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10/04/2008

Du cheval caparaçonné, de la tortue et de sa carapace.

Valclair, sur son blogue, a employé cette tournure : « je me suis caparaçonné dans de tels réflexes individualistes que.. »

Ce que j’aime bien avec ce verbe «caparaçonner» (recouvert d’un caparaçon) c’est qu’indirectement il renvoie, par une sorte de métonymie euphonique, au mot carapace (celle de la tortue qui se protège).
Il est vrai que dans son sens premier ce verbe a signifié «recouvrir entièrement» ( Il avait les pieds caparaçonnés d'épaisses chaussures). Evidemment, le verbe a fini par prendre le sens de « se protéger moralement, s'endurcir » (Il s'est caparaçonné contre les critiques). Quoi qu’on en dise, on retrouve l’image de la tortue qui se protège.

Ceci dit, cela n’a rien d’étonnant. Le Robert historique nous apprend que carapace vient de l’espagnol carapacho (,quelquefois altéré en caparacho sans doute sous l’influence de capa : manteau).
Le mot carapacho viendrait du préroman « karapp » dont les variantes »kal » et donc « gal » se retrouveraient dans « galapago », tortue (et qui a aussi donné calebasse)
D’autres linguistes y voient plutôt l’influence directe du provençal « caparasso » (sorte de manteau), capa devenant cara par métathèse.

Pour le mot caparaçon lui-même Le Robert historique nous dit qu’il viendrait de l’ancien espagnol « caparasson » (ornement protecteur ou ornemental du cheval), lui-même provenant soit de « capa » (manteau) soit du préroman « karapp », comme il a été dit (ici, il rejette le mot provençal, qui serait de formation postérieure et calquée sur le français)

Ceci dit, dans l’exemple de notre ami Valclair, je me demande s’il a bien fait d’employer la préposition « dans » avec la forme réfléchie du verbe. En effet, dans ce cas, le verbe signifie

- soit « s’affubler d’un vêtement encombrant et ridicule (plutôt suivi de « avec » ou « au moyen de »)
- soit « s’endurcir » (on attendrait alors préposition «contre»).

Manifestement, c’est l’idée d’être entièrement recouvert qu’il a voulu mettre en évidence et non celle d’endurcissement. Dès lors, j’aurais eu tendance à employer le forme non réfléchie (je suis caparaçonné de tels réflexes ou par de tels réflexes). Mais bon, allez reprendre Valclair et sa prose toujours si limpide, ce serait assez malvenu.

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25/03/2008

Défense de la langue française

Vous croyez que je vais vous parler de l’Ordonnance de Villers –Cotterêts ou bien du livre de Du Bellay, « Défense et illustration de la langue française » ? Je voudrais bien, mais des réalités plus proches et plus contemporaines nous obligent à ouvrir les yeux. Voici un épisode particulièrement significatif de ce qui se passe actuellement en Belgique. On sait que le pays est au bord de l’éclatement sous les coups de butoir du nationalisme flamand. On veut bien comprendre qu’un tel pays, fabriqué de toute pièce et comportant plusieurs communautés ne peut survivre très longtemps (et à vrai dire 178 ans, c’est déjà un exploit). Que chacun revendique son droit à l’autonomie, c’est une chose, mais quand on en arrive à des situations comme celle que nous révèle l’agence Belga et que je cite ici intégralement, on ne peut pas ne pas se souvenir que les fours crématoires instaurés par Hitler avaient commencé comme cela :

« Le nouveau règlement des plaines de jeux à Liedekerke, commune du Brabant flamand, prévoit que le moniteur principal pourra refuser des enfants qui ne parlent pas ou ne comprennent pas le néerlandais. Les activités qui sont organisées ne seront en outre accessibles qu'aux enfants qui vivent dans la commune ou qui ont un lien familial avec un habitant de la commune.

La commune a pris cette mesure à la suite des problèmes de communication qui se sont posés à plusieurs reprises dans le passé. "Quand il faut s'occuper d'un groupe d'enfants et les laisser jouer en toute sécurité, il est important qu'ils comprennent ce que les moniteurs leur disent. Dans le passé, nous avons eu beaucoup d'enfants qui venaient dans nos plaines de jeux, même de Bruxelles, et qui ne connaissaient pas le néerlandais", a expliqué le bourgmestre Luc Wynants (CD&V) sur les ondes de la station flamande Radio 2.
» (belga)

Pour les non-initiés, le CD&V est le parti catholique flamand (celui de l’actuel premier ministre Leterme, qui vient d’arriver au pouvoir). Comme quoi on peut être catholique et ne pas comprendre ce que signifie l’amour du prochain. Notons encore que ce parti est un parti démocratique parfaitement normal et qu’il ne faut pas le confondre avec l’extrême-droite, bien implantée par ailleurs en Flandre. On n’ose imaginer quelle doivent donc être les thèses de ces partis extrémistes, à côté desquels le C&V passe encore pour respectable et modéré. C’est tout dire.

Tout compte fait, tout ceci me donne quand même envie de citer Du Bellay, notamment le passage où il parle de la barbarie (histoire de ma réfugier dans les livres, sans doute) :

Pour commencer donc à entrer en matière, quant à la signification de ce mot Barbare : Barbares anciennement étaient nommés ceux qui ineptement parlaient grec. Car comme les étrangers venant à Athènes s'efforçaient de parler grec, ils tombaient souvent en cette voix absurde Barbaras. Depuis, les Grecs transportèrent ce nom aux moeurs brutaux et cruels, appelant toutes nations, hors la Grèce, barbares. Ce qui ne doit en rien diminuer l'excellence de notre langue, vu que cette arrogance grecque, admiratrice seulement de ses inventions, n'avait loi ni privilège de légitimer ainsi sa nation et abâtardir les autres, comme Anacharsis disait que les Scythes étaient barbares entre les Athéniens, mais les Athéniens aussi entre les Scythes. Et quand la barbarie des moeurs de nos ancêtres eut dû les mouvoir à nous appeler barbares, si est-ce que je ne vois point pourquoi on nous doive maintenant estimer tels, vu qu'en civilité de moeurs, équité de lois, magnanimité de courages, bref, en toutes formes et manières de vivre non moins louables que profitables, nous ne sommes rien moins qu'eux ; mais bien plus, vu qu'ils sont tels maintenant, que nous les pouvons justement appeler par le nom qu'ils ont donné aux autres.



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19/02/2008

Expression (1)

Pousser des cris d'orfraie

- Hurler, pousser des cris stridents (souvent disproportionnés par rapport aux faits)
- protester violemment



L'orfraie est un rapace piscivore (aigle de mer) à queue blanche et qui peut atteindre 2,5 mètres d'envergure. Ses cris ne sont pas plus stridents que ceux des autres oiseaux.

Vraisemblablement, il y a eu confusion entre les mots « orfraie » et la chouette « effraie ». Ce rapace nocturne peut, lui, dans certaines conditions, pousser des hurlements qui, autrefois, ont dû effrayer les passants attardés. Il fut imaginer la scène en l’absence totale de lumière. Rien de plus effrayant, en effet, que d’entendre ce cri lorsque vous traversez un bois la nuit dans l’obscurité la plus totale.

Le sens initial de l'expression est bien la frayeur. Par dérivation, elle s’est appliquée à quelqu’un qui proteste violemment, soit à cause de l’intensité des cris émis, soit à cause de la réaction disproportionnée qui est observée. Les personnes qui protestent bruyamment contre une décision anodine et prévisible s’agitent finalement pour pas grand chose, comme le fait la chouette effraie quand elle crie.

On retrouve l'orfraie dans un poème de Verlaine, Cauchemar, dans les Poèmes saturniens.


J'ai vu passer dans mon rêve

—Tel l'ouragan sur la grève,

D'une main tenant un glaive

Et de l'autre un sablier,

Ce cavalier

Des ballades d'Allemagne

(...)

Un grand feutre à longue plume

Ombrait son oeil qui s'allume

Et s'éteint. Tel, dans la brume,

Éclate et meurt l'éclair bleu

D'une arme à feu.

Comme l'aile d'une orfraie

Qu'un subit orage effraie,

Par l'air que la neige raie,

Son manteau se soulevant

Claquait au vent,

(...)




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15/02/2008

La faute à Jeanne d'Arc

Tout le monde connaît la Guerre de cent ans, cette longue suite de batailles qui opposa la France et l’Angleterre. On sait aussi que la partie du territoire dont le roi de France est resté maître était particulièrement exiguëe. A l’école, on met en évidence la reconquête à partir de ce petit noyau et les élèves conservent l’idée qu’il ne pouvait en être autrement, que les bons rois qui ont fait la France ne pouvaient perdre et que le territoire national actuel ne pouvait pas être ce qu’il est aujourd’hui.
Cette une illusion de croire cela, bien entendu. Tout aurait pu être différent à chaque étape de l’Histoire, quelle qu’elle soit. Les Anglais auraient pu remporter la victoire et annexer la France. Et quelles en auraient été alors les conséquences pour la langue française elle-même ?


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Pour mieux, comprendre, rappelons les faits.

- Défaite française de Poitiers en 1356. Le roi Jean II le Bon est capturé et il perd la Guyenne, la Gascogne et une grande partie du Poitou.

- Défaite française à Azincourt (1415), les Anglais, aidés des Bourguignons, priennent Paris et s'installent en Île-de-France, en Normandie et en Bretagne

- Du Guesclin (1320-1380) sous Charles V, et plus tard de Jeanne d'Arc (1412-1431) sous Charles VII redonnent l'avantage au roi de France. Il reprend Paris (1436), la Normandie (1450), la Guyenne (1453).

