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31/03/2008

De l'équilibre intérieur

Il est des jours où l’agitation du monde vous semble dérisoire. A quoi bon faire le compte de toutes les injustices dont les informations nous abreuvent ? Il n’y aura jamais la paix en Palestine, le Tibet restera chinois et l’Irak continuera de se dissoudre dans une guerre civile fratricide pour le plus grand profit des marchands de pétrole (et nous en savons quelque chose quand nous passons à la pompe avec nos voitures : c’est notre manière à nous de contribuer à l’effort de guerre, même si nous condamnons farouchement cette dernière).

Plus près de nous, il y aura toujours des politiciens véreux, qui pensent plus à leur profit qu’à la gestion des affaires publiques. Et même s’il y en a quelques-uns d’honnêtes, nous savons tous qu’ils sont obligés d’entrer dans un système qui repose sur la duperie et le mensonge.

Nous aurons bon clamer haut et fort contre le libéralisme triomphant qui affame chaque jour un peu plus nos voisins immédiats, cela ne changera rien. Le combat est perdu d’avance, l’économie étant devenue mondiale. Ou votre pays fait de la résistance et il se fait manger, n’étant pas compétitif ou il approuve le nouvel ordre du monde et c’est vous, en tant que citoyen, qui vous faites manger (par exemple en devant payer une facture de gaz trente pour cent plus chère).

Donc, disais-je il est des jours où on a envie d’oublier tout cela et où on préfère plutôt se replier sur sa propre personne, non par souci d’égoïsme, mais simplement parce qu’on n’a qu’une vie et qu’elle est courte.

Que m’importe, finalement la marche du monde ? Seul compte le regard que je porte sur moi-même et l’équilibre que je peux ainsi trouver. C’est pour cela qu’un écrivain comme Montaigne est un ami précieux. Il sait d’abord parler de lui. Si par ailleurs il regarde le monde d’un esprit lucide, il le fait sans se départir de son bon sens habituel, sachant prendre certaines distances qui lui permettent de conserver son équilibre intérieur. C’est là une qualité rare, par les temps qui courent.

La poésie, à ce propos, me semble préférable au roman pour nous plonger dans ce qui est vraiment essentiel. D’un autre côté, je me dis parfois qu’elle est plus proche de l’enfance, justement par le fait qu’elle ne s’embarrasse pas de l’agitation du monde, préférant se concentrer sur la richesse intérieure de l’individu. Lire de la poésie nous empêche-t-il donc d’être lucide en n’étant pas axé sur les réalités extérieures ou au contraire cette activité nous réconcilie-t-elle avec nous même, ce qui est finalement le bien le plus précieux ?

27/03/2008

L'argent du pouvoir

Et bien, cela n’a pas traîné ! Moins d’un an après son élection, notre ami Sarkozy se retrouve déjà mêlé à un scandale politico-financier. Lui qui avait ironisé sur le cas de Chirac, je vois qu’il ne fait pas beaucoup mieux.

Quels sont les faits ? Une lettre qu’il a signée est apparue au cœur de l'affaire Hamon (détournements de fonds publics). L’avocat qui défend ce monsieur Hamon, collectionneur d'art de son état, demande que l’on ouvre une enquête sur les flux financiers autorisés par M. Sarkozy quand il était président du conseil général des Hauts-de-Seine. Notons qu’André Santini, le secrétaire d'Etat à la fonction publique, est déjà mis ici en examen dans cette affaire (en tant que maire d’Issy-les-Moulineaux), dans laquelle on retrouve aussi le nom de Charles Pasqua. Rien que du beau monde, donc. Sans compter que l’avocat demande également que soit entendue la garde des sceaux, Rachida Dati (qui elle était directrice générale adjointe des services du conseil général des Hauts-de-Seine).

Les infractions présumées auraient été commises entre 2001 et 2003. En principe, donc, le juge n’a pas à aller enquêter au-delà de cette date. Mais un rapport de la chambre régionale des comptes précise qu’une somme de 3 833 000 euros a été versée plus tard à titre de rémunération sur des travaux de construction qui n'ont jamais eu lieu.

La question est donc de savoir si le juge doit enquêter sur des faits postérieurs à 2003 (pour lesquels on retrouve la signature de Sarkozy) ou se contenter de la période 2000-2003. On comprend l’habileté de cet avocat. En mettant en cause le Président de la république, il espère que le juge refusera d’investiguer sur la période postérieure à 2003, surtout s’il tient à son poste . Mais alors, pourquoi n’y aurait-il que la première période qui serait délictueuse ? Cela n’a pas de sens. On crierait au scandale. Le plus sage serait donc d’arrêter purement et simplement les poursuites et d’innocenter M. Hamon, à la grande satisfaction de son avocat. En effet, voir le nom de Sarkozy dans cette affaire, cela ferait désordre. Or Nicolas aime l’ordre, c’est d’ailleurs pour cela qu’il s’est fait élire. Certes, il serait protégé par l'immunité liée à son statut présidentiel, mais tout de même, cela ne serait pas très bon pour les sondages, qui auraient bien besoin d’un petit coup de pouce en ce moment.

Pauvre Nicolas. En voyage en Angleterre, cette terre des Angles et des Saxons, voilà qu’on lui préfère sa douce moitié Carla, qui lui vole tous les honneurs dus à son rang. Remarquez qu’il l’a bien cherché. N’avait-il pas confié autrefois la libéralisation (pardon, la libération, lapsus révélateur) des otages bulgares à son épouse ? Vous me direz que ce n’est plus la même, mais bon, à force de déléguer, voilà ce qui arrive.

Ceci dit, c’est n’est pas tellement par sa diplomatie, mais surtout par son physique et son sourire que la belle Carla a séduit le cœur des Britanniques, encore un peu orphelins de la princesse Diana (morte à Paris, précisément, l’amalgame est facile).
On les comprend un peu, remarquez. Comme tout le monde, ils ont pu admirer les formes sveltes de la première dame de France, si pas en vrai, du moins en photo. Rien d’étonnant à ce qu’ils l’aient préférée au petit Nicolas.



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25/03/2008

Défense de la langue française

Vous croyez que je vais vous parler de l’Ordonnance de Villers –Cotterêts ou bien du livre de Du Bellay, « Défense et illustration de la langue française » ? Je voudrais bien, mais des réalités plus proches et plus contemporaines nous obligent à ouvrir les yeux. Voici un épisode particulièrement significatif de ce qui se passe actuellement en Belgique. On sait que le pays est au bord de l’éclatement sous les coups de butoir du nationalisme flamand. On veut bien comprendre qu’un tel pays, fabriqué de toute pièce et comportant plusieurs communautés ne peut survivre très longtemps (et à vrai dire 178 ans, c’est déjà un exploit). Que chacun revendique son droit à l’autonomie, c’est une chose, mais quand on en arrive à des situations comme celle que nous révèle l’agence Belga et que je cite ici intégralement, on ne peut pas ne pas se souvenir que les fours crématoires instaurés par Hitler avaient commencé comme cela :

« Le nouveau règlement des plaines de jeux à Liedekerke, commune du Brabant flamand, prévoit que le moniteur principal pourra refuser des enfants qui ne parlent pas ou ne comprennent pas le néerlandais. Les activités qui sont organisées ne seront en outre accessibles qu'aux enfants qui vivent dans la commune ou qui ont un lien familial avec un habitant de la commune.

