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27/04/2007

Le candidat des pauvres

Il n’est pas facile d’être candidat, c’est un fait. Cela demande beaucoup de savoir-faire. Or, Monsieur Sarkozy (vous aurez remarqué que je ne dis plus le petit Nicolas car il sera bientôt à la tête de l’Etat, ce qui tout de même n’est pas rien), Monsieur Sarkozy donc, qui fut un mauvais ministre et qui sera demain un plus mauvais président encore, se trouve être un excellent candidat.

Comment, en effet peut-on défendre le patronat et réclamer des baisses d’impôts pour les sociétés et en même temps se faire le porte-parole du peuple contre les élites (condition nécessaire à toute élection si on veut avoir des voix) ? C’est là un tour de force qui requiert une certaine intelligence, il faut l’avouer.

D’un côté, il peut prononcer dans un discours à Toulouse le 12 avril dernier : « Si je suis élu président, tout ce que la droite républicaine n’osait plus faire parce qu’elle avait honte d’être la droite, je le ferai », ce qui, on en conviendra, rassurera les investisseurs qui ne savent que faire de leur argent. On n’avait jamais vu quelqu’un de droite avouer jusqu’à quel point il était à droite.

De l’autre il pourra dire : "Je veux parler d’une(…) souffrance, bien réelle, qui ne doit pas être sous-estimée :celle de la France qui n’est pas dans la précarité, qui se lève tôt, qui travaille dur, qui se donne du mal pour nourrir sa famille et élever ses enfants, qui elle aussi je l’affirme est à la peine, et qui entend qu’on le sache et qu’on réponde enfin à son appel. » Là, il s’adresse aux Français ordinaires, autrement dit à la majorité de la population(et donc à sa réserve d’électeurs).
Comment ceux-ci ne vont-ils pas lui reprocher de soutenir le patronat ? Tout simplement en déviant leur regard vers les autres, vers ceux qui ne font rien, autrement dit les chômeurs et les abonnés au RMI. Vous, Français qui travaillez, leur dit-il, vous êtes honorables précisément parce que vous travaillez et même souvent durement, je le sais. Et il ajoute aussitôt, perfide :

« Je n’accepte pas qu’il y ait des gens qui soient au RMI et qui, à la fin du mois, aient autant que des gens comme vous qui se lèvent tôt le matin. »

Bien joué. Les citoyens ne pensent plus aux fortunes colossales que le candidat Sarkozy va aider encore à accroître, ils regardent en dessous d’eux (ce qui fait toujours plaisir de savoir qu’il y a encore plus bas que vous).Et là ils voient des gens qui ont à peu près les mêmes revenus que les leurs en ne faisant rien. Les rentiers, ce sont ceux-là, finalement, pas les patrons, qui après tout travaillent.

Et l’ami Sarko continue à enfoncer le clou : « L’assistanat généralisé est une capitulation morale. L’assistance est une atteinte à la dignité de la personne. Elle l’enferme dans une situation de dépendance. Elle ne donne pas assez pour une existence heureuse et trop pour inciter à l’effort. » Manière habille de suggérer que l’Etat peut réduire ses dépenses et même qu’il le doit. Car aider de telles personnes, ce n’est pas leur rendre service, c’est même pour ainsi dire immoral. Fini donc l’Etat providence (ce qui permettra au passage de réduire les impôts des sociétés). Votez pour moi et tout ira mieux.

Bien sûr il y a les fils de riches, qui eux aussi ne font rien et qui vivent de l’argent que papa a amassé en spoliant les autres. Mais à la limite, c’est moins grave car c’est de l’argent privé, ce n’est pas la collectivité qui paie. Argument imparable.

Et est-ce que le capital, plutôt que d'amonceler des euros dans des grands coffres, ne pourrait pas plutôt venir en aide à tous ces nouveaux pauvres ? C’est là une solution qu’il faut écarter d’emblée et le futur calife a trouvé la phrase qu’il fallait : : « Ils disent : faisons payer le capital ! Mais si le capital paye trop, il s’en ira ».

Ah, il n’y a pas à dire, il est peut-être petit, mais il es t très fort, l’ami Nicolas. En tout cas il a réponse à tout. Pour un peu on voterait pour lui !

Citation

Le format d'un livre est une chose, mais sa dimension en est une autre.

Paul Gadenne

26/04/2007

Stratégie de communication

A partir du moment où le temps est désormais compté, les deux candidats qui restent en lice vont essayer de convaincre par tous les moyens. Or il se fait qu’ils ne tiennent pas des discours fondamentalement différents. Pour les départager, c’est plus leur personnalité, la manière dont elle sera perçue par les électeurs, qui sera déterminante.

Sarkozy semble sûr de lui. Il donne l’impression de savoir de quoi il parle et il a une opinion très tranchée sur tous les problèmes qu’on lui soumet. Inconsciemment, cela rassure. Evidemment, il dérape parfois puisqu’il en arrive à dire une chose et son contraire avec un aplomb identique. Pour beaucoup, cette assurance agace dans la mesure où elle laisse transparaître un caractère intransigeant, qui n’accepte pas la critique.

Ségolène, elle, paraît mal à l’aise à la tribune. Ce n’est pas une oratrice et on dirait qu’elle répète un texte pour une pièce de théâtre plutôt que d’exprimer ce qu’elle pense réellement. Il lui arrive d’ailleurs de dire qu’elle s’en remettra à l’opinion des Français, attitude très démocratique, on en conviendra, mais qui donne aussi l’impression qu’elle n’a pas d’opinion et encore moins de solution. Elle tente de dépasser cette fadeur en affichant sa féminité de manière discrète, mais réelle (habillement, sourire, oreille tendue). On conviendra qu’elle est plus séduisante que l’Allemande Angela Merkel, mais ce qui semble être un atout pourrait aussi lui coûter la victoire car les Français ne veulent pas d’une simple potiche à la tête de l’Etat.

Ce qui est sûr, c’est que dans les coulisses, les spécialistes en communication doivent être en ébullition et donner de nombreux conseils (le doigt tendu de Sarkozy peut ressembler à un salut hitlérien, il faut donc l’éviter. Le manque de crédibilité de Ségolène doit être compensé par un air solennel, comme si elle était déjà présidente). Beau symbole de notre époque où l’être a fait place au paraître.

