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07/02/2008

Théocrite

Oublions donc l’actualité et retournons vers nos chers livres. Ma lecture de ces derniers jours a été consacrée aux « Idylles » de Théocrite, dans la collection des Bucoliques grecs, aux Belles Lettres.

On a présenté Théocrite comme le créateur de la poésie pastorale, ce qui finalement n’est pas prouvé. En fait, la voie avait été préparée par des drames satyriques ainsi que par des dithyrambes, qui mettaient déjà en scène des bergers. Il serait donc plus juste de dire que Théocrite fut surtout un grand « rassembleur » plutôt qu’un innovateur. Cependant, là où il n’y avait encore que des noms de bergers et des costumes, il a su apporter un fond propre : des sentiments, des portraits de moeurs et l’utilisation d’une langue populaire savoureuse.

Ce qui m’a donc surpris, chez cet auteur antique, c’est la mise à distance, pour ainsi dire ironique, qu’il entretient avec le genre même du poème bucolique. De prime abord, pour nous qui vivons au XXI° siècle, ce genre littéraire nous semble fade, désuet, conventionnel et pour ainsi dire ridicule. Ainsi, les « bergeries » de Madame de Scudéry et les 13.000 pages de son "Grand Cyrus", n’enthousiasment pas les foules, c’est le moins que l’on puisse dire. Par contre, chez Théocrite, je n’ai pas ressenti ce style conventionnel et artificiel. Peut-être parce que j’acceptais d’office ces défauts de la part d’un auteur antique mais surtout parce Théocrite n’est pas pesant. Au moment où le lecteur va s’ennuyer devant ces bergers chantant leurs amours, il nous replonge de la manière la plus réaliste qui soit dans la vie rustique et champêtre. Ses bergers qui peuvent être comme au XVII° siècle des nobles déguisés en paysans sont dans l’Idylle suivante de vrais gardiens de moutons, sentant la laine, jurant, parlant la langue du peuple et s’inquiétant des travaux des champs ou du temps qu’il fera. Rompant ainsi la monotonie, il nous surprend et semble nous faire un clin d’œil complice : ces bergers polis qui s’adonnent à des travaux littéraires n’existent pas. C’est une pure convention d’érudits. En réalité ce ne sont que des rustres, mais dont le bon sens est particulièrement aiguisé. Nos critiques modernes se délecteraient de ce discours critique sur l’œuvre composée, si toutefois ils se donnaient le mal de lire Théocrite.

De plus, les « Idylles » ne comportent pas que de la poésie bucolique. On y trouve aussi de la mythologie, des fêtes religieuses et de la magie.

Originaire de Syracuse en Sicile, Théocrite a vécu dans l’île de Cos ainsi qu’à Alexandrie. Dans cette ville, il fréquenta les grands poètes alexandrins, connus pour leur préciosité et leur étalage de culture, défauts qu’on ne peut lui reprocher d’avoir adoptés. Un peu opportuniste cependant, il deviendra le protégé de Ptolémmée II Philadelphe, Pharaon d’Egypte (et descendant de Lagos, général d’Alexandre le grand qui s’était approprié l’Egypte lors du partage de l’Empire. La dernière représentante de la dynastie des Lagide est Cléopâtre. Attention d’ailleurs à ne pas confondre ce Ptolémée Philadelphe avec le fils de Cléopâtre et de Marc Antoine, qui porte le même nom)

On appréciera aussi l’introduction de ce livre, rédigée par P-E Legrand en 1925 déjà mais réédité en 2005. Le traducteur y fait le point sur la datation de l’œuvre (entre 275 et 260 avant J.C.) , le choix des pièces ainsi que l’ordre de présentation de celles-ci. Il explique aussi très bien comment les textes sont parvenus jusqu’à nous (essentiellement dans des manuscrits du XIII° et XIV° siècles).



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