La commune a pris cette mesure à la suite des problèmes de communication qui se sont posés à plusieurs reprises dans le passé. "Quand il faut s'occuper d'un groupe d'enfants et les laisser jouer en toute sécurité, il est important qu'ils comprennent ce que les moniteurs leur disent. Dans le passé, nous avons eu beaucoup d'enfants qui venaient dans nos plaines de jeux, même de Bruxelles, et qui ne connaissaient pas le néerlandais", a expliqué le bourgmestre Luc Wynants (CD&V) sur les ondes de la station flamande Radio 2.
» (belga)

Pour les non-initiés, le CD&V est le parti catholique flamand (celui de l’actuel premier ministre Leterme, qui vient d’arriver au pouvoir). Comme quoi on peut être catholique et ne pas comprendre ce que signifie l’amour du prochain. Notons encore que ce parti est un parti démocratique parfaitement normal et qu’il ne faut pas le confondre avec l’extrême-droite, bien implantée par ailleurs en Flandre. On n’ose imaginer quelle doivent donc être les thèses de ces partis extrémistes, à côté desquels le C&V passe encore pour respectable et modéré. C’est tout dire.

Tout compte fait, tout ceci me donne quand même envie de citer Du Bellay, notamment le passage où il parle de la barbarie (histoire de ma réfugier dans les livres, sans doute) :

Pour commencer donc à entrer en matière, quant à la signification de ce mot Barbare : Barbares anciennement étaient nommés ceux qui ineptement parlaient grec. Car comme les étrangers venant à Athènes s'efforçaient de parler grec, ils tombaient souvent en cette voix absurde Barbaras. Depuis, les Grecs transportèrent ce nom aux moeurs brutaux et cruels, appelant toutes nations, hors la Grèce, barbares. Ce qui ne doit en rien diminuer l'excellence de notre langue, vu que cette arrogance grecque, admiratrice seulement de ses inventions, n'avait loi ni privilège de légitimer ainsi sa nation et abâtardir les autres, comme Anacharsis disait que les Scythes étaient barbares entre les Athéniens, mais les Athéniens aussi entre les Scythes. Et quand la barbarie des moeurs de nos ancêtres eut dû les mouvoir à nous appeler barbares, si est-ce que je ne vois point pourquoi on nous doive maintenant estimer tels, vu qu'en civilité de moeurs, équité de lois, magnanimité de courages, bref, en toutes formes et manières de vivre non moins louables que profitables, nous ne sommes rien moins qu'eux ; mais bien plus, vu qu'ils sont tels maintenant, que nous les pouvons justement appeler par le nom qu'ils ont donné aux autres.



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22/03/2008

Foire du livre

La foire du livre de Paris est terminée et on se demande toujours s’il fallait ou non la boycotter.
Certains, par solidarité envers la population de Gaza, estimaient que la moindre des choses était de marquer sa désapprobation envers un état qui bombarde allégrement des populations civiles.
D’autres, au contraire, disaient que la littérature n’avait rien à voir avec la politique et que d’ailleurs rien ne disait que les écrivains israéliens invités approuvaient la politique d’ostracisme menée par leur pays.

Pierre Assouline, sur son blogue que je ne lis jamais, ne cache pas son ironie à l’égard des partisans du boycotte, estimant qu’ils ont manqué leur objectif et que s’il y a eu effectivement une petite désaffection du public, elle est surtout due au risque d’attentats et au mauvais temps (les mesures de sécurité ayant été renforcées à cause de tous ces méchants terroristes, les files d’attente étaient plus longues). Bref, selon lui, le public français ne s’est pas laissé impressionné ni influencé et il a montré tout l’engouement qu’il porte à la littérature israélienne.

Il a peut-être raison. Il n’empêche que je n’apprécie pas trop le ton persifleur qu’il emploie ici. Je n’attendais d’ailleurs rien d’autre de lui car je n’oublie pas l’article qu’il avait écrit en son temps contre le journaliste Alain Ménargues. Celui-ci avait écrit un livre dans lequel il s’opposait à la construction du mur de la honte en Palestine, ce qui avait fait dire à certains qu’il tenait des propos antisémites (et non antisionistes). Assouline avait alors donné raison aux rumeurs, qualifiant le mur de simple « barrière de sécurité » qui aurait servi de prétexte à Alain Ménargues pour se répandre en propos haineux envers le peuple juif.

C’est évidemment toujours l’éternel problème quand on parle de la politique israélienne. Oser la critiquer, c’est se faire taxer d’antisémite. Dans son livre, Ménargues regrettait que la religion juive, axée sur l’idée de pureté, incitât ce peuple à vouloir séparer le pur de l’impur, d’où l’ostracisme manifeste envers le monde arabe et le peuple palestinien en particulier. Du coup, on lui a reproché de ne pas simplement s’opposer à a construction du mur, mais d’être fondamentalement raciste envers les représentants du peuple hébreux, ce qui me semble aller un peu vite en besogne. Même le Monde diplomatique, dont j’apprécie les articles pour leur ouverture d’esprit, a demandé à ses sympathisants locaux de ne pas inviter Alain Ménargues Tout cela ressemble tout de même à une cabale qui ne dit pas son nom, car ce mur reste une honte, tout comme la politique de colonisation systématique ou l’enfermement de 3.00.000 de personnes dans la bande de Gaza. Certes, il y a les attentats, qui constituent un grave problème. Mais alors que tout le monde condamne à juste titre les extrémistes arabes qui voudraient voir disparaître l’état d’Israël, il n‘y a pas beaucoup de voix qui s’élèvent (ou en tout cas elles sont de peu de poids) pour désapprouver l’impérialisme israélien qui ne cesse de vouloir étendre ses frontières sous prétexte de garantir sa sécurité intérieure.

Pourtant, quand les Russes étaient partis autrefois à la conquête de l’Afghanistan, tout le monde occidental avait trouvé cela choquant. Comme on a trouvé choquant l’invasion de l’Irak par les troupes américaines sous un prétexte fallacieux (le terrorisme). Tout comme on désapprouve encore aujourd’hui l’annexion du Tibet par la Chine. Pourquoi ce qui peut être dit à l’encontre de l’impérialisme de certains états ne peut-il l’être quand il s’agit d’Israël ?

Parce que Israël est la victime (des attentats) me direz-vous. C’est vrai et on ne peut que le regretter. Mais est-ce en pratiquant cette politique du mépris que les choses vont s’améliorer ? Bush a-t-il éradiqué le terrorisme mondial en détrônant Sadam Hussein ? Bien sûr que non et il n’y a jamais eu autant de musulmans mécontents. Une majorité du peuple palestinien aspire à la paix, comme une majorité du peuple israélien. N’y aurait-il pas moyen de s’entendre plutôt que de se lancer dans une politique de fuite en avant qui amènera toujours plus de violence, laquelle débouchera sur plus de répression encore ?

