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25/10/2007

De l'avant-garde (ou la nouvelle garde du Président).

Il n’y a pas si longtemps, Madame Lagarde était inconnue en France et plus particulièrement en politique. Avocate, elle avait fait toute sa carrière aux États-Unis. Elle fut présidente du Comité stratégique du premier cabinet mondial de droit des affaires (le cabinet Baker & McKenzie à Chicago). En avril 2005, elle entra au Conseil de surveillance de la multinationale néerlandaise ING Groep. Remarquée par JP Raffarin, elle quitta alors les Etats-Unis pour devenir ministre du Commerce extérieur dans le gouvernement de Dominique de Villepin. Cela suppose de sa part un revirement complet, puisqu’elle n’avait rien fait d’autre jusque là que défendre les intérêts des multinationales états-uniennes contre les entreprises françaises et européennes.

Il faut savoir aussi qu’elle a milité au sein du CSIS (Center for Strategic & International Studies), un « lobby » pétrolier. Là, elle présidait une commission USA/UE/POLOGNE, dont les préoccupations étaient la libéralisation du marché polonais. Dans ce cadre, elle a été amenée à défendre les intérêts de Boeing et Lockheed-Martin contre ceux d’Airbus et de Dassault. Tout cela se solda par la vente, à la Pologne, en avril 2003, pour 3,5 milliards de dollars, de 48 chasseurs F-16 Lockheed-Martin dont ce pays n’avait aucun besoin. Pour payer, le gouvernement polonais puisa dans les fonds qu’il avait reçus de l’Union européenne et qui étaient destinés au secteur agricole. On aurait pu espérer une autre attitude de la part de la Pologne, à peine arrivée dans l’Union.

Notons en passant que le président de Lockheed a été par ailleurs le principal bailleur de fonds du Comité pour la libération de l’Irak. Irak où nous avons retrouvé l’armée polonaise derrière Georges Bush. Tout se tient. Cela a permis à Bush d’opposer la « vieille Europe », représentée par la France et l’Allemagne, timide et opposée à la guerre et la « nouvelle » Europe (en gros les pays de l’Est), touts prêts à s’engager à ses côtés pour établir un nouvel ordre mondial. Ce sont donc bien les citoyens européens, avec leurs impôts, qui ont indirectement permis à l’armée polonaise de s’équiper et d’entrer dans un conflit qu’elle désapprouvait, tout cela pour le plus grand profit des USA (puisqu’une des multiples raisons de l’engagement en Irak était d’y supplanter les firmes françaises et allemandes comme Thomson et Siemens).
Mais revenons à Mme Lagarde. Une fois dans le gouvernement de de Villepin, elle a aussitôt déclaré qu’il fallait réformer le droit du travail qui, « constituait souvent un frein à l’embauche et à un certain nombre de décisions d’entreprendre ». Tout un programme.
En juillet 2007, on a pu l’entendre, devant l’Assemblée, faire l’éloge du travail (égratignant au passage Paul Lafargue et son « Droit à la paresse » ainsi que les 35 heures).
Dans un article daté d’hier, Le Figaro s’est félicité de la présence d’une femme au G7. Il s’est cependant montré beaucoup plus discret sur le passé de cette femme, dont la vie a surtout été consacrée aux firmes privées, aux Etats-Unis de surcroît. Et on va nous faire croire qu’elle a renoncé à un plantureux salaire pour venir défendre les intérêts des Français. Il ne faudrait tout de même pas nous prendre pour des naïfs.

05/09/2007

Tant va la cruche à l'eau...

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Dans la suite logique de l’article d’hier, voici qui va venir mettre un peu de baume au cœur de ceux qui n’apprécient que fort modérément leur nouveau président (si, si il y en a tout de même quelques–uns).

Un professeur en communication politique à l’Institut d’études politique de Paris prédit que Nicolas Sarkozy ne parviendra pas, sur le long terme, à maintenir de lui-même une image positive parce qu’il se montre trop. Il prévoit une usure de cette image.

Il estime que Sarkozy fait du marketing politique, autrement dit qu’il analyse les besoins de certains groupes de citoyens pour répondre aussitôt à leur attente avec une solution. Mais à vouloir trop jouer à ce jeu, on prend des risques. Tant va la cruche à l’eau…

« Il y a bien sûr un revers évident à la saturation médiatique, c'est l'usure de l'image et de la parole, la banalisation de la parole, et le risque de se contredire. » Voilà qui rassure.

« Nicolas Sarkozy est un "voleur de lumière" et il irrite aussi bien son premier ministre que la chancelière allemande. Et cela finira par avoir un coût politique. » Encore mieux. Et notre politologue de comparer Sarkozy à Blair, qui, lors du décès de la princesse Diana, a su faire de la politique compassionnelle. Il avait compris la charge émotionnelle que cette mort avait suscitée dans la population. Pourtant, à la fin de son « règne », il était mal vu de tous et surtout des médias (et pour cause, on ne peut pas oublier ses mensonges sur la nécessité d’envahir l’Irak).

Sarkozy finira bien, lui aussi, par se mettre dans une position embarrassante. En attendant le mal sera fait. On le voit envoyer Kouchner en Irak. Outre que celui-ci a dû présenter des excuses au premier ministre de ce pays pour avoir prédit un peu vite son départ pour incapacité, l’homme de l’humanitaire a estimé qu’il était temps pour la France d’être présente en Irak. Comprenez : changeons de politique et soutenons les Américains, nous en retirerons bien quelques bénéfices économiques. Une telle attitude va retourner les opinions arabes contre la France, qui apparaissait pourtant comme une exception parmi les pays occidentaux. Si un jour une présence militaire française devait être présente en Irak, même si c’est sous le couvert de rétablir la paix ou de mener une mission humanitaire, il est clair que les pertes humaines seront lourdes, non seulement parmi les soldats mais aussi parmi les civils à Paris car il y a fort à parier que les attentats reprendront. De plus, s’ils reprennent, ce sera un beau prétexte pour justifier une guerre des civilisations. Après tout les guerres ont toujours fait tourner l’économie, n’est-ce pas ?

