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31/12/2007

Déontologie journalistique

Ce qui est amusant, avec Sarkozy, c’est que les journalistes professionnels eux-mêmes (les vrais, ceux de l’AFP, de l’agence Reuters ou du Monde, pas les paparazzi en quête d’images glamour) en sont à se poser des questions sur le respect de la déontologie de leur profession. Faut-il ou ne faut-il pas suivre Nicolas dans ses déplacements ? Faut-il ou ne faut-il pas rapporter ses propos ?

Le problème vient du président lui-même, qui ne marque pas de frontière nette entre les déplacements officiels et les vacances privées. Ainsi le séjour égyptien commence comme des vacances et se termine par une rencontre au sommet avec les autorités égyptiennes. Par prudence, les journalistes se doivent d’être présents. Le Président pourrait faire une déclaration importante ou un attentat pourrait se produire. Par tradition, tout voyage d’un Président implique donc un déplacement de journalistes, qui sont là « au cas où ». Malheureusement ici, le petit Nicols n’a pas dit grand-chose qui soit digne de passer à la postérité. A part tenir la main de Carla et s’extasier comme un touriste ordinaire devant les monuments antiques, il n’a rien dit du tout. On ne peut pas le lui reprocher, il était en vacances. Mais alors, les journalistes de l’AFP devaient-ils être là, eux ? Quel discours devaient-ils tenir ? Devaient-ils ou ne devaient-ils pas le prendre en photo et rapporter des propos insignifiants ? Etait-ce leur rôle ? Manifestement non. Mais d’un autre côté, leur direction sait que le public attend une couverture de l’événement. Si Le Monde ne parle pas des vacances égyptiennes et s’il ne nous offre pas au moins une photo de Carla devant les pyramides ou dans la vallée des rois, les lecteurs seront déçus. Or un lecteur déçu est un lecteur qui s’en va. Moi-même, à la limite, qui regarde tout cela avec ironie et qui attend le moindre faux pas de Nicolas pour ironiser gentiment, j’espère trouver dans la presse un compte-rendu quelconque. Autrement dit, nous nous sommes tous fait avoir, public et journalistes confondus. Même quand il n’y a rien à dire, Sakozy est parvenu à ce que l’on parle de lui et à ce que l’on attende ses paroles « éclairées ».

La presse arabe a été confrontée au même problème et elle a décidé de rester prudente. Certes elle a décrit « les tenues décontractées de Sarkozy » et a fait état , non sans fierté, de « chaque exclamation d'émerveillement du président français devant les paysages et monuments égyptiens. » Mais ce comportement de Sarkozy (décidément très habile, même en terre étrangère) suffira-t-il pour masquer la nouvelle politique arabe de la France et faire oublier les nombreuses déclarations d’amitié de Sarkozy envers Israël et les Etats-Unis ?.

"J'ai étudié la politique de tous les présidents français depuis le général de Gaulle. Pour moi, (ce dernier) incarnait le pic de la politique d'indépendance de la France vis-à-vis des Etats-Unis. Sarkozy représente le pic exactement inverse", commente Nadia Moustapha, professeur de relations internationales à la faculté d'économie et de sciences politiques de l'université du Caire. En effet, du "nouveau toutou de George (Bush)", on se souvient surtout qu’il fut autrefois un fervent défenseur de la laïcité dans l’affaire du voile islamique (étrange soit dit en passant. N’a-t-il pas prôné une laïcité modérée devant Benoît XVI ?). Les réactions des personnalités égyptiennes sont claires : "En France, Nicolas Sarkozy a interdit aux jeunes musulmanes de porter le voile à l'école, prétextant qu'elles violaient le domaine public français. Mais en venant en Egypte en voyage officiel accompagné d'une personne qui n'est pas son épouse, il fait exactement la même chose : il viole le domaine public de la société musulmane."

Voulant séduire en surfant une nouvelle fois sur la vague médiatique et privée, Sarkozy risque cependant d’avoir mal calculé les conséquences de son déplacement en terre musulmane. D’autant plus que pour l’Egypte, la France, c’est Chirac, celui qui s’était opposé à la guerre en Irak. Chirac, le vieil ennemi de Nicolas (« Vous vous rendez compte ? »). Aller se reposer en Egypte et derrière les sarcophages retrouver le fantôme de celui qui vous a précédé. Un comble ! Il va falloir leur expliquer, à ces Egyptiens, que la France, c’est lui, Nicolas et personne d’autre. Finalement, heureusement que Carla était là pour le prendre par la main et le consoler un peu de tous ces ennuis.




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30/12/2007

Jogging matinal

«Un photographe de l'AFP, Thomas Coex, a eu le coude cassé par un policier égyptien alors qu'il prenait des photos de Nicolas Sarkozy et Bernard Kouchner en train de faire un jogging à Charm el-Cheikh samedi. »

On est tombé bien bas. A force de vouloir jouer sur la vague médiatique, le petit président aux amis très fortunés a renoncé à jouer le rôle de sa fonction, en principe emprunte de dignité, pour se complaire dans la théâtralisation de son propre personnage. Ce à quoi on a droit, ce n’est plus aux discours du président d’un grand pays sur les problèmes cruciaux du moment (chômage, dette publique, redressement économique, intégration européenne, Palestine et maintenant Pakistan), mais à des nouvelles sur sa vie privée : vacances sur un yacht en présence de sa femme enfin revenue, vacances aux Amériques en présence de sa ministre de la Justice dont on nous dit qu’il est très proche, vacances en Egypte en présence de Carla Bruni dont il est encore plus proche. Les photos succèdent aux photos, toutes dignes d’un reportage de Paris-Match sur une vedette de cinéma. D’ailleurs de Carla Bruni, dont on nous vente la vitalité sexuelle (elle s’est déjà glissée dans pas mal de lits), les journalistes en sont déjà à guetter des déclarations fracassantes sur les exploits intimes de Nicolas. Plus ceux-ci seront nombreux, plus la France aura un grand président et plus les Français seront fiers d’eux-mêmes. On croit rêver.

En attendant, ce qui est sûr c’est que Nicolas veille précisément à maintenir cette forme physique dont il a bien besoin. En vacances à Charm el-Cheikh, il fait son jogging matinal en présence de son ministre des affaires étrangères. Etrange, on nous avait pourtant dit que la femme de ce dernier, la très médiatique Christine Ockrent se trouvait en visite en Egypte pour des vacances privées et que l’objectivité de son émission sur FR3 n’aurait pas à souffrir de la présence de Sarkozy dans les parages. C’était donc par hasard que tout le monde se retrouvait en Egypte au même moment. La planète étant devenue un village, nous y avions cru (ou avions fait semblant d’y croire). Mais là, cela va être dur à avaler. Comment croire qu’on peut rester neutre quand on sait que votre mari court chaque matin avec le président ? Sans doute a-t-il bien besoin de se remettre en forme, le pauvre Kouchner, et n’a-t-il trouvé personne d’autre, dans cette cité adossée au désert, pour faire un peu de sport.