On le voit, la situation n’est pas simple et pour revenir à la Foire du livre de Paris, le moins qu’on puisse dire, c’est que la question du boycotte pouvait au moins être posée. Quand un de nos politiciens s’en va en Chine signer des contrats commerciaux, nous ne trouvons pas normal qu’il fasse passer les intérêts économiques avant les droits de l’homme ou l’annexion du Tibet. Pourquoi alors l’annexion systématique et progressive d’une partie du territoire palestinien ne doit-il pas être dénoncé ?

Parce que, me direz-vous, une Foire du livre est une manifestation culturelle qui n’a rien à voir avec la politique. Si c’était vrai, je vous donnerais raison, mais malheureusement on sent bien que ce n’est pas un hasard si on a attendu le soixantième anniversaire de la naissance de l’état d’Israël pour inviter les écrivains israéliens. Je crois au contraire qu’on veut se servir de notre passion pour les livres pour justifier un événement politique et nous faire approuver indirectement la politique extérieure israélienne. C’est ce qu’on appelle de la manipulation.

Sans compter que si on invite un état, la moindre des choses est de donner un aperçu de toutes les composantes de cet état. Imaginerait-on inviter l’Espagne et nier la catalogne, l’Andalousie et le Pays basque ? Or ici, a-t-on vu des écrivains israéliens arabes musulmans ? Non bien sûr. A-t-on vu des écrivains arabes chrétiens ? Pas que je sache. L’explication qu’on nous donne relève du sophisme : on n’a invité que les écrivains s’exprimant en hébreux. Le critère serait donc devenu subitement linguistique. Mais pourquoi alors n’avoir pas intitulé ce salon « Salon de littérature hébraïque » ? Pourquoi pas ? Un peu comme on ferait un salon de langue arménienne ou kurde. Mais on n’a jamais vu un salon consacré à la langue kurde, puisque ce pays n’existe pas. C’est bien la preuve que c’est le pays politique qu’on invite et pas les représentants de telle ou telle langue (que se passerait-il d’ailleurs si on faisait un salon de langue anglaise ? On inviterait la moitié de la planète ?).

Tout cela pour dire qu’il y avait manipulation et que c’est bien l’état hébreu qui était à l’honneur beaucoup plus que sa littérature.

Maintenant fallait-il ou non le boycotter, c’est une autre question. Quel est l’impact d’une telle mesure ? Il est probablement fort mince. D’un autre côté, c’est en mettant autrefois l’Afrique du Sud au banc des nations que petit à petit l’apartheid a été vaincu. Et puis il faut être honnête. Tous ces bien-pensants qui verraient d’un mauvais œil un salon consacré au Cuba de Fidel Castro auraient été moins regardants si on avait invité le Chili du temps de Pinochet. Preuve supplémentaire que tout cela est bien politique alors qu’on ne vienne pas nous dire que cela ne l’est pas.

Bon, je parle, je parle, mais c’est surtout pour le plaisir d’être en votre compagnie, car dans le fond, n’habitant pas Paris, je ne vais jamais au salon du livre. Il fut un temps, cependant, où j’aimais me rendre dans celui de ma région, situé dans ma capitale à moi. Quand j’étais plus jeune je trouvais cela intéressant. On pouvait voir toutes les collections d’un même éditeur ou bien avoir une idée de la production de différents pays (le Québec, la Chine, etc.). J’y ai même vu, dans les années quatre-vingts, un stand israélien qui jouxtait un stand palestinien, comme quoi… Puis les années passant, je me suis lassé de ce genre d’événement, sans que je sache si c’est la qualité des salons qui a diminué ou si c’est moi qui me suis montré plus exigeant. Ce qui est sûr, c’est que les deux dernières fois il m’a semblé que l’aspect commercial avait pris de telles proportions, que j’en ai été dégoûté. Il ne s’agissait plus de montrer, mais de vendre. Les micros n’arrêtaient plus d’annoncer des séances de signatures et des débats. On avait l’impression qu’il fallait tout acheter et tout de suite. Si on ajoute à cela la chaleur, le bruit, le monde et l’impossibilité de flâner à son aise, j’en suis arrivé à la conclusion que je préfère butiner les rayons de ma librairie favorite, plutôt que de me rendre à ce genre d’événement où il s’agit surtout, pour les écrivains, de se faire voir et pour les lecteurs d’acheter et de consommer. Bref, on y vendrait des produits gastronomiques que ce ne serait pas fort différent.

Ah, au fait, qu’est-ce qu’ils ont comme spécialité culinaire, en Israël ?

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20/03/2008

Journée de l'eau

La communauté internationale célèbre paraît-il ce 20 mars 2008 la « Journée mondiale de l'eau ». « Le Monde diplomatique » nous rappelle que le manque d’eau concerne 1,1 milliard d'êtres humains, ce qui n’est pas rien et que l’absence de moyens sanitaires de base touche 2,6 milliards de personnes.
Ce qui est inquiétant, c’est qu’on se sert de cette pénurie pour libéraliser le marché de l’eau. Partant du principe que les états, par définition, sont défaillants, les chantres du libéralisme ont estimé que ce grave problème de l’eau devait dépendre des firmes privées.

Une telle conception est évidemment absurde. Dans nos pays industrialisés, il y a déjà plus d’un siècle que le problème est résolu et que chaque citoyen dispose d’une eau potable pour un prix abordable. Dans un tel contexte, on ne voit pas la nécessité de privatiser un secteur qui fonctionne très bien, si ce n’est pour remplir les poches de quelques-uns (avec l’appui scandaleux de nos dirigeants qui se révèlent ainsi être de piètres hommes d’état.) Dans le tiers-monde, où la situation n’est certes pas idyllique, on peut se réjouir de la volonté d’assurer la distribution d’eau potable, mais on aurait mieux fait d’aider les gouvernements à prendre les mesures nécessaires (plutôt que de les obliger à s’endetter chaque jour d’avantage et à devoir rembourser des intérêts dont la courbe exponentielle a de quoi inquiéter). En effet, en privatisant le secteur de l’eau, les capitalistes n’ont vu que l’énorme marché que cela représentait pour eux et ils ont oublié deux choses. D’une part que ces populations n’étaient pas habituées à payer pour un tel service, ce qui a entraîné des réactions violentes et d’autre part qu’elles n’en avaient de toute manière pas les moyens.

Sinon, ces privatisations se font chaque fois de la même manière : dérégulation, décentralisation, privatisation puis paiement exorbitant par les usagés.

Ce qui me fait dire (mais c’est un autre débat) que l’Europe des régions est un outil du libéralisme pour faire perdre aux états leur suprématie. Ces états avaient la capacité de résoudre les problèmes, de plus, ils avaient tendance à protéger leurs citoyens par des règles strictes (lois sociales, protection de l’environnement, etc.). Il fallait donc casser cette suprématie en confiant petit à petit des responsabilités aux régions. On a vu que même la France, si centralisée depuis Louis XIV, n’a pas échappé aux dictats de Bruxelles. C’est ainsi que les universités, par exemple, doivent envisager leur avenir dans le cadre de leur région (et donc s’arranger pour s’auto financer, ce qui va permettre de monnayer certains services jusqu’ici gratuits). La conséquence sera une inégalité entre universités des régions riches et des régions moins favorisées (avec un transfert des étudiants vers les meilleures écoles, ce qui va encore renforcer la suprématie de ces dernières). Dans un tel contexte, il ne restera comme seule solution que de confier au secteur privé un enseignement que la région ne pourra plus assumer (avec des conséquences incalculables sur le contenu des programmes, orientés vers le besoin exclusif des firmes privées).