Remarquons que la politique africaine de Sarkozy n’est pas meilleure que sa politique au Moyen-Orient. En tout cas les propos qu’il a tenu récemment à Dakar (« l'imaginaire" du paysan africain "où tout recommence toujours" et où "il n'y a de place ni pour l'aventure humaine, ni pour l'idée de progrès"), qui semble dénier aux Africains la possibilité de se tourner vers l’avenir, ne lui aura pas fait que des amis. Comme quoi les paroles elles-mêmes peuvent blesser. Parions que notre grand orateur national finira par se mettre tout le monde à dos et par se brûler à son propre jeu. Quelle idée aussi de vouloir imiter Bush ! On voit où ses discours et sa politique ont mené ce dernier. Quand il se rend en Australie, qui est tout de même une terre amie pour lui, peuplée d’Anglo-Saxons, il faut couper une ville en deux pour assurer sa sécurité. On croit rêver.

16/08/2007

De la vie privée des hommes publics

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Les admirateurs de Sarkozy Premier (et ils sont forcément nombreux puisque celui-ci a été élu démocratiquement) dénoncent unanimement les critiques qui pleuvent sur leur pauvre président (je n’ai pas dit président des pauvres). Ils regrettent surtout que l’opposition, au lieu de s’en tenir au domaine des idées politiques, semble s’en prendre à la personne-même du petit Nicolas. Il est vrai que ce n’est pas sympathique et pour un peu on verserait une larme sur le sort peu enviable de la vedette. Mais à y bien réfléchir, on se rend compte que c’est Sarkozy lui-même qui a placé le débat sur ce plan-là.

Depuis le début, il se complait à jouer un film devant les caméras. Plutôt que de rester dans le rôle sérieux du Président de la France, comme Chirac ou Mitterrand l’avaient fait avant lui (quitte à être un peu trop guindé et un peu trop protocolaire), il a voulu se montrer décontracté. Sur toutes les photos on le voit soit en training en train de faire de la course à pied, soit torse nu en train de bronzer sur un yacht ou sur la plage d’un lac américain. Manière habile de ne pas se faire oublier et manière encore plus habile de neutraliser les critiques à l’égard de ses décisions politiques. On ne parle donc plus de ce qu’il a fait comme président, on se concentre sur sa personne. D’ailleurs si vous écrivez un article de quatre pages pour dénoncer son projet de loi sur la récidive, personne ne le lira, les gens préférant voir les photos de leur idole en train d’accoster brutalement un bateau de journalistes. En fait, politiquement, il pourra décider à peu près n’importe quoi, il l’emportera à l’esbroufe sur le plan médiatique. Il aurait pu être chef de rayon dans une grande surface, il serait parvenu à vendre très cher des produits de mauvaise qualité tout en ayant l’assentiment de la clientèle.

Dès lors, puisqu’il gagne toujours et qu’il joue de son personnage pour faire passer ses idées, rien d’étonnant à ce que l’opposition (qu’elle en soit consciente ou non) se concentre elle aussi sur sa petite personne plutôt que sur ses idées néo-libérales. Bien entendu, une fois qu’elle a mis le pied dans ce bourbier, on le lui reproche aussitôt : elle ferait du harcèlement en guettant les moindres faits et gestes de l’empereur. Sans doute, mais à qui la faute ? A force de se faire photographier devant le yacht de votre ami milliardaire, il fallait s’attendre à une réaction de ce genre.

Les choses vont plus loin qu’il n’y paraît, cependant. En envoyant sa tendre moitié Cécilia jouer les négociatrices en Lybie, le petit Tsar de toutes les Sarkozies s’est montré très habile. D’une part il a fait intervenir une femme dans une affaire qui concernait surtout les femmes (les infirmières bulgares) et d’autre part il est resté en retrait, ce qui lui a permis de négocier son contrat d’armement en toute discrétion. De ce contrat, il ne dira évidemment pas qu’il fait plaisir à ses amis milliardaires (il en a combien, au fait, d’amis milliardaires ?), il dira qu’il donne de l’emploi aux Français (enfin, à ceux qui veulent bien se donner la peine de se lever tôt). On ne s’étonnera pas non plus de la soudaine discrétion qui a été de mise dans cette affaire, discrétion à laquelle il ne nous a pas habitués lors de ses vacances luxueuses. Par contre on notera l’habileté du procédé. Quand l’opposition demande à voir clair dans cette affaire et réclame que la belle Cécilia soit entendue par une commission parlementaire (puisqu’elle a agi au nom et sur ordre de son président de mari, dont elle était en quelque sorte le porte-parole officiel), on répond que cela relève de la sphère privée. De nouveau, donc, on joue sur le côté personnel pour faire passer une manœuvre politique. Mais comme l’argument ne semble pas tout à fait convaincant, on trouve une autre réponse : Cécilia, ce n’est pas Bobonne (allusion à l’épouse de Charles de Gaulle, qui tricotait des chaussettes à l’Elysée pour passer le temps) s’est écrié André Santini, le secrétaire d’Etat chargé de la Fonction publique :

"Cécilia est une femme très moderne, indépendante. (...) Je suis toujours surpris de l'image qu'elle a chez les femmes, qui disent: "elle a raison, elle ne veut pas être bobonne, elle ne veut pas faire le yucca, le caoutchouc, elle veut pas être là quand on sonne, et bien c'est très bien""

Donc, la nouvelle première dame de France fait elle aussi de la politique. Elle qui n’avait pas été voté en même temps que son mari et qui se moquait pas mal du rôle qu’on voulait lui faire jouer, voilà maintenant qu’elle remplace le Président débordé. Mais, que je sache, ce n’est pas pour elle que les Français ont voté (enfin, certains, pas tous) mais pour Nicolaou. Une nouvelle fois on confond les registres privés et publics et on ne sait plus où est la limite. Cela permet de créer des zones d’ombre et d’éviter les critiques. Si les infirmières sont libérées, c’est grâce à Sarkozy (qui est arrivé juste au bon moment, quand Kadhafi avait suffisamment fait monter la pression afin d’en retirer un avantage : sa réinsertion sur le plan international). Si par malheur les démarches avaient échoué, on aurait dit que Cécilia, en tant que femme, avait fait une simple visite de courtoise.

Enfin, on n’est pas à une contradiction près. C’est comme quand Santini, chargé, comme on l’a dit, de la Fonction publique trouve anormal que 24% de la population soit fonctionnaire. C’est peut-être vrai, mais le fait que ce soit lui qui le dise a de quoi surprendre.

09/08/2007

Essai de sémiotique ou étude de la gestuelle présidentielle.