Le prix à payer aura été très cher : agriculture dévastée, famines, peste qui décima un tiers de la population. La noblesse elle-même perdit pas mal d’effectifs, se qui accéléra sans doute la prise de pouvoir de la bourgeoisie.

Mais revenons à la langue française. La guerre avait fait naître de part et d’autre un fort sentiment nationaliste. On a vu qu’en Angleterre c’est l’époque où l’anglais a supplanté le français dans les actes juridiques. Ceci dit, paradoxalement, c’est l’époque où les Anglais adoptèrent la fameuse devise Honi soit qui mal y pense (dans laquelle « honi » s’écrit avec un seul n) pour l'ordre de la Jarretière.

Mais que ce serait-il passé en France si l’Angleterre avait gagné ? Notre belle langue aurait-elle disparu ? Probablement pas. A mon avis, on aurait eu la même situation que venait de connaître l’Angleterre. La noblesse et les classes dirigeantes se seraient mises à l’anglais, tandis que le peuple aurait continué à employer son parler roman.

Encore faut-il savoir qu’à l’époque ce sont les patois qui l‘emportaient.


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Il est donc fort possible que la prédominance du français d’Ile de France aurait été moins forte ou même que celui-ci serait devenu un patois comme les autres.

Si une autre région que l’Ile de France s’était alors imposée lors de la reconquête du territoire, on peut supposer que c’est ce patois-là qui aurait fait force de loi et qui aurait évincé les autres parlers locaux. Nous parlerions alors aujourd’hui gascon, provençal ou champenois. Comme quoi…


A l’inverse, certains linguistes (notamment une certaine Henriette Walter, que j’avoue ne pas connaître, affirme paraît-il dans son livre Honni soit qui mal y pense (avec 2 n, allez comprendre) que, sans l'intervention de Jeanne d'Arc, les Anglais restés en partie francophone auraient pu adopter définitivement le français et transporter plus tard cette langue dans les futurs États-Unis d'Amérique. Selon elle, les chances du français de s'implanter également en Angleterre auraient été incontournables. Les rois anglais parlant naturellement le français auraient continué à parler cette langue (alors qu’une fois « boutés hors de France », ils ont eu la réaction inverse). En d’autres mots, la fusion des deux royaumes se seraient faite à l’avantage du français.

Ce serait donc la faute à Jeanne d’Arc si aujourd’hui les Anglais parlent en anglais. Vu comme cela, évidemment, on se dit qu’elle méritait bien le bûcher.

12/02/2008

Français d'Angleterre

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Meurtre de Thomas becket












Nous avions rappelé l’autre jour qu’il fut une époque où le français était parlé en Angleterre, en gros depuis 1066 et jusqu’au XIV° siècle au moins. Mais quel français était ainsi parlé et par qui ?

On a la preuve que le «françois de France» était employé dans les actes et les documents royaux

En 1174, Guernes de Pont Sainte Maxence rédige à Londres la « Vie de Saint Thomas Becket ». Ce texte, rédigé en alexandrins, est important pour l’histoire de la formation de la langue française. Guernes est un écrivain anglo-normand. Il avait vu Becket guerroyer en Normandie :

En Normandie r’out sun seigneur grant mestier ;
Et jo l’vi sur Franceis plusur feiz chevaucher


Aussi, après l’assassinat de ce dernier, alla-t-il enquêter en Angleterre afin d’interroger des témoins qui l’avaient connu.

A Chanterbire alai ; la verité oï ;
Des amis saint Thomas la verité cueilli
Et de cels ki l’aveient dès s’enfance servi


On appréciera au passage sa démarche, assez rare pour l’époque, qui consiste à remonter à des sources fiables. Cela lui permettra de dresser des différents protagonistes des portraits assez exacts.

Mais ce qui nous intéresse ici, c’est ce vers :

Mis langage est boens, car en France fui nez

Cela suppose donc que deux français se côtoyaient en Angleterre : le bon français, celui parlé en France et un français moins bon, appris sur place par les enfants de l’aristocratie anglaise et qui eux n’avaient jamais mis un pied sur le continent (qu’ils soient d’origine française ou anglaise, d’ailleurs)

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Dans ses célèbres Contes de Canterbury écrits eux en anglais vers 1380, Geoffrey Chaucer (v. 1343-1400) nous éclaire sur ce désir des nobles d’acquérir le bon français, lequel permettait de faire valoir ses bonnes manières. En voici une traduction :


Elle avait pour nom Dame Églantine,Chantait à merveille hymnes et matines Qu’elle entonnait savamment par le nez. Elle parlait un françois des plus raffinés,Le françois qu’on apprend à Stratford-atte-BowCar elle ignorait du françois de Paris le moindre mot.

La ville de Stratford-atte-Bow était située près de Londres et on y apprenait le «françois d'Angleterre».Il existait donc bien deux français distincts : l'un correspondait à « une langue vernaculaire parlée spontanément, sans égard à la langue écrite, alors que l'autre était une langue seconde qu’on allait apprendre en France ».

On peut donc supposer que même si le français avait continué à être parlé et écrit en Angleterre,il se serait tellement singularisé par rapport à celui de Paris, qu’il serait devenu une autre langue (un peu comme le latin parlé dans la Romania s’était très vite écarté du latin de Rome. Le résultat en a été la diversité des langues romanes.)

Notons encore que se développa en Angleterre une série de traductions françaises de traités spécialisés, que ce soit sur la médecine, les mathématiques ou la religion.

11/02/2008

La transitivité dans tous ses états.

Il existe des termes que nous employons sans trop réfléchir à leur origine, c’est fréquent. Pourtant, quand il s’agit de notions grammaticales, on pourrait supposer que nous percevons bien toute la réalité qui se cachent derrière les mots. Il n’en est rien, cependant.

Prenons la notion de transitivité. Tout le monde sait qu’il y a des verbes transitifs (directs ou indirects) et des verbes intransitifs. Mais d’où vient ce mot « transitif » ? Des grammaires latines. Un verbe est transitif (trans + ire), s’il peut passer de la voie active à la voie passive. Dis comme cela, cela paraît simple et normal. Pourtant, si on y réfléchit bien, cela signifierait qu’un verbe comme avoir ne serait pas transitif car on ne voit pas bien comment ce verbe se mettrait au passif :

J’ai une pomme/ la pomme est eue par moi ( ??)

D’un autre côté, les grammaires scolaires disent plutôt qu’un verbe est transitif quand il est capable de « passer » son action à son complément.

J’achète une voiture. J’achète quoi ? Une voiture.

Très bien, sauf qu’avec des verbes comme « voir » ou « craindre », il n’y a aucune action au sens propre. Pourtant, ces verbes sont transitifs.

Hjelmslev, de son côté, définira la transitivité comme la capacité du verbe à régir son complément. A « acheter » correspondra des objets qui peuvent être achetés, etc. Sur le plan syntaxique, le verbe est l’élément régisseur, duquel dépendent les compléments subordonnés. Sur le plan sémantique, c’est l’inverse, c’est le verbe qui est déterminé (complété) par son complément.

Syntaxe : j’achète. Quoi ? Quelque chose qu’on peut acheter (une voiture, une maison, un fruit, etc.)

Sémantique : j’achète. Dis ainsi, sans complément, ce verbe ne veut rien dire. Il est incomplet. Il me faut donc un complément qui donnera tout son sens au verbe : c’est une voiture que j’ai achetée (ni une maison ni un fruit).

Dans ce contexte, le verbe transitif est celui qui a la capacité d’apparaître avec un complément direct, lequel est certes régi par le verbe mais c’est aussi un complément qui complète la signification de ce verbe.

Le verbe transitif est donc « modifié » par son accusatif, tandis que l’intransitif n’a pas d’accusatif.

Dans la grammaire générative, le complément direct se définit sur base de la position du syntagme nominal et de la relation qu’il entretient avec le verbe. Ainsi Chomsky définira le complément direct comme la relation entre le syntagme nominal et le verbe à l’intérieur du syntagme verbal, dans lequel le complément direct est le constituant dominé par le syntagme verbal.

Cela sera peut-être plus simple si on fait appel aux notions d’attribut ou de prédicat.

Isabelle est la mère de Pauline
Isabelle est contente
.

La relation entre le verbe et son prédicat, dans ce cas, est égalitaire ou de nature identitaire (Isabelle = mère ; Isabelle = contente). On exprime donc la qualité du sujet. C’est la notion classique d’attribut du sujet.

Dans le cas des verbes transitifs, le prédicat exprime un phénomène ou une situation à laquelle participe le sujet :

Je lis une histoire

Quand le verbe exprime en lui-même tout ce que l’on veut dire du sujet, on aura un intransitif :

L’arbre fleurit.

Notons que le verbe copule se rapproche du premier cas :

Isabelle est la mère de Pauline

« Isabelle est » n’est pas suffisant pour qualifier Isabelle. Il faut ajouter un attribut tout comme dans « je lis », qui est complété par « un livre ».

Quelque part, donc, le verbe copule est plus proche du transitif direct que celui-ci ne l’est de l’intransitif. D’un côté il me faut un attribut ou un COD, de l’autre il ne me faut rien, le verbe se suffit à lui-même.

Comment, cependant, faire la distinction entre les verbes copules et les transitifs directs ? Par ce qu’ils ne supposent aucune action ? Sans doute, mais alors les verbes de possession (j’ai une voiture) ou de perception sensorielle (je vois un arbre, j’entends un bruit) ne pourraient pas être qualifiés de transitifs directs puisqu’ils ne supposent aucune action au sens propre.

Comme quoi, quand on se met à réfléchir un peu, on s’aperçoit que ce qui était évident ne l’est pas tant que cela.

On pourrait encore dire qu’avec le verbe être définit ce qu’est le sujet et non ce qu’il fait :
Isabelle EST la maman de Pauline.