Mais revenons au problème de l’eau. Les contrats avec le pays du Sud se sont succédés à un rythme impressionnant. Les forums internationaux aussi. Partant d’une bonne volonté (fournir de l’eau potable à tout le monde), relayés par les ONG et les associations caritatives, ces réunions permettent à l’insu des participants de justifier la privatisation du secteur. Même Kyoto, par exemple, risque ainsi d’être récupéré. L’idée de la pollution et du réchauffement climatique fait son chemin dans les consciences et tout le monde est prêt à payer pour sauver la planète. Il y a fort à parier que des firmes privées vont montrer le bout de leur nez sous peu. C’est déjà ce qui se passe avec l’eau. Voyant que le marché de l’eau est moins intéressant qu’escompté dans le Sud, elle se rabattent sur l’Europe et sur la décontamination. On peut certes se réjouir des mesures prises par Bruxelles concernant l’obligation pour les communes d’avoir des stations d’épuration, mais indirectement tout cela a un coût, coût dont vont bien profiter les firmes privées (construction des stations d’épuration, services payants comme le recyclage des déchets, etc.). Dans un tel contexte, les ex-pays communistes sont une manne providentielle pour ces firmes puisqu’ils offrent un terrain vierge où il reste beaucoup à faire (mais où existe déjà une infrastructure certes vieillotte, mais qui fonctionne encore) et où le niveau de vie de la population va logiquement progresser grâce à l’argent insufflé par l’Union européenne. Un beau marché en perspective. Il ne faut donc pas s’étonner que le pouvoir libéral en place à la Commission de Bruxelles (et sous le regard attendri d’un représentant américain, ce qu’on ignore souvent et dont on se demande bien ce qu’il fait là) pousse à l’élargissement de l’Europe. Les citoyens de l’Ouest paieront la facture qui permettra à un nouveau marché d’émerger (sans compter que pendant vingt ans le prix de la main d’œuvre restera dérisoire à l’est, ce qui permettra de belles délocalisations particulièrement fructueuses). Ce ne sont pas les politiciens locaux qui feront de l’opposition. Ex-communistes, il n’y a pas plus convaincus qu’eux des bienfaits du libéralisme. On l’a vu au moment de la guerre en Irak, quand la Pologne a offert son aide à Bush, ce qui a permis à celui-ci de parler avec mépris de la « vielle Europe » dépassée en montrant du doigt la France non belligérante et non belliqueuse d’un Chirac sur le déclin.

Le changement climatique, de son côté, nous promet quelques belles catastrophes : inondations, sécheresses, glissements de terrain, ouragans et cyclones. Les cultures elles-mêmes seraient menacées, même en Europe du Nord, tandis qu’en Afrique sub-saharienne, la sécheresse devient inquiétante (baisse du débit des cours d’eau de plus de 40%). Cela permettra de construire des barrages que seules, évidemment, les firmes privées seront en mesure de financer (avant de se faire rembourser au centuple par la suite). Il est vrai que dans le type d’agriculture intensive que nous connaissons (et ne parlons même pas ici des OGM qui vont asservir les paysans aux grandes firmes céréalières productrices de semence ) l’eau est indispensable. Plutôt que de revoir ce type d’agriculture, on préfère se lancer dans une course en avant afin d’assurer sa pérennité par des moyens artificiels comme la construction de ces grands barrages ou le dessalement de l’eau de mer. Bien sûr on nous présentera ces projets comme une nécessité pour permettre à ces pays du Sud d’émerger (mais qui se soucie en fait de leur émergence ?). On ne dira pas, par contre, que ces grands travaux demandent beaucoup d’argent ni que les usines de dessalement demandent beaucoup d’énergie (et donc de carburant très cher et par ailleurs polluant). On ne sait pas trop non plus ce qu’il adviendra de la saumure qu’on rejettera à la mer (risque de rupture d’équilibre du milieu marin).

On le voit, le problème de l’eau est loin d’être résolu. Si demain le pétrole fait défaut et s’il faut se rabattre sur de l’essence produite à partir de végétaux cultivés, la demande en eau pour les besoins agricoles ne cessera d’augmenter. Le secteur privé a donc encore de beaux jours devant lui car il s’imposera comme le seul à être capable de retraiter les eaux usées ou à maîtriser la technique du dessalement. Faisant l’apologie de nouvelles techniques (nano-filtration, osmose inverse, etc.), des firmes internationales ont déjà déposé des brevets leur assurant le monopole, direct ou indirect, sur ces nouvelles manières de traiter l’eau.

Finalement, quand on y réfléchit, mieux vaut boire du vin que de l’eau du robinet.




18/03/2008

Philosophons

Question philosophique sans intérêt, sans doute, mais dont la réponse n’est cependant pas facile à trouver. Qu’est-ce qui fait que je suis moi ? Bien sûr vous allez répondre par toute une série de considérations d’ordre génétique ou psychologique. Je possède tel caractère parce que dans mes gènes se trouve tel ou tel élément qui me conditionne à agir d’une manière ou d’une autre. La combinaison de ces éléments fait que je suis plus ou moins patient, plus ou moins agressif, plus ou moins tolérant. L’ascendance explique aussi que je possède ou ne possède telle force physique, telle couleur des yeux ou telle prédisposition à certaines maladies.

D’autres répondront que tout ceci est bien beau, mais que l’acquis détermine pour le moins autant le caractère d’un individu que sa carte d’identité génétique. Dans cette hypothèse, je posséderais tel caractère parce que j’ai évolué dans un certain milieu, à une certaine époque et que les expériences vécues ont conditionné à mon insu mes comportements actuels. Ainsi, une attitude de fuite correspondrait à tel traumatisme remontant à la petite enfance ou au contraire un comportement agressif correspondrait à la répétition d’une attitude bénéfique adoptée une fois dans un contexte précis.

Fort bien. Remarquons que les deux théories peuvent se combiner. Devant une même situation, deux individus, neutres au départ, réagiront différemment en fonction de leur tempérament de départ. Puis, selon que ce comportement a entraîné un échec (développant à son tour un traumatisme) ou au contraire une réussite, chacun adaptera le tir et soit répétera à l’infini le même geste dans des circonstances analogues, soit évitera de se retrouver dans cette même situation (devant laquelle il ne pourrait que rester bloqué).

Notons en passant que tout ceci est exponentiel. Un enfant craintif évitera de faire certaines expériences. Devenu adulte, il sera devenu d’autant plus craintif qu’il n’aura jamais eu l’occasion de se prouver à lui-même qu’il pouvait dépasser sa peur et résoudre en fait le problème. Inversement, celui qui était déjà de nature téméraire multipliera les expériences lesquelles, à leur tour, vont lui permettre de renforcer cette confiance qu’il a en ses propres capacités.

