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25/09/2007

La Defense et Illvstration de la langve francoise

Demain 26 septembre 2007, les députés français doivent ratifier le «protocole de Londres» sur les brevets. A ce jour, ce protocole a été ratifié par 11 États (Allemagne, Angleterre, Danemark, Islande, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Monaco, Pays-Bas, Slovénie, Suède), tandis que l'Italie, l'Espagne, la Finlande, la Grèce le refusent.

Jusqu’ici, la France avait également refusé ce protocole afin de défendre la position du français dans le monde. En effet, pour le moment, une société qui veut faire breveter une invention pouvait introduire se demande en anglais (66% des cas), en allemand (27%) ou en français (7%). Une fois le brevet délivré, elle doit le traduire dans toutes les langues des pays où elle souhaite une protection. Tout cela coûte cher et on sait que les firmes n’aiment pas dépenser leur argent. D’où l’idée de réduire les coûts des frais de traduction en limitant celle-ci aux « revendications » seulement (4 à 5 pages), en excluant donc toutes les descriptions techniques. Dès lors, les multinationales ne devront plus traduire en français les brevets des produits qu’elles veulent commercialiser en France (ni en grec pour la Grèce, en espagnol pour l’Espagne, etc.). Par contre, les firmes françaises, si elles veulent connaître la teneur des brevets que leurs concurrents ont déposés, devront les faire traduire à leurs frais (idem pour la Grèce, l’Espagne, etc.). Or, elles sont bien obligées de connaître le contenu des brevets déjà déposés avant de se lancer elles-mêmes dans la commercialisation d’un nouveau produit.

De son côté, Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la Francophonie, justifie la ratification du protocole de Londres en assurant que le français restera au même rang que l'anglais et l'allemand (puisque les brevets pourront toujours être déposés dans une de ces trois langues). Certes, ... à ce détail près qu'il ne concerne déjà plus que 7% des demandes de brevets.

Cent cinquante personnalités réunies autour du linguiste Claude Hagège (qui passe pour avoir des connaissances dans une cinquantaine de langues) et de l'académicien Erik Orsenna appellent les députés à bien réfléchir avant de ratifier ce protocole de Londres. Ils n’ont pas tort. On connaît l’engouement de notre ami Sarkozy pour l’Amérique. Il ne faut pas attendre de sa part une défense de la langue française (encore qu’on ait pu se rendre compte cet été que c’est en français et non en anglais que lui-même apostrophe les journalistes américains quand il monte à l’assaut de leur bateau). De plus, sur le plan européen, il veut sans doute se faire pardonner le non des Français au référendum de mai 2005. Comme il est visiblement pour la mondialisation de l’économie (et pour l’économie tout court, tant qu’on gagne de l’argent, c’est ce qui compte, non ?), il ne va certainement pas mettre en avant une spécificité française. Or cette société mondialisée, il se fait que personnellement, je ne l’apprécie pas beaucoup. Pas au nom d’un chauvinisme étroit, mais simplement pour deux raisons. D’abord parce qu’elle représente la suprématie de l’économie sur toutes les autres valeurs (y compris le droit des personnes et la culture en général) et ensuite parce qu’elle nous offre une vision du monde unipolaire (en l’occurrence exclusivement anglo-saxonne), au détriment de toutes les diversités que pouvaient offrir les peuples de la planète.

Car c’est bien là que se trouve le problème philosophique. D’un côté, on nous dit de ne pas nous refermer sur nous-mêmes, ce qui serait intellectuellement sclérosant et on a bien raison de le dire (on a vu où les nationalismes étroits ont pu nous conduire par le passé et aujourd’hui le régionalisme exacerbé de certains a de quoi inquiéter. Voir le Pays basque ou la Flandres). Mais d’un autre côté, une fois qu’on a abandonné les prérogatives de son propre pays et de sa propre culture, on se retrouve non pas devant une palette multiculturelle, ce qui serait enrichissant, mais devant un monde gris et monochrome.