Ce n’est d’ailleurs plus un homme ou une femme que les Français vont élire, mais une image. Gare aux lendemains pluvieux, quand le masque sera tombé et les lampions éteints.

Citation

L'écrivain, en se plaçant devant sa page blanche, ne se place que devant lui-même

Paul Gadenne

25/04/2007

Littérature et politique

"Vous vaincrez, parce que vous possédez plus de force brutale qu'il ne vous faut. Mais vous ne convaincrez pas. Car, pour convaincre, il faudrait que vous persuadiez."

 

« Je ferai, s’il le faut, fusiller la moitié de l’Espagne » avait dit Franco. Et tout le monde d’approuver. Tout le monde sauf un seul.  Resté à Salamanque à la tête de son université, en territoire nationaliste, le vieux philosophe Unamuno va se faire entendre.

Ce jour-là, il y avait une réception dans le grand amphithéâtre de l’Université. De nombreux  représentants du parti franquiste étaient présents. Le général Millan Astray, mutilé de guerre, décoré, prend la parole. Il critique vivement le Pays basque et la Catalogne. Ses partisans applaudissent à tout rompre et hurlent ‘Viva la muerte ». 

Alors Unamuno se lève lentement et dit : «Il y a des circonstances où se taire est mentir. Je viens d'entendre un cri morbide et dénué de sens : vive la mort ! Ce paradoxe barbare est pour moi répugnant. Le général Millan Astray est un infirme. Ce n'est pas discourtois. Cervantes l'était aussi. Malheureusement, il y a aujourd'hui, en Espagne, beaucoup trop d'infirmes. Je souffre à la pensée que le général Millan Astray pourrait fixer les bases d'une psychologie de masse. Un infirme qui n'a pas la grandeur d'âme d'un Cervantes recherche habituellement son soulagement dans les mutilations qu'il peut faire subir autour de lui.» 

Puis il ajoute sa célèbre phrase : « Vous vaincrez, parce que vous possédez plus de force brutale qu'il ne vous faut. Mais vous ne convaincrez pas. Car, pour convaincre, il faudrait que vous persuadiez. Or, pour persuader, il vous faudrait avoir ce qui vous manque : la Raison et le Droit dans la lutte. Je considère comme inutile de vous exhorter à songer à l'Espagne. J'ai terminé.»

 
Assigné à résidence dans sa maison, Unamuno mourra quelques semaines plus tard.

24/04/2007

Politique et patrie.

Si quelque chose a changé, finalement, en politique, c’est le rapport à l’identité nationale. Quand j’étais enfant, j’entendais des gens autour de moi refuser de voter à gauche car cela revenait, selon eux, à voter pour Moscou. C’était aller un peu vite en besogne, car le PS n’était pas le PC, tout de même, mais bon. Quand quelqu’un voulait apporter quelques nuances, on lui répondait invariablement qu’il existait une internationale socialiste et que les décisions de politique générale seraient prises en dehors de la France, dans l’intérêt d’un parti et non dans l’intérêt de cette même France. Seul quelqu’un comme de Gaulle incarnait parait-il la patrie et les décisions qu’il prenait ou avait prises l’avaient été pour la grandeur du pays (si pas pour le bien des citoyens). 

Aujourd’hui, on a presque la tendance inverse. La gauche voudrait le bien des citoyens tandis que la droite est prête à vendre père et mère au capitalisme international. Le commerce est mondial, les rapports économiques aussi. Liquidez l’Etat et son pouvoir de contrôle, vendez son patrimoine, débarrassez-vous de son immobilisme et surtout laissez faire ceux qui s’y connaissent en économie. Voilà, en gros, le discours qu'ils nous tiennent. 

Et nous, là-dedans, on devient quoi ? Le contrat social, tel que Rousseau l’avait défini, ne suppose-t-il pas tout de même que tout un chacun doit y trouver son avantage ?

Des deux France.

La France coupée en deux ? Pas vraiment, en fait, dans la mesure où les socialistes genre Ségolène ne sont socialistes que par le nom et par la bonne conscience. Il est plus facile, évidemment, de se dire de gauche que d’avouer qu’on veut exploiter le bon peuple.

Ceci étant dit, on est toujours à la gauche de quelqu’un. Mettez Le Pen au pouvoir et Sarkozy prétendra mener une opposition de gauche.

Pour le reste, il ne faut pas se faire d’illusions. C’est chou vert et vert chou. Disons simplement que l’un est un peu plus vert et l’autre un peu plus chou. L’un privatise en douceur, l’autre le fait à toute vapeur. L’un veut faire perdurer quelque temps encore un système social au bord de la faillite, l’autre veut le supprimer tout de go. L’un se contentera d’une présence militaire française en Afghanistan, tandis que l’autre irait bien soutenir l’oncle Bush jusqu’en Irak ou en Iran s’il le fallait.

A ce propos, connaissez-vous la French American Foundation ? Cette association, fondée avec l’accord de Giscard d’Estaing du temps de sa présidence, a un siège a Paris et un autre à New York. Son but était de renforcer les amitiés transatlantiques. Cela pouvait se comprendre du temps de la guerre froide, mais aujourd’hui ? En attendant, depuis trente ans cette fondation tente de recruter de jeunes leaders dont on peut supposer qu’ils occuperont des postes importants (elle agit un peu comme l’Opus dei, finalement, ou la Franc-maçonnerie). On retrouve parmi ces leaders (excusez ce terme franco-anglais, mais il est de mise ici) des membres de l’UMP, bien sûr, mais aussi du PS.

Sarkozy avait fait un discours à New York devant la fondation le 12 septembre 2006. On peut imaginer à quel point Bush a dû être ravi et comment il a dû mettre en lui tous ses espoirs. Ceci dit, s’il n’avait pas été élu (certes, il ne l’est pas encore, me direz-vous, mais il a déjà une main sur le dossier du trône), il n’y aurait pas eu de problème, puisque parmi les autres membres on retrouve François Hollande.