Tout ceci explique donc pourquoi je suis comme ceci plutôt que comme cela. Mais ce n’est pas de cela que je voulais parler quand je disais « pourquoi suis-je moi ? »

Si j’observe un animal (un chien par exemple), je trouve normal, puisqu’il a un cœur, des membres, un cerveau, qu’il vive et se déplace. Autrement dit, dans la peu de ce chien, il y a « quelqu’un ». Si je prends trois chiens en bonne santé, il n’y a rien de plus normal que de les voir sauter et courir, comme il est tout aussi normal que chacun ait son caractère et son tempérament. Donc, à l’intérieur de ces trois chiens, il y a trois êtres distincts. Mais qu’est-ce qui fait qu’à l’intérieur du premier chien (supposons qu’il soit blanc, pour la clarté de l’exposé) il y ait une « âme » (les croyants me pardonneront, mais je ne trouve pas d’autre manière de m’exprimer) qui soit propre à ce chien-là et qui n’est pas celle du deuxième ou du troisième chien ?

Ne revenez pas avec des explications de l’ordre de l’inné ou de l’acquis, elles ne font que dire pourquoi le chien blanc est plus gentil ou moins peureux, elles ne disent pas pourquoi c’est cette « âme-là » qui se trouve dans la peau du chien blanc et pas dans celle du chien noir.

Donc, pour m’exprimer autrement, s’il est normal qu’un être animé ait sa personnalité propre, cela ne nous dit pas comment ce chien, en son fort intérieur, peut dire « je ». Qu’est-ce qui fait que dans la peau de ce chien blanc il y ait un être qui a conscience d’exister et qui n’est pas le même que celui qui est dans la peau du chien noir ? Etant entendu que tout ce qui vient d’être dit des chiens peut s’appliquer aux humains. Je comprends que mon voisin est différent de moi, je comprends éventuellement pourquoi il a tel ou tel trait de caractère qui lui est propre, je comprends que dans son corps se trouve un être doué de raison qui dit « je », mais je n’arrive pas à expliquer pourquoi c’est lui (spécifiquement lui) qui est dans ce corps-là et pas moi par exemple. Si je trouve normal qu’un corps soit habité par un individu qui a conscience de lui-même, si je trouve normal qu’il en soit ainsi pour tous les corps (y compris ceux des animaux), je n’arrive pas encore à dire ce qui a fait que je suis moi, dans le corps que j’occupe et pourquoi je parviens à dire « je » au moment où j’écris ces lignes. En effet, mon propre corps aurait pu être « occupé » par une autre conscience, qui aurait dit « je » à son tour et dont la présence dans ce corps n’aurait choqué personne.

Les croyants auront beau jeu de me resservir leur théorie sur l’âme et sur la création transcendante. Dieu aurait créé de toute pièce ce « je » que je suis en train de tenter de définir et l’aurait placé dans un corps (peu importe lequel, en fait) ou bien, selon d’autres théories, plus orientales, cette même âme immortelle ne ferait que passer d’un corps à un autre.

A partir du moment où on réfute la religion (belle croyance qui permet de vaincre la peur de la mort en s’accordant à bon compte l’immortalité), il nous faut cependant tenter de comprendre d’où vient ce « je ». Avoir la foi consiste souvent à croire sans comprendre, en déplaçant le problème. En effet, pas plus que moi le croyant ne peut expliquer l’origine du monde, mais il pallie à cette incompréhension en disant que c’est Dieu qui a créé le monde, oubliant au passage de nous expliquer qui est Dieu. De son point de vue à lui, il est vrai qu’il n’a pas à le faire, car c’est un postulat de sa foi : Dieu existe, point final. Il en va de même avec la théorie de l’âme. Ce « je » que je tente en vain de définir, le croyant lui donne un nom : c’est mon âme, dont l’existence est voulue par Dieu. Content avec cette explication qui ramène tout à la dimension humaine (et qui est, avouons-le, d’un anthropocentrisme étroit, l’univers s’étendant bien au-delà de la simple espèce humaine, apparue il y a peu et manifestement appelée à disparaître dans pas bien longtemps), le croyant est rassuré : Dieu a voulu son existence et l’aime, comme ses parents avaient voulu aussi son existence et en principe l’avaient aimé. On touche du doigt ici le côté puéril et rassurant de la foi, qui permet à l’individu de justifier son existence sur terre. Il « est » parce que d’autres l’ont voulu et il n’a pas à se demander pourquoi. Dès lors il peut se laisser vivre, se sentant en harmonie avec le monde (son moi intérieur, ce microcosme, rejoignant le grand tout, le macrocosme).

Pour nous, il n’en va pas de même et il nous faut bien tenter de comprendre pourquoi nous sommes là, qui nous sommes et ce que nous pourrions bien faire en ce lieu.

En attendant, rien ne nous dit comment ce « moi » qui m’habite a pu surgir du néant. C’est tout de même un miracle absolu que ce « moi » ait pu exister (et votre « moi » pour vous qui me lisez, car je ne veux pas ici me replier dans une démarche nombriliste, mais au contraire réfléchir pour tout un chacun d’un point de vue ontique). C’est bien pour cela que nous y tenons beaucoup. Nous le sentons fragile, nous le savons éphémère et nous savons qu’il sera appelé à disparaître. C’est là qu’est l’horreur. Je citais l’autre jour Montaigne qui disait qu’il n’avait pas peur de la mort mais bien de mourir. Sans doute. Il n’empêche que ce néant de l’être, cette dissolution du « je », cet évanouissement d’une conscience a de quoi inquiéter. Comment peut-on ne plus être ? Comment accepter cette absence de soi-même ? Pour un peu, on réinventerait Dieu pour lui demander des comptes.


14/03/2008

Des anciens ministres

Les hommes qui nous gouvernent ont souvent des politiques étonnantes, qui nous irritent. Mais bon, ils ont été élus démocratiquement, il n’y a rien à dire. En attendant, ils tiennent le haut du pavé et nous assènent leur vérité avec autant d’aplomb que de mauvaise foi. On a beau être contre leurs principes, rien n’y fait. Ils dirigent et nous n’avons qu’à nous plier à leurs idées, présentées comme les seules valables. Souvent, le public suit béatement, ce qui fait qu’on se retrouve bien seul à prêcher dans le désert.

Puis les années passent et la roue tourne. Parfois, ces hommes politiques se font rattraper par leur passé et ils se retrouvent devant un tribunal. Ainsi en va-t-il aujourd’hui de l'ancien ministre de l'intérieur, Charles Pasqua, qui a été condamné, mercredi 12 mars, à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis par le tribunal correctionnel de Paris, dans l'affaire du financement illégal de sa campagne des élections européennes de 1999. Il a été reconnu coupable de faux, financement illégal de campagne électorale et abus de confiance, rien moins que cela. Il aurait bénéficié, pour sa campagne, de l’équivalent d’un million d’euros issus de la vente du casino d'Annemasse (Haute-Savoie) dont il avait autorisé, en tant que ministre, l'exploitation en 1994.

