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02/03/2017

Mardi gras

Le Mardi gras était à l’origine une fête païenne, où on fêtait le retour du printemps et le renouveau de la nature.  L’Eglise catholique, comme d’habitude, a incorporé cette fête dans son calendrier. Le mot « gras » indique qu’on peut manger copieusement une dernière fois (et même de la viande) avant que ne commence le carême, soir le Mercredi des cendres.

C’est l’époque des carnavals. Ce mot vient de l'italien carnevale ou carnevalo, altération du latin médiéval « carnelevare », lui-même issu de « carne » (la viande) et « levare » (enlever). Il s’agit donc bien de l’entrée en carême, cette époque durant laquelle la consommation de viande était interdite.

Pendant longtemps, le mot carnaval a eu le même sens que celui de « carême-prenant », autrement dit celui d’entrée en carême. Puis le terme a désigné la veille du carême et l’accent a été mis sur les réjouissances qui caractérisent ce jour-là.

Notons en passant que « carême » (d’abord orthographié « quaresme »), provient lui du latin populaire « quaresima », altération du latin classique « quadragesina » (quarantième jour avant Pâques).

Mais revenons au carnaval. Cette fête trouve son origine dans les Lupercales des Romains et les fêtes dionysiaques en Grèce.

L’historien des religions Mircea Eliade a écrit : « Toute nouvelle année est une reprise du temps à son commencement, c’est-à-dire une répétition de la cosmogonie. Les combats rituels entre deux groupes de figurants, la présence des morts, les saturnales et les orgies, sont autant d'éléments qui dénotent qu’à la fin de l’année et dans l’attente du Nouvel An se répètent les moments mythiques du passage du chaos à la cosmogonie »

Claude Levi-Strauss a étudié également ce besoin de se déguiser, d’inverser les valeurs (les pauvres devenant rois pour une journée) et de faire du bruit afin de marquer une rupture dans l’écoulement classique du temps. Le temps s’est arrêté et un nouveau cycle commence (le retour du printemps renvoie à la conception antique de l’éternel retour, de l’âge d’or qui immanquablement finira par revenir périodiquement).   

Pour un jour, le vieux monde s’écroule. Le carnaval est en effet une sorte de « fin du monde », où les barrières sociales tombent ou s’inversent, où les licences érotiques sont permises. Bref, c’est un retour au chaos primitif avant la renaissance d’un temps nouveau.

Pour terminer, n’oublions pas la Laetare, qui a lieu le quatrième dimanche du carême (à la mi-carême donc) et qui marque une pause dans les privations. Le mot latin laetare est en fait l'impératif présent du verbe « laetari » et signifie donc « réjouis-toi ». C’est une époque où on retrouver également des fêtes carnavalesques.

Stavelot, Wallonie, dimanche de Laetare.

23/09/2013

Étymologie (suite et fin)

Avaler : on oublie parfois que ce terme est lié à « aval » et indiquait à l’origine l’action de descendre ou de faire descendre. Ensuite, par restriction sémantique, il a désigné le fait de faire descendre un aliment par le gosier.

Merci. Du latin « mercedem » (salaire, récompense), il a pour sens premier « grâce, pitié, miséricorde ». Il a aussi le sens de « cadeau, faveur » avant d’exprimer la gratitude pour une faveur accordée. Depuis le XVI° siècle, le substantif féminin signifie « grâce », le masculin exprime le remerciement et la politesse.

Franc. Le mot a d’abord une valeur ethnique (le peuple franc) avant de désigner au VI° siècle un homme libre puis un noble par naissance. A ce caractère social s’ajoute une connotation morale : le noble ne peut être que bon, généreux et affable.  A partir du XVII° siècle, franc désigne surtout la sincérité et la droiture. Il garde cependant son ancien sens dans des expressions comme «avoir les coudées franches », « franc-tireur » ou « coup-franc ».

Beau, du latin « bellus » qualifie la perfection physique ou  morale. Il peut aussi traduire l’affection ou le respect quand il est en apostrophe. Cette dernière signification est à l’origine des termes de parenté indirecte (« beau-frère », « belle-mère »).