Signe du style décontracté à la Sarkozy : en hyperactif de première, il oblige tout le monde à courir avec lui. Les ministres courent, mais aussi les gendarmes chargés de sa surveillance (français et égyptiens confondus) et bien entendu les journalistes désireux de le prendre en photo :

« Le temps de sortir un appareil et de courir un peu vers eux, j'étais vraiment derrière, je suis arrivé à peut-être 10 mètres du président", a témoigné le photographe de l'AFP. Un policier égyptien en civil, qui courait derrière les responsables français et leurs gardes du corps, s'est dirigé vers le photographe de l'AFP alors que le reste du groupe continuait à courir. (…) Au cours de l'incident, le photographe a appelé à l'aide un garde du corps français qui suivait Nicolas Sarkozy. Ce garde du corps s'est retourné avant de continuer sa route derrière le président et M. Kouchner, dont le photographe blessé ne pouvait dire s'ils avaient eux-mêmes remarqué l'incident. (afp) »

Avec Sarkozy, on n’a plus le temps de la réflexion. Plus question de méditer sur la pertinence des actions entreprises. On va de l’avant et on court, dans ce qui commence à ressembler à une fuite en avant. Espérons qu’un précipice ne se trouve pas au bout du chemin.


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26/12/2007

De l'individu et de sa place dans le monde.

"Le même fleuve de vie qui court à travers mes veines nuit et jour court à travers le monde et danse en pulsations rythmées.
C’est cette même vie qui pousse à travers la poudre de la terre sa joie en innombrables brins d’herbe et éclate en fougueuses vagues de feuilles et de fleurs.
C’est cette même vie que balancent flux et reflux dans l’océan-berceau de la naissance et de la mort.
Je sens mes membres glorifiés au toucher de cette vie universelle. Et je m’enorgueillis, car le grand battement de la vie des âges, c’est dans mon sang qu’il danse en ce moment."

Rabindranath Tagore, L’Offrande lyrique, Poésie-Gallimard, page 104

On a rarement vu un poète pousser aussi loin la fusion avec la nature, derrière laquelle il voit la main de Dieu. Microcosme au sein du macrocosme, l’homme reçoit ses forces du monde qui l’entoure, monde dont il n’est qu’un des éléments. Loin du libre-arbitre et de la philosophie nietzschéenne du surhomme, Tagore nous donne une leçon d’humilité. Nous ne valons que par les dons gratuits que nous avons reçus.

Plus tard, à l’approche de la mort, il acceptera avec la même reconnaissance et sans révolte la disparition de ses forces et l’évanescence de son être. Tout ce que la nature lui a donné, il est logique qu’elle le lui reprenne.
Difficile de pousser le fatalisme aussi loin. On touche là du doigt la différence qui existe entre l’Orient et l’Occident.

23/12/2007

Gracq, tel qu'en lui-même l'éternité le change.

Gracq, paradoxe d’un homme qui a refusé le Goncourt mais qui a accepté de rentrer dans la Pléiade de son vivant. Ou qui n’a pas daigné être édité en collection de poche, mais qui jouit tout de même d’un grand prestige. Qui s’est montré très réservé envers la modernité et la culture de masse mais qui a vu, cependant, certains de ses livres portés à l’écran. Compagnon de route d’André Breton, on se demanderait bien en quoi son œuvre se rapproche du surréalisme.

Ceci dit, c’est un grand écrivain, au langage pur. Nous l’avions évoqué ici même dans une courte note. Certains lui reprocheront de n’être pas un grand narrateur, ses intrigues se résumant souvent à peu de choses. D’un autre côté, il y a souvent derrière les situations décrites une grande finesse d’analyse et un esprit aiguisé qui cherche à comprendre. Il y a du Proust, chez lui (ce côté vieille France un peu désuet, la préciosité du style, le regard essentiellement littéraire), du Huysmans aussi (il me semble parfois incarner lui-même le personnage de Des Esseintes, ce anti-héros esthète d’A Rebours).

Maintenant, Gracq a conservé jusqu’au bout une certaine logique. Méfiant envers les prix littéraires et toute l’intelligentsia parisienne (voir La littérature à l’estomac), il refuse la Goncourt pour cette raison. Méprisant le grand public manquant de culture, il refuse les éditions de poche, tandis que la Pléiade lui ouvre officiellement les portes du Panthéon littéraire. Au moins on ne peut pas lui reprocher d’avoir sacrifié au goût du temps et d’avoir truffé ses écrits de thèmes triviaux plaisant au public. Solitaire, il sera resté à l’écart du monde, ce qui lui aura permis de conserver un regard personnel, loin des modes du moment.




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Solstice d'hiver

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En cette période de Noël, plutôt que de nous attendrir sur la symbolique de la crèche, je proposerai une réflexion sur nos origines païennes. A côté de Lascaux ou de la grotte de Gargas, si chère à Dominique Autié, il est des lieux préhistoriques qui nous interpellent car ils nous font réfléchir à la vie des hommes qui nous ont précédés. Le site de Stonehenge est incontestablement un de ces lieux privilégiés. Il représente une trace de notre passé, emprunte de mystère, et nous fait souvenir qu’avant nous des êtres ont eux aussi réfléchi au sens de leur présence sur cette terre.

Ce site était bien connu des druides celtiques, qui y pratiquaient des cérémonies, notamment aux périodes d’équinoxes et de solstices. Pourtant, on sait que les Celtes n’ont pas été les bâtisseurs de ce grand cercle de pierre, dont certains prétendent qu’il a été construit les Mycéniens.

Quant à savoir à quoi servait cette construction, tout le mystère demeure. Etait-ce un temple, un monument funéraire ou un observatoire? Ce qui est sûr, c’est que ces mégalithes mettent en valeur des phénomènes astronomiques. On parvient à y calculer le cycle des éclipses lunaires. D’un point de vue astronomique, les calculs et les résultats obtenus sont incontestables. Pourtant, les archéologues font remarquer que la construction s’est faite en trois ou quatre étapes, ce qui semble ruiner l’idée d’un but fonctionnel précis. Nos cathédrales, cependant, ont bien été construites sur plusieurs siècles, sans que la foi première qui a présidé à leur érection ait été modifiée. Combien d’églises n’ont pas une partie romane et une partie gothique ? Les techniques avaient évolué, mais la démarche religieuse était toujours la même. Alors il se pourrait bien qu’il en eût été de même à Stonehenge et que la démarche spirituelle des peuples primitifs qui bâtirent ce site fût restée la même. Mais comment des peuples primitifs, précisément, purent-ils avoir de telles connaissances en astronomie ? Cela semble improbable, ce qui renforce encore le mystère de ces mégalithes. D’un autre côté, quand on suit Lévi-Strauss dans son analyse structurale des mythes amérindiens, on se rend compte que ces mythes reposent souvent sur une base astronomique (position de la lune, constellations, etc.). C’est ainsi, par exemple qu’un même conte peut s’inverser selon qu’on se trouve dans l’hémisphère Nord ou dans l’hémisphère Sud. Il semble donc bien que ces peuples, habitués à vivre dehors et à se guider avec les étoiles avaient une meilleure connaissance des astres que nous.

