datent pas d’avant-hier, elle se déroulent sous nos yeux. Le mur qui coupe la Palestine en deux commence furieusement à ressembler aux murs des anciens ghettos, si ce n’est que ce ne sont plus les mêmes qui sont enfermés. Nous sommes là en pleine urgence et la communauté internationale devrait se mobiliser. Rien ne bouge et rien ne bougera. Alors je veux bien d’un devoir de mémoire, mais il ne doit pas être à sens unique. Ce qu’il faut chasser, c’est la barbarie. Que m’importe à moi que l’enfant qu’on maltraite soit juif, arabe ou indien ? C’est un enfant avant tout. En réintroduisant le critère de la race dans ce genre de débat, on joue un jeu dangereux. Il n’y a pas de bonnes et de mauvaises victimes, il y a des victimes, point final (y compris des victimes israéliennes qui tombent à cause des kamikazes fanatiques, ne l’oublions pas non plus ).


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Palestine, Gaza, l'horreur

Expression (1)

Pousser des cris d'orfraie

- Hurler, pousser des cris stridents (souvent disproportionnés par rapport aux faits)
- protester violemment



L'orfraie est un rapace piscivore (aigle de mer) à queue blanche et qui peut atteindre 2,5 mètres d'envergure. Ses cris ne sont pas plus stridents que ceux des autres oiseaux.

Vraisemblablement, il y a eu confusion entre les mots « orfraie » et la chouette « effraie ». Ce rapace nocturne peut, lui, dans certaines conditions, pousser des hurlements qui, autrefois, ont dû effrayer les passants attardés. Il fut imaginer la scène en l’absence totale de lumière. Rien de plus effrayant, en effet, que d’entendre ce cri lorsque vous traversez un bois la nuit dans l’obscurité la plus totale.

Le sens initial de l'expression est bien la frayeur. Par dérivation, elle s’est appliquée à quelqu’un qui proteste violemment, soit à cause de l’intensité des cris émis, soit à cause de la réaction disproportionnée qui est observée. Les personnes qui protestent bruyamment contre une décision anodine et prévisible s’agitent finalement pour pas grand chose, comme le fait la chouette effraie quand elle crie.

On retrouve l'orfraie dans un poème de Verlaine, Cauchemar, dans les Poèmes saturniens.


J'ai vu passer dans mon rêve

—Tel l'ouragan sur la grève,

D'une main tenant un glaive

Et de l'autre un sablier,

Ce cavalier

Des ballades d'Allemagne

(...)

Un grand feutre à longue plume

Ombrait son oeil qui s'allume

Et s'éteint. Tel, dans la brume,

Éclate et meurt l'éclair bleu

D'une arme à feu.

Comme l'aile d'une orfraie

Qu'un subit orage effraie,

Par l'air que la neige raie,

Son manteau se soulevant

Claquait au vent,

(...)




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18/02/2008

Des présidentielles américaines

Le monde bouge, c’est inévitable.

La Russie tente de redevenir une grande puissance, sans pouvoir toutefois s’opposer à l’indépendance du Kosovo, voulue par les Etats-Unis. Ceux-ci poussent ainsi l’Union européenne à grignoter petit l’ancienne zone d’influence soviétique, sans que l’on sache bien où cela se terminera.

En attendant, au Moyen-Orient, les mouvements islamistes n’ont jamais été aussi forts et les risques d’attentats aussi élevés. Le Président Bush était pourtant parti en croisade en Irak pour démanteler le terrorisme. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’a réussi qu’à plonger ce pays dans une guerre civile interminable.

Beaucoup voient avec plaisir l'arrivée des prochaines élections aux Etats-Unis, espérant que le futur président se montrera plus diplomate.

Qu’ils ne se réjouissent pas trop vite.

Les victoires, le 12 février, du sénateur John McCain dans la ville de Washington et dans les Etats de Virginie et du Maryland feront vraisemblablement de lui le candidat du parti républicain.

Le monde diplomatique nous apprend que : « En matière de politique étrangère, M. McCain n'a cependant rien à envier aux « faucons » les plus hallucinés. Parce qu'il se présente comme le héraut d'une « nation judéo-chrétienne » en butte à l'« islamo-fascisme », parce qu'il entend « gagner en Irak, « front central de la guerre contre le terrorisme », le cas échéant en y mettant le prix, M. McCain leur apparaît largement préférable à Mme Hillary Clinton et à M. Barack Obama. (…) (Il préconise)la poursuite de la guerre en Irak, le cas échéant avec des effectifs américains renforcés ; une augmentation des dépenses militaires ; un durcissement très
sensible des relations avec la Russie (dorénavant écartée des réunions du G8) ; la création d'une « Ligue des démocraties » appelée à se substituer aux Nations unies chaque fois que les Etats-Unis et leurs alliés souhaiteront intervenir sans s'encombrer des contraintes de la Charte de l'ONU ; enfin, une approche plus pugnace des rapports avec la Chine et avec les Etats récalcitrants d'Amérique
latine, en particulier le Venezuela. »

Tout cela nous promet encore de jolies guerres qui feront tourner la machine économique (puisqu’il faut bien reconstruire) et plongeront des populations entières dans la misère.