Mais pourquoi, alors, si je peux dire « la fleur est un symbole de paix « , ne puis-je pas dire « la fleur est la maman de Pauline » ? Il s’agit pourtant du même verbe être ».

Cela signifie que le verbe « être » régit certes syntaxiquement l’attribut mais pas sémantiquement. Par contre, c’est l’attribut qui régit sémantiquement le sujet.

« la maman de Pauline » étant un attribut, cet attribut ne conviendra qu’à une personne (Isabelle) et non à une fleur. Cela revient à dire que le verbe « être » est simplement un lien entre le sujet et son attribut, ce que toutes les grammaires scolaires ont toujours dit.

Donc, le verbe « être » régit syntaxiquement son complément tandis que ce complément (ici l’attribut) régit sémantiquement le sujet (alors que dans le cas du transitif direct, le verbe régissait lui aussi syntaxiquement le complément, mais le complément régissait sémantiquement le verbe et non le sujet). C’est pour cela qu’on peut affirmer que le verbe être n’est pas un transitif direct.

08/02/2008

Premier recul de la langue française

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On sait que depuis la bataille de Hastings (1066) et Guillaume le conquérant, le français était parlé en Angleterre, du moins par les classes nobles. Cette bataille aura pour conséquence que l’anglais est finalement la langue germanique la plus latinisée (alors qu’on pourrait dire que le français est la plus germanisée des langues romanes)

Comme toujours en Histoire, il aurait pu ne pas en être ainsi. Il fut une époque où Guillaume, qu’on n’appelait pas encore le « conquérant » mais le « bâtard » faillit perdre son duché de Normandie suite à une révolte des ducs. Il parvint à reprendre le pouvoir avec l’aide du roi de France, puis il étendra sa zone d’influence en épousant Mathilde de Flandre (celle de la tapisserie de Bayeux), fille du Comte de Flandre Baudouin V et nièce du roi de France.

« Par cunseil de sa barunie
Prist une fame de haut lin,
En Flandres fille Balduin,
Niece Robert li rei de France,
»

(Wace, le roman de Rou)

Après avoir conquis le Maine, bien assuré sur ses territoires, il peut se lancer à la conquête de l’Angleterre. Toute la noblesse de cet état va donc parler français et cela jusqu’à la guerre de cent ans. A ce moment, en effet, les rivalités sont telles et le sentiment nationaliste est tellement aiguisé, que le Parlement anglais décide d’imposer l’anglais dans les tribunaux (1362)

Item, pur ce qe monstré est soventfois au Roi [...] les grantz meschiefs qe sont advenuz as plusours du realme de qe les leyes, custumes et estatuz du dit realme ne sont paa conuz comonement [...] par cause q'ils sont pledez, monstrez et juggez en la lange Franceis, q'est trop desconue en dit realme [...] les dites leyes et custumes seront le plus tost apris et conuz et mieultz entenduz en la lange usee en dit realme [...]. Le roi [...] ad [...] ordeigné et establi [...] qe toutes plees [...] soient pledez, monstrez, defenduz [...] et juggez en la lange engleise, et q'ils soient entrez et enroullez en latin.

Traduction en français moderne:

De même, parce qu'il a été souvent montré au roi les grands dommages qui sont arrivés à plusieurs personnes du royaume parce que les lois, coutumes et statuts dudit royaume ne sont pas communément connus, parce qu'ils sont plaidés, exposés et jugés en langue française, qui est très méconnue dans le royaume, lesdits lois et coutumes seront plus vite apprises et sues et mieux comprises dans la langue utilisée dans ledit royaume. Le roi a ordonné et établi que toute plaidoirie soit plaidée, exposée, défendue et jugée en langue anglaise, et qu'elle soit enregistrée et transcrite en latin.

On retient de ce texte que le peuple, lui, n’a jamais parlé français (comme chez nous après les invasions germaniques, nos ancêtres ont continué à s’exprimer dans leur patois roman) et que cette langue était réservée à l’élite, autrement dit à la noblesse. Il n'empêche que le français était là une langue de culture et respectée comme telle.

A partir de cette décision, la langue française reculera de jour en jour en Angleterre et finira par disparaître.

05/01/2008

Mémoire

Toujours dans « Le Paradoxe sur le comédien », je trouve, sous la plume de Diderot, cette expression étrange, difficilement compréhensible : « une leçon recordée d’avance ». Il est des jours où le Dictionnaire historique d’Alain Rey est bien pratique, il n’y a pas à dire.

Le verbe « recorder » signifiait, en terme juridique « rapporter comme témoin ». Un « recordeur », c’est donc un témoin et l’adjectif « recort » signifiait « qui se souvient ». En ancien français, existait le substantif « record » (souvenir, mémoire), utilisé d’ailleurs jusqu’au XVI° siècle (chez Montesquieu encore), lequel provenait du verbe réfléchi « se recorder », se rappeler, apparenté au verbe « recorder », répéter plusieurs fois quelque chose pour le savoir par cœur.

Ce verbe provient du bas latin « recordare » (« recordari » en latin classique) et avait le sens de se rappeler. Il était lui-même composé à partir de « cor, cordis », l’esprit, le cœur, auquel on avait ajouté « re », un préfixe à valeur itérative.

Notre substantif « record », si cher aux sportifs est quant à lui emprunté à l’anglais « record » (témoignage enregistré) lui-même provenant de l’ancien français « recort » (témoignage) que nous venons de voir. Finalement, le mot a pris le sens d’exploit sportif puis celui d’un résultat supérieur à tous les autres résultats obtenus dans le même domaine.

La langue est donc un véritable roman, dont il est captivant de suivre les péripéties. De l’idée de mémoire on passe à celle de témoignage, puis, via la conquête normande (Hastings, 1066), le terme prend en anglais un sens précis (témoignage écrit dans le domaine du sport), avant d’agrandir le champ de son acceptation (exploit et finalement exploit supérieur à tous les autres) et de repasser dans le domaine français au XIX° siècle. Subjugué par la langue anglaise, le français acceptera les mots recordman et même recordwoman, oubliant sans doute que l’étymon primitif se trouvait déjà en ancien français et qu’il signifiait bel et bien « mémoire ».

07/12/2007

Paresse linguistique

La paresse, de tout temps, a été à la base des actions humaines. En effet, pour arriver à leur fin, les hommes ont toujours emprunté la voie la plus facile. Pourquoi faire compliqué quand il y a moyen de faire simple ? Nicolas Sarkozy n’échappe pas à la règle. Il a beau demander aux Français de se lever tôt et de travailler davantage, de son côté il a adopté la solution de la facilité : faire augmenter son salaire sans modifier la nature et la durée des services qu’il rend à la collectivité.

Il en a toujours été de la sorte et on n’y changera rien. Ainsi en va-t-il en linguistique également. La langue, en évoluant, est toujours allée vers plus de facilité. On pourrait même dire que c’est ce désir de simplification qui est la base même de son évolution. En voici quelques exemples :

-Réduction des 5 déclinaisons latines à 3

-Réduction des six cas latins à deux (nominatif et accusatif : cas sujet et cas régime) en ancien français et emploi accru des prépositions.

-Disparition du neutre.

-Suppression des voyelles finales, sauf le « a » qui devient « e » (muri : mur, canto : chant, rosa : rose)

-Suppression définitive du système casuel et emploi systématique des prépositions.

-Facilité de prononciation, qui est à la base même de l’évolution phonétique : capra qui devient kiabra, kiaebre, tchaevre, chèvre.

-Seules les voyelles initiales, accentuées, se maintiennent (lucore : lueur), tandis que les atones disparaissent.

-Disparition des voyelles situées à l’avant-dernière syllabe (TAbula : table)

-Formaticus (mis en forme) qui devient formage avant de passer à fromage ou comme nous l’avons vu, corcodillus qui disparaît au profit de crocodile.

-De nos jours, disparition progressive de l’imparfait et du plus-que-parfait du subjonctif.

Ou nous arrêterons-nous ? Quand on voit la langue utilisée dans les SMS il y a de quoi se poser des questions. Sans doute tout cela fait-il partie d’une évolution inéluctable…

06/12/2007

Des larmes de...

Il est amusant de se plonger dans l’étymologie du mot crocodile. Ce terme vient du latin crocodilus, mais en latin même on trouve les graphies crocodrillus. , corcodrillus cocodrillus (d’où l espagnol actuel cocodrillo). Le moins que l’on puisse dire, c’est que dans ce mot la lettre « r » semble aussi rapide à changer de place que notre reptile, lequel n’est jamais endormi qu’en apparence et se montre toujours particulièrement véloce quand il s’agit d’attraper une proie.

Ce qui est étrange, c’est que ces cocodrilli ou corcodrilli latins proviennent du mot grec krokodilos (krokodiloV), avec le « r » qui suit la première lettre, comme en français actuel, finalement.
Ce krokodiloV vient à son tour de krokh (galet) et de driloV (ver) et faisait allusion au petit lézard qui se dissimulait dans les murailles. On remarquera donc qu’en grec le « r » se retrouve donc à la fois dans « kroko » et dans « drille », d’où peut-être la confusion qui a régné par la suite quant à l’emplacement exact de cette lettre (sans parler des difficultés de prononciations, qui ont amené les locuteurs à modifier le terme supposé correct).

Ce qui est sûr, c’est qu’au départ était le lézard (et sa lézarde, histoire de ne point offusquer les féministes qui se passionneraient par ailleurs pour l‘étymologie). Par la suite, le mot a désigné le crocodile du Nil, quand les Grecs ont visité ces contrées. C’est du moins ce que nous dit Hérodote lequel s’y connaissait tout de même un peu en histoire puisqu’il porte le titre de Père de l’histoire.