Au-delà de cette réflexion, c’est le rôle du français lui-même qui est ici en question. On est loin de l’Edit de Villers-Cotterêts (1539) par lequel François premier en avait généraliser l’usage ( en réalité , il officialisait une situation de fait). Aujourd’hui, le français est en perte de vitesse de tous côtés. Vouloir le défendre, comme je le fais ici, c’est déjà avouer qu’on est sur la pente descendante. Alors, quelle attitude faut-il adopter ? Poursuivre la défense et refuser ce protocole de Londres, qui nous enterre un peu plus (et qui concerne non seulement notre langue, mais aussi les firmes françaises – ou francophones en général- unilingues qui ne sont pas des multinationales) ou accepter une fois pour toute la suprématie de l’Amérique sur l’Europe et la domination de la culture anglo-saxonne sur la nôtre ? Car s’il n’est plus une langue scientifique, le français devient une langue vernaculaire, une sorte de patois local qu’on n’utilisera plus que chez soi, au coin du feu.

De son côté, Sarkozy plaide pour une «France bilingue». Lui-même est fasciné par les Français qui vivent et parlent à l'américaine, comme Christine Lagarde, dont il a fait, en partie pour cette raison, son ministre de l'Économie. Il est clair que c’est bien d’être bilingue. C’est nécessaire aussi. Notre survie économique en dépend sans doute. Les Gaulois ne s’y étaient pas trompés quand ils avaient abandonné la langue celte au profit du latin (sur la manière dont s’est opérée cette transformation, nous ne sommes pas trop renseignés. Est-ce que cela s’est fait en douceur ou est-ce que cela a été imposé « militairement » par l’occupant romain ?). Le problème, c’est que le Gaulois a disparu. Cette culture n’était pourtant pas aussi barbare qu’on veut bien nous le faire croire (voir tous les mots français qui proviennent du gaulois, notamment dans le domaine agricole).

Alors, pour revenir au français, faut-il accepter l’inéluctable au point de favoriser l’usage généralisé de l’anglais dans nos propres entreprises ? On dit (mais je n’ai pas la preuve) que Sarkozy aurait échoué à une épreuve d’anglais en Sciences-Politiques. Cela ne l’a pas empêché de faire une belle carrière. Mitterrand, de son côté, se gardait de parler autrement qu'en français à l'étranger. Et puis, qui sait si demain ce n’est pas le chinois qui va l’emporter ? Alors, commençons d’abord par faire en sorte que nos élèves sortent de l’enseignement primaire en maîtrisant au moins leur langue maternelle, ce serait déjà un bon début.



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Commentaires

Excellente note. J'adore le dernier paragraphe !
Pour Sarkozy, la défense du français c'est se battre pour l'exception culturelle: que les chansons de Johnny ne soient pas considérées comme de vulgaires produits manufacturés !
Heureux Américains qui échapperez à l'idôle des jeunes.
D.

Écrit par : Inactuel | 25/09/2007

Merci pour cette note. Le manifeste de Du Bellay était d'une audace qui, aujourd'hui, nous fait vraiment défaut. Il s'agissait tout de même de défendre cette langue "vulgaire" face au latin d'église. Et c'est même à cette époque que la plupart des mots de notre langue ont été inventés...

Quant à l'ordonnance de Villers-Côtterets, c'était en fait une volonté politique visant à regrouper le royaume derrière un souverain.
A l'heure actuelle, comme vous le soulignez, les ambitions ne sont pas les mêmes. Or, pour devenir un bon bilingue, encore faut-il maîtriser parfaitement sa propre langue. Il y a donc du pain sur la planche...

Écrit par : Ysé | 05/10/2007

A partir du moment où la nouvelle politique est de suivre inconditionnellement les USA, cela ne va pas arranger les choses.

Mais le problème est bien plus grave et bien plus profond. Ce n'est pas la langue qui faiblit, c'est notre civilisation qui est en perte de vitesse par rapport à une autre. Pas intelectuellement en fait, mais économiquement.

Ce que François I s'est permis aurait été impossible deux siècles plus tôt, étant donné le moindre poids des rois de France.

