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22/04/2007

L'Amérique et son roman.

Revenons à notre réflexion sur le roman. Certains le croient mort. Je dirais plutôt que c’est le roman français qui tourne un peu à vide, se focalisant sempiternellement sur la période de l’Occupation (voir Modiano et les autres) ou se contentant de réfléchir sur la notion d’écriture. D’un point de vue épistémologique cette dernière démarche ne manque pas d’intérêt, mais pour autant qu’elle ait lieu à coté du roman (dans un texte critique, lors d’une interviewe dans un journal, sur le blogue de l’auteur, etc.) et non dans le roman proprement dit. Ce dernier ne peut être le lieu où l’écrivain réfléchit sur les causes profondes de son acte d’écrire, sur ce que cette activité lui apporte sur le plan existentiel. Certes un petit clin d’œil de temps à autre est permis, souhaité, même, mais enfin un roman qui raconte pourquoi l’auteur écrit un roman, cela tourne un peu court. Cela fonctionne si le héros est un romancier (il pourrait tout aussi bien être un plombier ou un musicien), à qui il arrive différentes péripéties (voir le film La discrète, de Christian Vincent, où le héros, sur les conseils de son éditeur, raconte dans son manuscrit l’aventure amoureuse qu’il est en train de vivre, ou plus exactement d’élaborer pour les besoins de son roman). Par contre, cela devient lassant si l’auteur tombe dans un nombrilisme exacerbé et dans des considérations fumeuses sur la technique littéraire. 

Le roman américain me semble à l’opposé de cette démarche. Tout d’abord, il faut dire que je ne suis pas un fanatique de l’Amérique, dont s’exècre pas mal de comportements (superficialité, politique extérieure, guerre en Irak, expansion économique, capitalisme, etc.), mais il faut bien reconnaître que ce pays (continent) possède pas mal de bons romanciers (dont je ne prétends pas être un spécialiste non plus). Ce que je constate, cependant, dans tous les romans nord-américains que j’ai lus, c’est une recherche d’équilibre entre les aspirations de l’auteur (son moi intime, ses convictions existentielles) et le monde qui l’entoure. Il y a ce qu’il souhaite (le monde tel qu’il devrait être) et ce qu’il a sous les yeux (une réalité qui le blesse et qu’il désapprouve). Le thème du roman est finalement la tentative de faire coïncider ces deux univers, afin de permettre au héros (ou à l’auteur), d’exprimer ce qu’il est dans un monde qui n’était finalement pas fait pour lui. 

J’ai rencontré une telle démarche dans les oeuvres de Penn Warren (Les eaux montent, Les Fous du roi, Les rendez-vous de la clairière, etc.), de Styron (Le choix de Sophie, La proie des flammes, etc.), de Frédéric ProKosch (Les Asiatiques, Les sept fugitifs, etc.). A chaque fois le héros tente d’exprimer ce qu’il est, ce qu’il ressent. Dans un premier temps il n’y parvient pas, tant le monde qui l’entoure est cruel (le village de l’enfance qui va être détruit par la construction d’un barrage, dans Les eaux montent, l’équilibre affectif recherché qui est en opposition avec la vie politique dans Les fous du roi), puis, finalement, à la suite de différents compromis, il parvient tout de même à trouver un équilibre satisfaisant pour lui. Certes il a dû renoncer à une  partie de son rêve, mais au moins il pourra vivre en harmonie avec lui-même en s’étant construit une place qui lui convienne dans la société.

Commentaires

Eh, eh, voilà l'ami Feuilly qui passe carrément à la trappe le problème de la traduction... Comme si le roman américain ou autre, d'ailleurs, nous arrivait directement rédigé en langue française. La traduction crée toujours un décalage, je ne trouve pas d'autre mot, qui, forcément, va modifier le jugement du lecteur sur l'oeuvre.

Par ailleurs, je ne vois pas en quoi le roman nord-américain (ou autre) permet d'affirmer que le roman est toujours possible en 2007.