 

Port (porz en ancien français) vient du latin « portus » et désigne un défilé dans les montagnes (où il est concurrencé par « col ») Il peut aussi désigner un abri pour recevoir les navires. Dans le premier sens , on retrouve le mot « passeport » et des toponymes (comme St Jean Pied de Port, dans les Pyrénées-Atlantiques, au pied du col (ou port) de Roncevaux, célèbre par la chanson de Roland).


St Jean Pied de Port 

Etymologie

17/09/2013

Etymologie

Je voudrais revenir, encore une fois, sur le Charroi de Nîmes, ou plus exactement sur les notes de Claude Lachet, le professeur de Lyon III qui a traduit le texte. On trouve dans ces notes de nombreuses remarques étymologiques et certaines ont attiré mon attention.

Ainsi en va-t-il du mot « Bachelier ». Dans les chansons de geste, ce terme désigne toujours une personne jeune, quelle que soit sa condition sociale. On peut donc traduire ce terme par « adolescent ». Souvent, le mot est accompagné par un adjectif qui souligne les qualités propres à la jeunesse (audace, enthousiasme, générosité). A partir du XIV° siècle, « bachelier » désigne le premier grade universitaire.

« Payer en monnaie de singe ». Le pont reliant l’île de la Cité à la rive gauche de la Seine s’appelait le « Petit Pont » et c’était le plus ancien pont de Paris. Construit en pierre en 1185, il a souvent été détruit par les crues du fleuve (ou même par les incendies qui embrasaient les maisons de bois dont il était bordé). Pour le traverser, il fallait payer. Seuls les jongleurs étaient dispensés du péage. Pour prouver leur état de jongleurs, ils faisaient exécuter des tours à leur singe, d’où l’expression « payer en monnaie de singe ».

« Oïr » : du latin « audire », le verbe oïr est le terme usuel au Moyen-Age pour désigner le fait de percevoir des sons. Les formes trop brèves de ce verbe et les homophonies gênantes avec celles du verbe avoir ont entraîné son abandon au profit du verbe « entendre ». Comme chacun sait, oïr a survécu à l’impératif (« oyez », formule qu’employaient les hérauts), dans l’expression « par ouï-dire » et dans l’adjectif « inouï ».

« Repaire ». Ce terme provient indirectement du mot latin « patria », ce qui ne saute pas aux yeux. En effet, à côté de « patria » existait le verbe « repatriare » ( rentrer dans sa patrie, rentrer chez soi), lequel avait donné repairier en ancien français, avec le sens premier de revenir dans un endroit familier. Ensuite, par extension, il a signifié demeurer, séjourner. Du coup, le déverbal « repaire »  a pris le sens de ‘retour », « endroit où l’on séjourne », mais aussi de « gîte des animaux sauvages ». A partir du XVII°, on distingue « repaire » (lieu de refuge pour les animaux ou les individus dangereux)  et « repère » (retour à un point déterminé, la marque servant à retrouver un emplacement). Notons pour ce dernier  terme un rapprochement inconscient avec le latin « reperire » (retrouver).

 

« Femme ». Le terme latin « uxor » (femme mariée) avait donné en ancien français « oissour », bientôt remplacé par « moillier » (du latin « mulier » lequel désignait d’abord et plus généralement toute personne de sexe féminin), toujours avec le même sens. Le même étymon a bien entendu donné « mujer » en espagnol. C’est au XV° siècle que « moillier » disparaît à son tour au profit de « femme ». Ce mot est en fait un participe présent passif qui signifiait « qui est sucée, qui allaite » et s’appliquait dans un premier temps exclusivement aux animaux femelles. On rapprochera le terme du verbe « fellare », sucer, lequel a donné « fellation » en français. Comme quoi l’étymologie réserve bien des surprises…

18/12/2012

Histoire de moules...

Une lectrice fidèle a employé récemment dans un commentaire le terme « bouchot » que je ne connaissais pas, n’étant pas né au bord de la mer (elle non plus à vrai dire) mais au milieu des bois. Il s’agit des pieux non écorcés (en chêne ou en châtaignier) d’environ 6 mètres de long qu’on enfonce dans le sable et qui servent à l’élevage des moules.