15/02/2008

La faute à Jeanne d'Arc

Tout le monde connaît la Guerre de cent ans, cette longue suite de batailles qui opposa la France et l’Angleterre. On sait aussi que la partie du territoire dont le roi de France est resté maître était particulièrement exiguëe. A l’école, on met en évidence la reconquête à partir de ce petit noyau et les élèves conservent l’idée qu’il ne pouvait en être autrement, que les bons rois qui ont fait la France ne pouvaient perdre et que le territoire national actuel ne pouvait pas être ce qu’il est aujourd’hui.
Cette une illusion de croire cela, bien entendu. Tout aurait pu être différent à chaque étape de l’Histoire, quelle qu’elle soit. Les Anglais auraient pu remporter la victoire et annexer la France. Et quelles en auraient été alors les conséquences pour la langue française elle-même ?


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Pour mieux, comprendre, rappelons les faits.

- Défaite française de Poitiers en 1356. Le roi Jean II le Bon est capturé et il perd la Guyenne, la Gascogne et une grande partie du Poitou.

- Défaite française à Azincourt (1415), les Anglais, aidés des Bourguignons, priennent Paris et s'installent en Île-de-France, en Normandie et en Bretagne

- Du Guesclin (1320-1380) sous Charles V, et plus tard de Jeanne d'Arc (1412-1431) sous Charles VII redonnent l'avantage au roi de France. Il reprend Paris (1436), la Normandie (1450), la Guyenne (1453).

Le prix à payer aura été très cher : agriculture dévastée, famines, peste qui décima un tiers de la population. La noblesse elle-même perdit pas mal d’effectifs, se qui accéléra sans doute la prise de pouvoir de la bourgeoisie.

Mais revenons à la langue française. La guerre avait fait naître de part et d’autre un fort sentiment nationaliste. On a vu qu’en Angleterre c’est l’époque où l’anglais a supplanté le français dans les actes juridiques. Ceci dit, paradoxalement, c’est l’époque où les Anglais adoptèrent la fameuse devise Honi soit qui mal y pense (dans laquelle « honi » s’écrit avec un seul n) pour l'ordre de la Jarretière.

Mais que ce serait-il passé en France si l’Angleterre avait gagné ? Notre belle langue aurait-elle disparu ? Probablement pas. A mon avis, on aurait eu la même situation que venait de connaître l’Angleterre. La noblesse et les classes dirigeantes se seraient mises à l’anglais, tandis que le peuple aurait continué à employer son parler roman.

Encore faut-il savoir qu’à l’époque ce sont les patois qui l‘emportaient.


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Il est donc fort possible que la prédominance du français d’Ile de France aurait été moins forte ou même que celui-ci serait devenu un patois comme les autres.

Si une autre région que l’Ile de France s’était alors imposée lors de la reconquête du territoire, on peut supposer que c’est ce patois-là qui aurait fait force de loi et qui aurait évincé les autres parlers locaux. Nous parlerions alors aujourd’hui gascon, provençal ou champenois. Comme quoi…


A l’inverse, certains linguistes (notamment une certaine Henriette Walter, que j’avoue ne pas connaître, affirme paraît-il dans son livre Honni soit qui mal y pense (avec 2 n, allez comprendre) que, sans l'intervention de Jeanne d'Arc, les Anglais restés en partie francophone auraient pu adopter définitivement le français et transporter plus tard cette langue dans les futurs États-Unis d'Amérique. Selon elle, les chances du français de s'implanter également en Angleterre auraient été incontournables. Les rois anglais parlant naturellement le français auraient continué à parler cette langue (alors qu’une fois « boutés hors de France », ils ont eu la réaction inverse). En d’autres mots, la fusion des deux royaumes se seraient faite à l’avantage du français.

Ce serait donc la faute à Jeanne d’Arc si aujourd’hui les Anglais parlent en anglais. Vu comme cela, évidemment, on se dit qu’elle méritait bien le bûcher.

14/02/2008

Fait divers

Le Réseau Education Sans Frontières (RESF) lutte contre l'expulsion d'étrangers sans papiers ayant des enfants scolarisés en France. Un membre de cette association avait été placé en garde à vue après s’être opposé à l'expulsion d'un parent d'élève sans papiers. Du coup, un autre membre avait adressé un courriel au ministère de l'Intérieur dans lequel il demandait sa libération.

Comme les faits se passaient en 2006, c’est Sarkozy, qui n’était pas encore grand Calife, qui gérait les affaires intérieures.

Le problème c’est que notre militant, qui n’avait sans doute jamais fait de droit (et qui donc ne savait pas que dans une affaire, c’est la preuve du délit qui compte avant toute chose), avait commis l’imprudence d’écrire dans son courriel «voilà donc Vichy qui revient. Pétain a donc oublié ses chiens (...)». Et il avait ajouté voilà une «politique qu'il faut bien qualifier de raciste», tout cela avant d'adresser ses «salutations antifascistes» au ministre.

Le tribunal correctionnel de Paris vient de le reconnaître coupable d'outrage à personne dépositaire d'une autorité publique et l'a aussitôt condamné à 800 euros d'amende ainsi qu'à un euro de dommages et intérêts à verser à M. Sarkozy, qui s'était constitué partie civile.

Son avocate avait bien plaidé qu’il n’avait fait qu’un «parallèle politique» et que «c'était une politique qui était visée, pas une personne», rien n’ y a fait. On n’outrage pas le grand Calife.

En attendant celui-ci me semble bien procédurier, vu le nombre d’affaires qu’il dépose devant les tribunaux. Il devrait peut-être relire Rabelais (ou tout simplement le lire) et les juges avec lui, qui semblent un peu trop courber l’échine devant l’autorité.

Cy n'entrez pas, maschefains practiciens,

Clers basauchiens mangeurs du populaire.

