24/09/2007
Le Premier homme
Lorsque Camus décède dans un accident de voiture, en 1960, on retrouve à ses côtés une serviette contenant le manuscrit du livre qu’il est en train d’écrire. Il s’agit du Premier homme, qui ne sera publié qu’en 1994 par les soins de sa fille, Catherine Camus.
Ce live est bien différent des autres livres de l’écrivain, puisqu’il est en fait une remontée aux origines, autrement dit un voyage au pays de l’enfance. Cherchant désespérément à savoir qui il est, Camus part à la recherche de son père, qu’il n’a pas connu (ce dernier est mort à la guerre de 1914 alors qu’Albert avant un an). Cette recherche se fait dans le cadre des événements d’Algérie, ce qui fait que cette remontée vers l’enfance est aussi sans doute inconsciemment une recherche de la légitimité de la présence française dans ce pays qui est le sien.
Le style en est fort différent des autres livres de Camus. On y trouve de grandes phrases amples et souples, à l’opposé de ce à quoi il nous avait habitué dans l’Etranger par exemple. Il y a du lyrisme dans ce livre-ci, et les évocations des jeux de l’enfance fait penser à Pagnol. Un Pagnol philosophe, cependant, car derrière chaque émotion la réflexion pointe son nez. Ainsi quand le héros (qui est en fait Camus) part se recueillir sur la tombe de son père (tombe qu’il n’a jamais vue) dans le cimetière de Saint-Brieuc. Il réalise qu’il a quarante ans et qu’il est donc plus âgé que son père n’était au moment de son décès (il est mort à 29 ans). Il s’ensuit une prise de conscience à la fois existentielle et affective (le père devient un peu l’enfant de son fils). Du coup, cet être qui n’était rien pour lui se met à vivre dans sa mémoire. Il imagine ce qu’il a vécu, sa pauvreté, ses joies, ses souffrances… Par delà la mort, c’est tout un réseau de correspondances qui se tisse.
Ironie du sort, à la fin du livre (là où le manuscrit est resté inachevé), Camus espère qu’il conservera longtemps encore la force vitale qui a été la sienne et qui lui a permis de s’affirmer face au malheur. Arrivé à l’âge mûr, il prend conscience, cependant, que le temps s’écoule inexorablement et qu’il lui faudra bien accepter l’idée du vieillissement et de la mort. C’est sur cette notion d’acception que le livre reste en suspens. Quelques jours plus tard, Camus décédait dans l’accident que l’on sait, ce qui rend la dernière page du manuscrit particulièrement bouleversante.
14:30 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Littérature, Camus
Commentaires
Cher Ami,
J'ai bien souvent l'outrecuidancerie de dire qu'il n'y a de poésie que dans l'enfance sans pour autant proclamer que les enfants sont des poètes.
Je veux parler de ce moment de vie où, assemblant péniblement des jambages, on arrivait à écrire des mots qui semblaient magiques formules.
L'écrivain est celui (ou celle) qui parvient à retrouver ce moment de magie. Tous ceux que je considère comme de "grands" écrivains, n'ont jamais rien fait d'autre que de tenter de retrouver ce moment.
Tout le reste n'étant que littératutlututte chapeau pointu...
Écrit par : Joseph Orban | 26/09/2007
Ce qui fait dire à certains que ceux qui se tournent vers la littérature seraient des personnes tournées vers leur enfance. Sans doute. Mais si la maturité ne consiste qu'à gagner de l'argent pour en avoir plus que son voisin, on retombe dans le travers du jeu. Mais un jeu bien inintéressant celui-là.
Écrit par : Feuilly | 27/09/2007
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