Un malheur n’arrivant jamais seul, Monsieur Pasqua, a fait l'objet dans le même dossier d'une procédure pour corruption passive.

On se souviendra par ailleurs que son fils, Pierre Pasqua, avait été condamné en décembre 2007 à 18 mois de prison ferme dans le cadre de l’affaire Falcone/Sofremi. Cette société, mi-privée mi publique aurait vendu illégalement des armes à l’Angola et les bénéfices se seraient retrouvés quelque part chez les Pasqua. L’argent aurait été blanchi via des sociétés écrans. Pierre Pasqua aurait ainsi reçu 1,5 millions d’euros. Il avait d’ailleurs déjà été condamné le 8 novembre (le fils donc) à deux ans d'emprisonnement, dont 1 an ferme, et 300.000 euros d'amende dans une affaire de pots-de-vin (société Alstom).

Son avocat, Edgard Vincensini avait alors annoncé qu’il ferait appel. Pas de chance pour ce brillant juriste. Il vient lui-même d’être condamné à une peine de six mois avec sursis pour "faux".

Quant au père Pasqua, il n’en a pas encore fini. En septembre 2008,il comparaîtra pour "recel d'abus de biens sociaux et trafic d'influence" aux côtés de l'ancien préfet Jean-Charles Marchiani, de l'homme d'affaires Pierre Falcone et du fils de l'ancien président de la République Jean-Christophe Mitterrand, dans l'affaire des ventes d'armes à l'Angola. D’après « Le Monde » il est aussi poursuivi « pour trafic d'influence et corruption" dans le dossier "Pétrole contre nourriture", pour "recel d'abus de biens sociaux" à propos de largesses que lui aurait consenties l'homme d'affaires libanais Iskandar Safa, et il a été mis en examen en qualité d'ancien président du conseil général des Hauts-de-Seine dans l'affaire de détournements de fonds publics reprochés au maire d'Issy-les-Moulineaux, André Santini, à propos de la fondation d'art contemporain Jean Hamon. »

On croit rêver. Bref, ce ne sont que magouilles, pots de vin et pratiques illégales. On se souvient pourtant de l’arrogance de Pasqua lorsqu’il était ministre et de ses propos qui frôlaient à chaque fois le racisme le plus primaire.

Quelle morale retenir de cette histoire ? Aucune, évidemment. Certes, ces hommes qui semblaient détenir la vérité à un certain moment sont maintenant justement punis, mais le public les a oubliés et c’est dans l’indifférence générale que les condamnations tombent aujourd’hui. Il en ira sans doute de même demain quand le nom de Chirac ressortira.

En attendant, derrière les actions entreprises par ces personnages se cachent souvent des drames. Ainsi en va-t-il de l’Irak. Bush reconnaît maintenant à demi-mots qu’il n’y avait aucun lien entre Sadam Hussein et Al Quaïda. En Angleterre, on commence à pointer du doigt les programmes de l’enseignement qui ont présenté la guerre en Irak comme une nécessité.

La roue tourne, je le disais au début de cet article, mais en attendant les conséquences sont là. L’Irak est un pays exsangue, déchiré et en pleine guerre civile. Que penser de tous ces dirigeants qui ont menti et qui se sont enrichis ? Certes, certains sont condamnés, mais d’autres les ont remplacés, qui ne sont ni meilleurs ni pires. Encore que…. On peut supposer que Sarkozy n’aurait pas hésité un instant à nous entraîner dans une guerre irakienne s’il avait été aux commandes à ce moment-là.

Alors ? On parle souvent de devoir de mémoire à propos de certains événements du passé et on fait bien. Mais le bon peuple ne pourrait-il pas se souvenir de tout ceci également avant de mettre quelqu’un au pouvoir ? Pourquoi tout doit-il être un éternel recommencement ?

Tiens, au fait, n’y a-t-il pas des élections dimanche en France ?

12/03/2008

Le temps qui passe

Vous l’aurez remarqué, j’ai eu peu de temps, ces jours-ci, pour venir déposer des articles sur ce blogue. Ce qui m’amène à une question hautement philosophique sur le temps qui s’écoule. De combien d’heures disposons-nous vraiment pour nous-mêmes dans une journée ? Si on retire les heures de sommeil, les déplacements vers le lieu de travail, le travail lui-même, les tâches domestiques, les occupations familiales et autres, la part qui nous est impartie pour nos loisirs est finalement assez restreinte. Cela ne veut pas dire que mon travail m’ennuie, mais c’est d’abord le travail, autrement dit une activité dont le but premier est avant tout alimentaire. Ensuite, bien entendu, on essaie de se réaliser au mieux dans son emploi, mais entre celui-ci et moi-même, il y a tout de même un hiatus. Pour le dire autrement, je ne suis pas (par essence) ce travail. Je suis autre chose que ce que je fais là. Heureusement, me direz-vous. Remarquez, cependant, qu’il existe des personnes qui ne vivent que pour leur travail ou pire, pour la société qui les emploie. Ils « sont » le groupe Fortis, ou IBM ou la chaîne Carrefour. De telles réactions m’ont toujours semblé louches. Est-ce moi qui ne parviens pas à m’identifier à certaines valeurs ou bien est-ce eux qui manquent de vie intérieure au point de devoir s’occuper l’esprit en permanence avec leur travail ? Je pencherais plutôt pour la deuxième solution..

Mais revenons au temps qui passe. On parle toujours de la civilisation des loisirs, mais personnellement j’ai toujours l’impression de manquer de temps. Je veux parler de ces heures que je pourrais consacrer à ce qui m’intéresse vraiment et qui font qu’en fin de journée j’aurais l’impression d’avoir vécu pour quelque chose. Notez que dans les loisirs eux-mêmes nous sommes souvent occupés à tenir un rôle car comme époux, père, voisin ou citoyen nous sommes souvent amenés à faire des choses qui nous plaisent certes et qui ne sont pas désagréables, mais qui ne correspondent pas encore à ce qu’il y a vraiment au fond de nous.

C’est pour cela, sans doute, que j’aime particulièrement la nuit. Quand tout est calme dans la maison et dans la ville, il est plus facile de se retrouver enfin avec soi-même. Ceci dit, il se pourrait bien que ce que je fais alors ne soit pas existentiellement fondamental. Est-ce plus important de lire tel livre ou d’écrire quelques lignes ici que de préparer le repas ou tondre la pelouse ? Il me semble qu’oui. Pourtant, si notre vie se résumait à cette activité liée à notre monde intérieur, on la trouverait bien vide aussi. Imaginons que devenu rentier (il faudrait pour cela se décider à jouer au loto) je n’aie plus rien d’autre à faire que de lire à longueurs de journées. Il est fort probable qu’après avoir ingurgité quelques centaines d’ouvrages ma vie m’apparaîtrait bien vide. Où donc se trouve ce qui la rend importante ? Enfin, je veux dire importante à mes propres yeux, car dans l’absolu, aucune vie n’est importante, bien entendu, Dieu étant mort depuis longtemps et les astres qui nous entourent semblant des masses inertes dépourvues de sens en elles-mêmes.