Écrit par : Feuilly | 05/10/2007

Oui, je suis bien consciente de cette déperdition mais je pense que cette perte de vitesse est aussi culturelle. Je frémis quand je vois les mesures concernant le patrimoniale que l'actuel gouvernement va et veut prendre.

Écrit par : Ysé | 06/10/2007

Vous voulez parler du patrimoine national, qu'on veut privatiser ou transférer aux régions?
En Italie, Berlsuconi avait été jusqu'à vouloir vendre le Colisée à une firme privée.
En Belgique, l'Etat vend en ce moment toutes ses surfaces de bureau, ce qui se solde par des loyers colossaux dont les groupes financiers sont les principaux bénéficiaires.
Partout le but est de vendre ce qui peut rapporter à autrui. C’est déjà un scandale en soi (quand à moyen terme les loyers se révèlent très onéreux et que le bénéfice de la vente est perdu dans les dix ans) mais plus encore quand il s’agit du patrimoine historique ou architectural, qui est notre richesse à tous.

Écrit par : Feuilly | 06/10/2007

Oui je parle de cela. Mais vous savez ce sont déjà les régions qui ont les moyens ou non de valoriser le patrimoine culturel.
Pour en revenir au sujet que vous abordez, cette question de langue est d'autant aberrante que le président ne maîtrise pas l'Anglais et d'aucuns disent même qu'il ne maîtrise pas bien non plus la langue française...

Écrit par : Ysé | 08/10/2007

Je ne pense pas que c’est au niveau des brevets qu’il faille défendre la langue Française. Ce sont des documents techniques qu’il convient de rédiger dans la langue où ils sont le plus utiles à l’instant de leur dépôt – c'est-à-dire probablement en anglais - en gardant à l’esprit que leur validité ne dépassera pas une vingtaine d’années. Une société Française qui a l’ambition de déposer des brevets internationaux dispose généralement de cadres assez qualifiés pour lire les brevets de la concurrence en anglais (s’ils ne sont pas rédigés en chinois…), et elle devra faire appel à un cabinet d’avocats pour rédiger les revendications si elle souhaite en déposer de nouveaux.
Sincèrement, je pense que la seule ambition du Français ne peut plus être que littéraire, tout au moins dans le siècle à venir. Au niveau scientifique, toutes les publications sérieuses à vocation internationale sont rédigées en anglais. C’est un fait. Aller à contre courant est un combat perdu d’avance.
Quoiqu’il en soit, je suis parfaitement d’accord avec votre conclusion.

Écrit par : Vagant | 09/10/2007

Un combat perdu d'avance? probablement. Mais est-ce pour cela qu'il faudrait contribuer à enfoncer encore davantage notre langue?

Écrit par : Feuilly | 10/10/2007

Je pense que l’usage intempestif du style texto qui se répand un peu partout enfonce bien davantage notre langue qu’un protocole d’accord sur des brevets à destination d’une poignée de techniciens et d’avocats.

Écrit par : Vagant | 10/10/2007

Probablement. Mais pourquoi diable l'enseignement a-t-il décidé que la langue française était secondaire? Il suffit de voir certains programmes: plus de textes littéraires, ou alors fort peu, plus d'analyse, quant à la grammaire, le strict minimum. Il faut, disent les pédagogues, partir de la langue de l'élève. L'intention est louable, mais malheureusement les cours restent à ce niveau et on ne fait progresser personne.
La fierté de parler dans une langue correcte s'est transformée en un laisser-aller regrettable.

Écrit par : Feuilly | 10/10/2007

Oui et c’est d’autant plus dommage qu’en perdant la langue Française, nous perdrons l’accès à toute culture. La langue réduite à son strict minimum utilitariste (que ce soit un sabir francophone chez Carrefour ou un sabir anglophone dans une multinationale, peu importe en vérité) ne nous permet que d’être de braves rouages de la machine économique, du métro du petit matin au dodo après TF1 : le rêve de toute bonne dictature maquillée en démocratie. La langue que nous maîtrisons le mieux pour accéder à la culture demeure le Français, et c’est pour cela que nous devons la protéger.

Écrit par : Vagant | 10/10/2007

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