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09/08/2011

Sur les chemins...de la langue

« Partir sur les chemins »  disais-je l’autre jour….

Ce qui nous renvoie à la première activité de l’homme. Dès la préhistoire, l’homme se déplaçait et marchait. Nos ancêtres étaient d’ailleurs des chasseurs-cueilleurs non sédentarisés et la marche était l’essence-même de leur vie. Ils devaient se déplacer pour survivre et tenter de trouver en d’autres endroits les aliments nécessaires à leur organisme.

Le chemin est aussi vieux que la marche et donc aussi vieux que l’homme.

Ce qu’on sait moins, c’est que le mot « chemin » est lui-même très ancien. Il provient du latin populaire « camminus », lequel trouve son origine dans un mot celtique qui a laissé des traces dans les langues romanes.  (italien cammino, espagnol camino, portugais caminho).  On peut supposer que le gaulois a survécu plus longtemps dans les  campagnes, celles-ci étant habituellement moins ouvertes aux influences extérieures, par leur isolement-même. Il ne faut pas perdre de vue non plus  le bon sens des gens qui y habitent, généralement peu enclins à suivre les modes nouvelles et préférant répéter inlassablement des gestes anciens qui ont fait leurs preuves. On peut donc imaginer que les citadins parlaient déjà le latin tandis que dans les campagnes le celtique était encore bien vivace (un peu comme les patois d’oc ou d’oïl, qui survivent toujours aujourd’hui  dans les régions rurales).

Rien d’étonnant non plus à ce que ce soit le langage des paysans qui nous ait donné le mot « chemin », car si la ville est un lieu clos et exigu où on demeure immobile, en dehors des murs qui la circonscrivent, dans les terres sauvages et infinies qui la bordent, on se déplace et on marche.

On opposera donc le « chemin » (voie tracée dans la campagne) à la « rue », propre à la ville. Si cette dernière est bordée de maisons, le chemin au contraire n’est qu’un simple passage dans l’immensité de la nature. Le monde citadin est celui de la culture, tandis que le chemin appartient encore à la nature. C’est  à peine s’il renvoie discrètement à une activité humaine. En terre, bordé de végétation, parfois difficilement praticable, il suggère simplement la présence des hommes qui sont passés là avant nous. Des hommes dont nous ne savons rien, que nous n’avons jamais rencontrés et que nous ne rencontrerons peut-être jamais. En ville, dans une rue, je suis avec les hommes. Sur un chemin, je suis seul dans la nature, mettant simplement mes pieds là où un de mes semblables, un jour, a déposé les siens.

Le mot chemin a donné différentes expressions : chemin de ronde, voleur de grand chemin, se mettre en chemin, à mi-chemin, chemin faisant, le chemin de la vie, faire son chemin, le droit chemin, etc. Personnellement, celle que je préfère, c’est « chemin de traverse », car là il s’agit de sortir des sentiers battus pour suivre une voie anormale, insolite, parallèle ou non à la voie principale.

Du chemin, passons à la marche. Le terme « marche » provient du francique « markhon » (marquer, limiter, mettre une marque, une borne). La « marche », c’est donc d’abord une frontière, une limite, comme dans l’intitulé de ce site « Marche romane » (une région de frontières, quelque part aux limites de la Romania). Quant à « marcher », lui, son sens premier en ancien français est celui de « fouler aux pieds », de « mettre le pied sur » Par exemple, dans l’expression « marcher sur les pas de ». De là, on passe à l’idée de se mouvoir, de se déplacer. Ensuite, au XVII° siècle, on appliquera ce verbe au fonctionnement d’un mécanisme (cette montre marche bien) ou d’une affaire (ses affaires marchent bien).

Le déverbal « marche » (d’un escalier) renvoie au sens premier puisque c’est la partie de l’escalier sur laquelle on pose le pied (le vieux mot « degré » s’en est du coup trouvé supplanté). Le sens actif (action de se déplacer) n’est attesté qu’à partir de 1508, nous dit le Robert historique (qui vaut décidemment tous les romans). Il s’applique d’abord aux déplacements des troupes (d’où l’expression « en ordre de marche » ou encore le terme « marche militaire » qui désigne un morceau de musique qui incite à la  marche). Il faudra attendre  le XVII° siècle pour que notre mot « marche » désigne le déplacement d’un groupe de personnes.

 

 

Eté 2011, photo personnelle  

étymologie,marche,chemin

 

 

 

Commentaires

Un mot superbe, aussi, désuet, qui pris sa racine sur les chemins est "chemineau", pour dire le vagabond et son errance.

Quant au Larousse historique il est bien plus fécond qu'un roman : on ne s'en lasse jamais.

Écrit par : Alfred | 09/08/2011

Oui, le mot "chemineau", qui contient cette idée d'errance. Aujourd'hui, les mendiants sont plutôt sédentaires, assis dans les couloirs du métro, et ce sont les "généreux donateurs" qui se déplacent en courant pour leur travail. Curieux de voir comment tout s'est inversé.

On remarquera qu'après une longue hésitation, le forme en "ot" (cheminot) s'est imposée pour désigner les agents des chemins de fer, afin de ne pas confondre ceux-ci avec les mendiants errants.

Pour le dictionnaire, je parlais moi du "Dictionnaire historique de la langue française" d'Alain Rey. Mais la partie historique du Larousse ne manque pas de charme non plus. Enfant et adolescent, j'y ai passé des heures.

Écrit par : Feuilly | 09/08/2011

Oui, oui, autant pour moi...Je parlais également de ce "Dictionnaire historique de la Langue française" d'Alain Rey. Trois gros volumes rouges dans un coffret en carton non moins rouge, achetés en 1999 je crois et qui ne me quittent guère depuis.
Nous avons les mêmes références à ce que je vois.
Intéressant cette mutation du chemineau en cheminot. Je n'avais pas fait le rapprochement. Comme quoi, parfois, les évolutions de la langue sont aussi d'ordre stratégique.

Écrit par : Alfred | 09/08/2011

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