Donc, sans me placer face au néant pascalien, je suis tout de même en droit de me demander ce qu’il serait légitime d’accomplir afin que cette vie, déjà si courte (au mieux quatre-vingts ans) et ces journées plus courtes encore (voir plus haut) prennent un semblant se sens. Car ce qui me semble intéressant pour moi (et ce pour quoi je n’ai pas beaucoup de temps comme je l’ai déjà dit) n’est peut-être pas intéressant en soi (d’un point de vue existentiel). Pour m’exprimer autrement, il se pourrait bien que l’individu n’ait tendance à accomplir que ce qui l’intéresse. Si ses passions sont mesquines, il aura tout perdu. C’est le cas de l’alcoolique, par exemple, qui à ses propres yeux vit pleinement sa passion, mais qui à nous nous semble perdre son temps. Il en va de même des gens assoiffés de gloire et de pouvoir. Pour eux, rien n’est plus important que de devenir directeur de ceci ou président de cela. Pourtant, les efforts mis en œuvre pour parvenir à un but aussi futile sembleront étranges à un artiste qui, lui, vit pour autre chose. Tout cela pour dire que nous restons foncièrement prisonniers de notre caractère et de nos humeurs. C’est au point qu’on se demanderait bien comment on parvient encore à avoir un semblant de dialogue avec nos contemporains, chaque être humain semblant enfermé dans une prison mentale qui lui est propre.




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08/03/2008

Reflexions

Laissons parler Montaigne, qui a déjà tout dit :



Il est toujours plus plaisant de suivre que de guider.

Ce n'est pas la mort que je crains, c'est de mourir.

La plus grande chose du monde, c'est de savoir être à soi.

Il n'est description pareille en difficulté à la description de soi-même.

C'est un sujet merveilleusement vain, divers et ondoyant que l'homme.

Notre religion n'a point eu de plus assuré fondement humain que le mépris de la vie.

Ce grand monde, c'est le miroir où il nous faut regarder pour nous connaître de bon biais.

La plus subtile folie se fait de la plus subtile sagesse.

Philosopher, c'est douter.

Il se trouve autant de différence de nous à nous-mêmes que de nous à autrui.

06/03/2008

Le Manuscrit trouvé à Saragosse (suite)

Dans la prolongement de la note précédente, il faut souligner qu’habituellement, nous avons un auteur et un manuscrit. Enfin, c’est un peu plus compliqué que cela, puisque le manuscrit en question peut parfois subir des transformations importantes au fur et à mesure des corrections apportées par l’auteur. Ceci dit, même si on ne peut jamais vraiment dire que l’ouvrage est définitivement achevé, il arrive toujours un moment où il est publié. La situation est alors figée par le fait que le manuscrit se transforme en livre.

Ici, dans le cas de Potocki, nous sommes en présence de deux manuscrits pour un même roman S’il avait publié son œuvre de son vivant, il aurait opté pour une des deux versions (on peut supposer qu’il aurait choisi la dernière) et l’autre serait pour nous restée dans les limbes du processus de création.

Du coup, le choix de la bonne version revient à l’éditeur, qui se transforme un peu en auteur pour la circonstance. Ainsi, le premier éditeur polonais du « Manuscrit trouvé à Saragosse », Chojecki, mériterait peut-être le nom de co-auteur. En effet, il a manifestement publié (et traduit) la version de 1804, mais comme elle était incomplète, il s’est inspiré de celle de 1810. Il a donc dû agencer les chapitres pour former un tout cohérent (car on a dit à quel point les deux manuscrits pouvaient être différents). Peut-être même a-t-il rédigé lui-même certaines transitions. Il a donc dû, sans trahir l’esprit du roman, le reconstruire quelque peu. Ce « faux » permet en tout cas une lecture cohérente et agréable.

Le livre final n’est donc pas à cent pour cent l’œuvre de Potocki, mais est le fruit d’une collaboration (si on peut dire) entre l’auteur, le traducteur, l’éditeur polonais et l’éditeur français (qui, en 1958, retraduit à partir du polonais).

Ceci dit, on peut supposer que tout livre édité est quelque part la version proposée par l’éditeur. C’est le cas pour les classiques (il a dû choisir telle version plutôt que telle autre), mais aussi pour les contemporains (il a demandé de raccourcir tel passage, de développer tel autre, de modifier la fin, etc.)

Peut-on parler, comme certains, de «processus créatif transindividuel » ? Peut-être bien. Sans parler du fait que chaque écrivain reproduit, qu’il le veuille ou non, une partie des livres qu’il a lus, non qu’il en fasse un vulgaire plagiat, mais simplement parce que le processus de création passe par la mémoire et donc aussi par le souvenir des livres que l’on a lus. C’est la notion d’intertextualité : c’est avec de la littérature qu’on fait de la littérature.

En poussant le bouchon plus loin, on pourrait donc dire que l’œuvre d’un écrivain (retouchée par son éditeur) continue d’exister chez les autres auteurs puisqu’ils s’en inspirent pour créer leurs propres œuvres.

Le lecteur lui-même, étape ultime de ce grand jeu de réécriture, ne va-t-il pas contribuer à faire vivre cet imaginaire ? En faisant siennes les réflexions trouvées dans les livres, en se les appropriant (dans le sens que Montaigne donnait à ce mot), il crée à son tour et à son insu tout un univers mental qu’il va contribuer à répandre autour de lui.

04/03/2008

Le manuscrit trouvé à Saragosse

Nous connaissons tous ce merveilleux livre qu’est le « Manuscrit trouvé à Saragosse ». Celui-ci est étonnant à plus d’un titre. D’abord parce qu’il fut rédigé directement en français par Jean Potocki, un comte polonais, ce qui en dit long sur le rayonnement de la langue française à la fin du XVIII° siècle. Il n’y a tout de même pas eu beaucoup d’écrivains qui ont renoncé à leur langue maternelle pour écrire dans une autre. Dans le domaine français, à part Beckford et Beckett, je n’en vois pas tellement. Ah si, Maeterlinck, mais qui regrettera toujours de n’avoir pas pu s’exprimer dans la langue de son peuple, à savoir le flamand (l’aristocratie et la haute bourgeoisie flamande parlaient le français à l’époque. Maeterlinck comprenait donc le flamand mais ne le parlait pas).