En tout cas, pour ce qui est de Stonehenge, beaucoup de scientifiques s’accordent pour dire que la précision des emplacements des mégalithes est trop grande pour être le fruit du hasard. Ainsi, au solstice d'été, les premiers rayons de soleil traversent le cercle et viennent frapper la pierre centrale. Au solstice d'hiver (soit pour cette année le 22 décembre 2007 à 7H 07), les rayons passent entre les blocs de trois pierres placés aux extrémités. Cette précision a de quoi confondre et nous oblige à nous demander ce que furent et ce que pensèrent ces être qui nous ont précédés et dont nous descendons, incontestablement. S’ils ont inventé la science astronomique et la religion, on peut supposer aussi qu’ils inventèrent la littérature, même si elle était orale. Quels contes se racontèrent-ils, dans la nuit des temps, pour justifier leur existence sur cette terre ? Comment se persuadèrent-ils qu’ils étaient différents des animaux, nos frères ? Comment inventèrent-ils la culture en dressant vers le ciel ces énormes blocs de pierre ? Le mystère reste entier, ce qui rend leur existence encore plus fascinante à nos yeux.




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02:25 Publié dans Errance | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : stonehenge

21/12/2007

De la religion

On savait que Sarkozy aimait imiter le président Bush. On ne savait pas qu’il irait jusqu’à le suivre sur le terrain de la religion. « Les racines de la France sont essentiellement chrétiennes » a-t-il dit. On n’en avait jamais douté. Mais elles sont aussi celtiques et romaines. Et il ne faudrait tout de même pas passer sous silence 1789 et les deux siècles qui ont suivi. A force d’afficher sans complexe sa position à droite, il va bientôt nous tenir un discours digne de l’ancien régime. C’est sans doute ce qu’il voudrait : revenir à une société où les privilèges sont le propre de quelques-uns. D’ailleurs, si on l’écoute, on a l’impression que la Révolution n’a jamais eu lieu. Pour affermir sa position, il s’entoure de tous les penseurs chrétiens : Pascal, Bossuet, Péguy, Claudel, Bernanos, Mauriac, Maritain, Mounier, René Girard .

Il faut, nous dit-il, nous acheminer vers une laïcité positive. Que voilà un langage ambigu. La société française est laïque, point final. Intégrer officiellement la pensée religieuse dans son fonctionnement, cela revient tout de même à réduire la laïcité. Mais c’est que Sarkozy a besoin de citoyens qui « croient » et « espèrent ». Il n’a jamais si bien dit. Chacun espère qu’il tiendra ses promesses et donc que nous jouirons d’un meilleur pouvoir d’achat. Mais si notre attitude doit se fonder sur l’espoir, c’est donc que les promesses ne sont pas près d’être tenues.

Non, je plaisante. Par espoir, Nicolas veut parler de transcendance. Car la religion propose une morale, chacun le sait. Pour remettre de l’ordre dans notre société dépravée, il lui faut donc le concours des prêtres. Après les propos fermes contre le nucléaire iranien, tout cela commence sérieusement à ressembler au sabre et au goupillon.

Bon, si la foi redevient la base de notre société, que faut-il penser de la présence des musulmans dans notre pays ? Il voulait des croyants, Nicolas ? Et bien il en a des millions, de quoi se plaint-il ? Pourtant il n’a pas eu un mot à leur intention. C’est que ceux-ci, s’ils ont une foi plus vive que les catholiques, semblent se trouver du mauvais côté de la barrière. C’est bien connu, en religion, il y a les bons et les méchants. Les bons, c’est nous, les méchants, ce sont eux. Diable (enfin, si j’ose dire), tout cela va nous amener une guerre civile. D’un côté les catholiques intégristes, de l’autre, dans un même combat, les athées, les laïcs et les musulmans. Cela nous promet une belle Saint Barthélemy, tout cela.

19/12/2007

Actualité littéraire

Dans l’actualité littéraire, deux choses à retenir.

Notre ami Sarkozy (encore lui) propose d’autoriser la publicité pour les livres à la télévision. Puisque les jeunes ne lisent pas et qu’ils passent leur temps devant le petit écran, allons capter leur attention là où ils se trouvent, autrement dit colonisons littérairement ce petit écran.
Outre le fait qu’on pourrait se demander si une telle démarche relève bien de la fonction de la présidence (ne serait-ce pas plutôt là une réflexion qui devrait venir des députés ?), on est surtout étonné de voir Nicolas se pencher sur cette problématique de la lecture chez les jeunes.

Le problème, cependant, est double. D’une part rien ne dit qu’un jeune qui ne lit jamais va se précipiter sur un livre rien que parce qu’il en a vu une publicité. D’autre part, une telle démarche, qui relève du marketing, va encore affaiblir le contenu des livres proposés. En faisant de ceux-ci des objets à vendre, on sera inévitablement amené à proposer des romans faciles et au succès assuré. On n’ose imaginer dans quel précipice on va encore tomber. Il suffit d’avoir regardé dix minutes une Star Académie pour s’en faire une petite idée. Il est à craindre, en effet, que le contenu des livres qui seront ainsi proposés sera du même acabit.

On peut donc douter de la volonté du Président de vouloir promouvoir la lecture. Issu de la société médiatique, lisant probablement for peu lui-même, il semble surtout ici faire le jeu des grands groupes éditoriaux, lesquels seront les seuls capables de supporter les frais de publicité. L’écart va donc encore se creuser un peu plus entre la vraie littérature et de simples historiettes à vendre. Déjà qu’on n’éditait que des manuscrits évalués principalement sur leur capacité à se vendre (et émanant, de préférence de personnalités déjà bien connues), ce n’est pas cette reconnaissance officielle de la publicité qui va arranger les choses.

Ceci dit, Sarkozy ne trompe personne. Il n’a jamais parlé, lui, de littérature, mais simplement de livres. Il recevait les grands éditeurs lors d’un dîner à l’Elysée. Ceux-ci, comme les représentants de n’importe quel corps de métier, en ont profité pour se plaindre. Nicolas, qui, il faut le reconnaître, ne manque ni de ressources ni d’énergie (voir ses galipettes avec la belle Carla Bruni) leur a donc proposé de gérer leur secteur comme tous les autres. Pour vendre, il faut se faire voir. Il en sait quelque chose, le bougre.