Selon le Robert historique, le mot serait originaire du Poitou. On trouve le  mot « bouchaux » en ancien français, issu du latin médiéval « buccaudum ». Ce dernier serait apparenté à  un autre mot du latin médiéval  (dans la même région toujours), « buccale », lequel désignait l’endroit où l’eau s’échappait à la sortie d’un étang (latin classique « bucca », la bouche, lui-même d’origine celtique et qui avait supplanté le mot latin « os »)

Notre « bouchot » était donc employé dans le Poitou au sens de vanne d’écluse, puis il a désigné plus précisément la sortie d’un parc en clayonnage pour emprisonner le poisson, puis finalement un parc aménagé pour la culture des moules (les pieux étant souvent alignés de manière à former un V). On parla donc de « moules de bouchot » ou tout simplement de « bouchots ». Le terme « bouchot(t)eur » désigne quant à lui assez logiquement un mytiliculteur (terme savant formé à partir du grec mutilos/mytilos, coquillage)

Les peuples étant plus inventifs que les dictionnaires et plus portés vers le merveilleux, ont imaginé une légende. On dit qu’un Irlandais, un certain Patrice Waltonum (tous les Irlandais s’appellent Patrice ou Patrick, c’est bien connu) s’était échoué en 1235 dans la baie de l’Aiguillon (à la limite de la Vendée et de la Charente-Maritime, là où la Sèvre niortaise vient se jeter dans l’Atlantique, autrement dit dans le Pertuis breton, en face de l’île de Ré). Voulant s’établir là, il se mit en devoir d’attraper des oiseaux de mer pour se nourrir. Pour ce faire, il planta des pieux dans le sable, et tendit des filets entre eux.  Cependant, comme ces pieux se trouvaient en partie submergés à marée haute, les moules et les coquillages vinrent s’y fixer et le brave Irlandais dut bien constater qu’il attrapait plus de moules que d’oiseaux de mer. Il aurait ensuite perfectionné sa technique en reliant ses piquets par des claies, sur lesquelles les moules vinrent elles aussi se fixer. Cette structure, dont le nom irlandais était « bout choat » aurait donné par déformation notre « bouchot ». C’est du moins ce que dit la légende et même si rien n’est vrai, cela reste une belle histoire.

Des linguistes voient plutôt l’origine du mot « bouchot » dans le nom patois d’une forme de piège immergé pour capturer l’anguille dans le marais poitevin (avec toujours cette idée que le piège est constitué de pieux et de filets et prend la forme d’un v).  Le mot dériverait de « boucher » (obstruer le « bouchaux », terme qui désignait comme on l’a vu plus haut la sortie d’une retenue d’eau). C’est donc bien la volonté de boucher un orifice qui prédomine (soit ici le goulot étroit du piège dans lequel s’est faufilée l’anguille, soit dans d’autres cas la sortie de l’étang, afin d’empêcher l’eau de s’écouler). Notre mot « bouchon » comme notre verbe « boucher »viennent d’ailleurs de l’ancien français « bousche » (poignée de paille, faisceau de branchage), venant du latin populaire « bosca » (broussailles). Ce « bosca » est un neutre pluriel en latin, mais il existait aussi comme substantif masculin, lequel, au pluriel, donne évidemment « bosci », d’où notre terme de « bois ».

Je me demande jusqu’à quel point il n’y aurait pas eu confusion entre « bucca » (la bouche) cité plus haut et « bosca » (le bouchon de branchage servant à fermer cette bouche).