On sait qu’en littérature, on ne publie que ce qui se vend. On sait aussi qu’on ne vend que ce dont on parle. Autrement dit, le contenu d’un livre a moins d’importance que la publicité qui est faite autour de lui. Plus on en parle et mieux c’est.

Le petit président de la grande Sarkozie a visiblement compris la leçon (il ne me semble pourtant pas un fervent adepte de la lecture) puisque qu’il ne se passe pas un jour sans qu’on ne parle de lui. Après l’affaire du yacht privé qu’un riche ami industriel lui avait prêté (croisière qui, on s’en souvient, avait remplacé la retraite initialement annoncée, laquelle aurait dû avoir pour fonction de réfléchir sur le poids de la fonction présidentielle), le voici, sur son lieu de villégiature, qui passe à l’abordage du canot des journalistes occupés à le photographier. Il s’ensuit des propos assez virulents, du moins peut-on le supposer d’après le ton employé, car pour ce qui est du fond, exclusivement exprimé en français, les pauvres photographes américains n’en on pas compris le sens.

Comment interpréter un tel geste ? On n’avait jamais vu Mitterrand invectiver la presse en maillot de bain ou Giscard apostropher les journalistes en pyjama. Il faut dire que le nouvel occupant de l’Elysée a un style bien à lui, un style qui mérite qu’on s’y attarde.

Faut-il voir dans l’abordage du canot un trait de colère incontrôlé ? Si c’est le cas, ce n’est pas là un geste digne du représentant d’une grande nation. Le sieur Sarkozy aurait dû comprendre, même s’il est en vacances privées, qu’un tel geste risquait d’alimenter la critique et de se retourner contre lui. Un mauvais point pour lui, donc. Mais l’homme aime trop se pavaner devant les caméras pour qu’une autre explication ne puisse être envisagée. Le Président aurait délibérément accosté les journalistes précisément parce qu’il savait qu’on en parlerait. Même en période estivale, il ne faut pas que l’attention médiatique se détourne de sa personne. Eternel candidat, il prolonge la campagne électorale (où il a été excellent puisqu’il est parvenu à ce que les pauvres votent pour lui alors qu’il n’il n’a pas caché qu’il ne travaillerait que pour les riches) en se mettant lui-même sur le devant de la scène, ce qui détourne l’attention des mesures qu’il a prises en tant que Président. De plus, en pleine polémique suite à la signature d’un contrat d’armement avec la Libye (lequel intervenait après la libération des infirmières bulgares, épisode dans lequel c’est surtout Cécilia qu’on avait habilement mise en avant), il n’était pas mauvais de lancer les médias sur d’autres pistes.

On remarquera en passant que le petit Nicolas n’a pas envoyé ses gardes du corps pour faire la morale aux photographes, mais que, tel superman, il s’est déplacé lui-même. D’un côté, il rabaisse donc la fonction présidentielle en la confinant dans des tâches subalternes et secondaires, mais de l’autre il montre qu’il n’a pas peur de donner de lui-même et que comme tout bon citoyen ordinaire il protège sa famille.

Ce côté « démocratique » qui le fait ressembler à monsieur tout le monde, il le cultive volontiers. Quand on ne le voit pas en train de faire son jogging matinal, on le découvre en maillot de bain et torse nu. Il y a là, manifestement, une tendance à l’exhibitionnisme. Le but est donc bien de se faire voir et de faire en sorte qu’on en parle.

De toute façon, qu’il ait été réellement en colère, lassé d’être harcelé par les paparazzis, ou au contraire qu’il ait délibérément provoqué l’incident, le résultat est le même : on ne parle plus que de cela. En ce mois d’août, aucun article de fond sur la TVA sociale (destinée à faire payer par les consommateurs ordinaires les avantages fiscaux accordés aux entreprises), la loi sur la récidive ou le démantèlement programmé de la fonction publique. Il faut savoir à ce sujet qu’on ne remplacera plus tous les fonctionnaires qui partiront à la retraite afin de faire des économies budgétaires. C’est peut-être une bonne idée à court terme, mais sur une longue période cela aura pour conséquence d’empêcher les ministères de remplir leur rôle avec efficacité (ce qui permettra sans doute de proposer des privatisations partielles). A côté de cela on parle de supprimer des milliers de postes de professeurs, ce qui entraînera immanquablement une explosion de la petite criminalité. Cela ne fait rien. Le nombre des gardiens de prison a, lui, été revu à la hausse.

C’est donc de tout cela qu’il ne faut surtout pas parler, en recentrant le débat sur la personne du Président lui-même, cet éternel candidat qui prolonge la campagne électorale en la transformant en campagne de séduction. Et qui dit séduction, dit représentantes de la gent féminine. Or, des femmes, il n’en manque pas dans l’entourage de Sarkozy. D’abord il y a la belle Cécilia, dont la presse « people » s’est emparée et dont on se demande toujours si elle sera toujours là le lendemain. Et puis il y a toutes les femmes du gouvernement et plus particulièrement Rachida Dati, cette superbe étrangère (père marocain et mère algérienne) qui symbolise la réussite sociale promise à la population immigrée (pour autant que celle-ci fasse l’effort de s’intégrer). Choisie précisément pour ce qu’elle incarne, elle aura le triste rôle de mettre en prison ceux de ses frères de race qui n’auront pas respecté les lois françaises.

Nicolas Sarkozy joue donc un rôle en permanence. C’est en acteur qu’il s’est fait élire et c’est en acteur encore qu’il dirige le pays. Rien d’étonnant dès lors à ce que les photographes le harcèlent comme ils le font d’habitude avec les vedettes du festival de Cannes. En rabaissant le prestige présidentiel et en donnant de lui-même une certaine image (genre faux sportif décontracté), le locataire de l’Elysée nous fait oublier son manque de culture, son manque de style et surtout ses idées néo-libérales et pro-atlantistes si déplaisantes. En attendant une bonne partie des Français sont en vacances (les autres travaillent ou ne savent pas partir) et, sous la pluie, dans leur camping en Normandie ou en Auvergne, ils rêvent de cette villa américaine où leur président peut jouir de onze salles de bain. Il l’avait bien dit : l’avenir appartient manifestement à ceux qui se lèvent tôt.