C’est qu’il n’y a que du beau monde, dans ce milieu. Citons en vrac Nicolas Dupont-Aignan (UMP), Alain Juppé (UMP), Jacques Toubon (UMP), Alain Richard (PS), Arnaud Montebourg (PS), Jérôme Clément (Arte), JM Colombani (Le Monde), Annick Cojean (Le Monde), Sylvie Kaufmann (Le Monde), François Léotard, Alain Minc, Christine Ockrent et, puisque nous sommes sur un blogue prétendument littéraire, Olivier Nora (Grasset) et Denis Olivennes (Fnac). Je passe sous silence, pour ne pas être lassant, différents journalistes de France-Inter, du Nouvel Observateur, des Echos et de Libération.
La Fondation organise de temps en temps des colloques, histoire de permettre à ses membres de se rencontrer et de décider entre eux des politiques qu’il serait bon de mener. Les thèmes choisis concernent par exemple la défense, le journalisme, l’éducation ou encore la santé. Parmi les orateurs, on retrouvera des noms comme François Bayrou (tiens tiens), Bernard Kouchner (toujours très utile puisqu’il défend la thèse de l’intervention militaire pour des raisons humanitaires) Jean-François Copé (porte-parole du gouvernement Chirac) Michel Barnier (conseiller politique de sarkozy)

Sarkozy en son royaume de France.

La victoire de Sarkozy ne devrait pas nous surprendre puisqu’elle était annoncée de longue date. Pourtant, dans un pays où insensiblement la fossé se creuse entre quelques privilégiés qui disposent de revenus importants et la masse de la population qui, elle, voit son pouvoir d’achat chuter inexorablement, on pourrait se demander pourquoi les électeurs désirent tant mettre le petit Nicolas sur le trône. Sans doute faut-il voir là une preuve supplémentaire du caractère moutonnier des foules, lesquelles ne font qu’aller là où on leur dit d’aller. Car enfin le sieur Sarkozy a pourtant clairement annoncé la couleur et on ne pourra pas lui reprocher de ne pas avoir prévenu. Il est à droite, mais plutôt à droite de la droite. Ce qu’il vient défendre, ce n’est pas la France ni ses citoyens, mais la possibilité pour ceux qui le veulent de s’enrichir. Les courageux qui se lèvent tôt et qui n’ont pas peur de travailler seront récompensés, dit-il en substance. Il devrait plutôt dire : les plus malins, ceux qui sauront jouer habilement avec la législation en vigueur, paieront moins d’impôts et s’enrichiront sur le dos des autres. Car pour ce qui est de se lever tôt, quoi qu’il en dise, c’est là une activité qui concerne tout de même une bonne partie des Français et on n’en voit pas beaucoup qui possèdent trois maisons de campagne avec piscine. De plus, ces Français qui se lèvent tôt, travaillent aussi que je sache, depuis le facteur des postes, le boulanger, le conducteur de trains jusqu’à l’enseignant, le petit commerçant et l’employé du secteur public. Pourtant ils ne sont pas ce que l’on peut appeler riches. C’est donc que le travail ne suffit pas.

En réalité le petit Nicolas a joué sur les mots. Chaque citoyen a cru qu’il parlait pour lui alors qu’il n’en était rien. Nul ne verra jamais la récompense de son labeur car ce n’est pas aux gens ordinaires que le futur président s’adressait (à eux il ne s’adresse que pour leur demander leurs voix). Dans une société mondialisée, il veut jouer à fond la carte du libéralisme. Son discours est le suivant : laisser les firmes s’enrichir au maximum, vous en obtiendrez toujours bien quelques miettes. Donc, dans cette optique, l’Etat doit être le plus faible possible. Seuls le marché et la libre concurrence doivent jouer. Supprimons d’ailleurs une partie des impôts (pour ces sociétés d’abord) elles ne s’en porteront que mieux. Evidemment les caisses de l’Etat vont se vider, mais peu importe. Il suffit de réduire les dépenses et d’arrêter par exemple de nourrir un tas de fainéants (il oublie qu’il n’y a plus de travail pour tout le monde et que le chômage est devenu la conséquence de la compétitivité à outrance), de privatiser la sécurité sociale (quelle idée d’ailleurs de tomber malade), de réduire l’aide à la recherche et à l’enseignement et de supprimer un tiers des fonctionnaires (des gens ne servent à rien, surtout les contrôleurs chargés des impôts des sociétés).

Bon, mais au-delà de ces considérations, essayons de voir tout de même ce qui a pu influencer le vote.

1) manifestement, le discours sécuritaire, repris à l’extrème-droite, a permis de venir voler quelques électeurs à Le Pen. D’ailleurs celui-ci n’avait pas voulu faire une campagne agressive, afin de se donner une certaine respectabilité. Mal lui en pris. Entre son discours et celui de Sarkozy, il n’y avait plus de grande différence. Alors venir parler de victoire de la démocratie, c’est oublier que les idées de Le Pen sont maintenant intégrées dans un parti dit démocratique.

2) La crise des banlieues et l’insécurité générale ont dû jouer. Les gens veulent être protégés.

3) A gauche, il n’y avait qu’une candidate fantoche, d’ailleurs fort peu socialiste (Ségolène est tout de même issue de la bourgeoisie). Depuis que le PS fait une politique de droite modérée, c’est-à-dire depuis pas mal d’années maintenant, les différences entre la droite et la gauche se sont estompées.

4) Curieusement, l’extrême-gauche n’a pas fait le plein de voix. Il faut dire que les candidats sont tous partis en ordre dispersés, ce qui les rendait peu crédibles. Il aurait fallu une candidature unique émanant d’une forte personnalité.

5) Reste le cas Bayrou. Modéré, centriste, il a tout de même récolté 18% des voix. Mais en voulant jouer sur le bon sens paysan et l’homme tranquille, il n’a pas su rassembler les Français qui préfèrent la personnalité marquée de Sarkozy. Ses électeurs de droite voteront pour ce dernier tandis que ceux de gauche s’abstiendront (sinon ils auraient déjà voté pour Ségolène).