J'attends du roman non qu'il me permette de m'évader -- surtout pas ! -- mais bien au contraire qu'il me verse du réel à pleins seaux. Tant qu'on en fera ce qu'on en fait actuellement : un moyen de ne surtout pas se fatiguer, de se détendre, de s'évader, de se distraire (ces trois derniers verbes sont pour moi exécrables), tant qu'on s'occupera de lire une histoire, alors le roman restera mort. Il ne renaîtra que lorsqu'un grand artiste le prendra en main. Il n'en est aucun aujourd'hui. Tu sais à quel niveau je situe l'artiste en question, j'en ai parlé cent fois en cent endroits : Hugo, Stendhal, Flaubert et, plus près de nous et un cran plus bas tout de même, Montherlant, Hemingway, Vailland.

Écrit par : Jacques Layani | 22/04/2007

Mais c’est n’importe quoi ! Je suis le tout premier à regretter devoir passer par des traductions, mais enfin celles-ci ne dénaturent pas le sens d’un livre à ce point. Ce qu’elles nous font perdre, c’est le style, le jeu des sonorités, l’euphonie des mots, pas le contenu.
Ensuite je ne parle pas ici de romans d’évasion ou de détente. Bien au contraire, il s‘agit d’œuvres qui vous prennent aux tripes et qui ont quelque chose à dire, l’histoire racontée n’étant qu’un moyen pour exprimer cela.

Écrit par : Feuilly | 23/04/2007

Dans cette note, je regrette, le mot "traduction" n'est pas présent.

Ensuite, tu dis : "celles-ci ne dénaturent pas le sens d’un livre à ce point". Je ne suis pas d'accord. De plus, cela suppose une confiance vis-à-vis du traducteur que je n'ai pas nécessairement envie de lui accorder.

Tu ne m'as pas prouvé dans ce texte la possibilité (j'aillais dire : ontologique) du roman en 2007.

Écrit par : Jacques Layani | 23/04/2007

Bon, reprenons...
Je ne parlais effectivement pas de la traduction parce que ce n'était pas mon propos. Certes la traduction trahit toujours. Mais elle dénature surtout la poésie, où les sonorités et le "génie" de la langue sont si importants.
Prendre l’argument de la traduction pour tenter de savoir si la roman a encore une place ou pas me semble étrange. A ce titre, Neruda, Rilke et Hölderlin ne seraient pas pour nous des poètes et leur poésie ne serait plus de la littérature.

Écrit par : Feuilly | 24/04/2007

"Prendre l’argument de la traduction pour tenter de savoir si la roman a encore une place ou pas me semble étrange" : non, Feuilly, c'est toi qui présente ça comme ça.

Reprenons, comme tu dis. Tu exposes que le roman français ne va pas, que le roman étranger serait plus fidèle à "une recherche d’équilibre entre les aspirations de l’auteur (son moi intime, ses convictions existentielles) et le monde qui l’entoure". C'est à ce moment-là que je te rappelle que tu n'es pas en possession d'une oeuvre originale mais d'une oeuvre traduite et que, par conséquent, tu ne peux pas affirmer ça.

Par ailleurs, et c'est une autre question, j'attends toujours que tu m'expliques, si tu le veux bien sûr, en quoi le roman est encore possible en 2007.

Écrit par : Jacques Layani | 24/04/2007

Bien sûr, c'est une oeuvre traduite, mais on n'a pas pu en dénaturer le sens à ce point.

En quoi il reste possible en 2007? Le roman raconte toujours une rupture, un déséquilibre. Il me semble que la société actuelle va suffisamment mal pour qu’on ait envie de la changer. Le roman peut donc mettre en scène la révolte ou le désaccord de l’individu face à cette situation.

Écrit par : Feuilly | 24/04/2007

Eh oui, mais ça, c'est Hugo, Stendhal, Flaubert, Hemingway... Je cherche ces gens-là en 2007. Si on me présente de nouveaux Misérables, alors d'accord. Je n'ai rien vu de tel.

Écrit par : Jacques Layani | 24/04/2007

D'accord. Ce qu'il manque, c'est un auteur qui ait de l'envergure (voir "Le Voyage au bout de la nuit"). Mais cela n'a rien à voir avec le genre romanesque en lui-même.

Écrit par : Feuilly | 24/04/2007

Si, justement, fichtre de foutre ! Oh, que si ! Le genre romanesque est mort aujourd'hui. "Et le combat cessa faute de combattants" : c'est la même chose. Le roman a cessé faute d'écrivains. S'il en débarque un nouveau, je reverrai mes positions.

Écrit par : Jacques Layani | 24/04/2007

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