22/05/2007

Dire et faire

Peut-on dire une chose et faire le contraire ? En éducation, cela me semble difficile. Expliquez à un enfant qu’on ne met pas les pieds sur la table du salon en regardant la télévision, il comprendra votre discours et approuvera votre point de vue, même s’il lui en coûte. Mais ne vous laissez pas aller à commettre l’irréparable, à savoir étendre vos propres jambes sur ladite table un jour de grande fatigue ou de lassitude, un de ces jours où les événements de la vie sont les plus forts et vous laissent comme anéanti (par exemple quand vous découvrez qu’il y a plus de 53% de vos contemporains qui admirent Sarkozy). Aussitôt, d’une manière implacable, logique et cinglante, on vous rappellera vos propres paroles : « On ne met pas les pieds sur la table du salon en regardant la télévision.» Que répondre à cela ? Rien, si ce n’est que le mieux serait de ne jamais regarder la télévision, cette boite creuse dont la fonction semble être d’abêtir les masses. Mais allez expliquer cela à des enfants ! Allez leur dire qu’ils doivent arrêter de zapper et qu’ils doivent couper définitivement la source des images au moment même où ils vous ont pris en flagrant délit de parjure. Le moment serait mal choisi. C’est que, traître à vos propres paroles, vous avez commis l’irréparable, vous avez transgressé l’interdit, cet interdit dont vous aviez vous-même énoncé les règles d’une voix ferme et implacable.
Rien à redire. L’enfance vit dans un rêve, mais son monde est logique. Les actes doivent suivre les paroles, sinon on prend le risque de se discréditer soi-même.

En politique, apparemment, il n’en va pas de même. Comme les citoyens ne sont plus des enfants, ils peuvent comprendre que dans certains cas ceux qu’ils ont élus peuvent avoir une certaine marge de manœuvre et ne pas faire exactement ce qu’ils avaient dit qu’ils feraient, c’est-à-dire, en fait, faire exactement le contraire.

Ainsi, on a vu le petit Nicolas réclamer un état impartial, qui fonctionnerait avec plus de transparence. Il a raison et je l’approuve quand il parle comme cela (tout en en comprenant pas bien pourquoi en même temps il demande plus de liberté pour les firmes privées et donc moins de lois contraignantes, c’est-à-dire moins d’Etat, mais bon, c’est sans doute moi qui n’arrive pas à emmagasiner tout ce qu’il dit car il dit tant de choses…). Donc, il faut un état fort, qui se fasse respecter et qui mette tous les citoyens sur le même pied. Plus de manœuvres louches, plus de passe-droit, rien que la légalité. Enfin ! A peine élu, le futur président, conscient de la tâche qui l’attend et de la difficulté qu’il y a à remplir une telle mission, nous annonce qu’il va se retirer pour prendre toute la mesure du poids qui pèse maintenant sur ses épaules. Voilà qui est digne d’un homme d’Etat, ce qui laisse loin derrière lui tous ces petits politiciens qui ne pensent qu’à leur carrière personnelle. De Gaulle est de retour et la France dans de bonnes mains.

Dommage qu’après avoir annoncé tout cela, le petit Nicolas a fait exactement le contraire. La retraite mystico-étatico-présidentielle est en effet devenue des vacances au soleil. Bon, pourquoi pas ? Moi aussi je prends des vacances. Il a sans doute voulu montrer par-là, par un geste fort, qu’il se rapprochait de la majorité des Français. Il agit « comme tout le monde » en quelque sorte. On applaudit encore, même si c’est un peu moins fort.

Le problème, c’est que ces vacances sont payées par un industriel richissime. A ce dernier, on ne va pas reprocher sa fortune puisqu’il s’est levé tôt pour l’acquérir. Mais enfin, en ce qui concerne le futur président, cela fait un peu tâche de s’afficher ainsi ouvertement avec le monde des affaires. Tant pis. Comme je l’ai dit, il y a ce que l’on dit et ce que l’on fait. Les citoyens étant adultes, ils ne vont pas s’en émouvoir comme des enfants.

Evidemment, une fois que le pli est pris, on continue. Ainsi, après avoir volé les voix de Le Pen en lui prenant ses idées et après avoir proclamé que la droite ne devait plus avoir peur d’être la droite, voilà qu’il recrute au centre et à gauche, au plus grand étonnement de son propre électorat qui ne l’avait pas élu pour qu’il mette des ministres socialistes au gouvernement. Mais il va plus loin encore, en nommant Juppé comme ministre de l’écologie. Là on rigole franchement. Juppé qui avait toujours travaillé pour les grands groupes industriels, voilà qu’il va aller leur mettre des taxes parce qu’ils polluent. Allons, qui va croire cela ? Et puis, en tant que ministre intègre, il laisse un peu à désirer, lui qui avait été inéligible pendant quelque temps. Qu’est-ce qu’il avait fait encore ? N’est-ce pas lui qui avait franchi le portillon du métro sans payer ? Non, je confonds, ce devait être un autre.

Enfin, bon, pour ce qui est de notre Etat de droit, propre et intègre, cela commence plutôt mal. Mais je vous l’ai dit : l’électeur est adulte et il ne va se formaliser pour ces petits revirements. Il faut dire que l’habitude rend la chose aisée. On avait déjà vu Mitterrand mener une politique de droite, alors on est blindé. Et puis, finalement, tout est dans la parole. « Au commencement était le Verbe », lit-on dans la Bible. C’est ce que l’ami Sarkozy a bien compris, en demandant de lire aux élèves des lycées la lettre de Môquet. Plutôt que de réformer les programmes qui en ont bien besoin (comme il l’avait annoncé), il commence par faire pleurer la jeunesse. Ce n’est pas que Nicolas ait l’intention de mourir lui aussi pour la France. Non pas du tout, ce n’est pas le style de se laisser exterminer. Il repartirait plutôt en croisière sur son yacht, surtout si les frais sont payés... Par contre, les jeunes, il est bon qu’ils connaissent le prix du sacrifice. Et puis comme cela, si la France se trouve engagée en Iran, au Liban, en Afghanistan ou ailleurs (en fait partout où Bush va mettre les pieds et la liste est longue), il n’est peut-être pas mauvais de la préparer à mourir, cette jeunesse oisive, qui n’a rien d’autre à faire que de brûler des voitures.

21/05/2007

De la culpabilité

La France, nous dit Sarkozy, ne doit plus avoir honte de son passé. Donc acte. Nos guerres étaient donc justes et la colonisation une bonne chose. Soit. Pourquoi, dès lors, avoir mis à la politique étrangère une personne passée maître dans l’art de la culpabilité ?
Car c’est bien Kouchner qui fut jadis à l’origine du slogan en faveur des enfants de Somalie ou en tout cas qui le cautionna fortement. Souvenez-vous. On voyait un petit Africain squelettique à côté d’un kilo de riz. La légende était : « Un enfant de France donne un paquet de riz pour un enfant de Somalie.»