Certains pensent que la technique du piège à anguille aurait pu être utilisée sur le littoral. On aurait accroché des filets à des pieux alignés de manière à former un entonnoir en V. Les poissons qui cherchaient à gagner le large à marée basse auraient ainsi été conduits dans une nasse qui « bouchait » la sortie. Ces pieux se couvrant naturellement de moules, on aurait alors eu l’idée d’en planter pour l’élevage (en ensemençant les pieux à l’aide de cordes couvertes de larves et en enfermant les moules dans un filet). La forme en V (ou en W s’il y avait deux V) prise par les alignements de pieux est bien attestée autrefois, ce qui semble confirmer que l’origine de notre mytiliculture doit remonter à ces pièges à poissons.

moules, marais poitevin, bouchot, étymologie

Laissons maintenant l’étymologie pour faire un peu d’histoire et de géographie et nous pencher sur l’évolution de la culture des moules. Pendant très longtemps, cette technique d’élevage sur bouchots ne s’est pratiquée que sur la côte atlantique, car il n’y a que là que les larves se fixent naturellement sur les pieux. En plus, elle semblait se limiter à l’embouchure de l’aiguillon.  Rappelons à ce propos que c’est à cet endroit que se trouvait l’ancien golfe du Poitou, (encore attesté dans l’Antiquité). Composé de petites îles, il devint marécageux à cause des dépôts de l’océan et des alluvions des différents cours d’eau, comme la Sèvre Niortaise.  Au VII° siècle, des moines entreprirent des travaux d’assèchement, en construisant des canaux. Au XIII° siècle, après la Guerre de Cent ans, les rois de France encouragèrent le travail des moines. Mais il ne suffisait pas de creuser des canaux, il fallait aussi élever des digues (contre les avancées de la mer et contre les débordements des rivières). Henri IV fit venir des ingénieurs hollandais, passés maîtres dans leur pays dans ce genre de travaux. Ils étaient par ailleurs huguenots, ce qui pour l’ancien protestant qu’était le roi (« Paris vaut bien une messe ») ne gâchait rien. Bref, on parvint tant bien que mal à assécher ce golfe, qui est devenu aujourd’hui le marais Poitevin, appelé aussi la « Venise verte ».

Mais revenons à nos moules. Il faut attendre le XIX° siècle pour que la culture des moules se développe de la Vendée jusqu’à l’île d’Oléron. Dans les années 1950, ce type de culture a été implanté dans la baie du Mont St Michel et dans le Cotentin, ce qui fait qu’aujourd’hui c’est la Normandie qui est devenue la première région productrice de moules de bouchot au monde. Comme les larves ne se fixent pas naturellement aux pieux dans cette région, on tend des cordes de captage sur la côte Atlantique (Noirmoutier, etc.). Les bébés moules viennent s’y déposer et on rapporte les cordes en Normandie afin de les fixer sur nos fameux bouchots.

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21/09/2011

Automne

Automne,du latin « automnus ». Mot  probablement d’origine étrusque, mais les Romains avaient fini par le confondre avec le verbe « augere », croître, augmenter. C’est que l’idée première était bien positive, celle d’une saison où l’on engrangeait les récoltes, où la terre donnait en abondance fruits et légumes et récompensait ainsi les hommes du mal qu’ils s’étaient donné au printemps pour labourer. Jusqu’au XII° siècle, on employait d’ailleurs le terme « gain » (temps de la récolte) et pas notre mot « automne », qui est en quelque sorte emprunté tel quel au latin au XIII° siècle, dans un premier temps toujours avec cette idée de récolte, puis progressivement avec celle de déclin.

« Gain » , déverbal  de gagner (gaigner) désignait bien ce que l’on gagne et s’appliquait donc à la saison qui suit l’été (voir aussi le « regain » si cher à Jean Giono), caractérisée par son abondance.

Les dictionnaires ne nous disent pas pourquoi on est passé de ce sens positif à celui négatif de déclin, de mort annoncée. Là où les hommes de l’Antiquité et du Haut Moyen-âge ne voyaient que récompense ou don gratuit, ceux qui les ont suivis n’ont plus vu que l’idée de mort lente. Les mentalités avaient-elles changé ? Le Christianisme culpabilisateur avait-il fait son œuvre ? Le climat du Nord de la Gaule, si différent des hivers romains cléments explique-t-il cela ? C’est l’histoire de la bouteille à moitié vide ou à moitié pleine en fait. Les Anciens regardaient derrière eux et voyaient dans l’automne le résultat concret de leurs efforts antérieurs tandis que leurs successeurs avaient déjà les yeux tournés vers l’hiver qui s’approchait inéluctablement.  

