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11/02/2008

La transitivité dans tous ses états.

Il existe des termes que nous employons sans trop réfléchir à leur origine, c’est fréquent. Pourtant, quand il s’agit de notions grammaticales, on pourrait supposer que nous percevons bien toute la réalité qui se cachent derrière les mots. Il n’en est rien, cependant.

Prenons la notion de transitivité. Tout le monde sait qu’il y a des verbes transitifs (directs ou indirects) et des verbes intransitifs. Mais d’où vient ce mot « transitif » ? Des grammaires latines. Un verbe est transitif (trans + ire), s’il peut passer de la voie active à la voie passive. Dis comme cela, cela paraît simple et normal. Pourtant, si on y réfléchit bien, cela signifierait qu’un verbe comme avoir ne serait pas transitif car on ne voit pas bien comment ce verbe se mettrait au passif :

J’ai une pomme/ la pomme est eue par moi ( ??)

D’un autre côté, les grammaires scolaires disent plutôt qu’un verbe est transitif quand il est capable de « passer » son action à son complément.

J’achète une voiture. J’achète quoi ? Une voiture.

Très bien, sauf qu’avec des verbes comme « voir » ou « craindre », il n’y a aucune action au sens propre. Pourtant, ces verbes sont transitifs.

Hjelmslev, de son côté, définira la transitivité comme la capacité du verbe à régir son complément. A « acheter » correspondra des objets qui peuvent être achetés, etc. Sur le plan syntaxique, le verbe est l’élément régisseur, duquel dépendent les compléments subordonnés. Sur le plan sémantique, c’est l’inverse, c’est le verbe qui est déterminé (complété) par son complément.

Syntaxe : j’achète. Quoi ? Quelque chose qu’on peut acheter (une voiture, une maison, un fruit, etc.)

Sémantique : j’achète. Dis ainsi, sans complément, ce verbe ne veut rien dire. Il est incomplet. Il me faut donc un complément qui donnera tout son sens au verbe : c’est une voiture que j’ai achetée (ni une maison ni un fruit).

Dans ce contexte, le verbe transitif est celui qui a la capacité d’apparaître avec un complément direct, lequel est certes régi par le verbe mais c’est aussi un complément qui complète la signification de ce verbe.

Le verbe transitif est donc « modifié » par son accusatif, tandis que l’intransitif n’a pas d’accusatif.

Dans la grammaire générative, le complément direct se définit sur base de la position du syntagme nominal et de la relation qu’il entretient avec le verbe. Ainsi Chomsky définira le complément direct comme la relation entre le syntagme nominal et le verbe à l’intérieur du syntagme verbal, dans lequel le complément direct est le constituant dominé par le syntagme verbal.

Cela sera peut-être plus simple si on fait appel aux notions d’attribut ou de prédicat.

Isabelle est la mère de Pauline
Isabelle est contente
.

La relation entre le verbe et son prédicat, dans ce cas, est égalitaire ou de nature identitaire (Isabelle = mère ; Isabelle = contente). On exprime donc la qualité du sujet. C’est la notion classique d’attribut du sujet.

Dans le cas des verbes transitifs, le prédicat exprime un phénomène ou une situation à laquelle participe le sujet :

Je lis une histoire

Quand le verbe exprime en lui-même tout ce que l’on veut dire du sujet, on aura un intransitif :

L’arbre fleurit.

Notons que le verbe copule se rapproche du premier cas :

Isabelle est la mère de Pauline

« Isabelle est » n’est pas suffisant pour qualifier Isabelle. Il faut ajouter un attribut tout comme dans « je lis », qui est complété par « un livre ».

Quelque part, donc, le verbe copule est plus proche du transitif direct que celui-ci ne l’est de l’intransitif. D’un côté il me faut un attribut ou un COD, de l’autre il ne me faut rien, le verbe se suffit à lui-même.

Comment, cependant, faire la distinction entre les verbes copules et les transitifs directs ? Par ce qu’ils ne supposent aucune action ? Sans doute, mais alors les verbes de possession (j’ai une voiture) ou de perception sensorielle (je vois un arbre, j’entends un bruit) ne pourraient pas être qualifiés de transitifs directs puisqu’ils ne supposent aucune action au sens propre.

Comme quoi, quand on se met à réfléchir un peu, on s’aperçoit que ce qui était évident ne l’est pas tant que cela.

On pourrait encore dire qu’avec le verbe être définit ce qu’est le sujet et non ce qu’il fait :
Isabelle EST la maman de Pauline.

Mais pourquoi, alors, si je peux dire « la fleur est un symbole de paix « , ne puis-je pas dire « la fleur est la maman de Pauline » ? Il s’agit pourtant du même verbe être ».

Cela signifie que le verbe « être » régit certes syntaxiquement l’attribut mais pas sémantiquement. Par contre, c’est l’attribut qui régit sémantiquement le sujet.

« la maman de Pauline » étant un attribut, cet attribut ne conviendra qu’à une personne (Isabelle) et non à une fleur. Cela revient à dire que le verbe « être » est simplement un lien entre le sujet et son attribut, ce que toutes les grammaires scolaires ont toujours dit.

Donc, le verbe « être » régit syntaxiquement son complément tandis que ce complément (ici l’attribut) régit sémantiquement le sujet (alors que dans le cas du transitif direct, le verbe régissait lui aussi syntaxiquement le complément, mais le complément régissait sémantiquement le verbe et non le sujet). C’est pour cela qu’on peut affirmer que le verbe être n’est pas un transitif direct.