16/04/2007
Le vocabulaire d'Internet
L’expression associée à Internet, celle que l’on peut lire sur toutes les publicités (on se demande d’ailleurs en quoi Internet a encore besoin de publicité) et qui est désormais consacrée, relève du sport aquatique. Je veux parler du verbe surfer. On surfe, parait-il, sur Internet, ce qui tendrait à prouver que je ne maîtrise pas cet instrument. En effet, il n’y a rien que je déteste plus que cette activité de surface, liée à la vitesse et qui oblige celui qui la pratique à glisser à la surface des choses sans vraiment les approfondir. Certes, comme tout un chacun, quand je consulte un article, celui-ci m’entraîne souvent vers un autre, tout aussi intéressant et ce dernier vers un troisième et ainsi de suite. Mais surfer suppose une vitesse et une rapidité qui ne me conviennent pas. Si j’entre dans un sujet, j’aime tourner autour à mon aise, l’approfondir, le faire mien. En décortiquer la substantifique moelle, comme disait un de nos grands écrivains. A quoi bon survoler des sujets en n’en comprenant que l’aspect extérieur ? A quoi bon toujours courir sans rien pénétrer vraiment ? C’est un peu comme si vous vous contentiez de regarder le visage des femmes que vous croisez dans la rue, sans désirer en connaître une plus intimement. L’essentiel n’est-il pas pourtant derrière ses yeux à demi-fermés ?
22:42 Publié dans Actualité et société | Lien permanent | Commentaires (10)
Commentaires
Des yeux à demi-fermés sont toujours à demi-ouverts...
Tu te demandes en quoi Internet a encore besoin de publicité ? Mais Internet, en dépit des apparences, n'est absolument pas entré dans les moeurs ! Je m'explique : nous voyons ça de notre point de vue, nous qui sommes dedans jusqu'au cou, qui y passons un temps très important chaque jour, qui avons le "réflexe Internet". Mais la plupart des gens ne l'ont pas, je t'assure. Sans parler de ceux qui n'ont encore jamais touché un ordinateur (ça existe encore, si, si), il y a ceux qui n'ont pas intégré Internet. Et je n'évoque même pas ceux qui ne savent pas s'en servir, qui ne possèdent pas le b-a-ba.
Tiens, dans l'édition, c'est très rare. L'Harmattan, pour ne pas le nommer : c'est un éditeur qui, lorsqu'il veut te faire part de quelque chose d'urgent, t'écrit par la poste, fait transiter sa lettre par je ne sais quel circuit interne, et l'envoie finalement à petite vitesse. Neuf jours plus tard, tu la reçois. Je n'invente rien.
Je réponds donc en disant : "J'ai une adresse électronique, vous la connaissez, je vous la redonne. La prochaine fois, écrivez-moi ainsi, et j'aurai votre message en quelques secondes". Résultat : la lettre suivante est expédiée dans les mêmes conditions : neuf jours.
Écrit par : Jacques Layani | 17/04/2007
Je confirme. La moitié des Français n'a pas accès à la Toile, ne parlons même pas de l'ADSL. L'autre moitié a soit un usage maladroit, soit un usage spécialisé du réseau. Dans le premier cas, on a une foule de personnes qui ne savent pas taper ou qui tapent à la gendarme avec un doigt ; on a aussi un très grand nombre de personnes qui ignorent tout des astuces pour affiner une recherche à travers un moteur ou éliminer le bruit ; on a aussi un très grand nombre de personnes qui se limitent au portail d'accès de leur FAI ou qui ignorent l'existence de signets, encore plus de signets partagés, d'historique, etc. et qui se contentent de quelques adresses données. J'ai souvent parlé sur mon blogue d'une inculture dans la recherche documentaire. Il faut se rendre compte que la plupart des gens ne dépassent pas la première page de Google (je dis Google parce que c'est souvent le moteur par défaut) et pire même ! il y en a un quart qui se contente du premier lien...
Si on regarde les usages sociaux comme les blogues (mais on pourrait parler des sites de partage de photos ou de Wikipedia aussi bien), les blogues arrivent en 13e et dernière position après le courrier, les MP3, les chats pour jeunes et femmes désespérées au foyer, la météo ou l'horoscope de la page d'accueil... C'est hyper-minoritaire. On dit que les blogues vont faire la révolution pour les élections en France. Et vous savez combien d'internautes lisent ou participent à des blogues, des forums politiques ou traitant un peu de politique ? 2 % ! 2 % de 50 % ! Dans cette partie, il y a sans doute encore une minorité qui ouvre les liens pour vérifier les informations. Révolution du pronétariat et Web 2.0, mes fesses, comme dirait Zazie !