Notons encore que le clivage Nord-Sud (langue d’oïl, langue d’oc) a été remplacé par un clivage Ouest-Est. Toute la vallée du Rhône et la Provence, ainsi que le versant Est du Massif central ont voté pour Sarkozy (enfin, plus exactement, Sarkozy est en tête des votes dans ces régions, ce qui n’est pas encore tout à fait le même chose).

Ségolène n’a aucune chance au vu du report des voix. De plus, dans son discours qui a suivi le résultat du premier tour (discours terne et soporifique), elle a été jusqu’à supprimer les insignes du PS sur son pupitre. En voulant ratisser large et en se voulant la candidate des tous les Français, elle néglige d’affirmer sa spécificité da gauche. Seuls les endoctrinés du parti vont la suivre, pas les idéalistes qui veulent un changement.

A ce propos, notons encore que les deux candidats parlent de changement, sans qu’on sache bien ce que recouvre ces mots creux.

22/04/2007

L'Amérique et son roman.

Revenons à notre réflexion sur le roman. Certains le croient mort. Je dirais plutôt que c’est le roman français qui tourne un peu à vide, se focalisant sempiternellement sur la période de l’Occupation (voir Modiano et les autres) ou se contentant de réfléchir sur la notion d’écriture. D’un point de vue épistémologique cette dernière démarche ne manque pas d’intérêt, mais pour autant qu’elle ait lieu à coté du roman (dans un texte critique, lors d’une interviewe dans un journal, sur le blogue de l’auteur, etc.) et non dans le roman proprement dit. Ce dernier ne peut être le lieu où l’écrivain réfléchit sur les causes profondes de son acte d’écrire, sur ce que cette activité lui apporte sur le plan existentiel. Certes un petit clin d’œil de temps à autre est permis, souhaité, même, mais enfin un roman qui raconte pourquoi l’auteur écrit un roman, cela tourne un peu court. Cela fonctionne si le héros est un romancier (il pourrait tout aussi bien être un plombier ou un musicien), à qui il arrive différentes péripéties (voir le film La discrète, de Christian Vincent, où le héros, sur les conseils de son éditeur, raconte dans son manuscrit l’aventure amoureuse qu’il est en train de vivre, ou plus exactement d’élaborer pour les besoins de son roman). Par contre, cela devient lassant si l’auteur tombe dans un nombrilisme exacerbé et dans des considérations fumeuses sur la technique littéraire. 

Le roman américain me semble à l’opposé de cette démarche. Tout d’abord, il faut dire que je ne suis pas un fanatique de l’Amérique, dont s’exècre pas mal de comportements (superficialité, politique extérieure, guerre en Irak, expansion économique, capitalisme, etc.), mais il faut bien reconnaître que ce pays (continent) possède pas mal de bons romanciers (dont je ne prétends pas être un spécialiste non plus). Ce que je constate, cependant, dans tous les romans nord-américains que j’ai lus, c’est une recherche d’équilibre entre les aspirations de l’auteur (son moi intime, ses convictions existentielles) et le monde qui l’entoure. Il y a ce qu’il souhaite (le monde tel qu’il devrait être) et ce qu’il a sous les yeux (une réalité qui le blesse et qu’il désapprouve). Le thème du roman est finalement la tentative de faire coïncider ces deux univers, afin de permettre au héros (ou à l’auteur), d’exprimer ce qu’il est dans un monde qui n’était finalement pas fait pour lui. 

J’ai rencontré une telle démarche dans les oeuvres de Penn Warren (Les eaux montent, Les Fous du roi, Les rendez-vous de la clairière, etc.), de Styron (Le choix de Sophie, La proie des flammes, etc.), de Frédéric ProKosch (Les Asiatiques, Les sept fugitifs, etc.). A chaque fois le héros tente d’exprimer ce qu’il est, ce qu’il ressent. Dans un premier temps il n’y parvient pas, tant le monde qui l’entoure est cruel (le village de l’enfance qui va être détruit par la construction d’un barrage, dans Les eaux montent, l’équilibre affectif recherché qui est en opposition avec la vie politique dans Les fous du roi), puis, finalement, à la suite de différents compromis, il parvient tout de même à trouver un équilibre satisfaisant pour lui. Certes il a dû renoncer à une  partie de son rêve, mais au moins il pourra vivre en harmonie avec lui-même en s’étant construit une place qui lui convienne dans la société.

20/04/2007

Élections

Dimanche, je serai élu...

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L'Histoire continue...

L'historien René Rémond est décédé le 14 avril. On ne peut pas dire que cette disparition fit la une de tous les journaux même si on en a tout de même parlé un peu. Observateur avisé de la vie politique contemporaine, je retiendrai de ce grand homme le tome VI de la collection Histoire de France (Fayard, 1988). Ce livre couvre la période de 1918 jusqu'au début de ce siècle. C'est un regard lucide et qui se veut objectif sur la vie politique française, ses arcanes et ses enjeux, le tout replacé dans un contexte historique global.

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12:30 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : littérature

18/04/2007

Un président de droit divin?

Le journal Le Monde nous apprend qu’après « avoir cité le pape Jean Paul II lors d'un passage télévisé lundi, Nicolas Sarkozy est resté dans la même thématique, mardi 17 avril, estimant, dans deux interviews, que la part du christianisme dans l'identité nationale est "déterminante" et que les "racines chrétiennes" de l'Europe sont incontestables ».

Sans doute. Beaucoup, pourtant, s’étaient émus à l’idée de voir les références chrétiennes clairement inscrites dans la Constitution européenne.  Balayant ce courant de pensée d’un revers de main, Monsieur de Sarkozy, futur grand Vizir et actuellement candidat à la présidence de la République, prend nettement position.  Il ajoute que  "Derrière la morale laïque et républicaine française, il y a deux mille ans de chrétienté". C’est vrai, bien entendu. Et comme lui nous aimons visiter les cathédrales gothiques ou les églises romanes. Mais voudrait-il, par hasard, suggérer que l’époque républicaine est terminée et qu’il serait temps de revenir à l’ancien régime de droit divin ? Veut-il nous faire comprendre que dans cette élection Dieu est de son côté et que c’est oint du Saint Chrême qu’il va franchir les portes de l’Elysée ? On pourrait au moins se poser la question, puisqu’il dit par ailleurs admirer Jean-Paul II,  "l'homme qui par la force de ses convictions a fait tomber le mur de Berlin, (...) l'homme qui a dit qu'il ne fallait pas avoir peur, (...) l'homme qui a su incarner l'ouverture et la fermeté".