Notons enfin que si crocodilus a donné crocodile, crocodrillus a donné crocodelle et cocodrillus cocodrille, deux termes qui ont définitivement disparu de la langue française au XVI° siècle.

D’un point de vue zoologique, le terme crocodile désigne souvent tous les membres de la famille des crocodiliens, qu’on retrouve aussi bien en Afrique qu’en Amérique, en Asie ou en Australie.
L’ordre des crocodiliens comprend trois familles : les crocodilidés (crocodiles), les alligatoridés (alligators et caïmans) et les gavialidés (gavial). Si on veut être précis, il y a donc lieu de ne désigner par le terme crocodile que les représentants de la famille des crocodilidés, afin de distinguer notre bon veux crocodile de l’alligator (lequel a une tête plus large, mais aussi plus courte et plus pointue) et du caïman (l’alligator d’Amérique du Sud). Le gavial, quant à lui, est un des seuls crocodiles asiatiques et il vit en Inde. Inoffensif pour l’homme, il a été chassé pour sa peau et a aujourd’hui pratiquement disparu. Comme quoi, un peu de méchanceté aide à survivre, il en va de même dans toutes les espèces et l’homme ne fait pas exception.

Animal sacré dans l’Egypte ancienne, le croco a donné son nom à une ville : Crocodilopolis ( Medinet-el-Fayoum aujourd’hui).

De nos jours, le terme crocodile renvoie au symbole de la marque Lacoste et il désigne souvent un politicien ou un industriel qui a les dents longues.

Enfin, notons que c’est le titre d’un court roman de Dostoïevski, assez humoristique au demeurant.






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26/11/2007

Ce temps qu'on dit imparfait.

Tout le monde connaît le dialogue entre Chimène et Rodrigue, dans le Cid de Corneille et surtout la fameuse réplique : « Va, je ne te hais point », qui est souvent citée dans les manuels scolaires comme l’exemple même de la litote (dire moins pour faire comprendre plus)

Cette phrase peut faire sourire, mais c’est que l’expression des sentiments n’a jamais été une chose aisée. Comment, en effet, dire à une personne qu’on l’aime ? La langue, heureusement, semble nous aider dans cette démarche en nous proposant quelques procédés.

Sans vouloir aujourd’hui approfondir ce sujet, qui le mériterait cependant, je me contenterai de reprendre une phrase autrefois citée dans « Langue sauce piquante » et qui concernait les rapports de tendresse entre une mère et son petit enfant : « C’était le bébé à sa maman ».

Pourquoi, dans une telle phrase, employer l’imparfait de l’indicatif ? Pour tenter de répondre à cette question, il faut, je crois, se pencher sur l’aspect de l’imparfait.

D’abord , comme chacun sait, l’imparfait a en lui-même et naturellement un aspect duratif (« je préparais mon repas quand on sonna à la porte »). Il est donc normal qu’on l’emploie dans le genre d’expressions évoquées ici. L’utilisation du présent, tout en assurant l’être cher de votre affection, comporterait un inconvénient : celui que cette affection ne soit finalement que temporaire. L’imparfait permet de rompre avec cet aspect éphémère des choses en situant le locuteur dans un monde atemporel, éternel en quelque sorte. « C’était le bébé à sa maman », c’est-à-dire que ce l’est depuis longtemps et que ce le sera pour longtemps encore. L’aspect d’inachèvement propre à l’imparfait a donc un côté rassurant (ce sera encore pour longtemps le bébé à sa maman). Mais il faut noter l’emploi obligatoire de la troisième personne, un peu comme si, dans notre exemple, la mère se tenait à distance. Elle ne s’adresse pas directement à son bébé en le tutoyant mais parle de lui en rejetant « l’action » dans un passé fictif. Paradoxalement, c’est cette mise à distance qui permet à la part d’affectivité de s’exprimer. Dire son affection en face de la personne, en la tutoyant, est plus difficile. Parler d’elle à la troisième personne en rejetant sa présence dans le passé permet d’avouer ses sentiments.

Nous ne confondrons pas cette démarche avec celle de César, qui, dans sa Guerre des Gaules, parlait de lui-même à la troisième personne. Ceci dit, il s’agissait tout de même de créer la même mise à distance par rapport à un personnage. Le but, cependant, n’était évidemment pas affectif chez le général romain, mais il s’apparentait plutôt à une volonté de glorification. En parlant de lui comme d’un personnage historique important, il entrait déjà dans la légende. Le comble, c’est que c’est lui-même qui s’y faisait entrer, en employant un tel procédé, comme quoi la langue peut se montrer aussi utile que les armes pour asseoir la réputation d’un grand stratège.

12/10/2007

Vocabulaire

Je trouve sur un « blogami » (comme on dit en bon français) le terme bien connu « seriner ».
Encore faut-il en connaître l’étymologie.

Seriner veut dire :

- « jouer avec une serinette »
- « instruire un oiseau au moyen d’une serinette »
- « faire entrer une chose dans la tête de quelqu’un à force de la lui répéter. »

Il faut savoir, bien entendu, qu’une serinette est « une boîte à musique dont on joue par le moyen d’une manivelle et dont le principal usage est d’instruire les serins et les autres oiseaux.»

C’est donc le serin qui a donné son nom à l’objet qui l’éduque. Ceci étant dit, on aurait pu croire que cet oiseau sifflait naturellement. Il semblerait bien que l’être humain ait voulu lui faire émettre des sons et des mélodies qui plaisaient d’abord à ses oreilles, ce qui est un bel exemple d’anthropocentrisme.

Le serin, soit dit en passant, est un passereau à plumage ordinairement jaune et à bec conique. Il est originaire des Canaries. « Euréka », me direz-vous, il s’agit du canari. En effet, nous parlons ici de notre bon vieux canari, qui est ainsi désigné parce qu’il est originaire de ces îles si chères au cœur des anciens navigateurs (qui pouvaient s’y ravitailler en fruits et légumes frais avant d’entreprendre la longue traversée de l’Atlantique).

Tout se complique cependant quand on veut aller plus loin dans la connaissance de cet oiseau. On apprend en effet qu’à l’origine (donc aux Canaries) il possède un plumage marbré de vert et de brun (qui lui permet de se camoufler dans les arbres de son environnement naturel) et qu’il est donc proche de notre verdier d’Europe.

Le canari serait finalement un serin dont la couleur est verte ! En fait, seuls les oiseaux nés en captivité sont jaunes (on parle d’ailleurs de « jaune canari »), car les éleveurs sont arrivés à obtenir des variations de couleurs par croisements successifs. Il paraît qu’il existe même des canaris rouges dont la couleur dépend de l’alimentation. Pour les canaris de couleur orangée, ils sont issus du croisement du canari classique avec le tarin rouge du Venezuela. On se retrouve donc avec une multitude de races parallèles, les unes étant plus recherchées pour leur chant, les autres pour leurs couleurs. Il parait que les meilleurs canaris chantent leurs trilles le bec fermé, uniquement en gonflant la gorge.

Né en captivité, condamné à vivre en cage, le canari est devenu jaune pour notre plaisir. Pour la même raison, on lui impose des cours de chants afin qu’il charme nos oreilles à partir de sa prison dorée. Rien d’étonnant à ce que ce soient les bateaux négriers qui en firent la découverte. Ce pauvre oiseau a été bien peu récompensé de sa collaboration forcée puisqu’en langage familier un « serin » désigne quelqu’un de niais (quelqu’un à qui il faut répéter cent fois la même chose, à l’aide d’une serinette, sans doute).

A côté du serin, d’autres oiseaux ont enrichi la langue. Ne parle-t-on pas de roupie (et non de roupille, comme l'a justement fait remarquer un commentateur) de sansonnet », de « cervelle de moineau », de « canard boiteux », de « poule mouillée », etc. ? Mais on peut aussi avoir la « chair de poule », «avoir des mollets de coq », « être gai comme un pinson », être « un aigle », « bayer (et non bailler) aux corneilles ». On peut aussi « clouer le bec à quelqu’un » ou « faire le pied de grue », « casser trois pattes à un canard » ou être « voleur comme une pie ». Ayant une « tête de linotte », j’oublie certainement quelques expressions…



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10/10/2007

Zeugma et autres anacoluthes

Un commentateur de l’article précédent a cité le zeugma ou zeugme (du grec ζεuγμα/ zeûgma, « joug, lien ») comme autre figure de style. Poursuivons notre parcours des figures de style et notons qu’il existe deux types de zeugma :

- Dans le premier cas, on ne répète pas un élément, par exemple le verbe, comme dans la phrase « L'un poussait des soupirs, l'autre des cris perçants ». Cette tournure apparente le zeugma a un raccourci. Ceci dit, on pourrait se demander dans notre exemple s’il s’agit bien d‘une figure de style au sens propre et si ce n’est pas la répétition du verbe qui en serait une, rendant la phrase plus poétique.

- Dans le deuxième cas, on met sur le même plan des éléments qui ne devraient pas s’y trouver. Ce parallélisme provoque la surprise. Il est parfois comique, parfois poétique.

o « Vêtu de probité candide et de lin blanc » (Victor Hugo)
o « Il parlait en anglais et en gesticulant. »
o « Les moutons suivaient le berger, et le berger le fil de ses pensées. »
o « Il prit son chapeau et la porte. »
o « Retenez cette date et une place dans le train. »
o « Il prit un café et un train. »
o « Il faisait nuit, et moi du vélo. »

Le zeugma poussé à l’extrême de ses limites (par exemple en associant un verbe transitif et un verbe intransitif) peut s’apparenter à l’anacoluthe. Par exemple : « J’ai vu et j’ai parlé à mes amis. »


L’anacoluthe (nom féminin, soit dit en passant) est une rupture de la construction syntaxique. Le mot anacoluthe vient du grec (aνακόλουθον/anakólouthon), « qui n’est pas à la suite de ». (préfixe privatif « an » et « aκόλουθος/akólouthos », « qui suit, qui s’accorde ». Notre mot acolyte a la même racine.
Il existe plusieurs types d’anacoluthes.