Il est vrai que la chronologie antique était cyclique : de même que les saisons revenaient d’année en année, l’Histoire elle-même était circulaire, chaque civilisation passant régulièrement par un Age d’or suivi de périodes plus sombres. Dans le Moyen-âge chrétien, au contraire, le temps est devenu linéaire. Dieu a créé l’homme et celui-ci doit vivre sur terre un certain nombre de siècles avant la fin du monde et le grand jugement de l’Apocalypse. L’être humain n’est plus que de passage en quelque sorte et il a les yeux tournés vers sa mort prochaine. Il voit donc dans l’automne l’annonce de cette fin qui s’approche et il la souhaite autant qu’il la redoute. Comme Chrétien il espère en finir au plus vite avec cette vie terrestre et il aspire au Royaume de Dieu, mais comme être humain, évidemment, il voit avec angoisse approcher sa propre fin. Dans tous les cas, il ne voit plus dans l’automne que le commencement d’un déclin inéluctable et plus du tout cette saison belle, aux couleurs chatoyantes, qui remplit nos greniers et nous empêche de mourir de faim une fois l’hiver venu.

  

automne,étymologie

 

 

 

Photo personnelle

18/08/2011

De la route que l'on suit.

Nous nous sommes penchés, l’autre jour, sur l’étymologie des mots « chemins » et « marche ». Voyons maintenant quelle est l’origine du terme « route ».

La route (XVI° s.) ou « rote » (XII° s.) vient du latin populaire « rupta », substantif issu du participe passé de rumpere (briser, ouvrir) que l’on retrouvait dans l’expression « via rupta »  autrement dit la voie ouverte. L’idée initiale était donc d’ouvrir un passage (à travers une forêt par exemple, ou une montagne). Par la suite, le mot a désigné une voie de communication de première importance (ce qui exclut les voies urbaines ou rues, qui elles sont locales). De là dérivent des expressions comme « barrer la route », « feuille de route » ou encore « faire de la route ».

Employé par métaphore pour désigner la voie que l’on suit, le mot « route » a pris le sens de moyen utilisé pour parvenir à son but : « la route du succès », « être sur la route de quelqu’un », « être sur la bonne route », etc.  Notez que « faire fausse route » s’appliquait initialement au domaine maritime, mais dans son sens abstrait il est envisagé aujourd’hui dans un contexte purement terrestre.

Le mot route a fini par désigner les communications et les échanges entre certains points du globe : la route de la soie, la route du rhum.

Notons qu’il existait un verbe « router » (XIV° s.), qui était intransitif et qui voulait tout simplement dire « marcher ». On le retrouve toujours dans des dialectes comme le wallon. Dans l’Ouest, on retrouve aussi le dérivé « routin », pour désigner un petit chemin.

Notre mot « routine », vient bien évidemment de « route » (au sens figuré de moyen, ligne de conduite). Il a d’abord évoqué un savoir-faire acquis par une pratique prolongée mais il a fini par prendre le sens d’action accomplie par habitude. D’où le sens péjoratif contemporain : habitude d’agir, de penser toujours de la même manière.

Et les « routiers », me direz-vous ? Le terme est ancien et n’a pas toujours désigné les conducteurs de camions, ceux-là qui nous effraient sur les autoroutes avec leurs mastodontes. Non, ce mot, on le rencontre déjà au XII° s. avec le  sens de « valet d’armée ». Un peu plus tard, on le retrouve (mais au pluriel cette fois) pour désigner des soldats irréguliers organisés en bandes qui pillaient les provinces. Le sens était donc plus ou moins celui de « voleur de grand chemin ». C’est de ce sens que viendrait l’expression « un vieux routier » (homme habile, expérimenté, qui a beaucoup voyagé). 

Vous me suivez toujours ?

  

route,étymologieRome, Via Appia

 

 

09/08/2011

Sur les chemins...de la langue

« Partir sur les chemins »  disais-je l’autre jour….