Deuxième nouvelle, dont on a peu parlé : l’affaire Handke. On se souvient que suite à un article paru dans Le Nouvel Observateur, l’administrateur de la Comédie-Française, Marcel Bozonnet avait refusé que son institution jouât une pièce de Handke. La présence de l’auteur aux obsèques de Slobodan Milosevic avait en effet été perçue comme un soutien politique à ce régime tant décrié. Et bien, on apprend que Le Nouvel Observateur vient d’être jugé coupable de diffamation par le Tribunal de grande instance de Paris le 3 décembre. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on en a beaucoup moins parlé que lorsqu’il s’était agi de salir la réputation de l’écrivain. Comme il se trouve que j’aime bien les livres de Handke (un ami par ailleurs de Wim Wenders), toujours remplis de désespérance, je me permets de faire ici modestement écho à la décision du tribunal.

Handke avait attaqué l’hebdomadaire sur deux imputations diffamatoires : la position révisionniste qui aurait soi-disant été la sienne et le fait qu’il aurait approuvé le massacre de Srébrenica. Le tribunal a estimé que le terme « révisionnisme » avait été utilisé en général par le journal et non dans le sens précis qu’on lui donne habituellement. Handke n’obtient donc pas gain de cause sur ce point. Par contre, le même journal ne pouvait affirmer « sur la seule base de la présence, incontestée, de Peter Handke aux obsèques de Slobodan Milosevic, que celui-là approuvait les massacres reprochés à celui-ci. »

Malheureusement, la presse, plus prompte à s’acharner sur une personnalité un peu passée de mode qu’à rectifier ses erreurs, n’a pas donné à la décision de justice la publicité qui s’imposait. La victoire est donc purement morale (plus un euro de dommage et intérêts).

Sur le fond de l’affaire, je ne pense pas que Handke ait jamais approuvé l’attitude de Milosevic. Disons plutôt qu’il a vu dans le bombardement de la Serbie la mainmise de l’impérialisme occidental sur un petit état encore fidèle à Moscou. Il est vrai que la Serbie, en jouant cavalier seul, portait un peu ombrage à l’expansionnisme américain dans les Balkans. Elle risquait en effet, au nom d’une doctrine raciste condamnable et qu’on fait bien, par ailleurs, de réprouver, de reconstituer à son profit l’ancienne Yougoslavie. Soutenue par le Kremlin (l’amitié pro-russe se fond en partie, ô ironie du sort, sur une commune appartenance à la religion orthodoxe), il fallait donc diminuer son influence. Handke fut manifestement sensible à son rôle de victime. Cela ne veut pas dire qu’il approuvait la position raciste tenue par ses dirigeants. Condamner ipso-facto la Serbie (laquelle en 1940 était pourtant de notre côté alors que la Croatie soutenait Hitler, précisément pour se dépêtrer de l’hégémonie serbe) revenait pour l’écrivain à soutenir le nouvel impérialisme mondial. C’est du moins comme cela que j’ai cru comprendre sa position.




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17/12/2007

Feuilleton présidentiel

Ainsi donc il est parti. Ouf. « Il », c’est Kadhafi, bien entendu, celui qui a gâché la vie de notre président bien aimé pendant cinq longues journées. Evidemment, c’était le prix à payer. On ne peut pas à la fois arriver au bon moment, faire libérer les infirmières bulgares, devenir une vedette internationale et ne pas recevoir celui par qui tout cela est arrivé. Il faut dire qu’il n’attendait que cela, Kadhafi : se faire reconnaître, lui aussi, sur la scène internationale. On comprend donc pourquoi le courant avait si bien passé au téléphone entre lui et Nicolas, quand il s’était agi de trouver un accord équitable au sujet des infirmières.

Par contre, une fois à Paris, on a tout de même l’impression que c’est le leader libyen qui a eu la vedette. Normal, il se retrouvait en position de force. Il venait toucher le salaire promis, tandis que Nicolas, lui, passait à la caisse. Et l’addition fut salée puisqu’il lui fallut avaler à peu près toutes les couleuvres glissées par son invité. Et pour une fois il n’y a pas eu que la gauche pour protester. Dans son propre camp des voix se sont élevées pour critiquer cette visite, des voix provenant de personnes qu’on croyait définitivement attachées au service du Tsar. Ligotées et ficelées depuis le début dans les filets de la reconnaissance, elles qui devaient tout à Nicolas, voilà qu’elles se permettent de montrer leur désapprobation. Du jamais vu. Jusqu’à Kouchner, qui portant saluait sans problème le Guide en Libye et qui se montre subitement réticent quand celui-ci est à Paris. « Vous vous rendez compte ? On n’a jamais vu cela » a dû dire Nicolas. Et Kadhafi qui en rajoute en insistant sur les incohérences de ce médecin qu’on croyait sans frontières et qui en trace pourtant bien une entre lui et ceux qui ne respectent pas les droits de l’homme. Mais peut-être n’est-ce pas seulement sa bonne conscience qui le fait parler ? Lui qu’on sait résolument atlantiste et qui, par ses discours sur l’ingérence humanitaire, a contribué à justifier la guerre en Serbie, il ne faudrait pas s’étonner qu’il ait reçu des ordres d’ailleurs. Rien ne nous dit qu’il ne travaille que pour Nicolas (d’ailleurs il n’y a pas si longtemps qu’il était, il me semble, de l’autre côté de la ligne réputée infranchissable qui sépare la droite de la gauche. Avec des gens comme cela, il faut donc s’attendre à tout). Imaginez donc qu’il ait été chercher ses ordres outre-Atlantique ? « Ce serait incroyable, cela ! » comme dirait je ne sais plus qui. Car il se pourrait bien que la reconnaissance de Kadhafi par la communauté internationale ne plaise pas tant que cela à Washington. Après tout, n’était-il pas le poulet qu’on voulait plumer après Sadam ? Et voilà le volatile qui non seulement continue à bien se porter mais qui en plus prend son élan et vole de ses propres ailes. Il se pourrait donc que Nicolas, en voulant se mettre lui-même en avant, ait outrepassé la limite assignée par les Américains. De plus, aller vendre des centrales nucléaires clef sur porte à un pays arabe, cela ne doit pas plaire beaucoup.

Ah que d’ennuis quand on est président ! Bon, ce poste, il l’a voulu et il l’a eu (c’est comme les Français : ils ont voulu Nicolas, ils l’ont eu). On ne va quand même pas le plaindre, maintenant. Après tout, ce n’était pas si terrible, cinq jours. Il suffisait de ne rien dire et de se taire. En attendant, on comprend qu’il soit allé se distraire à Disneyland le samedi. Pas seul, évidemment et pas pour faire un tour de manège. Non, pour se promener en compagnie de la belle Carla Bruni. Ancienne Top-modèle, elle est devenu auteur-compositeur. Va-t-elle faire chanter Nicolas ? L’avenir le dira. En attendant, la presse à sensation va titrer sur cette promenade à deux, photos à l’appui. Et revoilà Sarkozy à la une des journaux, tout ce qu’il aime. Avouez qu’il l’a bien mérité. Cinq jours sans faire la vedette, c’était tout de même beaucoup. Et puis tant que les Français s’intéressent à ses amours, ils ne pensent plus à leur pouvoir d’achat. En jouant sans cesse des médias, Nicolas aura fait descendre la fonction de président bien bas, au niveau d’un amuseur public, autrement dit d’une vedette de cinéma. Après les vacances en famille et le divorce, voici les amourettes. Bah, tant que cela amuse le peuple… Ceci dit, elle est mignonne, la petite Carla, vous ne trouvez pas ? On finirait pas comprendre Nicolas et par lui donner raison. Même moi. Elle a un petit défaut, cependant. Elle est née en 1968. Heureusement, c’était en décembre !