Je ne dis pas ici qu’il ne fallait pas aider la Somalie, je dis que ce slogan racoleur ne posait pas les vrais problèmes, à savoir :
1) pourquoi la Somalie était-elle dans cet état ?
2) pourquoi les pays occidentaux ne faisaient rien pour l’aider à sortir de cette situation ?
3) pourquoi il revenait finalement aux citoyens occidentaux, à titre individuel, de secourir la population somalienne ?

Il était donc quasiment impossible de ne pas se sentir coupable si on ne donnait pas un kilo de riz. Mais pourquoi les chômeurs ou les « RMIstes » de France et de Navarre devaient-ils ainsi suppléer aux carences des dirigeants africains, lesquels avaient été mis en place pour le plus grand profit des gouvernements occidentaux ?

De plus, on sait qu’une assistance humanitaire de ce type, qui ne résout pas les problèmes de fond, ne sert pas à grand chose, tant son action est ponctuelle et limitée dans le temps. De plus, elle fait de l’assistanat plutôt que d’aider le peuple en détresse à s’en sortir vraiment.

Dans le cas de évoqué de la Somalie, quelques mois après cette campagne de Kouchner (qui en fut le grand bénéficiaire médiatique, asseyant ainsi sa réputation d’homme au service de l’humanité), les Américains, sur mandat de l’ONU, débarquaient avec 30.000 soldats, soi-disant pour des raisons humanitaires. Il s’ensuivit une guerre civile qui se solda par des milliers de morts. On peut se demander d’ailleurs si la raison de l’intervention ne tenait pas plus à la situation stratégique de la Somalie qu’au désir d’aider sa population. Auquel cas l’opération médiatique de Kouchner n’aurait été qu’une manière (consciente ou inconsciente) de préparer les esprits à cette intervention.

Il y a fort à parier que le Darfour sera une des prochaines zones où le « French Doctor » pourra montrer son savoir-faire.

17/05/2007

Résistance

La première sortie de notre nouveau président aura donc été un devoir de mémoire envers la Résistance. Curieux. On savait déjà qu’il avait incorporé dans ses troupes les centristes de Bayrou et qu’il était en tain de grignoter un à un les élus du PS. On ignorait par contre qu’il lorgnait aussi sur les communistes, au point d’aller se recueillir sur les lieux de leur exécution par les fascistes.

Trêve de plaisanterie. Quel symbole peut bien cacher ce geste, si ce n’est celui de vouloir s’inscrire lui-même, Sarkozy, dans l’Histoire de France. Après avoir déposé une gerbe en souvenir de Clemenceau et de De Gaulle, le voilà qui verse une larme sur ces jeunes gens qui sont morts pour notre liberté. Manière habile de se réconcilier une partie de la gauche, toute prête à entrer précisément en résistance ? Peut-être. Ou bien s’agit-il de souligner l’importance de ces immigrés juifs qui ont fait la France au point de mourir pour elle ? De bons immigrés, donc, pas comme cette racaille qui brûle les voitures parce qu’elle conteste le vote démocratique… C’est que Nicolas a besoin de montrer qu’il aime la France lui aussi, peut-être pas au point de lui sacrifier sa vie, mais au moins tout son temps libre. D’origine hongroise par son père (un petit noble qui dut fuir la Hongrie devant l’avancée soviétique. On se demanderait bien en passant quelle avait été sa réaction quand  les Allemands envahirent sa belle terre de Bohème), juif français par sa mère, ayant épousé une jeune fille corse en premières noces, notre bon Nicolas ne semble pas à priori incarner le « Français de souche » qu’il a promis de défendre pendant sa campagne. Il lui faut donc en rajouter en usant de la symbolique. Jeanne d’Arc était déjà prise. Il s’écarte donc de la pucelle pour se tourner vers ces jeunes gens virils qui ont combattu contre les nazis. Rien à redire.

Rien à redire si ce n’est précisément qu’il en fait trop. Personne ne lui conteste le droit de représenter la France, pays d’ailleurs où il est né. La France de 1789 est trop démocratique pour venir lui reprocher ses origines hongroises ou juives. Là où le bât blesse, c’est que cette terre qui a accueilli son père, il ne veut plus qu’elle en accueille d’autres. Dehors tous ces étrangers qui ne travaillent pas et qui viennent épuiser la mère patrie. Seuls les méritants (comme lui) pourront rester. Et c’est vrai qu’il est méritant, le petit Nicolas. Toujours le premier (enfin, sauf à l’école, mais passons), il a dépassé tout le monde, ayant bien travaillé et surtout pour lui. D’où sans doute sa théorie sur le capital et sur les gens qui se lèvent tôt. Soyez méritants comme moi, nous dit-il et l’avenir vous sourira.   En attendant, il nous invite à verser une larme sur ceux qui ont fait l’Histoire de France. Il se fait même professeur en proposant de faire lire dans toutes les écoles la dernière lettre de Guy Môquet, poignante à souhait, il est vrai.  Sur le site de Champignac (http://champignac.hautetfort.com/), Dominique nous fait remarquer qu’il eût été plus subtil de proposer la lettre de Manoukian, tout aussi émouvante, mais beaucoup plus profonde.

Rappelons que tout cela déboucha sur l’Affiche rouge, de laquelle s’est inspiré Aragon pour son célèbre poème. Qu’il nous soit permis de redonner ici ce beau texte, puisque nous aussi, en quelque sorte,  nous entrons en résistance.

 

« Vous n’avez réclamé la gloire ni les larmes
Ni l’orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servis simplement de vos armes
La mort n’éblouit pas les yeux des Partisans.

Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbes et de nuit hirsutes menaçants
L’affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants.

Nul ne semblait vous voir Français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour voir le jour durant
Mais à l’heure de couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents.

Tout avait la couleur uniforme du givre
A la fin février pour vos derniers moments
Et c’est alors que l’un de vous dit calmement

Bonheur à tous bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand.

Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie Adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan.

Un grand soleil d’hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le cœur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée O mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d’avoir un enfant.

Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant.
 »

07/05/2007

La France du changement

Tout va enfin changer a promis le candidat Sarkozy. Il était temps et c'est pour cela que plus de la moitié de la population a voté pour lui. Voici donc ce qui pourrait bien se passer demain. L'édification d'une société digne du Meilleur des mondes de Huxley ou du 1984 d'Orwell. Politique fiction? Pas si sûr.

- Baisse des impôts pour les riches et pour les entreprises, creusant encore plus le déficit public et l'endettement de la France, une mesure purement idéologique et totalement irresponsable.

- Démantèlement du droit du travail, CPE pour tout le monde, précarité généralisée, avec un licenciement possible pendant 2 ans, sans justificatif ni recours.

- Retraite à 70 ans, et encouragement des retraites privées (fond de pension) pour ceux qui souhaitent partir plus tôt à la retraite et dans de meilleures conditions

- Semaine de 48 heures (alignement sur la norme européenne), et autorisation des heures supplémentaires jusqu'à 70 heures par semaine (opt-out, comme en Angleterre)

- Suppression des charges sociales sur les heures supplémentaires, ce qui encouragera les entreprises à recourir aux heures supplémentaires plutôt qu'embaucher

- Obligation d'effectuer un "travail d'utilité collective" (des travaux forcés payés moins que le SMIC) pour les bénéficiaires de minima sociaux

- Restauration du service national obligatoire pour les jeunes

- Adoption de la constitution européenne par le parlement, sans consulter les Français par référendum

- Privatisation d'EDF, de la SNCF, de la Poste. ANPE remplacée par des agences privées pour le placement des chômeurs.

- Autorisation des OGM. (Nicolas Sarkozy est le seul candidat à la présidentielle à ne pas s'être engagé à un moratoire sur les cutures d'OGM).

Immigration choisie, c'est à dire appel à l'immigration quand le rapport entre l'offre et la demande sur le marché du travail est défavorable aux entreprises, risquant ainsi de les obliger à augmenter les salaires

- Suppression de la séparation des églises et de l'état, pour permettre aux lieux de culte d'être financées par l'argent du contribuable

- Réduction du nombre d'enseignants, réduction du budget de l'éducation nationale, l'argent restant devant être partagé avec les écoles privées (suppression de la loi Falloux)

- Augmentation du budget militaire pour renforcer les capacités de la France à participer aux guerres des Etats-Unis, au grand bénéfice des multinationales de l'armement, notamment Dassault (dont le PGD Serge Dassault est député UMP et sarkozyste convaincu), et Lagardère (dont le PDG Arnaud Lagardère est le parrain d'un fils de Sarkozy).

- Extension des pouvoirs présidentiels, au détriment du premier ministre et du parlement

- Généralisation des machines à voter, afin de pouvoir truquer les futures élections

- Modification probable du jeu électoral en autorisant à nouveau les entreprises à financer les partis politiques, et en légalisant les publicités politiques à la télévision (comme aux USA), afin de donner l'avantage au parti le plus riche, c'est à dire le plus favorable aux intérêts des multinationales afin de bénéficier de leur "générosité"

- Généralisation de la vidéosurveillance "intelligente", avec détection automatique des comportements
interdits ou jugés suspects y compris pour les infractions anodines, comme allumer une cigarette dans un lieu public. La vidéosurveillance "intelligente" aura pour effet de multiplier les bavures policières (comme l'assassinat d'un jeune brésilien par la police à Londres après les attentats)

- Fichage des enfants dès la maternelle, pour repérer les "futurs délinquants".
(En tant que ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy avait prévu de faire adopter cette mesure début 2007, mais il l'a finalement retirée à cause de la polémique qu'elle pouvait susciter avant l'élection présidentielle)

- Création de prisons privées, comme dans le film "Fortress". Aux Etats-Unis, un tiers des prisons sont déjà privées, et l'un des buts de la répression est désormais de gonfler les profits des sociétés qui gèrent ces prisons et qui sont rémunérées en fonction du nombre de prisonniers.

Et à plus long-terme:

- Arrestations préventives, comme dans "Minority Report", avec emprisonnement des personnes en raison des crimes qu'elles "pourraient commettre" en fonction de probabilités établies par la police grâce au recoupement des fichiers informatiques publics et privés. Ces fichiers enregistrent de multiples données qui permettent de presque tout savoir sur chaque individu (consommation, déplacements, fréquentations, situation professionelle, financière, familiale, santé, horaires et habitudes de vie, lectures et sites internet consultés, caméras de surveillance, etc)

- Utilisation du terrorisme comme prétexte pour rendre obligatoire le marquage de chaque citoyen avec une puce électronique insérée sous la peau et lisible par un scanner ou par satellite. (voir l'article sur les implants)

Avec Nicolas Sarkozy, vivre en France deviendra un cauchemar digne des visions les plus sombres de la science-fiction, comme "1984" de George Orwell ou "un bonheur insoutenable" d'Ira Levin. Une minorité de privilégiés vivront dans l'opulence et à l'abri de la répression, tandis que le reste de la population vivra dans la misère et dans la peur (peur de la répression, peur des délinquants, peur des attentats, peur de perdre son misérable emploi ou son logement


- http://www.syti.net/SarkozyDanger

04/05/2007

Un président royal

Rappelons, au cas où nous l’aurions oublié, que sous la V° République, le Président :
1. choisit le chef du gouvernement (le Premier ministre)
2. commande les armées (et donc décide de la guerre nucléaire)
3. dirige la politique étrangère
4. possède le droit de dissoudre l'assemblée législative
5. jouit du droit de grâce
6. dispose du droit de désigner les hauts fonctionnaires (qui deviennent un peu ses vassaux)
7. l'article 16 de la Constitution de la Ve République permet au président de s'emparer des pleins pouvoirs «lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la Nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacées d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu».

Ce n’est tout de même pas rien. Il y a donc intérêt à bien réfléchir avant d’aller voter.

Ma France, où es-tu?

(…)
Cet air de liberté au-delà des frontières
Aux peuples étrangers qui donnaient le vertige
Et dont vous usurpez aujourd'hui le prestige
Elle répond toujours du nom de Robespierre
Ma France

Celle du vieil Hugo tonnant de son exil
Des enfants de cinq ans travaillant dans les mines
Celle qui construisit de ses mains vos usines
Celle dont monsieur Thiers a dit qu'on la fusille
Ma France

Picasso tient le monde au bout de sa palette
Des lèvres d'Éluard s'envolent des colombes
Ils n'en finissent pas tes artistes prophètes
De dire qu'il est temps que le malheur succombe
Ma France
(…)
Qu'elle monte des mines descende des collines
Celle qui chante en moi la belle la rebelle
Elle tient l'avenir, serré dans ses mains fines
Celle de trente-six à soixante-huit chandelles
Ma France

Jean Ferrat, Ma France

Débat électoral

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Que retenir du débat de mercredi entre les deux candidats ?