En outre, je suis persuadé que la plupart des gens ne savent pas lire sur la Toile, qu'ils ne voient pas comment une information peut être située, contextualisée, historicisée, mise en perspective. Cela donne souvent des interventions de défoulement ou de réactions primaires dans beaucoup de blogues ou de forums de journaux. Pire, ils ne savent souvent pas écrire quand on a affaire à des militants : la pratique du copier-coller d'affiches ou de tracts qui sont balancés un peu n'importe où en est une preuve. Une écriture raisonnée, pensée pour un public précis à un moment précis et sur un sujet donné, ce n'est vraiment pas le cas de tout le monde.
Je m'en tiens à des généralités, mais je pense que le fait de réfléchir à son usage de la Toile est très très marginal et que la plupart des usages sont limités, communautaires. Ce qui ne veut pas dire que la dénonciation de la navigation forcenée serait une idée fausse : lorsque j'ai eu accès à Internet il y a presque dix ans, j'ai passé le premier mois dans une exploration de liens en liens qui finissait par ne plus avoir de sens.
Écrit par : Dominique | 17/04/2007
Tiens, c'est vrai, cela fait près de dix ans. Ce devait être vers 1998 ou 1999 que j'ai commencé à explorer des pages internet. Toutefois, ma première intervention sur un forum date de janvier 2003, mon premier commentaire sur un blog de l'automne 2004. Puis il y eut LSP où nous nous connûmes tous les trois.
En revanche, je me suis toujours "méfié" des liens, je veux dire : des portes qui s'ouvrent derrière d'autres portes, derrière d'autres portes, derrière d'autres portes, derrière d'autres portes... J'ai senti que ce ne serait plus maîtrisable et forcément dénué de sens, effectivement.
Écrit par : Jacques Layani | 17/04/2007
Oui, j'avais donné un jour sur mon blogue l'exemple d'une dessinatrice de BD que l'on peut qualifier comme très à gauche, antiraciste, écologiste (Laurel) et en moins de cinq clics sur les blogolistes découvertes, on se retrouvait sur un blogue de BD non pas simplement d'extrême droite mais carrément néo-nazi. J'ai évité de citer certains sites qui parlent de défense de la langue, non pour le contenu de leurs billets, mais parce qu'ils pointent vers des sites souverainistes ou régionalistes qui eux-mêmes pointent vers des sites encore plus orientés...
Écrit par : Dominique | 17/04/2007
Il reste que le débat prévu entre les quatre principaux candidats à la présidentielle n'aura pas lieu sur Internet.
Faiblesse du système, manque de crédibilité des intervenants blogueurs ou méfiance des candidats? Il est vrai que les questions n'auraient pas été filtrées au préalable par une chaîne de télévision.
Écrit par : Feuilly | 17/04/2007
Il y a un candidat qui a refusé, mais les autres avaient accepté sans grande conviction, à mon avis parce qu'ils savaient que cela n'aurait pas lieu. Ce candidat ne croit absolument pas à Internet pour le démarchage politique (et a raison sur ce point), base sa campagne sur la télévision et les images de presse. Les podcastings et les Politic.show qui montrent des entretiens avec des candidats sont totalement superficiels selon moi, ils n'apportent rien de plus par rapport au journalisme traditionnel qu'ils singent et ce n'est pas plus impertinent, il s'agit juste de la mauvaise imitation de la télévision, et on a eu le pire exemple de ce qu'il est possible de faire avec le très surdimensionné et surégotisé Versac qui a fait un entretien plus que lamentable face à Le Pen avec l'excuse bidon qu'il était malade ce jour-là. Cela peut servir aux petits candidats ou sur un plan local, mais la Toile ne jouera aucun rôle dans cette élection ou seulement à la marge. Ils ne sont pas journalistes, mais ils font souvent plus mal que de vrais journalistes tout en prétendant les remplacer...
