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27/10/2013

Souvenir pieux

Je suis retourné, seul, dans la collégiale que nous avions visitée ensemble,

Au temps de notre amour.

La nef m’a paru vide, terriblement vide.

Les grandes colonnes de pierre nue montant vers le ciel

M’ont semblé démesurées, froides, et inhumaines.

Ce jour-là, le soleil n’éclairait pas les vitraux, qui restèrent obstinément muets,

Ne délivrant aucun message, ne communiquant aucune poésie.

Les grandes peintures murales étaient ternes

Et aucune bougie ne brûlait dans la petite chapelle latérale que tu avais tant aimée.

Même le chœur était fermé et des portes de bois ouvragé en interdisaient l’accès.

Dans le grand silence, mes pas résonnèrent longtemps sur les dalles noires et inégales,

Tandis que je cherchais en vain l’écho de ton propre pas, 

Qui n’existait plus que dans ma mémoire.  

Littérature

21:29 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (57) | Tags : littérature

18/10/2013

Nuages

Les nuages passaient, poussés par les grands vents atlantiques.

Dès l’aube naissante, ils défilaient, troupeaux affolés et sauvages,

Ravageant le ciel pâle.

Plus noirs que des chevaux fous, ils couraient vers des horizons improbables,

Venant des plaines océanes dont ils avaient conservé l’amertume.

Et moi, sur ce quai désert, je les regardais passer, incrédule.

Moi qui n’allais plus nulle part et qui avais raté tous les trains, je restais là,

Perdu dans ma solitude.

Je les regardais, formes éphémères et changeantes

Chargées de tous les chagrins du monde.

Parfois, je me demandais où finirait leur course,

En quels pays lointains ils déverseraient leur pluie, 

Et sur quel visage d’enfant ils feraient couler des larmes.


Littérature

22:14 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : littérature

12/10/2013

La plus grande bibliothèque du monde

Que rêver de plus qu’un pouvoir politique, un chef d’Etat, qui déciderait de rassembler en un seul lieu le plus de livres possible ? Et pas seulement les livres de sa nation, écrits dans sa langue, mais tous les livres du monde ? Et pour que ces livres étrangers puissent être compris par tous, il prendrait l’initiative de les faire traduire par des spécialistes éminents… Le centre culturel ainsi créé, cette immense bibliothèque, servirait à la culture, mais elle servirait aussi au rayonnement intellectuel de la nation qui en aurait pris l’initiative et donc indirectement à la gloire du chef de l’Etat qui en aurait eu l’idée.

Oui, me direz-vous, mais ce n’est là qu’un rêve. On n’a jamais vu un politicien s’intéresser à ce point à la culture. Un politicien, non, mais un homme d’Etat, oui. Et vous n’allez pas le croire, mais cet homme d'Etat existe. Ou plus exactement, il a existé. Il s’appelait Ptolémée I et fut à la base, en -288 avant JC,  de la bibliothèque d’Alexandrie.

Pour rappel, Ptolémée est un des généraux d’Alexandre le Grand. A la mort de celui-ci, son empire fut partagé et Ptolémée obtint l’Egypte, où il fonda la dernière dynastie des Pharaons (qui n’étaient donc plus égyptiens, mais grecs, y compris la dernière d’entre eux, Cléopâtre, qui se suicida dans les circonstances que l’on sait). Son dessein était de faire de sa capitale, Alexandrie, le centre du monde hellénistique et donc de concurrencer Athènes.

Sous Ptolémée II, le nombre de livres aurait déjà atteint 500.000 volumes. Des savants venus de tout le monde méditerranéen se pressaient là. Certains venaient pour étudier, d’autres pour traduire. Car il avait été décidé de traduire tous les livres en grec, ce qui représentait un travail colossal. C’est notamment là que fut traduit en grec le Pentateuque hébreu, qui donna naissance à a version dite des Septante (car selon la légende, six représentants de chacune des 12 tribus juives s’étaient réunis pour ce travail).

Mais bientôt, la bibliothèque d’Alexandrie fut concurrencée par celle de Pergame, en Asie mineure (la Turquie actuelle, donc). Elle connut des heures sombres sous Ptolémée VIII Évergète, qui expulsa les savants d'Alexandrie et nomma un militaire comme bibliothécaire ! Il fallut la chute d’Athènes, conquise par les Romains en 86 avant J-C pour qu’Alexandrie retrouvât la place qui était la sienne dans le monde de la culture.

Tout cela jusqu’à ce fameux incendie qui a tout détruit. Imaginez quelle catastrophe ! Tous ces livres de l’Antiquité, venus des quatre coins du monde civilisé de l‘époque, irrémédiablement détruits ! Quelle perte pour l’humanité ! Combien d’auteurs latins et grecs ne nous sont connus que par les citations que d’autres auteurs ont faites de leurs œuvres. Et même parmi  les plus célèbres, nous n’avons souvent conservé qu’un ou deux ouvrages (parfois même incomplets) sur les dizaines qu’ils ont écrits. Tout cela serait en notre possession aujourd’hui si tout n’avait pas été ravagé par les flammes.

Bref, tout cela pour dire que cet incendie de la bibliothèque d’Alexandrie m’a toujours semblé un des événements les plus noirs de l‘histoire.