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16/12/2007

Le temps des fêtes

Le temps s’écoule inexorablement. La religion, cet opium du peuple, en nous proposant à date fixe de commémorer la naissance d’un Dieu, semble avoir intégré l’ancien mythe antique de l’éternel retour. Chaque année, en effet, on nous demande de nous réjouir devant cette nouvelle naissance, symbole d’éternité, finalement, puisque l’enfant Dieu, tel le Phénix, n’en finit pas de renaître de ses cendres. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’Eglise a choisi la date du 25 décembre, soit le solstice d’hiver, pour célébrer cet événement. De tout temps la victoire de la lumière sur la nuit a marqué les consciences. Il était donc facile d’intégrer les mythes anciens et d’en proposer une nouvelle version. Les populations, déjà habituées à fêter cet événement, n’y ont rien trouvé à redire. Au-delà de la foi proprement dite, de petits subterfuges de cette sorte ont largement contribué à asseoir l’autorité encore balbutiante de l’Eglise.

De nos jours, le monde de l’argent et du commerce qui est devenu le nôtre a, à son tour, exploité la vieille croyance chrétienne. En nous proposant d’acheter des cadeaux et de fêter dignement l’événement, les managers commerciaux espèrent bien remplir leur tiroir caisse. Pour cela, ils exploitent donc les dernières images naïves qui remontent à notre enfance et qui conservent encore, dans notre esprit blasé, une certaine valeur.

Achetez et dépensez. Mangez et buvez. Fêtez ce mythe d’une naissance sans cesse renouvelée qui vous fait oublier un instant que vous vieillissez inexorablement et que le temps qui vous est imparti n’est qu’un segment de droite, lequel possède bien un terme. Peu importe, en oubliant un instant la réalité vous aurez au moins contribué à faire tourner l’économie, ce nouveau Dieu particulièrement injuste qui ne favorise que quelques privilégiés. C’est déjà cela, non ?





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14/12/2007

Contrats

Avec Kadhafi, Sarkozy semble avoir trouvé son maître. On apprend en effet que lors de sa journée « libre », le leader libyen a d’abord fait du shopping, histoire sans doute de montrer son nouvel attachement à l’économie de marché et qu’il a ensuite visité le Louvre en trente minutes. Même Nicolas n’est jamais parvenu à faire aussi court. On se souvient par contre des déclarations de ce dernier lors de sa visite à l’exposition Courbet, déclarations plus proches de celles d’un comptable que de celles d’un amateur d’art: « Vous vous rendez compte? 500.000 personnes qui voient des merveilles pareilles, ça tire toute la société vers le haut!".

On comprend finalement pourquoi Nicolas a invité Kadhafi. Parvenir à faire le tour du Louvre en 30 minutes, c’est absolument incroyable ! Vous vous rendez-compte ? Au moins, en voilà un qui va à l’essentiel, un qui ne perd pas son temps à rêvasser et qui agit. La preuve, il a signé plein de bons contrats avec la France (enfin, on ne sait pas qui les paiera, mais cela, ce n’est qu’un détail). D’ailleurs à tous ceux qui lui reprochaient d’avoir invité un hôte aussi encombrant, le Président n’a pas manqué de signaler que les contrats en question représentent 10 milliards d'euros (enfin, c’est une évaluation), soit « l'équivalent de 30.000 emplois garantis sur 5 ans pour les Français" (autre évaluation difficilement vérifiable). Alors, devant ces chiffres, tout le monde s’est tu, à commencer par la secrétaire d'Etat aux Droits de l'Homme, Rama Yade, laquelle avait pourtant émis quelques réserves au début de la visite du colonel libyen. Quant à Bernard Kouchner, qui avait pourtant jugé "assez pitoyables" les attaques de M. Kadhafi sur le manque de respect des droits des immigrés en France, on ne l’a plus entendu. C’est sûr que devant de tels chiffres (10 milliards d’euros, vous vous rendez-compte !), qui forcent le respect, plus personne n’a élevé la voix. Et tous d’approuver officiellement la politique du grand Calife, même si en dessous il y en a qui n’en pensent pas moins.

Et les infirmières bulgares dans tout cela ? J’en parle parce que la commissions parlementaire vient d’ouvrir le dossier et pas du tout parce que Kadhafi est présent sur le sol français. D’ailleurs, M. Guéant vient de réaffirmer la position officielle: "Il n'y a pas eu de contreparties" et la "France n'a pas déboursé un centime". Tout va bien, donc. Nous voilà rassurés. On se demanderait même bien pourquoi on a créé cette commission.





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Cadeau de fin d'année.

Pour ceux qui seraient de passage à Paris les 17 et 18 décembre, qu’ils n’hésitent pas à se rendre à 'hôtel Drouot, où on va pratiquer une vente aux enchères. Ils pourront ainsi acquérir, entre autres choses :

- un incunable des Lettres à Lucilius de Sénèque, imprimé à Rome en 1475, avec une tranche peinte.

- quelques ouvrages dédicacés qui ont appartenu à des personnages illustres comme ces Poèmes de Rimbaud passés entre les mains de Paul Valéry puis d'André Gide.

- un exemplaire des Paradis artificiels. Opium et haschich, de Charles Baudelaire, publié en 1860 par Poulet-Malassis. Cet exemplaire est annoté par l'auteur lui-même en vue des conférences qu'il devait prononcer en 1864 à Bruxelles (sur le thème des "excitants").
Ces annotations marginales autographes sont paraît-il très abondantes. Elles avaient même été publiées par Claude Pichois dans la Pléiade, mais en partie seulement. On peut supposer que Pichois n’avait pas eu accès à notre volume, qui appartenait à une collection privée. Les spécialistes (de la vente) estiment que l’heureux acheteur pourra emporter ce livre pour une somme relativement modique, qui est estimée entre 250.000 et 350.000 euros. Pensez-y pour vos cadeaux de fin d’année car c’est une véritable aubaine. Des soldes avant les soldes en quelque sorte. En effet, ce livre de Baudelaire a déjà été proposé en vente une première fois, mais pour le prix nettement moins attractif de 950 000 euros (il n’avait d’ailleurs pas trouvé d’acquéreur à ce moment-là). C’est donc une belle économie que vous réaliserez-là, tout en ayant la satisfaction de feuilleter des pages que la main du poète a tournées avant vous, ce qui, il n’y a pas à dire, est un honneur qui se paie.