 Certes l’ancien pape est en voie de canonisation et on peut comprendre qu’en tant que candidat Sarkozy cherche tous les appuis possibles, y compris sur les marches du paradis, mais enfin cette référence à un homme qui a ancré l’église dans le passé en s’appuyant sur la tradition et en refusant qu’elle évolue avec son temps a de quoi inquiéter. Sarkozy va-t-il nous proposer une France moyenâgeuse ? Va-t-il, comme un autre candidat, nous ressortir Jeanne d’Arc ? Ou au contraire, va-t-il, comme Bush, lancer une croisade chrétienne contre les pays musulmans ? En se référant sans cesse au thème religieux  il espère manifestement se rallier un certain nombre d’électeurs. Que ceux-ci prennent garde cependant à ce que tout cela ne débouche pas sur une nouvelle Saint Barthélemy dont la France laïque et républicaine ferait les frais (et les immigrés non chrétiens également, par la force des choses).

 

16/04/2007

Le vocabulaire d'Internet

L’expression associée à Internet, celle que l’on peut lire sur toutes les publicités (on se demande d’ailleurs en quoi Internet a encore besoin de publicité) et qui est désormais consacrée, relève du sport aquatique. Je veux parler du verbe surfer. On surfe, parait-il, sur Internet, ce qui tendrait à prouver que je ne maîtrise pas cet instrument. En effet, il n’y a rien que je déteste plus que cette activité de surface, liée à la vitesse et qui oblige celui qui la pratique à glisser à la surface des choses sans vraiment les approfondir. Certes, comme tout un chacun, quand je consulte un article, celui-ci m’entraîne souvent vers un autre, tout aussi intéressant et ce dernier vers un troisième et ainsi de suite. Mais surfer suppose une vitesse et une rapidité qui ne me conviennent pas. Si j’entre dans un sujet, j’aime tourner autour à mon aise, l’approfondir, le faire mien. En décortiquer la substantifique moelle, comme disait un de nos grands écrivains. A quoi bon survoler des sujets en n’en comprenant que l’aspect extérieur ? A quoi bon toujours courir sans rien pénétrer vraiment ? C’est un peu comme si vous vous contentiez de regarder le visage des femmes que vous croisez dans la rue, sans désirer en connaître une plus intimement. L’essentiel n’est-il pas pourtant derrière ses yeux à demi-fermés ?

15/04/2007

La France et son roman

En fait, de ce que nous avons dit ici, dans différents commentaires, sur les faiblesses du roman, il ressort que c’est surtout le roman français contemporain qui est visé.

A mon avis, plusieurs facteurs entrent en ligne de compte. 

Tout d’abord, dans chaque pays, il a des périodes littéraires fastes et des périodes moins fastes, sans qu’on sache, d’ailleurs, si celles-ci sont liées ou non à la bonne santé économique du moment. Les époques dites classiques, par exemple (époque de Louis XIV, siècle d’or espagnol, etc.) sont souvent l’aboutissement d’un long mûrissement intellectuel qui trouve à s’exprimer au moment où les conditions économiques et politiques sont devenues particulièrement favorables. D’un autre côté, on dit que ce sont les périodes de crise qui offrent les ferments les plus riches, car elles obligeraient à dépasser une situation bloquée pour ouvrir de nouvelles voies.

Il est difficile de trancher. Certes, on n’imagine pas une France moyenâgeuse débutante, soumise aux invasions normandes, ravagée, pillée et par ailleurs dirigée par des roitelets sans grand pouvoir, donner des oeuvres impérissables. Que la paix revienne, que le roi retrouve sa puissance et voilà la littérature qui refait surface (poésie courtoise des troubadours dans le Midi, Chanson de geste dans le Nord, etc.) Il faut donc un minimum de stabilité. Ainsi, c’est au moment où Rome était rayonnante qu’elle a produit de grandes œuvres. Mais ce n’est pas, pourtant, au moment où l’empire est arrivé au maximum de son expansion que sa littérature a été la plus remarquable, car on entre alors dans l’époque post-classique puis décadente. Il semblerait donc que l’équilibre soit surtout trouvé après une longue phase continue de croissance, dont il exprime l’aboutissement. Il faut aussi que la langue elle-même trouve à ce moment son équilibre. Ce n’est pas un hasard si c’est au moment où le latin atteint sa stabilité que les grandes oeuvres sont produites. Il en va de même en français. Quand les langues romanes se dégagent lentement du latin, il faut un certain temps pour qu’elles retrouvent une cohésion interne (abandon du système casuel pour l’emploi des prépositions par exemple). On sent, dans un premier temps, les écrivains tâtonner, avouer eux-mêmes qu’ils ne savent trop comment exprimer telle ou telle notion. Ils tentent des calques à partir du latin ou s’essayent à des tournures étranges. Un ou deux siècles plus tard, l’ancien français a trouvé un équilibre provisoire qui lui permet de produire de grandes œuvres.

L’essoufflement actuel de l’Europe, sa perte d’hégémonie mondiale au profit des Etats-Unis expliqueraient-il la décadence actuelle ? On pourra dire qu’une expérience comme le nouveau roman n’a pas été salutaire dans la mesure où au lieu d’exprimer quelque chose par des histoires celui-ci s’est plutôt attaché à réfléchir sur le code. Autrement dit, n’ayant plus rien à exprimer, plus rien à raconter, il s’est replié dans une réflexion sur les moyens (la langue et le genre romanesque) au détriment du but (ce que l’on a à exprimer). Très bien. Mais dire cela, c’est oublier de se demander pourquoi, précisément, l’expérience du nouveau roman apparaît en France à cette époque. Le pays avait perdu la guerre, il avait été sauvé de justesse du démantèlement (voir les projets anglo-saxons de rattacher les départements frontaliers du Nord et de l’Est à la Belgique et à la Hollande) et il perdait ses colonies les unes après les autres. La confiance n’y était plus. Après 1958 (expédition franco-anglaise de Suez) c’en est définitivement fini de l’hégémonie européenne dans le monde. On assiste alors à un repli sur soi dont nous ne sommes sans doute pas encore sortis.