- Soit la phrase commence par un mot qui n’a pas de fonction grammaticale: « Moi, mes souliers ont beaucoup voyagé »

- Soit le complément qui suit le verbe n’est pas celui qu’on attendrait : « J’ai vu et j’ai parlé à mes amis ». On parle alors de zeugma grammatical (preuve, une fois de plus, que toutes ces figures s’interpénètrent).

- Soit on a une ou plusieurs propositions subordonnées qui ne se rattachent à aucune proposition principale : « Quand tout dort, que la lune brille, mais il fait jour ».

L’anacoluthe est donc bien une « faute » de syntaxe. Elle est souvent liée à la langue parlée et est rarement volontaire, à la différence du zeugma. Cependant, on trouve des anacoluthes voulues chez des poètes connus, comme chez Baudelaire, dans ses vers célèbres :

« Exilé sur le sol au milieu des huées
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher »).

Pour terminer et revenir à notre zeugma initial, notons que ce terme est aussi le nom d'une cité antique située sur l’Euphrate (Turquie actuelle) près de la frontière syrienne, au Sud du pays (route de la soie). Elle fut fondée par un général d’Alexandre. Située de part et d’autre du fleuve, ce qui constitue une position stratégique importante, elle a pris logiquement le nom grec de Zeugma (« lien »). En 1995 on commença à construire un important barrage sur l'Euphrate, qui allait inonder toute la région. On entreprit des fouilles de toute urgence, lesquelles permirent de mettre au jour une organisation urbanistique très évoluée et de nombreux bâtiments importants. (grandes demeures patriciennes romaines, peintures murales et mosaïques d'un intérêt exceptionnel). Ces peintures et ces mosaïques sont rassemblées au musée de Gaziantep afin d’éviter leur immersion. Un examen du site proprement dit, mené après la première vidange du réservoir, a abouti à la conclusion que les bâtiments avaient grandement souffert de l'inondation et étaient quasiment détruits.


Ce thème de la destruction par les eaux d’un barrage me fait penser au livre de Penn Warren, « Les eaux montent », qui raconte comment un individu, revenu pour la circonstance dans le village de son enfance, vit l’ anéantissement programmé de ce qui fut le cadre de vie de son enfance. D’un côté il est obligé de replonger dans ses souvenirs et donc de faire le point sur sa vie, de l’autre il sait que ces souvenirs vont irrémédiablement appartenir au passé du fait de la destruction du village. Il se tourne donc vers son passé pour comprendre le présent au moment même où on lui retire ce passé sur lequel il pouvait enfin s’appuyer. Une belle réflexion sur l’homme et sa place dans le monde.

Comme quoi notre zeugma peut être fort utile. Il nous ouvre des portes insoupçonnées. Qui a dit que la rhétorique était dépassée ? Elle conduit à tout, à condition d’en sortir.




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09/10/2007

Rhétorique

Nous avons déjà parlé de l’oxymore. Il existe bien d’autres figures de style. D’ailleurs il conviendrait de distinguer les figures qui portent sur les mots eux-mêmes (la rime, l’allitération, les calembours) de celles qui portent sur le sens (les tropes en général). A côté de ces deux grandes catégories, on citera encore les figures de construction (inversion, par exemple) et les figures de pensée (allégorie, ironie, etc.).
Parmi les tropes, la métaphore, la métonymie et la synecdoque sont certainement les plus connues et les plus utilisées, ce qui ne nous empêchera pas de nous rafraîchir la mémoire.

- La métonymie (du grec metônumia, « changement de nom ») consiste à désigner un objet par le nom d'un autre objet, les deux ayant évidemment quelque chose en commun, ce qui permet d’en citer un pour faire penser à l’autre.

- le contenant pour le contenu (boire un verre pour boire ce qu'il y a dans ce verre. Le stade, pour désigner les personnes qui y sont présentes ),
- l'objet pour la personne (le violon, pour désigner le violoniste),
- le lieu pour l'objet fait dans ce lieu (un bordeaux pour un vin de Bordeaux),
- la matière pour l'objet (le fer pour l'épée, une petite laine pour un vêtement chaud),
- le nom propre pour un objet créé par la personne (lire un Camus pour un livre de Camus, acheter un Renoir pour un tableau de Renoir, voir un Truffaut, etc.)
- et la cause pour l'effet (les lauriers pour la gloire).
- la localisation pour l'institution qui y est installée (l’Elysée, Bercy, le qua d’Orsay etc.)


Remarquons en passant que dans l’expression « boire un verre », on ne peut plus parler de métonymie au sens propre (même si à l’origine c’en était bien une), tant la formule s’est généralisée.


La synecdoque (du grec sunekdokhê, « compréhension simultanée ») :
- la partie pour le tout (ou l’inverse) -une voile pour un bateau, une lame pour un couteau ou un escrimeur. Berne a condamné l’attentat pour désigner l’ensemble de la Suisse)
- le genre pour l'espèce (ou l’inverse) -la saison des lilas pour la saison des fleurs, les mortels pour les hommes
- le nom propre pour le nom commun -un judas pour un traître, un tartuffe pour un hypocrite, un harpagon pour un avare..


Remarquons que la différence entre synecdoque et métonymie n’est pas toujours facile à saisir. On pourrait d’ailleurs dire que toutes les synecdoques sont des métonymies puisqu’elles désignent un objet par un autre. En fait, la synecdoque désigne un objet qui est contenu dans celui qu’elle veut évoquer (la lame est une partie du couteau) ou l’inverse. C’est donc une figure de style plus réaliste, plus proche de l’objet évoqué, tandis que la métonymie a un côté plus fantastique (ainsi, l’expression des bruits de bottes pourrait très bien désigner un coup d’état durant lequel seuls les tanks et l’es avions ont joué un rôle déterminant).
Notons cependant que des expressions comme le fer (pour l’épée) ou le jean (pour un pantalon en jean), qui semblent des métonymies classiques (la matière pour l’objet) sont qualifiées par certains de synecdoque de la matière. Comme quoi rien n’est simple.


Une autre subtilité consiste à introduire la notion d’antonomase. Dans ce cas, un nom propre est utilisé comme non commun (ou l’inverse) : un roquefort, un bordeaux, un harpagon, un don juan (le tout sans majuscule). Or, nous avions cité les mêmes exemples plus haut tantôt à propos de la métonymie (un bordeaux) ou de la synecdoque (un tartuffe). Comme quoi, plus on veut faire de distinctions, plus il est difficile de s’y retrouver. Toute synecdoque n’est pas une antonomase, mais toute antonomase est une synecdoque (ou une métonymie). En fait, c’est une synecdoque si l'individu portant le nom propre fait partie de l'ensemble évoqué (Don Juan, par exemple, fait partie des séducteurs).

L’autre grande figure de style qu’il convient encore d’évoquer, c’est la métaphore. Celle-ci est fondée sur une ressemblance entre les termes et suppose donc une comparaison implicite. Le lien entre les deux termes est beaucoup moins étroit que dans la métonymie ou la synecdoque. On peut souvent insérer une expression telle que "semblable à", "pareil à" ou "comme" sans changer le sens. Ainsi, si je dis « c’est un lion », je désigne une homme qui est comme un lion. Il faut bien entendu qu’il y ait des propriétés communes aux deux termes pour que la comparaison puisse se faire (ici le courage, l’agressivité, etc.). D’un autre côté, un seul des termes doit être cité. Si je dis « Jean est rusé comme un renard », le mot « comme » établit un équilibre entre « Jean » et « renard ». On a alors affaire à une simple comparaison.

Certaines métaphores sont si courantes, qu’elles ne sont plus perçues comme telles. Ainsi « tête de clou », « bras de fauteuil », « tête de l’avion », « bouche d’égout ».

Lors d’une découverte scientifique, on emploiera une métaphore plutôt que de créer de nouveaux termes, par soucis d’économie. Ainsi en va-t-il d’Internet. Pour les locuteurs francophones, la Toile ressemble à un océan sur les vagues duquel on « surfe ». Du coup, on parlera de navigateur. Du côté anglophone, la même Toile est plutôt vue comme une prairie (d’où le terme « brouwser » : brouteur)

Notons que la métaphore n'est donc pas toujours immédiatement compréhensible puisqu’un des éléments de la comparaison est absent. Le lecteur doit donc deviner la relation établie par l’auteur. Il s’agit d’un jeu avec la langue et c’est peut-être ce qui la rend si intéressante.

Tout ceci étant dit, il est clair que plus vous vous initiez aux subtilités des figures de rhétorique, plus vous vous y perdez et plus vous avez conscience de votre ignorance car vous trouverez toujours des spécialistes pour établir des distinctions et des subdivisions de plus en plus subtiles.

C’est pourquoi nous passerons sous silence (afin de conserver tout de même quelques lecteurs) les autres figures de style (personnification, antithèse, répétition, hyperbole, litote, euphémisme). Les plus persévérants, cependant, peuvent nous en proposer une définition dans les commentaires…



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L'apogée de la rhétorique grecque: Démosthène, l'auteur des Philippiques

25/09/2007

La Defense et Illvstration de la langve francoise

Demain 26 septembre 2007, les députés français doivent ratifier le «protocole de Londres» sur les brevets. A ce jour, ce protocole a été ratifié par 11 États (Allemagne, Angleterre, Danemark, Islande, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Monaco, Pays-Bas, Slovénie, Suède), tandis que l'Italie, l'Espagne, la Finlande, la Grèce le refusent.