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12/12/2007

Saint Georges et le dragon

L’autre jour nous parlions pour ne pas changer du chevalier Sarkozy, qui, tel saint Georges, avait combattu le dragon. C’est que, menant ses combats sur tous les fronts, il donne l’impression (ou veut donner l’impression) d’être le bon justicier qui vient à la fois rétablir l’ordre et nous délivrer du mal.

Cigale, dans son commentaire, a fait allusion à la vie de saint Georges. Sur le site auquel elle renvoie, on apprend ceci :

- « Georges est un saint totalement légendaire, dont l'existence est mise en doute dès le Ve siècle. » Dont acte. Sarkozy, au contraire, est bien réel lui, mais il veut manifestement entrer dans la légende.

- « Georges est né en Cappadoce de parents chrétiens. » Nicolas, lui, ne semble pas beaucoup aimer les Cappadociens si on en croit ses discours sur la Turquie. Il est vrai qu’à l’époque romaine les Turcs n’avaient pas encore envahi l’Asie mineure. On ne sait pas ce qu’aurait dit le grand Vizir s’il avait vécu à cette époque.

- « Georges, officier dans l'armée romaine, traverse un jour une ville terrorisée par un redoutable dragon qui dévore tous les animaux de la contrée et exige des habitants un tribut quotidien de deux jeunes gens tirés au sort. Georges arrive le jour où le sort tombe sur la fille du roi, au moment où celle-ci va être victime du monstre. Georges engage avec le dragon un combat acharné ; avec l'aide du Christ, il finit par triompher. la princesse est délivrée et, selon certaines versions, dont celle de la Légende dorée, le dragon, seulement blessé, lui reste désormais attaché comme un chien fidèle. » On retrouve ici le thème du Minotaure (ce qui, soit dit en passant, nous oblige à lire ces vies de saints avec une certaine réserve). On se souvient, en effet, que la ville d’Athènes devait offrir chaque année sept jeunes gens et sept jeunes filles au roi Minos, en Crète, lequel les faisait dévorer par le monstre, enfermé dans le labyrinthe. Cette légende renvoie évidemment à la soumission de la Grèce continentale à la Crète, laquelle, en cette époque reculée, détient le pouvoir politique, économique et culturel. Ici, c’est la fille du roi qui va être dévorée, tandis que dans la légende grecque, c’est Thésée, le fils du roi Egée, qui se propose pour aller combattre le Minotaure. Nous avons donc un double chiasme : garçon/fille, être dévorée/combattre. C’est donc pour sauver la princesse que le futur saint Georges risque sa vie, reprenant à son compte le rôle habituellement dévolu à Thésée (lequel, on s’en souvient, était aidé par une fille de roi, Ariane). Evidemment, le christianisme a effacé toute trace d’érotisme. Ce n’est pas pour les beaux yeux d’une femme fatale qu’il se bat, mais pour faire triompher le bien. Il n’y parvient d’ailleurs que grâce à l’aide du Christ. De son côté, la fille, par ailleurs vierge et fort réservée, se contente de prier (Ariane, elle, tombait amoureuse et s’embarquait avec Thésée, ce qui est le signe, tout de même, d’un caractère bien trempé). Vaincu, le monstre (voir aussi celui qu’Œdipe avait vaincu, mais lui par les réponses données à une énigme) n’est même pas tué (charité chrétienne oblige), mais il est transformé en animal domestique (manière habile de montrer que les anciens païens doivent se soumettre à l’enseignement de l’Eglise. Ce n’est pas Joseph Ratzinger qui me contredira).

- Plus tard, Georges est « victime des persécutions antichrétiennes de l'empereur Dioclétien. Il subit en Palestine un martyre effroyable : livré à de nombreux supplices (brûlé, ébouillanté, broyé sous une roue, etc.), il survit miraculeusement et finit par être décapité. » Bon, autres temps, autres mœurs. On ne sait pas si Sarkozy est prêt à aller jusque là pour défendre ses idées. Seul l’avenir nous le dira.

Sur l’image ci-dessous, Sarkozy, c’est le chevalier, bien entendu. N’allez surtout pas croire que c’est le démon, vous laissant abuser par la petite taille et la colère de ce dernier.




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10/12/2007

De la Libye

S’il y avait bien un dirigeant qui était mal vu dans le monde occidental, c’était assurément Kadhafi (il est vrai qu’il était à la tête d’un état qui avait commandité des attentats, ce que tout le monde avait pu vérifier).

S’il y avait bien un président qui n’aimait pas trop le monde arabe, c’était bien Sarkozy (il est vrai que les belles banlieues de Paris avaient été mises à sac par de jeunes étrangers mal assimilés, ce qu’il avait pu vérifier par lui-même. Qui plus est, il en avait fait un thème de prédilection de sa campagne électorale, ce qui lui avait valu d’être nommé à la tête de ce pays occidental qu’est la douce France).

S’il y a bien quelque chose que je ne comprends pas, c’est pourquoi il revient précisément au président Sarkozy de permettre à Kadhafi de revenir en grande pompe sur le devant de la scène internationale. Voilà en effet qu’il lui offre l’hospitalité dans son royaume et pour cinq jours encore bien, lui qui se fait toujours inviter à gauche et à droite (enfin, surtout à droite) lors de ses vacances.

Il n’y avait pas encore si longtemps que le président libyen était accusé de tous les maux. Alors qu’on en était encore à se demander si Sadam Hussein ne cachait pas des armes de destruction massive sous son lit, pour Kadhafi, les preuves étaient faites. Ce gars-là travaillait contre nous. N’avait-il pas nationalisé des pans entiers l’économie, empêchant nos industries de faire un honnête profit sur le dos du peuple libyen? De plus, comme Sadam, il avait du pétrole, ce qui aurait dû amener l’Occident, toujours prêt à défendre le bien et ses intérêts, à mener une nouvelle croisade et à annexer ce beau pays de sables pour son plus grand profit.

Mais Kadhafi s’est montré aussi rusé qu’un renard du désert. Il a su louvoyer un certain temps et faire semblant de faire amende honorable tout en ne cédant presque rien sur le fond. Pourtant, parfois, ses vieux démons le reprennent. N’a-il pas encore séquestré il y a peu d’innocentes infirmières bulgares qui étaient pourtant prêtes à offrir du sang à la Libye ? Il a fallu l’intervention de Saint-Georges lui-même, alias Sarkozy, pour ravir ces pauvres victimes au vieux démon musulman (enfin, prudent, il avait d’abord envoyé sa femme en reconnaissance, espérant peut-être secrètement s’en débarrasser).

Donc, visite en grande pompe, aujourd’hui à Paris. Le plus xénophobe des présidents accueille le plus anti-occidental des chefs musulmans. Grand sourire et poignées de mains. Dans les poches des deux larrons, des contrats. De beaux contrats : achats d’avions militaires et centrale nucléaire clef sur porte.