Rien, si ce n‘est que Sarkozy ne l’a pas dominé, comme je m’y attendais. Ségolène, sans doute pour cacher son manque d’assurance devant les micros, avait choisi de jouer le registre de l’agressivité. Derrière un visage impénétrable à la Mitterrand, elle a souvent répondu vertement à son adversaire, lequel, parfois désorienté, semblait perdre du terrain. Il est vrai que devant une femme il ne pouvait pas jouer le même jeu, politesse et courtoisie obligent. Du coup, celle qui semblait autrefois mal maîtriser ses dossiers et ne faire que de la figuration devant les caméras s’est révélée un caractère fort. Sans doute est-ce cette image qu’elle voulait montrer d’elle, prenant le risque d’aller trop loin et de perdre la sympathie que certains lui accordaient en tant que femme.

Bon, sur le fond, Sarkozy a été fidèle à lui-même. Il nous a ressorti les thèses libérales habituelles : plus de travail, moins d’impôts, davantage d’argent dans votre portefeuille et donc relance économique et finalement diminution du chômage. Sa théorie sur les heures supplémentaires profitera d’abord au patronat puisqu’elle évitera de devoir engager de nouveaux collaborateurs. De plus il n’y aura pas de cotisations sociales et à la limite c’est l’Etat qui prendra en charge le surcoût de ces heures supplémentaires. Oui, mais on se demande bien avec quel argent l’Etat va pouvoir payer puisque le petit Nicolas nous promet aussi moins d’impôts (et pas d’impôts du tout pour les sociétés s’il y a moyen). Donc, venir dire qu’il est plus pragmatique que sa rivale ne tient pas la route. Il est vrai qu’il a promis de réduire les effectifs de la fonction publique d’un tiers, ce qui fera des économies (je suppose qu’il pensait d’abord aux inspecteurs des impôts chargés du contrôle des sociétés). Non, décidément on ne peut cautionner un tel projet de société. C’est démanteler toute l’infrastructure en place pour le profit de quelques-uns. C’est le principe du laisser-faire quand il s’agit de s’enrichir, mais c’est la politique du bâton quand il faut que le peuple rentre dans le rang.

Elle, la belle, de son côté, est restée dans le vague. Pas de chiffres précis mais des intentions claires. Sur le fond, on se trouve d’accord avec elle, dommage que l’on sait déjà qu’elle ne tiendra pas ses promesses.

Enfin, de deux menteurs, lequel choisir ? Celui au moins qui dit ce que vous pensez, pour ne pas que l’autre fasse plus de dégâts encore qu’il ne l’a annoncé.

27/04/2007

Le candidat des pauvres

Il n’est pas facile d’être candidat, c’est un fait. Cela demande beaucoup de savoir-faire. Or, Monsieur Sarkozy (vous aurez remarqué que je ne dis plus le petit Nicolas car il sera bientôt à la tête de l’Etat, ce qui tout de même n’est pas rien), Monsieur Sarkozy donc, qui fut un mauvais ministre et qui sera demain un plus mauvais président encore, se trouve être un excellent candidat.

Comment, en effet peut-on défendre le patronat et réclamer des baisses d’impôts pour les sociétés et en même temps se faire le porte-parole du peuple contre les élites (condition nécessaire à toute élection si on veut avoir des voix) ? C’est là un tour de force qui requiert une certaine intelligence, il faut l’avouer.

D’un côté, il peut prononcer dans un discours à Toulouse le 12 avril dernier : « Si je suis élu président, tout ce que la droite républicaine n’osait plus faire parce qu’elle avait honte d’être la droite, je le ferai », ce qui, on en conviendra, rassurera les investisseurs qui ne savent que faire de leur argent. On n’avait jamais vu quelqu’un de droite avouer jusqu’à quel point il était à droite.

De l’autre il pourra dire : "Je veux parler d’une(…) souffrance, bien réelle, qui ne doit pas être sous-estimée :celle de la France qui n’est pas dans la précarité, qui se lève tôt, qui travaille dur, qui se donne du mal pour nourrir sa famille et élever ses enfants, qui elle aussi je l’affirme est à la peine, et qui entend qu’on le sache et qu’on réponde enfin à son appel. » Là, il s’adresse aux Français ordinaires, autrement dit à la majorité de la population(et donc à sa réserve d’électeurs).
Comment ceux-ci ne vont-ils pas lui reprocher de soutenir le patronat ? Tout simplement en déviant leur regard vers les autres, vers ceux qui ne font rien, autrement dit les chômeurs et les abonnés au RMI. Vous, Français qui travaillez, leur dit-il, vous êtes honorables précisément parce que vous travaillez et même souvent durement, je le sais. Et il ajoute aussitôt, perfide :

« Je n’accepte pas qu’il y ait des gens qui soient au RMI et qui, à la fin du mois, aient autant que des gens comme vous qui se lèvent tôt le matin. »

Bien joué. Les citoyens ne pensent plus aux fortunes colossales que le candidat Sarkozy va aider encore à accroître, ils regardent en dessous d’eux (ce qui fait toujours plaisir de savoir qu’il y a encore plus bas que vous).Et là ils voient des gens qui ont à peu près les mêmes revenus que les leurs en ne faisant rien. Les rentiers, ce sont ceux-là, finalement, pas les patrons, qui après tout travaillent.

Et l’ami Sarko continue à enfoncer le clou : « L’assistanat généralisé est une capitulation morale. L’assistance est une atteinte à la dignité de la personne. Elle l’enferme dans une situation de dépendance. Elle ne donne pas assez pour une existence heureuse et trop pour inciter à l’effort. » Manière habille de suggérer que l’Etat peut réduire ses dépenses et même qu’il le doit. Car aider de telles personnes, ce n’est pas leur rendre service, c’est même pour ainsi dire immoral. Fini donc l’Etat providence (ce qui permettra au passage de réduire les impôts des sociétés). Votez pour moi et tout ira mieux.

Bien sûr il y a les fils de riches, qui eux aussi ne font rien et qui vivent de l’argent que papa a amassé en spoliant les autres. Mais à la limite, c’est moins grave car c’est de l’argent privé, ce n’est pas la collectivité qui paie. Argument imparable.