Officiaux, scribes et pharisiens,

Juges anciens, qui les bons parroiciens

Ainsi que chiens mettez au capulaire;

Vostre salaire est au patibulaire

Allez y braire, icy n'est faict exces

Dont en voz cours on deust mouvoir proces.



Proces et debatz

Peu font cy d'esbatz,

Où l'on vient s'esbatre.

A vous, pour debatre

Soient en pleins cabatz

Proces et debatz.



Cy n'entrez pas, vous, usuriers chichars,

Briffaulx , leschars, qui tousjours amassez,

Grippeminaulx, avalleurs de frimars,

Courbez, camars, qui en vos coquemars

De mille marcs jà n'auriez assez.

Poinct esgassez n'estes, quand cabassez

Et entassez, poiltrons à chiche face :

La maIe mort en ce pas vous deface.



Face non humaine

De telz gens, qu'on maine

Raire ailleurs : céans

Ne seroit séans;

Vuidez ce dommaine,

Face non humaine.



Cy n'entrez pas, vous rassotez mastins ,

Soirs ny matins, vieux chagrins, et jaloux;

Ny vous aussi, seditieux mutins,

Larves, lutins, de Dangier palatins ,

Grecs ou Latins, plus à craindre que loups;

Ny vous gualous, verollez jusqu'à l'ous;

Portez vos loups ailleurs paistre en bonheur,

Croustelevez , remplis de deshonneur.




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13/02/2008

Chercher l'erreur.

Le président a dit : il faut faire de la publicité pour les livres à la télévision
Le président a dit aussi : il faut supprimer la publicité sur les chaînes publiques.
Le président a encore ajouté : il faut lancer rapidement une grande émission littéraire.

Tout cela vous semble incohérent ? pas du tout. Il suffit de comprendre ce qui se cache en dessous de ces paroles.

Quand le président a dit : il faut faire de la publicité pour les livres à la télévision, il a voulu dire que les grandes maisons d’édition ne doivent pas avoir peur d’écraser les petites (qui elles n’ont pas de budget pour la publicité) et qu’a partir du moment où leur but est de faire de l’argent, elles ne doivent pas avoir peur de considérer le livre comme un vulgaire produit de consommation.

Quand le président a dit aussi : il faut supprimer la publicité sur les chaînes publiques, il a voulu dire qu’il fallait éliminer le principal concurrent des chaînes privées (là où ses amis sont actionnaires) en lui coupant une bonne partie de ses revenus. Comme cela, l’ensemble de la publicité se retrouvera chez lesdits amis (qui, comme on le sait, ont des yachts et des jets privés à entretenir).

Quand le président a encore ajouter : il faut lancer rapidement une grande émission littéraire, il a voulu dire qu’il fallait parler à la télévision des différentes biographies consacrées à Carla et à Cecilia, afin de redresser l’économie française (et remplir le portefeuille des amis actionnaires qui avaient si gentiment invité Carla et Cécilia).

12/02/2008

Français d'Angleterre

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Meurtre de Thomas becket












Nous avions rappelé l’autre jour qu’il fut une époque où le français était parlé en Angleterre, en gros depuis 1066 et jusqu’au XIV° siècle au moins. Mais quel français était ainsi parlé et par qui ?

On a la preuve que le «françois de France» était employé dans les actes et les documents royaux

En 1174, Guernes de Pont Sainte Maxence rédige à Londres la « Vie de Saint Thomas Becket ». Ce texte, rédigé en alexandrins, est important pour l’histoire de la formation de la langue française. Guernes est un écrivain anglo-normand. Il avait vu Becket guerroyer en Normandie :

En Normandie r’out sun seigneur grant mestier ;
Et jo l’vi sur Franceis plusur feiz chevaucher


Aussi, après l’assassinat de ce dernier, alla-t-il enquêter en Angleterre afin d’interroger des témoins qui l’avaient connu.

A Chanterbire alai ; la verité oï ;
Des amis saint Thomas la verité cueilli
Et de cels ki l’aveient dès s’enfance servi


On appréciera au passage sa démarche, assez rare pour l’époque, qui consiste à remonter à des sources fiables. Cela lui permettra de dresser des différents protagonistes des portraits assez exacts.

Mais ce qui nous intéresse ici, c’est ce vers :

Mis langage est boens, car en France fui nez

Cela suppose donc que deux français se côtoyaient en Angleterre : le bon français, celui parlé en France et un français moins bon, appris sur place par les enfants de l’aristocratie anglaise et qui eux n’avaient jamais mis un pied sur le continent (qu’ils soient d’origine française ou anglaise, d’ailleurs)

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Dans ses célèbres Contes de Canterbury écrits eux en anglais vers 1380, Geoffrey Chaucer (v. 1343-1400) nous éclaire sur ce désir des nobles d’acquérir le bon français, lequel permettait de faire valoir ses bonnes manières. En voici une traduction :


Elle avait pour nom Dame Églantine,Chantait à merveille hymnes et matines Qu’elle entonnait savamment par le nez. Elle parlait un françois des plus raffinés,Le françois qu’on apprend à Stratford-atte-BowCar elle ignorait du françois de Paris le moindre mot.

La ville de Stratford-atte-Bow était située près de Londres et on y apprenait le «françois d'Angleterre».Il existait donc bien deux français distincts : l'un correspondait à « une langue vernaculaire parlée spontanément, sans égard à la langue écrite, alors que l'autre était une langue seconde qu’on allait apprendre en France ».

On peut donc supposer que même si le français avait continué à être parlé et écrit en Angleterre,il se serait tellement singularisé par rapport à celui de Paris, qu’il serait devenu une autre langue (un peu comme le latin parlé dans la Romania s’était très vite écarté du latin de Rome. Le résultat en a été la diversité des langues romanes.)