Alors là, il faudra encore que l’on m’explique. Sadam était perçu comme menaçant à cause des armes de destruction massive (mais finalement on n’en a trouvé aucune qui fût irakienne ; les armes malfaisantes furent surtout américaines et tombèrent du ciel) et ici on va aller vendre des avions de chasse sophistiqués à un ennemi potentiel. Même chose avec l’Iran, dont on redoute sans doute à juste titre qu’il ne se dote de l’arme atomique. Et voici qu’on vend à la Libye des centrales nucléaires toutes faites. Peut-être est-ce pour mieux envahir ce pays demain ? Ou alors c’est pour faire tourner les quelques usines françaises qui restent (celles qui ne se sont pas encore délocalisées en Chine ou en Afrique du Nord) ? A moins que notre grand Vizir, dans sa sagesse, ne pense au pouvoir d’achat des Français ? Justement, n’a-t-il pas dit qu’il voulait l’augmenter ce pouvoir d’achat ? Il est donc logique avec lui-même, le petit Nicolas et c’est encore moi qui suis allé chercher le mal où il n’était pas. Enfin, c’est clair. Si la France croule sous les contrats avec la Libye, il faudra bien que tout le monde fasse des heures supplémentaires. Et voilà l’argent qui rentre dans les chaumières. Je sens que les ménagères vont pouvoir dépenser des sommes folles pour les fêtes de fin d’année. Cela fera enfin tourner l’économie. CQFD.





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07/12/2007

Paresse linguistique

La paresse, de tout temps, a été à la base des actions humaines. En effet, pour arriver à leur fin, les hommes ont toujours emprunté la voie la plus facile. Pourquoi faire compliqué quand il y a moyen de faire simple ? Nicolas Sarkozy n’échappe pas à la règle. Il a beau demander aux Français de se lever tôt et de travailler davantage, de son côté il a adopté la solution de la facilité : faire augmenter son salaire sans modifier la nature et la durée des services qu’il rend à la collectivité.

Il en a toujours été de la sorte et on n’y changera rien. Ainsi en va-t-il en linguistique également. La langue, en évoluant, est toujours allée vers plus de facilité. On pourrait même dire que c’est ce désir de simplification qui est la base même de son évolution. En voici quelques exemples :

-Réduction des 5 déclinaisons latines à 3

-Réduction des six cas latins à deux (nominatif et accusatif : cas sujet et cas régime) en ancien français et emploi accru des prépositions.

-Disparition du neutre.

-Suppression des voyelles finales, sauf le « a » qui devient « e » (muri : mur, canto : chant, rosa : rose)

-Suppression définitive du système casuel et emploi systématique des prépositions.

-Facilité de prononciation, qui est à la base même de l’évolution phonétique : capra qui devient kiabra, kiaebre, tchaevre, chèvre.

-Seules les voyelles initiales, accentuées, se maintiennent (lucore : lueur), tandis que les atones disparaissent.

-Disparition des voyelles situées à l’avant-dernière syllabe (TAbula : table)

-Formaticus (mis en forme) qui devient formage avant de passer à fromage ou comme nous l’avons vu, corcodillus qui disparaît au profit de crocodile.

-De nos jours, disparition progressive de l’imparfait et du plus-que-parfait du subjonctif.

Ou nous arrêterons-nous ? Quand on voit la langue utilisée dans les SMS il y a de quoi se poser des questions. Sans doute tout cela fait-il partie d’une évolution inéluctable…

06/12/2007

Des larmes de...

Il est amusant de se plonger dans l’étymologie du mot crocodile. Ce terme vient du latin crocodilus, mais en latin même on trouve les graphies crocodrillus. , corcodrillus cocodrillus (d’où l espagnol actuel cocodrillo). Le moins que l’on puisse dire, c’est que dans ce mot la lettre « r » semble aussi rapide à changer de place que notre reptile, lequel n’est jamais endormi qu’en apparence et se montre toujours particulièrement véloce quand il s’agit d’attraper une proie.

Ce qui est étrange, c’est que ces cocodrilli ou corcodrilli latins proviennent du mot grec krokodilos (krokodiloV), avec le « r » qui suit la première lettre, comme en français actuel, finalement.
Ce krokodiloV vient à son tour de krokh (galet) et de driloV (ver) et faisait allusion au petit lézard qui se dissimulait dans les murailles. On remarquera donc qu’en grec le « r » se retrouve donc à la fois dans « kroko » et dans « drille », d’où peut-être la confusion qui a régné par la suite quant à l’emplacement exact de cette lettre (sans parler des difficultés de prononciations, qui ont amené les locuteurs à modifier le terme supposé correct).

Ce qui est sûr, c’est qu’au départ était le lézard (et sa lézarde, histoire de ne point offusquer les féministes qui se passionneraient par ailleurs pour l‘étymologie). Par la suite, le mot a désigné le crocodile du Nil, quand les Grecs ont visité ces contrées. C’est du moins ce que nous dit Hérodote lequel s’y connaissait tout de même un peu en histoire puisqu’il porte le titre de Père de l’histoire.

Notons enfin que si crocodilus a donné crocodile, crocodrillus a donné crocodelle et cocodrillus cocodrille, deux termes qui ont définitivement disparu de la langue française au XVI° siècle.

D’un point de vue zoologique, le terme crocodile désigne souvent tous les membres de la famille des crocodiliens, qu’on retrouve aussi bien en Afrique qu’en Amérique, en Asie ou en Australie.
L’ordre des crocodiliens comprend trois familles : les crocodilidés (crocodiles), les alligatoridés (alligators et caïmans) et les gavialidés (gavial). Si on veut être précis, il y a donc lieu de ne désigner par le terme crocodile que les représentants de la famille des crocodilidés, afin de distinguer notre bon veux crocodile de l’alligator (lequel a une tête plus large, mais aussi plus courte et plus pointue) et du caïman (l’alligator d’Amérique du Sud). Le gavial, quant à lui, est un des seuls crocodiles asiatiques et il vit en Inde. Inoffensif pour l’homme, il a été chassé pour sa peau et a aujourd’hui pratiquement disparu. Comme quoi, un peu de méchanceté aide à survivre, il en va de même dans toutes les espèces et l’homme ne fait pas exception.

Animal sacré dans l’Egypte ancienne, le croco a donné son nom à une ville : Crocodilopolis ( Medinet-el-Fayoum aujourd’hui).

De nos jours, le terme crocodile renvoie au symbole de la marque Lacoste et il désigne souvent un politicien ou un industriel qui a les dents longues.

Enfin, notons que c’est le titre d’un court roman de Dostoïevski, assez humoristique au demeurant.






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04/12/2007

L'Etranger

« Au printemps, Tipasa est habitée par les dieux et les dieux parlent dans le soleil et l'odeur des absinthes, la mer cuirassée d'argent, le ciel bleu écru, les ruines couvertes de fleurs et la lumière à gros bouillon dans les amas de pierres »
Nicolas Sarkozy.

Non ? Non, Je me trompe, cette phrase n’est pas de Nicolas, mais d’Albert Camus. C’est un extrait de Noces à Tipasa, le premier texte qui compose Noces, ce beau livre dans lequel Camus se fait lyrique, prouvant par-là qu’il sait manier un autre style que celui, rugueux et sec, de l’Etranger.

