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03/02/2009

Camus dans le Magazine des livres

Mon article «Camus ou l’ambiguïté d’une révolte» qui était paru autrefois dans la Presse littéraire est republié dans le dernier numéro du Magazine des livres. Il s’agissait de savoir si Camus n’était pas malgré lui le fruit du colonialisme. Certes il défend les Algériens contre les exactions commises par les Français, mais malgré ce discours très humain il ne remet jamais en question le fait que l’Algérie soit française et il n’envisage même pas son indépendance.
On a l’impression que pour lui il suffirait de prendre quelques mesures de surface (un peu de respect envers les Algériens) pour que l’ère coloniale puisse être justifiable.


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04/12/2007

L'Etranger

« Au printemps, Tipasa est habitée par les dieux et les dieux parlent dans le soleil et l'odeur des absinthes, la mer cuirassée d'argent, le ciel bleu écru, les ruines couvertes de fleurs et la lumière à gros bouillon dans les amas de pierres »
Nicolas Sarkozy.

Non ? Non, Je me trompe, cette phrase n’est pas de Nicolas, mais d’Albert Camus. C’est un extrait de Noces à Tipasa, le premier texte qui compose Noces, ce beau livre dans lequel Camus se fait lyrique, prouvant par-là qu’il sait manier un autre style que celui, rugueux et sec, de l’Etranger.

Etranger, Camus ne l’était certainement pas en Algérie, puisqu’il y était né. Par contre Nicolas, à ce que l’on dit, ne semble pas particulièrement être le bienvenu. Il est vrai qu’il débarque avec sur le dos l’étiquette qu’il s’est collée lui-même, à savoir celle de « soutien inconditionnel de Georges Bush ». De plus, certains se demandent à Alger s’il n’aurait pas trop tendance à soutenir la politique extérieure de Tel Aviv, ce qui, d’un point de vue arabe, vous classe d’emblée dans le clan des suspects.

Mais laissons là toutes ces querelles. Oublions un instant le Proche-Orient, la politique et surtout Nicolas pour laisser parler Camus, qui s’exprime tout de même beaucoup mieux et dans un registre plus fleuri que l’ex-maire de Neuilly.


"Que d'heures passées à écraser les absinthes, à caresser les ruines, à tenter d'accorder ma respiration aux soupirs tumultueux du monde ! Enfoncé parmi les odeurs sauvages et les concerts d'insectes somnolents, j'ouvre les yeux et mon cœur à la grandeur insoutenable de ce ciel gorgé de chaleur. Ce n'est pas si facile de devenir ce qu'on est, de retrouver sa mesure profonde.

(…)

Des millions d'yeux, je le savais, ont contemplé ce paysage et, pour moi, il était comme le premier sourire du ciel. Il me mettait hors de moi au sens profond du terme. Il m'assurait que sans mon amour et ce beau cri de pierre, tout était inutile. Le monde est beau, et hors de lui, point de salut. La grande vérité que patiemment il m'enseignait, c'est que l'esprit n'est rien, ni le cœur même.

(…)

A Tipasa, je vois équivaut à je crois, et je ne m'obstine pas à nier ce que ma main peut toucher et mes lèvres caresser.






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16/10/2007

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"Camus est devenu l’auteur classique par excellence, celui qu’on étudie dans toutes les classes de lycée. Même les non-littéraires donneront spontanément et sans aucune hésitation le titre d’un ou deux de ses livres si on les interroge à son sujet. Ils seront même capables d’aller plus loin et définiront Camus comme l’écrivain de l’absurde, sans oublier de faire référence à sa fin tragique, dans un accident de voiture. Tout le monde croit donc bien le connaître. Et pourtant, il ne serait peut-être pas inutile de rafraîchir nos souvenirs scolaires, surtout si ceux-ci commencent à s’estomper quelque peu tant ils remontent dans le temps…"

Lire la suite dans La Presse littéraire n°11 ( en vente actuellement dans les kiosques parisiens), sous le titre "Albert Camus ou l’ambiguïté d’une révolte".

Dans le même numéro, on trouvera un autre de mes articles, intitulé « La littérature en Belgique francophone est-elle belge, française ou wallonne ?, " où il est question à la fois de la crise identitaire que traverse actuellement ce petit royaume et des rapports des pays francophones en général (Belgique, Suisse, Canada) avec la France « métropolitaine ». L’accent est mis notamment sur les rapports éditoriaux.

Enfin, notons encore un troisième article, plus modeste, intitulé lui « Littératures sur la Toile », où je donne quelques adresses qui m’ont paru intéressantes.

24/09/2007

Le Premier homme

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Lorsque Camus décède dans un accident de voiture, en 1960, on retrouve à ses côtés une serviette contenant le manuscrit du livre qu’il est en train d’écrire. Il s’agit du Premier homme, qui ne sera publié qu’en 1994 par les soins de sa fille, Catherine Camus.

Ce live est bien différent des autres livres de l’écrivain, puisqu’il est en fait une remontée aux origines, autrement dit un voyage au pays de l’enfance. Cherchant désespérément à savoir qui il est, Camus part à la recherche de son père, qu’il n’a pas connu (ce dernier est mort à la guerre de 1914 alors qu’Albert avant un an). Cette recherche se fait dans le cadre des événements d’Algérie, ce qui fait que cette remontée vers l’enfance est aussi sans doute inconsciemment une recherche de la légitimité de la présence française dans ce pays qui est le sien.

Le style en est fort différent des autres livres de Camus. On y trouve de grandes phrases amples et souples, à l’opposé de ce à quoi il nous avait habitué dans l’Etranger par exemple. Il y a du lyrisme dans ce livre-ci, et les évocations des jeux de l’enfance fait penser à Pagnol. Un Pagnol philosophe, cependant, car derrière chaque émotion la réflexion pointe son nez. Ainsi quand le héros (qui est en fait Camus) part se recueillir sur la tombe de son père (tombe qu’il n’a jamais vue) dans le cimetière de Saint-Brieuc. Il réalise qu’il a quarante ans et qu’il est donc plus âgé que son père n’était au moment de son décès (il est mort à 29 ans). Il s’ensuit une prise de conscience à la fois existentielle et affective (le père devient un peu l’enfant de son fils). Du coup, cet être qui n’était rien pour lui se met à vivre dans sa mémoire. Il imagine ce qu’il a vécu, sa pauvreté, ses joies, ses souffrances… Par delà la mort, c’est tout un réseau de correspondances qui se tisse.

Ironie du sort, à la fin du livre (là où le manuscrit est resté inachevé), Camus espère qu’il conservera longtemps encore la force vitale qui a été la sienne et qui lui a permis de s’affirmer face au malheur. Arrivé à l’âge mûr, il prend conscience, cependant, que le temps s’écoule inexorablement et qu’il lui faudra bien accepter l’idée du vieillissement et de la mort. C’est sur cette notion d’acception que le livre reste en suspens. Quelques jours plus tard, Camus décédait dans l’accident que l’on sait, ce qui rend la dernière page du manuscrit particulièrement bouleversante.