Notons encore que se développa en Angleterre une série de traductions françaises de traités spécialisés, que ce soit sur la médecine, les mathématiques ou la religion.

11/02/2008

La transitivité dans tous ses états.

Il existe des termes que nous employons sans trop réfléchir à leur origine, c’est fréquent. Pourtant, quand il s’agit de notions grammaticales, on pourrait supposer que nous percevons bien toute la réalité qui se cachent derrière les mots. Il n’en est rien, cependant.

Prenons la notion de transitivité. Tout le monde sait qu’il y a des verbes transitifs (directs ou indirects) et des verbes intransitifs. Mais d’où vient ce mot « transitif » ? Des grammaires latines. Un verbe est transitif (trans + ire), s’il peut passer de la voie active à la voie passive. Dis comme cela, cela paraît simple et normal. Pourtant, si on y réfléchit bien, cela signifierait qu’un verbe comme avoir ne serait pas transitif car on ne voit pas bien comment ce verbe se mettrait au passif :

J’ai une pomme/ la pomme est eue par moi ( ??)

D’un autre côté, les grammaires scolaires disent plutôt qu’un verbe est transitif quand il est capable de « passer » son action à son complément.

J’achète une voiture. J’achète quoi ? Une voiture.

Très bien, sauf qu’avec des verbes comme « voir » ou « craindre », il n’y a aucune action au sens propre. Pourtant, ces verbes sont transitifs.

Hjelmslev, de son côté, définira la transitivité comme la capacité du verbe à régir son complément. A « acheter » correspondra des objets qui peuvent être achetés, etc. Sur le plan syntaxique, le verbe est l’élément régisseur, duquel dépendent les compléments subordonnés. Sur le plan sémantique, c’est l’inverse, c’est le verbe qui est déterminé (complété) par son complément.

Syntaxe : j’achète. Quoi ? Quelque chose qu’on peut acheter (une voiture, une maison, un fruit, etc.)

Sémantique : j’achète. Dis ainsi, sans complément, ce verbe ne veut rien dire. Il est incomplet. Il me faut donc un complément qui donnera tout son sens au verbe : c’est une voiture que j’ai achetée (ni une maison ni un fruit).

Dans ce contexte, le verbe transitif est celui qui a la capacité d’apparaître avec un complément direct, lequel est certes régi par le verbe mais c’est aussi un complément qui complète la signification de ce verbe.

Le verbe transitif est donc « modifié » par son accusatif, tandis que l’intransitif n’a pas d’accusatif.

Dans la grammaire générative, le complément direct se définit sur base de la position du syntagme nominal et de la relation qu’il entretient avec le verbe. Ainsi Chomsky définira le complément direct comme la relation entre le syntagme nominal et le verbe à l’intérieur du syntagme verbal, dans lequel le complément direct est le constituant dominé par le syntagme verbal.

Cela sera peut-être plus simple si on fait appel aux notions d’attribut ou de prédicat.

Isabelle est la mère de Pauline
Isabelle est contente
.

La relation entre le verbe et son prédicat, dans ce cas, est égalitaire ou de nature identitaire (Isabelle = mère ; Isabelle = contente). On exprime donc la qualité du sujet. C’est la notion classique d’attribut du sujet.

Dans le cas des verbes transitifs, le prédicat exprime un phénomène ou une situation à laquelle participe le sujet :

Je lis une histoire

Quand le verbe exprime en lui-même tout ce que l’on veut dire du sujet, on aura un intransitif :

L’arbre fleurit.

Notons que le verbe copule se rapproche du premier cas :

Isabelle est la mère de Pauline

« Isabelle est » n’est pas suffisant pour qualifier Isabelle. Il faut ajouter un attribut tout comme dans « je lis », qui est complété par « un livre ».

Quelque part, donc, le verbe copule est plus proche du transitif direct que celui-ci ne l’est de l’intransitif. D’un côté il me faut un attribut ou un COD, de l’autre il ne me faut rien, le verbe se suffit à lui-même.

Comment, cependant, faire la distinction entre les verbes copules et les transitifs directs ? Par ce qu’ils ne supposent aucune action ? Sans doute, mais alors les verbes de possession (j’ai une voiture) ou de perception sensorielle (je vois un arbre, j’entends un bruit) ne pourraient pas être qualifiés de transitifs directs puisqu’ils ne supposent aucune action au sens propre.

Comme quoi, quand on se met à réfléchir un peu, on s’aperçoit que ce qui était évident ne l’est pas tant que cela.

On pourrait encore dire qu’avec le verbe être définit ce qu’est le sujet et non ce qu’il fait :
Isabelle EST la maman de Pauline.

Mais pourquoi, alors, si je peux dire « la fleur est un symbole de paix « , ne puis-je pas dire « la fleur est la maman de Pauline » ? Il s’agit pourtant du même verbe être ».

Cela signifie que le verbe « être » régit certes syntaxiquement l’attribut mais pas sémantiquement. Par contre, c’est l’attribut qui régit sémantiquement le sujet.

« la maman de Pauline » étant un attribut, cet attribut ne conviendra qu’à une personne (Isabelle) et non à une fleur. Cela revient à dire que le verbe « être » est simplement un lien entre le sujet et son attribut, ce que toutes les grammaires scolaires ont toujours dit.