Ce qui nous renvoie à la première activité de l’homme. Dès la préhistoire, l’homme se déplaçait et marchait. Nos ancêtres étaient d’ailleurs des chasseurs-cueilleurs non sédentarisés et la marche était l’essence-même de leur vie. Ils devaient se déplacer pour survivre et tenter de trouver en d’autres endroits les aliments nécessaires à leur organisme.

Le chemin est aussi vieux que la marche et donc aussi vieux que l’homme.

Ce qu’on sait moins, c’est que le mot « chemin » est lui-même très ancien. Il provient du latin populaire « camminus », lequel trouve son origine dans un mot celtique qui a laissé des traces dans les langues romanes.  (italien cammino, espagnol camino, portugais caminho).  On peut supposer que le gaulois a survécu plus longtemps dans les  campagnes, celles-ci étant habituellement moins ouvertes aux influences extérieures, par leur isolement-même. Il ne faut pas perdre de vue non plus  le bon sens des gens qui y habitent, généralement peu enclins à suivre les modes nouvelles et préférant répéter inlassablement des gestes anciens qui ont fait leurs preuves. On peut donc imaginer que les citadins parlaient déjà le latin tandis que dans les campagnes le celtique était encore bien vivace (un peu comme les patois d’oc ou d’oïl, qui survivent toujours aujourd’hui  dans les régions rurales).

Rien d’étonnant non plus à ce que ce soit le langage des paysans qui nous ait donné le mot « chemin », car si la ville est un lieu clos et exigu où on demeure immobile, en dehors des murs qui la circonscrivent, dans les terres sauvages et infinies qui la bordent, on se déplace et on marche.

On opposera donc le « chemin » (voie tracée dans la campagne) à la « rue », propre à la ville. Si cette dernière est bordée de maisons, le chemin au contraire n’est qu’un simple passage dans l’immensité de la nature. Le monde citadin est celui de la culture, tandis que le chemin appartient encore à la nature. C’est  à peine s’il renvoie discrètement à une activité humaine. En terre, bordé de végétation, parfois difficilement praticable, il suggère simplement la présence des hommes qui sont passés là avant nous. Des hommes dont nous ne savons rien, que nous n’avons jamais rencontrés et que nous ne rencontrerons peut-être jamais. En ville, dans une rue, je suis avec les hommes. Sur un chemin, je suis seul dans la nature, mettant simplement mes pieds là où un de mes semblables, un jour, a déposé les siens.

Le mot chemin a donné différentes expressions : chemin de ronde, voleur de grand chemin, se mettre en chemin, à mi-chemin, chemin faisant, le chemin de la vie, faire son chemin, le droit chemin, etc. Personnellement, celle que je préfère, c’est « chemin de traverse », car là il s’agit de sortir des sentiers battus pour suivre une voie anormale, insolite, parallèle ou non à la voie principale.

Du chemin, passons à la marche. Le terme « marche » provient du francique « markhon » (marquer, limiter, mettre une marque, une borne). La « marche », c’est donc d’abord une frontière, une limite, comme dans l’intitulé de ce site « Marche romane » (une région de frontières, quelque part aux limites de la Romania). Quant à « marcher », lui, son sens premier en ancien français est celui de « fouler aux pieds », de « mettre le pied sur » Par exemple, dans l’expression « marcher sur les pas de ». De là, on passe à l’idée de se mouvoir, de se déplacer. Ensuite, au XVII° siècle, on appliquera ce verbe au fonctionnement d’un mécanisme (cette montre marche bien) ou d’une affaire (ses affaires marchent bien).

Le déverbal « marche » (d’un escalier) renvoie au sens premier puisque c’est la partie de l’escalier sur laquelle on pose le pied (le vieux mot « degré » s’en est du coup trouvé supplanté). Le sens actif (action de se déplacer) n’est attesté qu’à partir de 1508, nous dit le Robert historique (qui vaut décidemment tous les romans). Il s’applique d’abord aux déplacements des troupes (d’où l’expression « en ordre de marche » ou encore le terme « marche militaire » qui désigne un morceau de musique qui incite à la  marche). Il faudra attendre  le XVII° siècle pour que notre mot « marche » désigne le déplacement d’un groupe de personnes.

 

 

Eté 2011, photo personnelle  

étymologie,marche,chemin