Jusqu’ici, la France avait également refusé ce protocole afin de défendre la position du français dans le monde. En effet, pour le moment, une société qui veut faire breveter une invention pouvait introduire se demande en anglais (66% des cas), en allemand (27%) ou en français (7%). Une fois le brevet délivré, elle doit le traduire dans toutes les langues des pays où elle souhaite une protection. Tout cela coûte cher et on sait que les firmes n’aiment pas dépenser leur argent. D’où l’idée de réduire les coûts des frais de traduction en limitant celle-ci aux « revendications » seulement (4 à 5 pages), en excluant donc toutes les descriptions techniques. Dès lors, les multinationales ne devront plus traduire en français les brevets des produits qu’elles veulent commercialiser en France (ni en grec pour la Grèce, en espagnol pour l’Espagne, etc.). Par contre, les firmes françaises, si elles veulent connaître la teneur des brevets que leurs concurrents ont déposés, devront les faire traduire à leurs frais (idem pour la Grèce, l’Espagne, etc.). Or, elles sont bien obligées de connaître le contenu des brevets déjà déposés avant de se lancer elles-mêmes dans la commercialisation d’un nouveau produit.

De son côté, Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la Francophonie, justifie la ratification du protocole de Londres en assurant que le français restera au même rang que l'anglais et l'allemand (puisque les brevets pourront toujours être déposés dans une de ces trois langues). Certes, ... à ce détail près qu'il ne concerne déjà plus que 7% des demandes de brevets.

Cent cinquante personnalités réunies autour du linguiste Claude Hagège (qui passe pour avoir des connaissances dans une cinquantaine de langues) et de l'académicien Erik Orsenna appellent les députés à bien réfléchir avant de ratifier ce protocole de Londres. Ils n’ont pas tort. On connaît l’engouement de notre ami Sarkozy pour l’Amérique. Il ne faut pas attendre de sa part une défense de la langue française (encore qu’on ait pu se rendre compte cet été que c’est en français et non en anglais que lui-même apostrophe les journalistes américains quand il monte à l’assaut de leur bateau). De plus, sur le plan européen, il veut sans doute se faire pardonner le non des Français au référendum de mai 2005. Comme il est visiblement pour la mondialisation de l’économie (et pour l’économie tout court, tant qu’on gagne de l’argent, c’est ce qui compte, non ?), il ne va certainement pas mettre en avant une spécificité française. Or cette société mondialisée, il se fait que personnellement, je ne l’apprécie pas beaucoup. Pas au nom d’un chauvinisme étroit, mais simplement pour deux raisons. D’abord parce qu’elle représente la suprématie de l’économie sur toutes les autres valeurs (y compris le droit des personnes et la culture en général) et ensuite parce qu’elle nous offre une vision du monde unipolaire (en l’occurrence exclusivement anglo-saxonne), au détriment de toutes les diversités que pouvaient offrir les peuples de la planète.

Car c’est bien là que se trouve le problème philosophique. D’un côté, on nous dit de ne pas nous refermer sur nous-mêmes, ce qui serait intellectuellement sclérosant et on a bien raison de le dire (on a vu où les nationalismes étroits ont pu nous conduire par le passé et aujourd’hui le régionalisme exacerbé de certains a de quoi inquiéter. Voir le Pays basque ou la Flandres). Mais d’un autre côté, une fois qu’on a abandonné les prérogatives de son propre pays et de sa propre culture, on se retrouve non pas devant une palette multiculturelle, ce qui serait enrichissant, mais devant un monde gris et monochrome.

Au-delà de cette réflexion, c’est le rôle du français lui-même qui est ici en question. On est loin de l’Edit de Villers-Cotterêts (1539) par lequel François premier en avait généraliser l’usage ( en réalité , il officialisait une situation de fait). Aujourd’hui, le français est en perte de vitesse de tous côtés. Vouloir le défendre, comme je le fais ici, c’est déjà avouer qu’on est sur la pente descendante. Alors, quelle attitude faut-il adopter ? Poursuivre la défense et refuser ce protocole de Londres, qui nous enterre un peu plus (et qui concerne non seulement notre langue, mais aussi les firmes françaises – ou francophones en général- unilingues qui ne sont pas des multinationales) ou accepter une fois pour toute la suprématie de l’Amérique sur l’Europe et la domination de la culture anglo-saxonne sur la nôtre ? Car s’il n’est plus une langue scientifique, le français devient une langue vernaculaire, une sorte de patois local qu’on n’utilisera plus que chez soi, au coin du feu.

De son côté, Sarkozy plaide pour une «France bilingue». Lui-même est fasciné par les Français qui vivent et parlent à l'américaine, comme Christine Lagarde, dont il a fait, en partie pour cette raison, son ministre de l'Économie. Il est clair que c’est bien d’être bilingue. C’est nécessaire aussi. Notre survie économique en dépend sans doute. Les Gaulois ne s’y étaient pas trompés quand ils avaient abandonné la langue celte au profit du latin (sur la manière dont s’est opérée cette transformation, nous ne sommes pas trop renseignés. Est-ce que cela s’est fait en douceur ou est-ce que cela a été imposé « militairement » par l’occupant romain ?). Le problème, c’est que le Gaulois a disparu. Cette culture n’était pourtant pas aussi barbare qu’on veut bien nous le faire croire (voir tous les mots français qui proviennent du gaulois, notamment dans le domaine agricole).

Alors, pour revenir au français, faut-il accepter l’inéluctable au point de favoriser l’usage généralisé de l’anglais dans nos propres entreprises ? On dit (mais je n’ai pas la preuve) que Sarkozy aurait échoué à une épreuve d’anglais en Sciences-Politiques. Cela ne l’a pas empêché de faire une belle carrière. Mitterrand, de son côté, se gardait de parler autrement qu'en français à l'étranger. Et puis, qui sait si demain ce n’est pas le chinois qui va l’emporter ? Alors, commençons d’abord par faire en sorte que nos élèves sortent de l’enseignement primaire en maîtrisant au moins leur langue maternelle, ce serait déjà un bon début.



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14/09/2007

Alphabet grec

Pour compléter l’article précédent, il faut encore noter que l’expression « soleil noir» a connu un beau succès en littérature. On la retrouve chez Kristeva, en rapport avec la dépression et la mélancolie :

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Ainsi que chez l’illustrissime poète de Villepin (quoi ? Ce n’est pas pour sa poésie qu’il est devenu célèbre ?)





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Enfin, pour être plus sérieux, je regrette que Hautetfort n’accepte pas les lettres grecques quand on veut donner un étymon. Je passe mon temps à insérer les lettres une à une via la fonction « insertion », « caractères spéciaux » de Word et Hautetfort transforme tout en alphabet latin.

Oxymore

Sur son blogue, (http://www.josephetorban.canalblog.com/)
Joseph Orban, poète très mal connu comme il se définit lui-même, fait allusion à « un important responsable culturel socialiste », précisant que cette formulation relève d’une figure de rhétorique, en l’occurrence l’oxymore. Nous laisserons de côté l’analyse politique car il serait vain de savoir qui, des socialistes ou des sarkoziens, est le plus proche de la culture et nous profiterons plutôt de l’occasion qui nous est donnée pour rappeler que le terme oxymore (ou oxymoron) vient du grec « oxumoros » (de « oxus », aigu et « moros », émoussé) et qu’il désigne une figure de rhétorique où deux mots désignant « des réalités contradictoires ou fortement contrastées sont étroitement liés par la syntaxe. » Exemple : « un merveilleux malheur ».

On parle parfois d’antilogie, mais ce terme renvoie surtout à quelque chose d’illogique. Dans ce cas, on pousse tellement loin l’antithèse qu’on se retrouve dans une situation absurde.
Le grammairien français Pierre Fontanier, qui avait consacré sa vie à étudier les tropes, parle lui de paradoxisme. Il est dans le vrai car c’est pour le moins un paradoxe d’accoler ensemble des termes contradictoires.

Certains oxymores servent à désigner des réalités qui ne possèdent pas encore de nom, comme par exemple « aigre-doux » (pour les amateurs de cuisine chinoise) ou « clair-obscur » (pour les amateurs de la peinture de Rembrandt).

Généralement, cependant, les écrivains qui emploient l’oxymore cherchent à attirer l’attention de leur lecteur. L’encyclopédie en ligne Wikipédia (dont il faut certes se méfier mais qui est parfois bien utile) nous propose quelques exemples :


- Les azurs verts (Rimbaud)
- Les splendeurs invisibles (id.)
- La clarté sombre des réverbères (Baudelaire)
- Cette obscure clarté qui tombe des étoiles (Corneille)
- Un jeune vieillard (Molière)
- Hâtez-vous lentement (Boileau)
- Je la comparerais à un soleil noir si l’on pouvait concevoir un astre noir versant la lumière et le bonheur (Baudelaire)
- Un affreux soleil noir d’où rayonne la nuit (Hugo)



Alors là, je fais appel à l’équipe. Si je connaissais la phrase de Baudelaire, c’est surtout à Nerval que je pense quand je rencontre l’expression « soleil noir », Nerval qui avait écrit ce beau poème « El desdichado » :


EL DESDICHADO

Je suis le ténébreux, -le veuf, -l'inconsolé,
Le prince d'Aquitaine à la tour abolie:
Ma seule étoile est morte, -et mon luth constellé
Porte le soleil noir de la Mélancolie.

Dans la nuit du tombeau, toi qui m'as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon coeur désolé,
Et la treille où le pampre à la rose s'allie.

Suis-je Amour ou Phébus, Lusignan ou Biron?
Mon front est rouge encor du baiser de la reine;
J'ai rêvé dans la grotte où nage la sirène...

Et j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron,
Modulant tour à tour sur la lyre d'Orphée
Les soupirs de la sainte et les cris de la fée

Nerval aurait pu prendre cette expression « soleil noir » chez Baudelaire, mais plus vraisemblablement il la tient des livres d’occultisme dont il était friand, notamment ceux de Don Pernety. Certains ont parlé aussi de la gravure « Melancolia » de Dürer

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Mais j’ignorais totalement qu’Hugo avait aussi employé cet oxymore. Quelqu’un pourrait-il me dire dans quel livre ?

10/09/2007

De la presse

Voici des articles de presse comme on les aime, d’une grande transparence et rédigés dans une langue digne de Flaubert. :

La maison de la victime du meurtre commis le samedi 1er septembre dans le quartier D… à B…, située rue du Cheval Noir à M…, a été visitée entre la nuit de vendredi et celle de samedi, a-t-on appris dimanche de source judiciaire.

On admirera les compléments déterminatifs en cascades (de type gigogne) et la tournure à la voix passive, qui complique tout. Sans oublier l’emploi forcé des trois jours de la semaine pour signifier que l’on ne peut pas dire avec précision quand l’intrusion a eu lieu. Cela tourne à l’hermétisme mallarméen. Les rimes en moins, bien entendu. Cela donne envie de lire les journaux.

12:45 Publié dans Langue française | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : presse

24/08/2007

Néologismes

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Le Robert 2008 vient de sortir. Pierre Assouline, sur son blogue (où je ne vais jamais), nous donne quelques-uns des néologismes acceptés par le dictionnaire. C’est ainsi qu’on apprend que quelques régionalismes feront désormais partie de la langue française :

« … en Belgique (carabistouille, brol, babelutte, jouer avec ses pieds…), au Luxembourg (auditoire pour salle de cours, et contournement pour périphérique), en Suisse (grimpion, se miner le plot, bringues…), en Afrique (ambianceur désignant le boute-en-train, deuxième bureau la maîtresse d’un homme marié, matabiche pour pot-de-vin, et faire couloir pour chercher à obtenir une faveur), au Québec (faire la baboune pour bouder, avoir de la façon pour être poli, chanter la pomme pour courtiser), aux Antilles (habitation pour exploitation agricole)… »

Il n’y a pas si longtemps, il me semble, que les dictionnaires se risquent en dehors de l’hexagone, ce qui nous amène à une réflexion sur la frilosité du français.

Le gros problème du français c’est en effet sa rigidité par rapport aux nouveautés.
Cela tient sans doute au poids du bon usage. Dans les autres langues, il me semble que les locuteurs s'expriment naturellement sans penser à mal. En français au contraire nous craignons toujours de commettre une faute, même les plus cultivés d'entre nous. Peut-être est-ce le regard de Richelieu, ce fondateur de l'Académie, qui continue à peser sur nous. On a l'impression que la moindre faute de langue est aussitôt sanctionnée par la société et passible de prison. Je dis cela, mais je suis le tout premier à essayer de respecter ce bon usage. Il y a même un certain plaisir à y parvenir. D'ailleurs nous tous sur nos blogues, ne faisons pas autre chose que de tenter de trouver le mot juste, la bonne définition, la nuance pertinente etc.

Malheureusement je crois que cette norme qui est imposée au français nous handicape dans l'apprentissage des autres langues. S'est-on déjà demandé pourquoi les Français semblent si peu doués pour les langues étrangères? Il y a à mon avis plusieurs raisons:

1) Le prestige passé du français continue à donner l'impression à ses locuteurs que cette langue se suffit à elle-même, y compris sur le plan international. Malheureusement c’est là une réalité dépassée, dont seuls les anglophones peuvent désormais se prévaloir pour leur propre langue.
2) Je me suis laissé dire que le nombre de sons (et leur complexité) était moins important en français par rapport à d’autres langues. Un Vietnamien aurait donc plus « facile » en apprenant le français (car il retrouverait des sons qu’il connaît déjà dans sa propre langue ou des sons moins complexes que ceux auxquels il est habitué) qu’un Français en apprenant le vietnamien.
3) Le poids du bon usage fait qu’un locuteur francophone a peur de « se lancer » dans l’élaboration d’une phrase dans une autre langue. A l’inverse les Allemands ou les Hollandais oseront davantage. Ils font des fautes ? Aucune importance, on les comprend tout de même. Et puis personne ne va se mettre à rire de leurs fautes. Du coup, petit à petit, ils progressent dans leur apprentissage. Nous, de peur de commettre le moindre impair, nous préférons nous taire. Et nous n’apprenons rien.

Pour revenir aux termes techniques (car c’est finalement là qu’on retrouve la plupart des nouveautés), il faudrait absolument créer rapidement des néologismes. L’Académie le tente bien, mais avec un tel retard que les mots qu’elle propose sont déjà passés dans l’usage (ex. : effeuillage pour streap-tease). L’initiative devrait donc venir des locuteurs eux-mêmes (ainsi j’utilise « courriel » de préférence à « mail », tentant ainsi d’imposer mon choix à d’autres. Cela donne parfois de bons résultats). Mais là on se retrouve confronté à un double problème :

1) De quel droit est-ce que moi, simple usager, je me permettrais d’innover et donc de modifier cette langue que j’ai reçue en héritage ? C’est de nouveau le poids du bon usage et de la norme.
2) Beaucoup de locuteurs francophones restent à ce point fascinés par la langue anglaise, qui leur semble symboliser la société idéale (et de fait, c’est bien ce type de société commerciale qu’on veut nous imposer. L’individu qui y souscrit est donc valorisé), qu’ils se croient obligés, par snobisme, d’employer systématiquement le terme anglais quand celui-ci existe. Or il existe souvent un mot français correspondant.

20/08/2007

La fin (faim) des haricots.

Le mot haricot viendrait du mot ayacotl (langue aztèque).
Parmi les variétés de haricots, citons la Mogette, qui est un haricot blanc, de l’espèce Phaseolus vulgaris. C’est une spécialité de la Vendée. Elle est parfois orthographiée mojhette ou mojette. Ce mot a une origine dialectale, en l’occurrence poitevine.
Notons à ce propos que la position fondamentale de l’Etat français envers les dialectes a souvent été de les éradiquer. S’ils étaient tolérés dans l’Ancien Régime, il n’en a plus été de même au moment de la Révolution. Tout citoyen ayant les mêmes droits et obligations, il ne convenait pas que certains se singularisassent par un langage différent. Les locuteurs eux-mêmes ont fait alors l’effort de parler en français car en continuant à s’exprimer en patois on aurait pu les considérer comme de dangereux réactionnaires. Ensuite vint l’enseignement obligatoire qui généralisa l’usage de la langue française au détriment des parlers locaux. Il aura fallu l’influence de l’Union européenne (voir la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires) pour que contraint et forcé l’Etat central reconnaisse les richesses des langues locales.

http://www.culture.gouv.fr/culture/dglf/lgfrance/lgfrance...

Mais revenons à notre mogette. Le Poitevin-saintongeais (parlanjhe) n’existe plus comme tel et on distingue désormais le poitevin proprement-dit du saintongeais. Tous deux appartiennent à la langue d’oïl. Pourtant c’est dans ces régions que l’influence de la langue d’oc s’est le plus manifestée. Des spécialistes considèrent même que ces patois appartenaient à l’origine à la langue d’oc avant de passer ensuite dans la sphère des parlers d’oïl. Pour comprendre, il faut remonter à la conquête de César. A cette époque, le Poitou est rattaché à la province d’Aquitaine, tandis que la langue gauloise originelle disparaît petit à petit et que naît le bas-latin (dérivé non du latin classique, mais du latin parlé), employé par cette nouvelle société gallo-romaine qui est en train d’émerger.

Puis ce fut l’époque des invasions barbares. Le Poitou fut quant à lui sous l’influence wisigothique, comme le reste de l’Aquitaine, ce qui le rattache une nouvelle fois aux parlers du Sud. Notons que ces envahisseurs germaniques ne furent pas en état d’imposer leur langue du fait qu’ils étaient peu nombreux. Le peuple continua donc de s’exprimer en bas-latin (lequel commençait cependant à être différent d’une région à une autre puisqu’il n’y avait plus d’unité politique). Celui-ci, cependant, dut subir l’influence de ces langues germaniques, mais sous la forme d’un simple superstrat. On parle alors, pour la France, non plus de bas-latin, mais de gallo-roman. Celui-ci, parlé par le peuple, se diversifia donc de village à village, tandis que le clergé continuait à employer le latin.

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En 987, en île de France, Hugues Capet parlait en francien (langue romane) et non plus en francique (langue germanique du peuple franc). Dans la France féodale du X° et XI° siècle, les ducs de Poitiers et Comtes d’Aquitaine avaient un pouvoir comparable à celui du roi de France, trop faible pour unifier son pays au-delà de la région parisienne. Cependant, après être passé sous domination anglaise (suite au mariage d’Aliénor d’aquitaine avec Henri II Plantagenêt), le Poitou redeviendra une dernière fois indépendant avant d’être définitivement rattaché à la couronne de France. N’étant plus autonome, il n’avait plus de raison de se singulariser par une langue spécifique. Le français l’emporta donc définitivement et les mots occitans demeurèrent sous forme de substrat.

La réalité est encore un peu plus complexe. Au sens propre, le poitevin est un dialecte frère du francien (parlé par le roi de France). Il appartient donc bien à la langue d’oïl. Pourtant, à la cour du Comte de Poitiers, on préférait l’occitan, sans doute pour des raisons de richesse culturelle (poésie des troubadours, etc.) Il y aurait donc eu interpénétration des langues d’oc et d’oïl dans cette région. On peut même supposer que le poitevin primitif offrait lu aussi des ressemblances avec ces deux langues.

Aujourd’hui, c’est dans le pays gabaye que la langue poitevine a le mieux résister à l’influence du français. Le pays gabaye (grande gavacherie) se situe entre la Saintonge et l’Entre-deux-Mers (Blaye) Les Gavaches ou Gabayes étaient des gens de langue d’oïl (appelés ainsi par les gens de langue d’Oc ou Gascons), qui s’étaient implantes là après les pertes humaines dues à la guerre de Cent ans. C’est donc dans cette région que le saintongeais primitif a le mieux survécu. Le terme gavache viendrait de l’espagnol gavacho (« canaille ») et désignerait ceux qui viennent du Nord (donc, les Français pour les Espagnols, les Languedociens pour les Catalans, les Auvergnats pour les Languedociens, etc.)
Dans le vocabulaire gabaye, on retrouve des mots comme

Aive (eau)
A’cet heure (maintenant)
Drôle (garçon)
Drôlesse (fille)

Termes que l’on retrouve aussi dans le Sud du département des Deux-Sèvres (Niort). Notons encore que le patois saintongeais a fortement influencé le québécois, l’acadien et le cajun.

Terminons par où nous avons commencé, c’est-à-dire avec nos mogettes. Ce mot est manifestement d’origine méridionale puisqu’on le retrouve en Comminges (Haute-Garonne). Là, on parle de moungelades (réunions de village autour d'un plat de haricot - moungetes - et de mouton).

17/08/2007

Toponymes

Puisque nous parlions du siège de Saragosse, il n’est pas sans intérêt de connaître l’origine de ce nom et de quelques autres.

Zaragoza vient en fait du latin Caesar Augustus (comme Cologne, en Allemagne, vient de Colonia Claudia Ara Agrippinensium).


BARCELONE: Le nom de la ville aurait une origine carthaginoise puisqu’il viendrait d’Hamilcar Barca, le père d’Hannibal (ah, les guerres puniques et le récit de Tacite lorsqu’il relate le passage des Alpes avec les éléphants…). Ensuite, les Romains auraient transformé ce Barca en Barcino

MADRID (ville fondée par les arabes comme forteresse) : son nom vient d'un mot arabe signifiant 'arroyo matriz' (ruisseau matrice?), qui lui-même viendrait du latin matricem.

Pampelune (Pamplona): ville fondée par Pompée en 75 avant JC, qui lui aurait donné son nom (Pompaelo). Notons que le nom basque est Iruña ou Iruñea (à ne pas confondre avec Irun, qui est la ville frontière avec la France, sur la Bidassoa).

16/08/2007

palin

Nous parlions l’autre jour de palimpseste à propos d’une peinture de VanGogh.
A partir du même préfixe palin (à nouveau), on a formé les mots suivants, qui font rêver par leur sonorité ou leur côté mystérieux :

Palindrome(palin et dromos, la course) :
groupe de mots qui peut être lu de gauche à droite ou de droite à gauche en conservant le même sens (« Esope reste ici et se repose »)

Palingénésie :
1) retour cyclique des mêmes événements
2) retour à la vie, nouvelle vie
3) pour les anciens Chrétiens : régénération par le baptême.

Palingénésique (adj) :
Relatif à la palingénésie.

Palinodie (palin et odh, le chant) :
1) rétraction de ce que l’on a dit ou fait
2) dans l’Antiquité, pièce de vers dans laquelle l’auteur rétractait ce qu’il avait exprimé précédemment.

On notera au passage dans cette dernière phrase l’emploi transitif de « rétracter », d’après le latin retractare (retirer). On connaît mieux la forme pronominale « se rétracter» (revenir sur ce qu’on a dit). Par contre, on ne confondra pas avec l’autre verbe rétracter, également transitif, mais provenant du latin retrahere et qui signifie « faire se rétrécir, contracter » (l’escargot rétracte ses cornes). Lui aussi possède une forme pronominale : se rétracter, au sens de « se contracter, subir une contraction ». Existent aussi les adjectifs « rétractif » (qui produit une rétraction), « rétractiles » (qui a la possibilité de se rétracter) et les substantifs « rétractilité» (qualité de ce qui est rétractile) et « rétraction» (diminution du volume d’un matériau durant sa prise).

A vous de trouver le sens exact de rétractabilité, rétractable et rétractation...

01/06/2007

Vocabulaire

N’allez pas confondre une Nigériane avec une Nigérienne, les mots ayant leur importance Mais encore faudrait-il que vous sachiez où se trouvent ces deux pays et lequel se situe au Nord-Est de l’autre… Hé hé !

Comme il ne faut pas confondre un Hindou avec un Indien. Tous les Indiens ne sont pas hindous, mais est-ce qu’il y a des Hindous qui ne sont pas indiens ?
En tout cas il y a plusieurs Indiens, ceux d’Inde et ceux d’Amérique. Dans ce dernier cas on parle alors d’Amérindiens, par commodité. Encore faut-il distinguer ceux du Nord et ceux du Sud. Il est facile de les différencier. Ceux du Sud sont en voie de disparition tandis que ceux du Nord ont déjà disparu.

Une Indienne sera donc une femme vivant en Inde (qu’elle soit hindoue ou non) ou en Amérique (pour autant, bien entendu, qu’elle soit de race indienne. Georges Bush, par exemple et comme chacun sait, n’est pas un Indien même s’il joue souvent au cow boy). Mais une indienne (sans majuscule) est une toile de coton légère et colorée. Tout le monde peut s’habiller d’une simple indienne, les Indiennes hindoue d’Inde, mais aussi les Nigérianes du Nigeria.

Et les hommes dans tout cela ? N’allez pas confondre le substantif bonhomme avec l’adjectif homonyme. Un bonhomme (qui n’est pas forcément un homme bon) est une personne jugée sympathique ou au contraire qui inspire la réserve ou la méfiance. Ainsi, on dira : « Ce bonhomme me fait peur ». Le féminin est bonne femme (en deux mots). Par contre, pour un dessin représentant grossièrement l’être humain, on parlera toujours de bonhomme. L’adjectif bonhomme, quant à lui, signifie « qui exprime la franchise, la simplicité » (avoir un air bonhomme). Le substantif correspondant est évidemment bonhomie (avec un seul M), qui signifie « caractère d’une personne bonhomme » (et non bonne).

Bon, bon. Nous en aurons fini quand nous aurons parlé des bons-chrétiens, mot qui ne désigne pas les supporters de Benoît XVI mais une variété de poire.
On dit d’ailleurs « C’est une bonne poire » pour dire finalement qu’une personne a tellement l’air bonhomme qu’elle se fait toujours avoir. Etant trop bonne, elle en devient bonasse (le substantif correspondant est bonasserie, à ne pas confondre avec bonneterie, lequel soit-dit en passant s’écrit sans accent sur le « e »)

J’en ai fini et ne vais pas vous ennuyer avec la bonace, terme vieilli qui désignait le calme plat en mer (du latin malacia lequel a été contaminé par « bon »).

Il suffit maintenant de mettre tout cela en musique :

Une bonne femme nigériane se rendant au Niger vêtue d’une indienne rencontra un bonhomme bonasse. C’était un Indien hindou qui travaillait dans une bonneterie. « Que votre indienne est jolie », dit l’Indien à la Nigériane, « ne voudriez-vous pas me la céder pour mon épouse? ». « Merci pour le compliment, vous êtes trop bon », répondit la dame, mais ma religion m’interdit de parler aux hommes, qu’ils soient bons ou pas et encore moins de me dévêtir devant eux. ». « Je comprends », répond l’Indien, de mon côté je suis hindou et apprécie votre pudeur. Allons, n’en parlons plus. Comme je suis bonne-poire, je vous offre quelques bons-chrétiens pour la route. » « J’espère qu’ils sont bons », répond la bonne femme d’un air bonasse.

Ps. : je connais une ville qui possède une rue « de la bonne femme ». Ce terme n’est pas à opposer à "bonhomme » et pour en comprendre le sens il faut remonter à l’étymon latin : mala fama. Cette notion de « mauvaise réputation » fut ensuite transformée, par ironie ou par discrétion, en bonne réputation. On retrouve là l’hypocrisie habituelle de la bourgeoisie qui n’ose pas désigner les réalités par leur nom, ici en l’occurrence le monde de la prostitution.

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04/04/2007

Problème de terminologie

On remarquera que j’utilise le terme « blogue » et non « blog », par respect pour nos amis Acadiens et autres habitants de la belle province de Québec. Le terme blog, vous ne l’ignorez pas, vient de l’anglais. Le « log » est une pièce de bois qu’on lançait à la mer afin d’évaluer la vitesse du navire par rapport à cette pièce qui elle restait immobile. Avec l’arrivée d’Internet, s’est développée l’expression « Web log », bien vite contractée en « Blog ».

Les locuteurs francophones de la douce France, timorés comme d’habitude par leurs années d’école (durant  lesquelles on leur a appris à respecter scrupuleusement la grammaire et le bon usage), n’ont pas été assez rapides pour créer un néologisme qui eût quelque consonance latine. On peut même avancer sans prendre le risque de se tromper qu’ils n’ont même pas osé le faire. Du coup, comme chaque fois, c’est le mot anglais qui s’est imposé, nous rappelant insidieusement que nous avons perdu la guerre de 39-45 et avec elle notre suprématie culturelle. Il nous faut donc aller aux confins de la francophonie, dans ces terres éloignées souvent recouvertes de neige, pour retrouver des locuteurs encore capables d’innover et d’imposer leur langue aux gens d’en face, refusant du même coup tout colonialisme linguistique et tout asservissement culturel.