Mais revenons au roman de Potocki. Outre le fait, donc, qu’il a été écrit en français, ce livre est aussi un chef d’œuvre de composition. Véritable labyrinthe, chaque chapitre se termine de la même manière, ce qui est tout de même un tour de force. Exemple classique du roman à tiroirs, cet ouvrage va bien au-delà de la prouesse stylistique puisque les destinées des différents personnages se reflètent les unes dans les autres, créant un monde imaginaire qui devient un véritable univers. Le héros, arrivé en Espagne pour devenir capitaine des Gardes wallonnes, connaîtra en fait une aventure initiatique. L’action se situe dans la chaîne des Alpujarras. A chaque fois qu’il rencontre quelqu’un, la personne rencontrée lui raconte sa vie. Dans le récit qui est alors fait (histoire dans l’histoire, donc) il est fait allusion aux narrations que d’autres protagonistes ont pu faire à celui qui est en train de raconter (histoire dans l’histoire dans l’histoire). Ces personnages dont on parle, le héros finira par les rencontrer. Ils se mettront à donner leur propre version des événements (dont nous avions déjà connaissance sous un autre éclairage). Nous sommes donc finalement en présence d’une quintuple mise en abîme.
C’est assurément un tour de force. Sans compter que ce n’est pas gratuit et que le lecteur se laisse prendre au jeu

Quelqu’un comme Nabokov se vantait dans « Feu pâle » d’avoir atteint ce que l’on pouvait faire de mieux en matière de trame narrative. C’est lui qui le dit, mais son roman m’avait laissé relativement froid, alors que dans le « Manuscrit trouvé à Saragosse » est bien autre chose.

S’il a autant d’attraits, ce livre, c’est qu’au-delà de la technique narrative (exceptionnelle, répétons-le) il est aussi une somme romanesque de tous les genres. Voici ce qu’on en dit sur le site des éditions Corti, qui republièrent le roman en 1989 :

« roman picaresque, histoire de brigands, roman noir, conte fantastique, roman libertin, conte philosophique, histoire d’amour, toutes ces formes s’entrelacent en un ballet féerique parfaitement réglé. Cette complexité n’est pas gratuite : le texte devient le miroir d’un univers à perspectives multiples, où coexistent des systèmes de valeurs, des conceptions religieuses et philosophiques, des sentiments de l’honneur apparemment incompatible. C’est la "modernité" apparente d’un texte qui, tel Gulliver, Don Quichotte et les grands romans du XXe siècle, transcende son époque et le genre du roman. »

L’histoire du manuscrit n’est pas dénuée d’intérêt non plus.

Du vivant de Potocki, seules furent imprimées mais non commercialisées les Journées 1 à 13 et quelques extraits (Avadoro et Dix journées de la vie d’Alphonse Van Worden) soit à peu près la moitié du texte.

En 1847, Edmond Chojecki publia à Leipzig une traduction intégrale en polonais, d’après un manuscrit qu’il tenait des archives de la famille Potocki et qu’il aurait ensuite détruit.
En France, il faudra attendre 1958 et Roger Caillois pour prendre connaissance du roman (un quart environ)

Corti, en 1989 se basera sur la totalité des sources accessibles (les imprimés, les autographes et copies manuscrites de fragments de l’œuvre et la traduction de Chojecki). C’est dans cette édition que j’ai lu le livre autrefois.

J’apprends maintenant qu’une nouvelle version vient de sortir chez Garnier-Flammarion.
Il faut savoir qu’en 2002, Dominique Triaire et François Rosset, deux chercheurs lancés sur les traces de Potocki, découvrent six manuscrits mal classés dans les archives de Poznan (Pologne). Il s’agit d’une deuxième version du « Manuscrit trouvé à Saragosse ». Il est vrai que l’auteur avait commencé à écrire son œuvre avant 1794 et que la rédaction et les réécritures successives durèrent plus de vingt ans (jusqu'au suicide de Potocki).

Il existait donc deux versions, celle de 1804, assez baroque et celle de 1810 entièrement remaniée et présentée « sous une forme plus sérieuse et encyclopédique » nous dit-on chez Garnier-Flammarion.

Notons que l’édition de Corti reprenait la version de 1804 et pour certains passages (la fin), traduisait la version polonaise décrite plus haut (elle-même étant donc une traduction du texte français de Potocki). Ici, nous aurions donc la version authentique en français (celle de 1810) et donc les mots réels employés par l’auteur.

Cependant, les deux versions sont finalement assez différentes. Le romancier a tellement remanié son manuscrit qu’on peut presque dire que nous sommes en présence de deux romans différents. C’est la raison pour laquelle que F. Rosset et D. Triaire ont finalement décidé de publier les deux versions en parallèle et dans deux volumes (d’abord chez Peeters en 2006, puis maintenant chez Garnier Flammarion en janvier 2008).

C’est que si la version de 1810 nous donne un texte mieux structuré et qui est vraiment de la main de Potocki, celle de 1804, même si elle inachevée (elle s’interrompt brutalement) et même s’il a fallu la compléter à partir des traductions en polonais, reste plus attachante dans son foisonnement même. Ainsi, certains épisodes particulièrement riches et centraux pour la signification d’ensemble du roman ont été supprimés dans la version « complète » de 1810 (qui, si elle va jusqu’à la fin de l’histoire, n’en est pas moins « abrégée » par le fait de la suppression de ces passages). Par exemple, des dizaines de pages consacrées au personnage du Juif errant ont été supprimées dans la version de 1810. De plus, il paraît (je n’ai lu que l’édition Corti, donc la version de 1804 complétée à partir des traductions) que le principe de répartition des intrigues en journées diverge considérablement. Dans la version de 1804, le récit s’interrompt souvent et mène en parallèle diverses narrations superposées, ce qui n’est pas le cas en 1810. Le ton aussi, serait différent. Plus enjoué et exubérant en 1804, il devient moins libre et plus retenu en 1810.

Tout ceci est tout de même incroyable. On a un auteur qui écrit pendant plus de vingt ans (dans une langue qui n’est pas la sienne) sans être reconnu comme écrivain et qui ne verra pas son oeuvre publiée de son vivant (sauf des extraits : les dix premières journées sur plus de soixante, dans une édition de 1805 tirée à une centaine de volumes seulement). On imagine facilement quels durent être ses doutes et par quels moments de découragement il a dû passer. En France, il faut attendre 1958 pour que ce roman «français » voie le jour. Enfin, on se retrouve avec deux manuscrits, ce qui fait que ce n’est plus l’auteur qui fait le livre, mais l’éditeur, qui, par ses choix, en compose le contour.

Il y a vraiment de quoi s’y perdre et la destinée des manuscrits est finalement à l’image même de l’histoire racontée. C’est une incroyable aventure où tout s’emboîte à l’infini sans que l’on sache jamais vraiment où est la vérité.





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03/03/2008

Le mot du jour

Le chef de la diplomatie Bernard Kouchner a estimé que la nomination de sa compagne Christine Ockrent à la direction de l'audiovisuel public extérieur était "un bon choix". Tiens donc.

"S'il y avait conflit d'intérêt, je serai le premier à le reconnaître, je ne me mêlerai pas du tout d'audiovisuel extérieur, j'en fais le serment." Donc acte. Mais est-il à la bonne place pour juger s’il y a ou non conflit d’intérêt ?

"Je ne vois pas pourquoi c'est toujours les femmes qui devraient démissionner", a ajouté M. Kouchner. ", ce qui laisse supposer qu’en cas de problème, c’est lui qui démissionnera. Pourquoi pas ? Il pourra toujours trouver une place dans l’audiovisuel.

Bref, qu’on se rassure. La presse est libre et n’a pas l’intention de faire l’apologie du gouvernement. Puisque c’est un membre du gouvernement qui le dit…