Sauf, qu’en y regardant d’un peu plus près, je me suis aperçu que la réalité était plus complexe.

D’abord, il faut savoir qu’aucune trace ni aucun vestige de cette fabuleuse bibliothèque n’ont été retrouvés, ce qui ne facilite pas les choses (les restes du phare d’Alexandrie ont par contre été découverts récemment en Méditerranée). Ensuite, force est de constater que les historiens ne sont pas d’accord entre eux quant à la date de la destruction.

Certains situent l’incendie un peu après la bataille de Pharsale (en – 48 avant JC) qui opposa César et Pompée. César avait remporté la victoire (comme toujours) et le Pharaon Ptolémée XIII, qui avait malencontreusement soutenu Pompée, mais qui était très opportuniste, avait aussitôt fait assassiner ce dernier pour plaire au vainqueur. Malheureusement pour lui, César s’éprit de sa sœur Cléopâtre VII (elle était à la fois sa sœur et son épouse et partageait le pouvoir avec lui). Dans le conflit qui opposa ensuite le frère et la soeur, César prit évidemment le parti de cette dernière. Il s’ensuivit une guerre et en – 47, César incendia la flotte d'Alexandrie, pour asseoir son autorité. Le feu se serait alors propagé aux entrepôts et aurait détruit une partie de la bibliothèque. On estime généralement la perte entre 40 000 et 70 000 rouleaux. Rien ne prouve cependant que la bibliothèque ait été détruite à ce moment-là. Certains pensent que ce sont plutôt des copies conservées dans un entrepôt, à l’extérieur de la bibliothèque, qui sont alors parties en fumée.

Plus tard, on assista à des conflits entre le pouvoir romain païen et les adeptes du christianisme. Mais une fois que Constantin eut fait de ce christianisme la religion officielle, on se mit à détruire les anciens temples païens (voir L’Edit de Théodose en 391). La bibliothèque d'Alexandrie, avec les œuvres antiques qu’elle contenait, aurait pu disparaître à ce moment-là. En effet, on n’a jamais vu une religion ne pas détruire les textes de la religion qui l’a précédée.

Enfin, plus tard vint la conquête arabe. Un historien arabe du XII° siècle prétend qu’en 642 le calife Omar aurait donné l'ordre de détruire la bibliothèque. Cela n’aurait rien d’extraordinaire non plus, mais on n’a finalement aucune preuve de ces événements. Peut-on faire confiance à quelqu’un qui écrit 500 ans après les faits et qui semble être le seul à mentionner cet incendie ? Il est vrai qu’un autre historien arabe, du XIII° siècle celui-là, parle bien de la destruction d’une bibliothèque par le calife Omar, mais il la situe en Irak...

« Que sont devenues les sciences des Perses dont les écrits, à l’époque de la conquête, furent anéantis par ordre d’Omar ? Où sont les sciences des Chaldéens, des Assyriens, des habitants de Babylone ? […] Où sont les sciences qui, plus anciennement, ont régné chez les Coptes ? »

En 868, ce sont les Turcs qui envahissent l’Égypte. Ils saccagèrent notamment Alexandrie et on peut penser que ce qui restait encore de la fameuse bibliothèque (pour autant qu’il en restât encore quelque chose) fut détruit à ce moment-là.

Bref, de tout ceci il faut retenir qu’il n’y aurait peut-être pas eu un incendie unique, qui aurait ravagé la bibliothèque en une fois, mais plusieurs destructions successives. L’histoire qui m’avait tant  épouvanté, ces millions de livres détruits en un seul jour, n’aurait donc été qu’un mythe

 

Notons qu’une bibliothèque moderne (Bibliotheca alexandrina) a été fondée en 1995 suite à un partenariat entre l’Egypte et l’Unesco. Elle est supposée, à terme, contenir cinq millions d’ouvrages. La Bibliothèque nationale de France lui a d’ailleurs donné 500 000 livres en 2010. Mais comme l’histoire se répète sans fin, en août 2013, des partisans du président Morsi, qui venait d’être destitué par l’armée, s’en sont pris à la  toute nouvelle Bibliotheca alexandrina. En février 2011, en plein cœur du Printemps arabe, elle avait déjà dû être protégée des vandales et des pillards par les membres du personnel et par de jeunes manifestants qui avaient compris que l’accession à la liberté ne passe jamais par la destruction des livres. 


Une des plus anciennes éditions de l'Odyssée

Chant X, v. 418-482. Dernier quart du IIIe siècle av. J.-C..

Rouleau de papyrus, découvert à Ghoran (Égypte) en 1900, 

bibliothèque d'alexandrie

02/10/2013

Passion

Fantôme blanc enroulé dans la nuit de mes songes

Je te revois,

Étendue au travers des draps de l’amour,

Gémissant, lèvres entrouvertes,

Tandis que mes doigts profanes parcouraient la nudité de ta passion.

A l’oreille, je te murmurais des mots doux et chauds,

Des mots humides et tendres,

Comme nos langues qui se cherchaient dans des baisers d’éternité.

Dehors, éclataient de terribles orages

Et nous, apeurés par notre amour,

Nous écoutions les grands battements de nos cœurs.

C’est alors que sur tes lèvres, j’ai déposé des mots nus, 

Et qu’une fleur rouge s’est épanouie sur la neige des draps blancs. 

00:16 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature