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05/01/2008

Mémoire

Toujours dans « Le Paradoxe sur le comédien », je trouve, sous la plume de Diderot, cette expression étrange, difficilement compréhensible : « une leçon recordée d’avance ». Il est des jours où le Dictionnaire historique d’Alain Rey est bien pratique, il n’y a pas à dire.

Le verbe « recorder » signifiait, en terme juridique « rapporter comme témoin ». Un « recordeur », c’est donc un témoin et l’adjectif « recort » signifiait « qui se souvient ». En ancien français, existait le substantif « record » (souvenir, mémoire), utilisé d’ailleurs jusqu’au XVI° siècle (chez Montesquieu encore), lequel provenait du verbe réfléchi « se recorder », se rappeler, apparenté au verbe « recorder », répéter plusieurs fois quelque chose pour le savoir par cœur.

Ce verbe provient du bas latin « recordare » (« recordari » en latin classique) et avait le sens de se rappeler. Il était lui-même composé à partir de « cor, cordis », l’esprit, le cœur, auquel on avait ajouté « re », un préfixe à valeur itérative.

Notre substantif « record », si cher aux sportifs est quant à lui emprunté à l’anglais « record » (témoignage enregistré) lui-même provenant de l’ancien français « recort » (témoignage) que nous venons de voir. Finalement, le mot a pris le sens d’exploit sportif puis celui d’un résultat supérieur à tous les autres résultats obtenus dans le même domaine.

La langue est donc un véritable roman, dont il est captivant de suivre les péripéties. De l’idée de mémoire on passe à celle de témoignage, puis, via la conquête normande (Hastings, 1066), le terme prend en anglais un sens précis (témoignage écrit dans le domaine du sport), avant d’agrandir le champ de son acceptation (exploit et finalement exploit supérieur à tous les autres) et de repasser dans le domaine français au XIX° siècle. Subjugué par la langue anglaise, le français acceptera les mots recordman et même recordwoman, oubliant sans doute que l’étymon primitif se trouvait déjà en ancien français et qu’il signifiait bel et bien « mémoire ».

Commentaires

Mémoire et témoignage. Ces deux mots à l'amble, me laissent habitée : se souvenir... jusqu'à où ? Car il y a un lieu où la mémoire nous met en avant de nous. Le chemin n'est plus alors celui d'un retour, mais d'une rencontre. Quelque chose qui était en avant de nous, creuse un abîme en nous. Un voile se lève et on découvre que l'on savait, qu'on n'avait pas oublier...on avait juste refusé de rester témoin, de fuir, d'oublier, de ne pas être témoin de soi, du soi d'avant. Se souvenir, c'est se faire la grâce d'un peu d'amour, le même que si pour cet autre, tout blessé de passé. Faire la paix et aller...
Alors la route de la mémoire, ouverte, peut enfin nous conduire en amont et là "il n'y a plus de limite pour celui qui n'a pas vécu" ce dont il va parler...
Encore un texte qui ne laisse pas indifférent...

Écrit par : Christiane | 16/07/2008

Oh, j'écris trop vite !
...le même que "si "
...le même que pour cet autre
quels mots devaient être hélé par le "si", resté comme une algue sur la plage des mots
...le même que "si" ? Qu'est-ce qui peut se comparer à cette indulgence, à cette affection ? Peut-être l'enfance retrouvée en nous...

"Oublier", c'est autre chose, un verbe que j'ai du mal à conjuguer, pour le faire différent de moi comme si je ne voulais pas que ce soit volontaire. L'infinitif me rend innocente de cet effacement. Jacques saurait expliquer cela...puisque Feuilly s'est envolé !
Jacques...SOS !

Écrit par : Christiane | 16/07/2008

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