Que retrouve-t-on, d’ailleurs, dans le roman français aujourd’hui ? Un retour perpétuel sur la période de l’occupation (comme si on n’en finissait pas d’exorciser la défaite de quarante et la mauvaise conscience que l’on a d’avoir mis Pétain au pouvoir et d’avoir laissé déporter les populations juives), quelques fables écologiques (perte des zones naturelles au profit des entrepreneurs et des financiers) et surtout des réflexions dans lesquelles l’auteur se demande pourquoi il écrit (sa vie n’a pas de sens, il n’a rien à dire, mais l’écriture sera peut-être un moyen de trouver ce sens), autrement dit, de nouveau, une réflexion sur le code employé plutôt qu’un message à exprimer. 

Nous tenterons un autre jour de voir que cette situation n’existe pas forcément ailleurs.

11:52 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : litterature

12/04/2007

Un peu d’histoire

Puisque nous sommes le 12 avril, souvenons-nous que le 12 avril 1204, les troupes de la IV° croisade s’emparèrent de Byzance. Le but initial de cette expédition n’était évidemment pas de conquérir la capitale chrétienne de l’Orient, mais de prendre pied en Egypte afin de délivrer ensuite Jérusalem (ou éventuellement d’échanger cette ville contre les ports égyptiens conquis). Il n’en fut rien.

En fait, tout est allé de travers dans cette croisade. Au début, déjà, on n’était parvenu à réunir que 10.000 chevaliers au lieu des 30.000 prévus, car les rois d’Occident, ayant sans doute mieux à faire, s’étaient rapidement désistés de leurs belles promesses. Puis, pour le transport par mer, au lieu d’affréter ses propres bateaux, on demanda l’aide des marchands vénitiens (bel exemple de transfert du public vers le privé, comme nous le connaissons aujourd’hui). Le Doge, en bon négociant qu’il était, réclama une somme considérable pour le transport (plus la moitié du butin escompté). Voyant que les croisés ne parvenaient pas à réunir cette somme, les Vénitiens leur proposèrent un petit arrangement (rien de neuf sous le soleil). Moyennant une remise partielle de leur dette, ils feraient un petit détour par la côte dalmate pour conquérir le port chrétien de Zara (aujourd’hui Zadar, en Croatie) et cela au profit de Venise. Les croisés acceptèrent et s’ils laissèrent la vie sauve aux Chrétiens de la ville, ils se partagèrent leurs biens avec la ville de Venise. On est donc loin de l’élan mystique qu’on imagine parfois. Le scandale, il est vrai, fut immense et le pape excommunia les croisés pour avoir osé profaner une terre chrétienne. C’était tout de même un comble pour des gens qui partaient délivrer le tombeau du Christ, mais bon, l’appât du gain a  toujours été le plus fort, que voulez-vous…

Le problème c’est que nos bons croisés ne sen tinrent pas là. Comme les Byzantins leur avaient demandé d’intervenir dans une querelle entre deux prétendants au trône (contre une belle récompense évidemment), ils font escale dans cette ville et imposent un des deux candidats (pour le plus grand profit de Venise, dont le commerce souffrait de ces troubles de succession). La population, qu’on n’avait pas consultée, se révolte et les croisés ripostent par une mise à sac totale. En plus, ils mettent sur le trône un des leurs, le comte de Flandre et de Hainaut, qui prend le titre de Baudouin I.  Celui-ci divise l’empire grec en petites principautés féodales et laissent les Vénitiens (encore eux) se tailler la part du lion (franchise commerciale, monopole de l’élection du patriarche).

De tout ceci on retiendra que les partisans de notre société néo-libérale contemporaine ont d’illustres devanciers et que toujours les intérêts privés de quelques-uns l’ont emporté sur l’intérêt général.

Quant à ceux qui voudraient que la constitution européenne insiste davantage sur le côté  chrétien de notre civilisation ils regretteront assurément cette prise de Byzance car sans elle le monde chrétien aurait sans doute conservé une aire d’influence beaucoup plus grande.

Heureusement qu’aujourd’hui Monsieur Bush a entrepris une nouvelle croisade et que dans celle-ci, enfin, les intérêts économiques n’entrent plus en ligne de compte…

Trêve de plaisanterie. Si on se place sur un plan purement spirituel, il reste que cette prise de Byzance a été une catastrophe puisque que les Eglises grecques et romaines ne sont toujours pas réconciliées. Mais les Eglises sont-elles ce qu’il y a de mieux pour permettre aux individus d’approfondir leur cheminement intérieur ? Ceci est un autre débat.

 

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Les livres et l'élection présidentielle

Difficile de ne pas parler de l’élection présidentielle. Mais si tous les candidats ont beaucoup d’idées sur l’emploi, la sécurité et le devenir de la France (ils ont même des solutions, ce qui est encore mieux), qu’ont-ils dit dans le domaine qui nous intéresse, à savoir le monde de la culture et des livres ? Pas grand chose, à mon avis. En attendant, voici la lettre que les professionnels du secteur ont adressée aux candidats.

http://www.alliance-editeurs.org/download-images/photos/L...

11/04/2007

Roman et vérité historique

Je termine un livre de la journaliste italienne Oriana Fallaci, Un homme et je me pose quelques questions.