Etranger, Camus ne l’était certainement pas en Algérie, puisqu’il y était né. Par contre Nicolas, à ce que l’on dit, ne semble pas particulièrement être le bienvenu. Il est vrai qu’il débarque avec sur le dos l’étiquette qu’il s’est collée lui-même, à savoir celle de « soutien inconditionnel de Georges Bush ». De plus, certains se demandent à Alger s’il n’aurait pas trop tendance à soutenir la politique extérieure de Tel Aviv, ce qui, d’un point de vue arabe, vous classe d’emblée dans le clan des suspects.

Mais laissons là toutes ces querelles. Oublions un instant le Proche-Orient, la politique et surtout Nicolas pour laisser parler Camus, qui s’exprime tout de même beaucoup mieux et dans un registre plus fleuri que l’ex-maire de Neuilly.


"Que d'heures passées à écraser les absinthes, à caresser les ruines, à tenter d'accorder ma respiration aux soupirs tumultueux du monde ! Enfoncé parmi les odeurs sauvages et les concerts d'insectes somnolents, j'ouvre les yeux et mon cœur à la grandeur insoutenable de ce ciel gorgé de chaleur. Ce n'est pas si facile de devenir ce qu'on est, de retrouver sa mesure profonde.

(…)

Des millions d'yeux, je le savais, ont contemplé ce paysage et, pour moi, il était comme le premier sourire du ciel. Il me mettait hors de moi au sens profond du terme. Il m'assurait que sans mon amour et ce beau cri de pierre, tout était inutile. Le monde est beau, et hors de lui, point de salut. La grande vérité que patiemment il m'enseignait, c'est que l'esprit n'est rien, ni le cœur même.

(…)

A Tipasa, je vois équivaut à je crois, et je ne m'obstine pas à nier ce que ma main peut toucher et mes lèvres caresser.






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03/12/2007

La gloire de Vincent

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Question idiote, que je me posais en lisant sur Internet la biographie de Joan Miro. Que serait devenu ce peintre s’il n’était pas « monté » à Paris ? Certes, il avait déjà organisé une exposition à Barcelone avant de partir pour la France et on peut supposer qu’il aurait continué à persévérer dans son art. Cependant, on apprend qu’à paris il a côtoyé Picasso, ainsi que Breton et tout le groupe surréaliste. On peut donc raisonnablement supposer qu’il a évolué plus vite à partir du moment où il a été en contact avec ceux qui détenaient le haut du pavé en matière artistique dans ces années-là. Il suffit de comparer ses premières toiles et les suivantes pour se rendre compte de la rapidité de son évolution.

Donc, s’il était resté en Espagne, peut-être n’aurait-il été qu’un bon peintre local, célébré par les artistes du coin. Peut-être aussi que la guerre civile aurait entravé sa production.

Mais non, il monte à Paris, change de style au contact des célébrités du moment et finit par devenir incontournable. Quand on lit l’histoire à posteriori, on se dit qu’il ne pouvait en être autrement. Un tel génie ne pouvait rester à l’écart et il se devait de percer. Certes. Mais s’il n’avait pas connu Picasso et Breton ? Que serait-il devenu ? Qu’on me comprenne bien. Ma remarque n’enlève rien à sa capacité de peindre ni à son génie. Je me demande simplement si c’est grâce à son génie potentiel qu’il a été reconnu par ces célébrités (qui ont deviné avant tout le monde tout ce qu’il avait en lui) ou si c’est parce qu’il les a connues qu’il a été propulsé en avant (en partie parce que son art a évolué en fonction de la mode du moment, en partie parce que Picasso et les autres lui ont ouvert des portes). Cela revient donc à se demander ce qui est à l’origine du succès d’un artiste. Bien sûr les capacités doivent être là, cela semble l’évidence même, mais ne faut-il pas, à un certain moment, que des relations entrent en jeu ?

Si Miro, à Paris, s’était imprégné du mouvement surréaliste sans côtoyer personne ? Ses peintures auraient été les mêmes que celles qu nous connaissons, mais aurait-il percé avec la même facilité ? Les personnes optimistes diront qu’oui, que de toute façon quelqu’un aurait bien fini par le remarquer, isolé dans son coin et lui aurait ouvert les portes des salons et des expositions. Mais si cela n’avait pas été le cas ?

Qui dira jamais le rôle des relations dans ces affaires ? Je ne parle pas même pas ici de relations dans le sens habituel (relations politiques, personnages importants), mais simplement de relations amicales. De fil en aiguille, votre ami connaît quelqu’un, qui connaît quelqu’un et vous vous retrouvez subitement sous les feux de la rampe.

Imaginons un instant que Marcel Proust (sans même revenir sur ce problème de l’édition de la Recherche, les manuscrits ayant été refusés dans un premier temps comme chacun sait) n’aurait pas eu les relations qui étaient les siennes pour remporter le prix Goncourt (dont il est manifestement un des seuls lauréats à présenter une œuvre vraiment digne d ‘intérêt), aurait-on parlé de lui ? Beaucoup moins. Et qui dit qu’il n’aurait pas été oublié ?

Le chanteur Yves Simon, quand il avait décidé de renoncer à la chanson et de se consacrer à la littérature s’était vite rendu compte qu’il ne parviendrait pas à en vivre. Il ne cachait pas qu’il était allé trouver les bonnes personnes afin d’assurer à ses livres la publicité nécessaire. Il considérait que cela n’enlevait rien à sa capacité réelle d’écrire (c’est vrai, finalement) mais que cela prouvait simplement son désir d’entrer dans ce métier. Le fait d’employer son intelligence pour se positionner auprès des bonnes personnes n’étant qu’un moyen pour pouvoir ensuite s’adonner tout entier à l’écriture. Donc acte. Mais s’il n’avait pas agi de la sorte ? Ou s’il n’avait pas été capable de trouver ces bonnes personnes ? Et bien il se serait retrouvé professeur de lycée, ce qu’il redoutait par-dessus tout. Vous me direz qu’il aurait sans doute fait là œuvre plus utile. Sans doute. Mais les autres ? Les vrais grands génies ? Si personne, à un moment donné, ne les avait pris par la main ?

Il y a Van Gogh, bien entendu, qui est mort misérable et quasi-inconnu. Vous m’objecterez que son génie a fini par être remarqué et donc que la célébrité du moment ne fait rien à l’affaire. Peut-être. Mais peut-être existe-t-il aussi d’autres Vincent, qui sont mort anonymes dans leur coin et dont jamais personne n’a parlé ? Inversement, il y a pas mal d’artistes ou d’écrivains dont on nous rabat les oreilles tous les jours à la télévision (enfin, pour ceux qui la regardent) et qui finalement ne méritent sans doute pas le bruit qu’on fait autour de leur œuvre.

Alors ? Que serait-il advenu de Miro, s’il n’avait pas trouvé Picasso et les autres sur sa route ?



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