Donc, le verbe « être » régit syntaxiquement son complément tandis que ce complément (ici l’attribut) régit sémantiquement le sujet (alors que dans le cas du transitif direct, le verbe régissait lui aussi syntaxiquement le complément, mais le complément régissait sémantiquement le verbe et non le sujet). C’est pour cela qu’on peut affirmer que le verbe être n’est pas un transitif direct.

08/02/2008

Premier recul de la langue française

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On sait que depuis la bataille de Hastings (1066) et Guillaume le conquérant, le français était parlé en Angleterre, du moins par les classes nobles. Cette bataille aura pour conséquence que l’anglais est finalement la langue germanique la plus latinisée (alors qu’on pourrait dire que le français est la plus germanisée des langues romanes)

Comme toujours en Histoire, il aurait pu ne pas en être ainsi. Il fut une époque où Guillaume, qu’on n’appelait pas encore le « conquérant » mais le « bâtard » faillit perdre son duché de Normandie suite à une révolte des ducs. Il parvint à reprendre le pouvoir avec l’aide du roi de France, puis il étendra sa zone d’influence en épousant Mathilde de Flandre (celle de la tapisserie de Bayeux), fille du Comte de Flandre Baudouin V et nièce du roi de France.

« Par cunseil de sa barunie
Prist une fame de haut lin,
En Flandres fille Balduin,
Niece Robert li rei de France,
»

(Wace, le roman de Rou)

Après avoir conquis le Maine, bien assuré sur ses territoires, il peut se lancer à la conquête de l’Angleterre. Toute la noblesse de cet état va donc parler français et cela jusqu’à la guerre de cent ans. A ce moment, en effet, les rivalités sont telles et le sentiment nationaliste est tellement aiguisé, que le Parlement anglais décide d’imposer l’anglais dans les tribunaux (1362)

Item, pur ce qe monstré est soventfois au Roi [...] les grantz meschiefs qe sont advenuz as plusours du realme de qe les leyes, custumes et estatuz du dit realme ne sont paa conuz comonement [...] par cause q'ils sont pledez, monstrez et juggez en la lange Franceis, q'est trop desconue en dit realme [...] les dites leyes et custumes seront le plus tost apris et conuz et mieultz entenduz en la lange usee en dit realme [...]. Le roi [...] ad [...] ordeigné et establi [...] qe toutes plees [...] soient pledez, monstrez, defenduz [...] et juggez en la lange engleise, et q'ils soient entrez et enroullez en latin.

Traduction en français moderne:

De même, parce qu'il a été souvent montré au roi les grands dommages qui sont arrivés à plusieurs personnes du royaume parce que les lois, coutumes et statuts dudit royaume ne sont pas communément connus, parce qu'ils sont plaidés, exposés et jugés en langue française, qui est très méconnue dans le royaume, lesdits lois et coutumes seront plus vite apprises et sues et mieux comprises dans la langue utilisée dans ledit royaume. Le roi a ordonné et établi que toute plaidoirie soit plaidée, exposée, défendue et jugée en langue anglaise, et qu'elle soit enregistrée et transcrite en latin.

On retient de ce texte que le peuple, lui, n’a jamais parlé français (comme chez nous après les invasions germaniques, nos ancêtres ont continué à s’exprimer dans leur patois roman) et que cette langue était réservée à l’élite, autrement dit à la noblesse. Il n'empêche que le français était là une langue de culture et respectée comme telle.

A partir de cette décision, la langue française reculera de jour en jour en Angleterre et finira par disparaître.

La Presse littéraire

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Sur la nouvelle écrite par Stendhal en 1829, "Vanina Vanini":

(...)

"La nouvelle est un genre qui finalement convenait très bien à Stendhal. Courte, centrée sur une seule action, elle suppose un déroulement rapide tout en permettant de brosser des portraits psychologiques. Or Stendhal était un auteur qui écrivait vite. Ainsi, il n’a pas relu entièrement Le Rouge et le Noir et La Chartreuse a été dictée à un copiste en un délai d’un mois environ. Il a d’ailleurs avoué ne pas faire de plan avant de commencer à écrire, car celui-ci entravait son imagination. Il préfère se laisser guider par l’histoire qu’il est en train de raconter, sans savoir vraiment où le récit va le mener.

L’action de Vanina Vanini se déroule à Rome, ville qui pour l’auteur, véritablement fasciné par l’Italie, conserve le sens des passions à l’Antique. On y est noble jusqu’au bout des ongles, les caractères y sont bien trempés et il est clair que c’est la cité par excellence où les passions amoureuses peuvent se manifester pleinement et sans retenue. Car s’il existe une noblesse de sang, il existe aussi une noblesse de cœur. A Rome (4), on ose mener ses passions jusqu’à leur terme, sans compromis aucun. Quiconque a une passion se doit de l’accomplir jusqu’au bout.
"

La suite de mon article dans la Presse littéraire.


On trouvera aussi, dans la rubrique "Littérature sur la Toile", une approche du livre "Forêt profonde" d'Alina Reyes, en tout cas les pages où elle analyse ses rapports à Internet et où elle nous donne quelques belles decriptions de la blogosphère.

