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14/09/2007

Oxymore

Sur son blogue, (http://www.josephetorban.canalblog.com/)
Joseph Orban, poète très mal connu comme il se définit lui-même, fait allusion à « un important responsable culturel socialiste », précisant que cette formulation relève d’une figure de rhétorique, en l’occurrence l’oxymore. Nous laisserons de côté l’analyse politique car il serait vain de savoir qui, des socialistes ou des sarkoziens, est le plus proche de la culture et nous profiterons plutôt de l’occasion qui nous est donnée pour rappeler que le terme oxymore (ou oxymoron) vient du grec « oxumoros » (de « oxus », aigu et « moros », émoussé) et qu’il désigne une figure de rhétorique où deux mots désignant « des réalités contradictoires ou fortement contrastées sont étroitement liés par la syntaxe. » Exemple : « un merveilleux malheur ».

On parle parfois d’antilogie, mais ce terme renvoie surtout à quelque chose d’illogique. Dans ce cas, on pousse tellement loin l’antithèse qu’on se retrouve dans une situation absurde.
Le grammairien français Pierre Fontanier, qui avait consacré sa vie à étudier les tropes, parle lui de paradoxisme. Il est dans le vrai car c’est pour le moins un paradoxe d’accoler ensemble des termes contradictoires.

Certains oxymores servent à désigner des réalités qui ne possèdent pas encore de nom, comme par exemple « aigre-doux » (pour les amateurs de cuisine chinoise) ou « clair-obscur » (pour les amateurs de la peinture de Rembrandt).

Généralement, cependant, les écrivains qui emploient l’oxymore cherchent à attirer l’attention de leur lecteur. L’encyclopédie en ligne Wikipédia (dont il faut certes se méfier mais qui est parfois bien utile) nous propose quelques exemples :


- Les azurs verts (Rimbaud)
- Les splendeurs invisibles (id.)
- La clarté sombre des réverbères (Baudelaire)
- Cette obscure clarté qui tombe des étoiles (Corneille)
- Un jeune vieillard (Molière)
- Hâtez-vous lentement (Boileau)
- Je la comparerais à un soleil noir si l’on pouvait concevoir un astre noir versant la lumière et le bonheur (Baudelaire)
- Un affreux soleil noir d’où rayonne la nuit (Hugo)



Alors là, je fais appel à l’équipe. Si je connaissais la phrase de Baudelaire, c’est surtout à Nerval que je pense quand je rencontre l’expression « soleil noir », Nerval qui avait écrit ce beau poème « El desdichado » :


EL DESDICHADO

Je suis le ténébreux, -le veuf, -l'inconsolé,
Le prince d'Aquitaine à la tour abolie:
Ma seule étoile est morte, -et mon luth constellé
Porte le soleil noir de la Mélancolie.

Dans la nuit du tombeau, toi qui m'as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon coeur désolé,
Et la treille où le pampre à la rose s'allie.

Suis-je Amour ou Phébus, Lusignan ou Biron?
Mon front est rouge encor du baiser de la reine;
J'ai rêvé dans la grotte où nage la sirène...

Et j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron,
Modulant tour à tour sur la lyre d'Orphée
Les soupirs de la sainte et les cris de la fée

Nerval aurait pu prendre cette expression « soleil noir » chez Baudelaire, mais plus vraisemblablement il la tient des livres d’occultisme dont il était friand, notamment ceux de Don Pernety. Certains ont parlé aussi de la gravure « Melancolia » de Dürer

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Mais j’ignorais totalement qu’Hugo avait aussi employé cet oxymore. Quelqu’un pourrait-il me dire dans quel livre ?