Ce qui se joue est différent. On a une occupation des lieux par les partis, mais c'est pour que l'on ne puisse pas dire dans la presse traditionnelle qu'ils sont battus sur la Toile (le blogue de l'UMP est en rade depuis cinq jours, ce qui commence à alimenter un bruit, on s'interroge sur les arrêts de certains blogues de journalistes sarkozystes). Il y a les rumeurs aussi, mais elles n'ont d'importance que si elles sont reprises dans la vraie presse et la Toile peut servir de pseudo-source (on dit sur Internet). La différence, c'est la naissance d'un discours plus critique par la mise en commun d'instruments d'analyse, j'invite par exemple à lire le dernier texte de Jean Véronis sur le psittacisme de certains candidats, très édifiant ! J'avais noté ces traits en visant à chaque fois Laguiller, mais juste par intuition. D'un autre côté, on a la confirmation de ses propres convictions, cela peut se faire de manière ludique dans SecondLife (pas trop mon truc les jeux de rôle), ou bien par la mise en place d'une sorte de site qui va servir de miroir et là je trouve que le blogue de François Mitterrand est particulièrement intelligent en plus d'être drôle et bien écrit, mais c'est une entreprise qui reprend ce que l'on faisait déjà avec des livres (cela me rappelle les opérations Caton ou autres pilotées par Hollande). Je pense que les universitaires auront une matière fort riche à analyser (même si dans certains cas il y a des discours absents comme ceux de la LCR qui ne sont jamais diffusés bruts), qu'il y aura de nouveaux outils d'analyse, que l'on aura vu des stratégies un peu nouvelles pour fédérer des troupes ou diffuser des documents, mais en gros cela n'aura pas été une web-campagne malgré les rodomontades des journalistes-ctitoyens.
Écrit par : Dominique | 17/04/2007
Les blogues resteront donc comme une sphère privée où déverser ses doutes et son désarroi. Une sorte d'endroit où exprimer une lassitude certaine devant des candidats qui finissent par se ressembler tous malgré les apparences.
C'est là, peut-être, que l'on rencontrera le peuple, c'est là, peut-être, que se réfugie finalement la démocratie. Mais c'est un lieu qui ne compte pas, un monde virtuel, l'image d'une illusion. Il n'aura servi que d'exutoire à notre colère.
Écrit par : Feuilly | 17/04/2007
Le blog, ce n'est pas rien, cependant. Le problème est que la facilité totale de publication -- immédiatement, librement (et quelquefois stupidement) -- lui confère une importance qu'il n'a guère. Une fois que le mécontent a dit son petit désaccord, voire craché son petit venin, tout continue comme devant. Il y a donc illusion, effectivement.
Malgré tout, ne crachons pas dans la soupe. J'ai connu les photocopieuses sur papier thermique, il fallait passer par un négatif sur papier rose, faire un cliché qu'on réintroduisait dans la machine avant que ne sorte la photocopie (qui noircissait avec le temps). Le tout prenait quelques trois bonnes minutes par photocopie. J'ai connu les machines mécaniques, les doubles sur papier pelure faits au carbone, les crayons blancs pour gommer les fautes de frappe... J'ai connu les salles des professeurs avec des machines à stencils (stencils à alcool ou stencils à encre). Et ce n'était pas au XIVe siècle, n'est-ce pas ? Alors, tout est allé si vite, si vite ! Quand je faisais mes premiers "romans" de quatre pages à l'âge de sept ans, que je dessinais la couverture et que je me demandais comment faire tenir les feuillets ensemble, j'aurais bien aimé que les blogs existassent, et les imprimantes laser couleurs aussi. Quand à vingt ans, "j'éditais" à deux exemplaires la chronique de ma compagne du moment avec des chemises gaufrées, des lettres-transfert, des agrafes et un film de plastique, je n'imaginais même pas internet et rêvait d'imprimerie, de typographie, d'offset. Nihil obstat. Imprimatur.
Alors, tout de même, du haut de mes cinquante-cinq berges, je me dis que, zut, ce n'est pas mal, les blogs.
Écrit par : Jacques Layani | 17/04/2007
Oui, mais on peut se faire des idées fausses à partir de ses statistiques. Tenez, mardi dernier j'ai eu 91 000 pages vues. Est-ce que je dois croire à cette réalité ?
Écrit par : Dominique | 17/04/2007
Non, non, les statistiques, c'est une autre affaire.
Écrit par : Jacques Layani | 18/04/2007
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