07/02/2008

Mini traité européen

"Si l’Europe reste la seule affaire des responsables politiques et économiques, sans devenir la grande affaire des peuples, reconnaissons que l’Europe sera, à plus ou moins brève échéance, vouée à l’échec.
Bien sûr, l’Europe doit être au service des peuples, chacun peut le comprendre. Mais l’Europe ne peut se construire sans les peuples, parce que l’Europe, c’est le partage consenti d’une souveraineté et la souveraineté, c’est le peuple. A chaque grande étape de l’intégration Européenne il faut donc solliciter l’avis du peuple. Sinon, nous nous couperons du peuple.
Si nous croyons au projet Européen comme j’y crois, alors nous ne devons pas craindre la confrontation populaire. Si nous n’expliquons pas, si nous ne convainquons pas, alors comment s’étonner du fossé qui risque de s’amplifier chaque jour davantage entre la communauté Européenne et la communauté Nationale ?
"

Déclaration de Nicola Sarkozy, ministre de l’Intérieur, le 09.05.04 lors d’un conseil national de l’UMP (et qui visait sans doute à mettre Chirac dans l’embarras).

Comme quoi il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis. Ceci dit, la position de la gauche est tout aussi ambiguë. Si, au Congrès de Versailles, tous les élus de gauche avaient voté non, la modification de la constitution n'aurait pas été possible et le président aurait été obligé de soumettre le traité de Lisbonne à un référendum.

Il y avait 893 votants. 741 députés se sont exprimés. La majorité absolue (3/5° des 741) était de 445. Il se fait que 560 députés ont voté pour, soit 115 de plus que la majorité absolue. Si les 145 députés de gauche qui se sont abstenus avaient voté contre, on aurait eu 886 votes (741 + 145), soit une majorité absolue de 532 (3/5°). C’est donc par 28 voix seulement que le texte aurait été adopté. Il suffisait alors que les socialistes qui ont voté oui aient voté non et le compte y était.


Voici la liste des traîtres :
http://www.assemblee-nationale.fr/13/scrutins/jo0097.asp

De la mort des étoiles

Certaines étoiles sont si éloignées, nous dit-on, que leur lumière nous parvient seulement aujourd’hui alors qu’elles ont disparu depuis une éternité déjà. Ce phénomène (au sens de phainomai, « apparaître ) fait dire à certains que l’homme est sans doute immortel. Semblable à l’étoile morte, son aura (son âme si on préfère), continuerait d’exister malgré la disparition du corps.
C’est une belle image, mais aussi un beau sophisme, car l’étoile dont je vois la lumière est irrémédiablement morte, disparue à jamais. Certes, elle conserve une certaine existence symbolique puisqu’elle continue de m’éclairer, mais cette illusion n’est que provisoire. Bientôt cette lumière elle-même s’évanouira à son tour et il ne restera que le néant et le vide de l’espace.
Ainsi en va-t-il de l’homme. Certains, parmi les plus chanceux, parviendront pendant un certain temps à maintenir vivace leur souvenir auprès des générations suivantes, puis, petit à petit et inexorablement, cette lumière s’effacera à son tour.

Si on pousse la logique jusqu’au bout, on pourrait même imaginer que l’ensemble des étoiles dont nous voyons les lumières sont déjà mortes. Le ciel nocturne serait alors une illusion absolue, le mirage d’une réalité à jamais révolue. C’est quand on réfléchit de la sorte qu’on se rend compte que le vide pascalien prend tout son sens.


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12:25 Publié dans Errance | Lien permanent | Commentaires (30) | Tags : mort des étoiles

Théocrite

Oublions donc l’actualité et retournons vers nos chers livres. Ma lecture de ces derniers jours a été consacrée aux « Idylles » de Théocrite, dans la collection des Bucoliques grecs, aux Belles Lettres.

On a présenté Théocrite comme le créateur de la poésie pastorale, ce qui finalement n’est pas prouvé. En fait, la voie avait été préparée par des drames satyriques ainsi que par des dithyrambes, qui mettaient déjà en scène des bergers. Il serait donc plus juste de dire que Théocrite fut surtout un grand « rassembleur » plutôt qu’un innovateur. Cependant, là où il n’y avait encore que des noms de bergers et des costumes, il a su apporter un fond propre : des sentiments, des portraits de moeurs et l’utilisation d’une langue populaire savoureuse.

Ce qui m’a donc surpris, chez cet auteur antique, c’est la mise à distance, pour ainsi dire ironique, qu’il entretient avec le genre même du poème bucolique. De prime abord, pour nous qui vivons au XXI° siècle, ce genre littéraire nous semble fade, désuet, conventionnel et pour ainsi dire ridicule. Ainsi, les « bergeries » de Madame de Scudéry et les 13.000 pages de son "Grand Cyrus", n’enthousiasment pas les foules, c’est le moins que l’on puisse dire. Par contre, chez Théocrite, je n’ai pas ressenti ce style conventionnel et artificiel. Peut-être parce que j’acceptais d’office ces défauts de la part d’un auteur antique mais surtout parce Théocrite n’est pas pesant. Au moment où le lecteur va s’ennuyer devant ces bergers chantant leurs amours, il nous replonge de la manière la plus réaliste qui soit dans la vie rustique et champêtre. Ses bergers qui peuvent être comme au XVII° siècle des nobles déguisés en paysans sont dans l’Idylle suivante de vrais gardiens de moutons, sentant la laine, jurant, parlant la langue du peuple et s’inquiétant des travaux des champs ou du temps qu’il fera. Rompant ainsi la monotonie, il nous surprend et semble nous faire un clin d’œil complice : ces bergers polis qui s’adonnent à des travaux littéraires n’existent pas. C’est une pure convention d’érudits. En réalité ce ne sont que des rustres, mais dont le bon sens est particulièrement aiguisé. Nos critiques modernes se délecteraient de ce discours critique sur l’œuvre composée, si toutefois ils se donnaient le mal de lire Théocrite.

De plus, les « Idylles » ne comportent pas que de la poésie bucolique. On y trouve aussi de la mythologie, des fêtes religieuses et de la magie.