Et est-ce que le capital, plutôt que d'amonceler des euros dans des grands coffres, ne pourrait pas plutôt venir en aide à tous ces nouveaux pauvres ? C’est là une solution qu’il faut écarter d’emblée et le futur calife a trouvé la phrase qu’il fallait : : « Ils disent : faisons payer le capital ! Mais si le capital paye trop, il s’en ira ».

Ah, il n’y a pas à dire, il est peut-être petit, mais il es t très fort, l’ami Nicolas. En tout cas il a réponse à tout. Pour un peu on voterait pour lui !

26/04/2007

Stratégie de communication

A partir du moment où le temps est désormais compté, les deux candidats qui restent en lice vont essayer de convaincre par tous les moyens. Or il se fait qu’ils ne tiennent pas des discours fondamentalement différents. Pour les départager, c’est plus leur personnalité, la manière dont elle sera perçue par les électeurs, qui sera déterminante.

Sarkozy semble sûr de lui. Il donne l’impression de savoir de quoi il parle et il a une opinion très tranchée sur tous les problèmes qu’on lui soumet. Inconsciemment, cela rassure. Evidemment, il dérape parfois puisqu’il en arrive à dire une chose et son contraire avec un aplomb identique. Pour beaucoup, cette assurance agace dans la mesure où elle laisse transparaître un caractère intransigeant, qui n’accepte pas la critique.

Ségolène, elle, paraît mal à l’aise à la tribune. Ce n’est pas une oratrice et on dirait qu’elle répète un texte pour une pièce de théâtre plutôt que d’exprimer ce qu’elle pense réellement. Il lui arrive d’ailleurs de dire qu’elle s’en remettra à l’opinion des Français, attitude très démocratique, on en conviendra, mais qui donne aussi l’impression qu’elle n’a pas d’opinion et encore moins de solution. Elle tente de dépasser cette fadeur en affichant sa féminité de manière discrète, mais réelle (habillement, sourire, oreille tendue). On conviendra qu’elle est plus séduisante que l’Allemande Angela Merkel, mais ce qui semble être un atout pourrait aussi lui coûter la victoire car les Français ne veulent pas d’une simple potiche à la tête de l’Etat.

Ce qui est sûr, c’est que dans les coulisses, les spécialistes en communication doivent être en ébullition et donner de nombreux conseils (le doigt tendu de Sarkozy peut ressembler à un salut hitlérien, il faut donc l’éviter. Le manque de crédibilité de Ségolène doit être compensé par un air solennel, comme si elle était déjà présidente). Beau symbole de notre époque où l’être a fait place au paraître.

Ce n’est d’ailleurs plus un homme ou une femme que les Français vont élire, mais une image. Gare aux lendemains pluvieux, quand le masque sera tombé et les lampions éteints.

25/04/2007

Littérature et politique

"Vous vaincrez, parce que vous possédez plus de force brutale qu'il ne vous faut. Mais vous ne convaincrez pas. Car, pour convaincre, il faudrait que vous persuadiez."

 

« Je ferai, s’il le faut, fusiller la moitié de l’Espagne » avait dit Franco. Et tout le monde d’approuver. Tout le monde sauf un seul.  Resté à Salamanque à la tête de son université, en territoire nationaliste, le vieux philosophe Unamuno va se faire entendre.

Ce jour-là, il y avait une réception dans le grand amphithéâtre de l’Université. De nombreux  représentants du parti franquiste étaient présents. Le général Millan Astray, mutilé de guerre, décoré, prend la parole. Il critique vivement le Pays basque et la Catalogne. Ses partisans applaudissent à tout rompre et hurlent ‘Viva la muerte ». 

Alors Unamuno se lève lentement et dit : «Il y a des circonstances où se taire est mentir. Je viens d'entendre un cri morbide et dénué de sens : vive la mort ! Ce paradoxe barbare est pour moi répugnant. Le général Millan Astray est un infirme. Ce n'est pas discourtois. Cervantes l'était aussi. Malheureusement, il y a aujourd'hui, en Espagne, beaucoup trop d'infirmes. Je souffre à la pensée que le général Millan Astray pourrait fixer les bases d'une psychologie de masse. Un infirme qui n'a pas la grandeur d'âme d'un Cervantes recherche habituellement son soulagement dans les mutilations qu'il peut faire subir autour de lui.» 

Puis il ajoute sa célèbre phrase : « Vous vaincrez, parce que vous possédez plus de force brutale qu'il ne vous faut. Mais vous ne convaincrez pas. Car, pour convaincre, il faudrait que vous persuadiez. Or, pour persuader, il vous faudrait avoir ce qui vous manque : la Raison et le Droit dans la lutte. Je considère comme inutile de vous exhorter à songer à l'Espagne. J'ai terminé.»

 
Assigné à résidence dans sa maison, Unamuno mourra quelques semaines plus tard.

24/04/2007

Politique et patrie.

Si quelque chose a changé, finalement, en politique, c’est le rapport à l’identité nationale. Quand j’étais enfant, j’entendais des gens autour de moi refuser de voter à gauche car cela revenait, selon eux, à voter pour Moscou. C’était aller un peu vite en besogne, car le PS n’était pas le PC, tout de même, mais bon. Quand quelqu’un voulait apporter quelques nuances, on lui répondait invariablement qu’il existait une internationale socialiste et que les décisions de politique générale seraient prises en dehors de la France, dans l’intérêt d’un parti et non dans l’intérêt de cette même France. Seul quelqu’un comme de Gaulle incarnait parait-il la patrie et les décisions qu’il prenait ou avait prises l’avaient été pour la grandeur du pays (si pas pour le bien des citoyens). 

Aujourd’hui, on a presque la tendance inverse. La gauche voudrait le bien des citoyens tandis que la droite est prête à vendre père et mère au capitalisme international. Le commerce est mondial, les rapports économiques aussi. Liquidez l’Etat et son pouvoir de contrôle, vendez son patrimoine, débarrassez-vous de son immobilisme et surtout laissez faire ceux qui s’y connaissent en économie. Voilà, en gros, le discours qu'ils nous tiennent. 

Et nous, là-dedans, on devient quoi ? Le contrat social, tel que Rousseau l’avait défini, ne suppose-t-il pas tout de même que tout un chacun doit y trouver son avantage ?