Ce livre n’est pas de la littérature et ne se donne pas pour tel. C’est en fait le compte-rendu de la relation qu’O. Fallaci avait entretenue avec l’anarchiste grec Alexandre Panagoulis, qui fut son compagnon pendant trois ans. Panagoulis avait tenté d’assassiner Papadopoulos qui dirigeait le junte militaire en Grèce, du temps de la dictature des colonels. Arrêté, torturé, condamné à mort puis détenu pendant cinq ans dans une cellule souterraine de 2 mètres sur 3, il fut finalement libéré quand la junte tenta de légaliser son régime en cherchant l’appui du monde démocratique. Voulant prouver que ce régime n’avait pas vraiment changé, Panagoulis mourra dans un mystérieux accident de voiture. 

medium_223808_53938_2.2.jpgDonc, Fallaci nous propose une biographie, mais une biographie subjective. Elle révèle ce que Panagoulis lui a raconté et le retranscrit à travers le filtre de sa propre subjectivité. On en apprend donc autant sur elle que sur son compagnon. Le livre se lit comme un roman. Et c’est bien là ma question. Où commence la littérature et où s’achève le compte-rendu ? L’éditeur ne lève pas l’ambiguïté, puisqu’il parle sur la quatrième de couverture  de roman-vérité, roman policier. Lettre d’amour déchirante et rageuse, qui révèle le destin exemplaire et tragique d’un poète terroriste, militant de l’impossible.

Il est vrai que Panagoulis, par toutes les actions qu’il entreprend, se rapproche des héros de romans, à qui il arrive toujours plein d’aventures. La différence, ici, c’est que ce sont des faits réels. L’écriture est assurément littéraire, bien tournée, forcément engagée et en accord avec son sujet puisque Fallaci  était amoureuse de Pangoulis. Elle a écrit ce livre testament en mémoire de son compagnon, dans un état de transe créatrice.

 

Est-ce de la littérature parce que c’est bien écrit. ? Parce que cela ressemble à un roman ? Parce que cela se rapproche de l’épopée (présence du héros confronté à son destin tragique), du récit de l’impossible (Panagoulis, par son refus des compromis, incarne véritablement la figure de Don Quichotte et se perd dans des rêves qu’il tente de concrétiser), du poème d’amour ?  

 

Si la littérature ne se limite pas au roman, le roman est pourtant de la littérature. D'un autre côté, est-ce que l'écriture, le style, suffit pour dire qu'un écrit appartient à cette catégorie? Un fait réel bien raconté est-il de  littérature ou faut-il que le contenu soit de la fiction? Non sans doute. Pour autant qu'on ne tombe pas dans le journalisme ou le journal intime. Mais Les Mémoires  du cardinal de Retz sont de la ittérture. Comme quoi rien n'est simple.  

 


10/04/2007

Naufrages

Toujours dans cette problématique de la découverte du nouveau monde, on retiendra la personnalité de Cabeza de Vaca. Participant à l’expédition de Narvaez en Floride, son navire fit naufrage et il se retrouva avec quatre de ses compagnons sur la côte nord du golfe du Mexique. Réduits en esclavage par les Indiens, ils parvinrent à s’enfuir. Survivant comme ils purent en faisant du commerce ou en dispensant des remèdes de rebouteux, ils traversèrent à pied toute l’Amérique du Nord jusqu’au Mexique, où ils reprirent contact avec les Espagnols. Ce voyage dura huit ans.

On peut considérer que Cabeza de Vaca fut, bien malgré lui, le premier ethnologue des populations indiennes d’Amérique du Nord. Il publia sous le titre Naufrages le récit de son aventure.

J’ai lu ce livre il y a des années déjà et j’en ai conservé une impression très forte, notamment à cause de la description que fait l’auteur des conditions de vie difficiles des Indiens durant la période hivernale. Pour ainsi dire privés de nourriture, affaiblis par le froid, beaucoup mourraient de maladie. On est loin de l’éden idyllique que tentera de répandre Rousseau avec le mythe du bon sauvage, lequel aurait joui d’une vie paisible au milieu d’une nature luxuriante.

Ce qui est sûr, c’est que Cabeza de Vaca, une fois retourné à la civilisation, se montra un grand défenseur des populations indigènes, avec lesquelles il avait dû vivre en symbiose pendant la durée de son voyage et dont il était parvenu à comprendre les spécificités. Il s’opposera très vite aux colons européens qui parvinrent à le chasser d’Amérique et à le contraindre à retourner en Espagne.

Voici un petit extrait :

Nous qui nous en étions tirés, nous étions nus comme à notre naissance et avions perdu tout ce que nous avions, et même si tout cela valait peu, pour le moment cela n'avait pas de prix. Et comme alors on était en novembre, qu'il faisait très froid et qu'on n'aurait pas eu beaucoup de mal à nous compter les os, nous étions devenus la vraie image de la mort. En ce qui me concerne je peux dire que depuis le mois de mai je n'avais rien mangé d'autre que du maïs grillé, et parfois je m'étais vu dans l'obligation de le manger cru (...). Je dis cela pour éviter de longs discours, pour que chacun puisse se rendre compte dans quel état nous étions.

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Foi et colonialisme

La note précédente sur la civilisation précolombienne doit nous faire souvenir qu’il ne s’est pas trouvé beaucoup de monde pour défendre les Indiens au moment de la conquête espagnole. Une des seules voix à s’être manifestée est assurément celle de Bartolomé de Las Casas (1474-1566).

Ce théologien dominicain fera plus de quatorze fois la traversée entre les deux continents (ce qui, dans les conditions matérielles de l’époque, était un véritable exploit) afin de convaincre les autorités de se comporter avec un minimum d’humanité envers les populations indigènes. Le problème était de concilier les intérêts financiers de la nouvelle colonie avec son point de vue humanitaire. Il y parviendra en prouvant que pour être rentables, les exploitations américaines ont besoin de main d’œuvre et que ce n’est pas en faisant mourir les Indiens qu’elles pourront survivre. La métropole l’écoute un temps et prend des mesures en faveur de la population indigène. Sur place, malheureusement, ces directives sont peu appliquées et Las Casas lui-même doit faire face à l’hostilité des colons.

Revenu définitivement en Espagne, il n’arrêtera pas d’expliquer que cette conquête du nouveau monde n’est pas une guerre juste et que s’il fallait songer à évangéliser ces populations, il ne fallait pas le faire dans le sang et encore moins les réduire en esclavage dans le seul but de faire du profit. En démontrant qu’aucun roi indien n’a reconnu de son plein gré la domination espagnole, il prouve que celle-ci est illégale et que le pillage des temples aztèques ou incas s’apparente donc à un vol. On comprend que de tels propos ne lui ont pas fait que des amis.