Originaire de Syracuse en Sicile, Théocrite a vécu dans l’île de Cos ainsi qu’à Alexandrie. Dans cette ville, il fréquenta les grands poètes alexandrins, connus pour leur préciosité et leur étalage de culture, défauts qu’on ne peut lui reprocher d’avoir adoptés. Un peu opportuniste cependant, il deviendra le protégé de Ptolémmée II Philadelphe, Pharaon d’Egypte (et descendant de Lagos, général d’Alexandre le grand qui s’était approprié l’Egypte lors du partage de l’Empire. La dernière représentante de la dynastie des Lagide est Cléopâtre. Attention d’ailleurs à ne pas confondre ce Ptolémée Philadelphe avec le fils de Cléopâtre et de Marc Antoine, qui porte le même nom)

On appréciera aussi l’introduction de ce livre, rédigée par P-E Legrand en 1925 déjà mais réédité en 2005. Le traducteur y fait le point sur la datation de l’œuvre (entre 275 et 260 avant J.C.) , le choix des pièces ainsi que l’ordre de présentation de celles-ci. Il explique aussi très bien comment les textes sont parvenus jusqu’à nous (essentiellement dans des manuscrits du XIII° et XIV° siècles).



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05/02/2008

La première dame de France gagne son procès contre Ryanair.

Attaquée au tribunal pour avoir exploité une photographie du couple le plus médiatique de la planète, la société Ryanair a été condamnée à payer un euro à Nicolas I, roi, par la volonté du peuple, de la grande Sarkozie (lequel, bon prince, a tenu a préserver la dignité de sa fonction en ne se montrant pas bassement matérialiste) et 60.000 euros à sa douce moitié.

Il est vrai que celle-ci avait demandé 500.000 euros et que le juge a revu ses prétentions à la baisse. Ceci dit, si c’est en tant qu’outrage à la première dame qu’on juge son affaire, il y a erreur, car au moment des faits elle n’était encore que Carla Bruni. Nicolas l’avait dit d’ailleurs : « vendre son image, c’est son métier de mannequin. Elle subit donc un préjudice et c’est pour cela qu’elle réclame une somme plus importante. » En octroyant 60.000 euros, le juge a sans doute donc estimé que le première dame n’était plus mannequin à temps plein mais bien à temps partiel (puisque le code civil l’oblige à passer ses nuits avec son mari). Le préjudice étant moindre, il n’a pas accordé la totalité de la somme réclamée. Mais comme par ailleurs, la première dame continue à poser en petite tenue (bottée et baguée) pour la presse espagnole, il a bien dû, tout de même, accorder un petit dédommagement qui arrondira les fins de mois.

C’est sans doute pour cela qu’elle n’a pas accompagné le président en Roumanie mais qu’elle s’est fait remplacer par son père (ce qui, pour Nicolas, rend le voyage nettement moins romantique, on en conviendra). Elle avait sans doute quelques séances de photos à terminer.

Pour ceux parmi vous qui sont passionnés de littérature, ils ne manqueront pas de se précipiter sur les trois derniers livres sortis, tous consacrés comme il se doit à Carla Bruni.

-Carla Bruni, Qui est-elle vraiment? paraît aux éditions Privé, avec un premier tirage à 55.000 exemplaires

-Carla Bruni, La dame de coeur est annoncé chez l'éditeur belge Luc Pire. Tiré à 20.000 exemplaires, il a déjà été réimprimé à 5.000 pour faire face à le demande, selon la maison d'édition.

-Carla et Nicolas, Chronique d'une liaison dangereuse des journalistes Chris Laffaille et Paul-Eric Blanrue, paraît aux éditions Scali. 40.000 exemplaires et le livre est également en réimpression, selon la maison d'édition

On plaint l’ex-première dame, Cécilia, dont les biographies vont se faire détrôner par ces nouveautés, alors qu’elle était en tête des meilleures ventes.

Et on dira encore que les éditeurs ne lisent pas les manuscrits envoyés par la poste…





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"Nicolas, voulez-vous prendre pour épouse..."

On n’était jamais tombé aussi bas. Jamais, en effet, un président en exercice n’avait attiré à ce point l’attention de la presse à sensation. Sarkozy a voulu innover en cette matière comme dans toutes les autres. Il commence à en payer les pots cassés.

Ainsi, celui qui avait dit qu’il fallait travailler plus pour gagner plus n’en finissait plus de se faire photographier en douce compagnie dans divers lieux d’amusement ou de villégiature. (Disney Land, Egypte, Jordanie, etc.) Alors que le pays est en crise (c’est lui qui le dit), en retard sur l’économie mondiale (sans doute) et qu’il s’est engagé à lui faire faire un grand pas en avant (contestable par ailleurs puisque cela revient à suivre une politique libérale pure et dure), voilà qu’il ne s’occupe plus de rien et qu’il se contente de roucouler et de faire les yeux doux à la belle Carla. Erreur fatale. Les Français, dont le pouvoir d’achat s’érode (forcément, la liberté du marché permet à n’importe quelle firme d’évincer ses concurrents puis de demander le prix qu’elle veut, l’Etat n’intervenant plus en rien et se contentant de laisser faire) ont besoin d’un président de crise et ils ont sous les yeux un adolescent amoureux. Voilà qui explique la chute vertigineuse dans les sondages.

Heureusement le mariage vient remettre les pendules à l’heure. Un mariage, « vous vous rendez compte ! ». C’est du sérieux. Celui qu’on accusait d’être un frivole et un épicurien jouisseur redevient un époux respectable. Ouf. La morale est sauve.

Ce n’est pas pour cela que la situation va s’améliorer, loin de là, mais au moins, pendant qu’il passe du temps avec la première dame, Nicolas ne sera pas occupé à démanteler nos systèmes de retraite ou à privatiser la fonction publique et c’est déjà cela. On lui souhaiterait même une lune de miel éternelle rien que pour qu’il nous laisse un peu tranquilles.


46175f01bea7a1fae92021ea24517cc6.jpgAinsi, le petit vizir qui était devenu calife à la place du calife est maintenant en plein conte des mille et une nuits. Il est amoureux. Tant mieux pour lui, mais comme il est du genre hyperactif, on peut supposer qu’il sera bientôt lassé de son nouveau jouet (à moins que ce ne soit l’inverse car on dit la belle Carla assez volage).

En attendant, pendant ce répit amoureux, je suppose que nous aurons droit aux levers du Roi soleil dans Paris Match, avec Carla en petite tenue. On commence à avoir l’habitude, cela n’émeut plus personne.

A propos de Roi Soleil, cela me fait penser que le petit Roi se rendait à précisément à Versailles, ces jours-ci, pour préparer les réformes constitutionnelles nécessaires à l’adoption du mini-traité européen. En monarque absolu, il s’apprête donc à ratifier un texte que la majorité des citoyens avaient pourtant refusé, mais que voulez-vous, le Roi est le Roi et ses désirs sont des ordres.

Notons qu’il n’était pas seul à Versailles puisque sa toute nouvelle épouse était présente.
Devant la presse, il a fait peu d’allusions à ce mariage, ayant enfin compris que la dignité présidentielle exigeait une certaine retenue. En visite en Moselle, il aurait déclaré devant les travailleurs d’une usine qui s’apprête à licencier : "Je dois dire que Gandrange comme voyage de noces, il n'y a pas mieux", tandis qu’à Bucarest il aurait reconnu avoir eu « un week-end assez chargé. »

Ceci dit, on apprend qu’à Bucarest il était accompagné du père de Carla, Maurizio Remmert.
C’est une manie chez lui. En Libye, il envoyait Cécilia, à Rome, il s’est présenté chez le pape avec sa future belle-mère et ici avec le beau-père. Curieuse histoire de famille. Ce n’est pas pour rien que la presse roumaine titrait « le mari de Carla Bruni arrive à Bucarest ».
Quand je disais qu’on était tombé bien bas.


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Versailles, après les noces.









Non, je me suis trompé





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Voilà qui est mieux

03/02/2008

Réflexion

Les psychologues disent que ceux qui ont peur de la mort ont en réalité peur de la vie. N’osant rien entreprendre, par timidité ou par crainte de l’échec, ils se contentent de ruminer sur leur fin dernière, trouvant dans ce néant inéluctable un prétexte de plus pour ne pas agir.
Si on en croit cette théorie, l’homme « normal » doit s’abandonner pleinement à la vie et agir sans trop réfléchir. Sans doute. Mais n’est-ce pas pourtant cette réflexion sur sa propre fin qui le différencie de l’animal ? Et à quoi bon agir si on ne se demande pas où on va ?
Comme je n’ai jamais encore trouvé la réponse à cette question et comme il m’arrive souvent de me réveiller avec une conscience particulièrement aigue et presque physique de cette fin ultime, il faut donc croire que je ne suis pas normal.

00:55 Publié dans Errance | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : l'absurde, la mort

01/02/2008

Un regard extérieur

Un article du Monde (actuellement en ligne, mais dépêchez-vous) donne l’opinion des journalistes étrangers sur le « style » Sarkozy. On y apprend, si on sait lire entre les lignes, que les Français sont finalement ignares puisque tout le monde, à l’extérieur de l’Hexagone, semble en fin de compte apprécier le petit Nicolas.

Ainsi, l’épisode où Sarkozy s’en est pris aux marins bretons serait vu positivement par les Italiens : « Un président de la République capable de descendre dans l'arène, d'aller parler avec ceux qui protestent, qui n'a pas peur, ça plaît aux Italiens."

Les Anglais, eux, apprécieraient le côté «vrai » du président, qui ne se fabriquerait pas une image factice pour la télévision.
Si les vacances sur un yacht privé sont qualifiées « d’impensables » en Allemagne, les mêmes Anglais, dans un cas semblables, se réjouiraient plutôt dans la mesure où c’est autant d’épargné pour les caisses de l’Etat et donc pour les contribuables.
Quant à l’attitude du petit Vizir lors des sommets internationaux (on se souvient par exemple de l’apéritif trop alcoolisé bu en présence de Poutine), elle est simplement qualifiée « d’étrange » mais aussi de « touchante ».

Bref, aucune critique vraiment méchante, au contraire. Les journalistes européens ont-ils l’esprit large ? Ont-ils peur de dire ce qu’ils pensent à celui qui les interroge ? Difficile de se prononcer. Il faut considérer, cependant, qu’ils sont peut-être moins directement impliqués que les Français, qui eux, en quelque sorte, doivent vivre au quotidien avec leur président, sans parler du fait qu’ils redoutent que l’image de marque de leur beau pays ne soit ternie par un clown hyperactif.

Ce qui est sûr, c’est que si cet article du Monde avait voulu faire l’apologie du Président, il ne s’y serait pas pris autrement. Heureusement que nous sommes dans un pays où la presse est libre (tellement libre que n’importe qui peu même acheter un journal ou un groupe de presse s’il le désire), sinon on se poserait des questions.