10:15 Publié dans Errance | Lien permanent | Commentaires (5)

06/04/2007

Suite

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21:18 Publié dans Errance | Lien permanent | Commentaires (0)

Art précolombien (2)

 

 

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 Tehotihuacan

21:00 Publié dans Errance | Lien permanent | Commentaires (0)

Art précolombien (1)

Visite aujourd'hui, aux musées d'Art et d'histoire, d'une exposition consacrée à l'art précolombien. On ne peut que rester admiratif devant la capacité technique de ces populations dites primitives à tailler des masques en pierre ou à réaliser des vases anthropomorphes. Et puis, inévitablement, on se souvient que toutes ces peuples ont été en grande partie massacrés lors de l’arrivée de l’homme blanc. Leur civilisation n’a pas survécu car il en va souvent ainsi avec les envahisseurs : quand ils n’adoptent pas une culture supérieure à la leur (comme les Romains ont fait avec la Grèce) ils anéantissent tout, sous prétexte qu’ils sont supérieurs, alors que l’avance qu’ils possèdent est essentiellement technologique.

Nous en avons vu une belle illustration récemment, quand les musées de Bagdad ont été pillés lors de l’invasion américaine. Il s’agissait là manifestement d’anéantir jusqu’au passé d’un peuple afin de lui imposer plus facilement un autre ordre culturel.

Mais revenons à notre art précolombien. Au-delà des considérations purement esthétiques, j’ai été frappé par la représentation du regard dans les masques mexicains. Si certains ont des trous à la place des yeux, comme les masques de carnaval, d’autres n’ont pas d’yeux du tout. Entre le front et le nez se trouve un simple renfoncement, sans aucune représentation de l’œil ou des paupières. Et pourtant, paradoxalement, ces visages ont une vie et semblent vous regarder avec une intelligence autre, un peu comme Tirésias, le devin officiel de la ville de Thèbes (voir Euripide et Sophocle), qui pouvait prédire l’avenir bien qu’il fût aveugle. D’autres masques, plus angoissants, représentent en quelque sorte une orbite creuse, sans œil, mais avec l’os du crâne qui est visible au fond. Et puis il y a des mises en abyme, comme ce guerrier au visage découvert qui tient dans sa main son propre masque.

Enfin, les références animalières sont nombreuses (le jaguar, etc.), ce qui me renvoie à ma lecture des Mythologiques de Lévi-Strauss et à son analyse des mythes des peuples primitifs. En m’acheminant vers la sortie, je me souviens qu’on déboise la grande forêt équatoriale et que les derniers indiens sont en train de disparaître. Demain ils ne vaudront plus que pour avoir été.

15:20 Publié dans Errance | Lien permanent | Commentaires (1)

04/04/2007

Problème de terminologie

On remarquera que j’utilise le terme « blogue » et non « blog », par respect pour nos amis Acadiens et autres habitants de la belle province de Québec. Le terme blog, vous ne l’ignorez pas, vient de l’anglais. Le « log » est une pièce de bois qu’on lançait à la mer afin d’évaluer la vitesse du navire par rapport à cette pièce qui elle restait immobile. Avec l’arrivée d’Internet, s’est développée l’expression « Web log », bien vite contractée en « Blog ».

Les locuteurs francophones de la douce France, timorés comme d’habitude par leurs années d’école (durant  lesquelles on leur a appris à respecter scrupuleusement la grammaire et le bon usage), n’ont pas été assez rapides pour créer un néologisme qui eût quelque consonance latine. On peut même avancer sans prendre le risque de se tromper qu’ils n’ont même pas osé le faire. Du coup, comme chaque fois, c’est le mot anglais qui s’est imposé, nous rappelant insidieusement que nous avons perdu la guerre de 39-45 et avec elle notre suprématie culturelle. Il nous faut donc aller aux confins de la francophonie, dans ces terres éloignées souvent recouvertes de neige, pour retrouver des locuteurs encore capables d’innover et d’imposer leur langue aux gens d’en face, refusant du même coup tout colonialisme linguistique et tout asservissement culturel.

Je blogue, tu blogues, il blogue...

Pourquoi commencer un blogue ? C’est la question que des millions et des millions d’Internautes n’ont pas manqué de se poser avant moi. Pour avoir parcouru la Toile depuis quelques années déjà, je ne suis pas sans connaître les risques qui guettent les profanes désireux de s’exprimer publiquement. Habituellement, après une période d’euphorie où le néophyte s’adonne aux joies de pouvoir partager ses idées, celui-ci doit faire face à des critiques de plus en plus acerbes de la part de personnes bien intentionnées ou non. Fatigué par cette lutte sans répit qui consiste à vouloir imposer malgré tout ses idées, ayant reçu pas mal de coups, le blogueur espace alors ses contributions, qui de journalières deviennent hebdomadaires puis finalement mensuelles. C’est à ce moment, habituellement, qu’il se rend compte que son inspiration s’est tarie et que finalement il n’a plus rien de fondamental à communiquer, si ce n’est en prenant le risque de se répéter. Que le blogue ferme ou continue à vivre d’une vie improbable, cela revient au même : son auteur, conscient de ses limites, bouleversé par l’agressivité qu’il a parfois dû essuyer, quitte la Toile et se replonge dans ses lectures. S’il est tenace ou si le désir de communiquer malgré tout est le plus fort, il ouvre un nouveau site, quelque peu différent, et recommence l’expérience.

 

Afin d’éviter autant que faire se peut tous ces écueils, il est clair qu’il n’entre pas dans mes intentions d’alimenter quotidiennement ce blogue. Cela se fera selon mes humeurs et selon ma disponibilité. Bien sûr un tel site n’attirera pas les foules, car le côté aléatoire des publications en découragera plus d’un.  Tant pis. Si quelques visiteurs entrouvrent de temps à autre la porte, c’est déjà très bien. Le principal est qu’ils se sentent bien en ce lieu où, loin de la foule, on voudrait s’adonner aux joies de l’écriture et de la réflexion.

13:30 Publié dans Blogue | Lien permanent | Commentaires (4)