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29/08/2012

Réflexion sur la croisade (2)

Que dire encore, sur cette croisade contre les Albigeois ? Tout simplement qu’il n’y a jamais rien de neuf sous le  soleil et que l’histoire récente ne fait que refléter cette époque lointaine. Nous avions une terre libre, où les hommes vivaient comme ils avaient envie, avec leur culture et leurs croyances. Puis un envahisseur étranger est arrivé avec une armée finalement peu nombreuse et est parvenu, non seulement à annexer cette terre, mais en plus à éradiquer ses croyances. Il a suffi pour cela de remporter l’une ou l’autre victoire (Carcassonne), de se monter sanguinaire en faisant régner la terreur (Béziers), puis d’éliminer les anciens dirigeants pour les remplacer par d’autres (à Carcassonne,  Simon de Montfort remplace Raimond Trencavel fort opportunément décédé en captivité). Ensuite, on profite des dissensions entre les habitants (Narbonne qui propose son aide pour attaquer Minerve) pour s’imposer partout et asseoir son autorité. Quand les forces militaires sur place ne suffisent pas, on demande du renfort (armées de Louis VIII ou de Louis IX) et enfin, par un travail de longue haleine, on détruit toute idée subversive dans la tête des gens (l’Inquisition, qui œuvra efficacement  sur place pendant quasi un siècle).

Prenons maintenant la guerre contre l’Irak, un grand pays qui vivait librement comme il avait envie de vivre, avec ses coutumes et ses croyances. Après une première opération militaire qui n’a pas osé aller jusqu’au bout, on met sur pied une deuxième coalition. On bombarde aveuglément, on détruit pour détruire (et pour terroriser), on destitue les chefs en place (Saddam Hussein) , on les élimine (condamnation à mort)  et on les remplace par un gouvernement fantoche à notre solde.  Ensuite, on se sert des dissensions entre les différentes races et les différentes religions. Ainsi, on privilégie les Kurdes, qui avaient toujours été malmenés par l’ancien régime (mais on continue à mépriser les Kurdes qui vivent chez nos amis Turcs, lesquels peuvent les massacrer sans que cela ne nous émeuve) et on finit si bien par dresser les sunnites contre les chiites qu’il ne se passe pas un jour sans qu’il n’y ait un attentat. Evidemment, la culture en place doit être détruite et les bombardements n’ont pas épargné les sites archéologiques. Quant aux musées de Bagdad, on ne les a pas protégés et on les a laissé piller. Pour terminer, il suffit de laisser un contingent armé sur place, pour s’assurer la mainmise sur les richesses du pays et imposer notre manière de voir les choses.

On pourrait tenir le même raisonnement pour la Lybie. Voilà un pays indépendant, avec une vision politique du monde assez différente de la nôtre (les richesses du pays profitent à l’ensemble des habitants) et qu’il s’agit d’éradiquer pour imposer notre point-de-vue (la démocratie à l’Occidentale, comprenez la libre circulation des biens et des richesses). On forme une coalition (chacun veut y participer pour avoir ensuite sa part du gâteau, comme les croisés l’avaient fait au XII° siècle), on se sert des dissensions internes (on soutient et on arme quelques habitants de Benghazi) et on bombarde aveuglément (Sirte, Misrata) afin de terroriser et de pousser les cadres de l’ancien régime à changer de camp (comme le comte de Toulouse, qui a rejoint les croisés). Enfin on destitue et on élimine le dirigeant (Kadhafi mourra même plus vite que le comte Trencavel puisqu’il n’atteindra même pas la prison qu’on lui destinait) pour le remplacer par un gouvernement fantoche à notre solde. Après avoir pris soin de s’emparer des principales richesses (90% des bénéfices provenant des puits de pétrole tombent maintenant dans l’escarcelle des multinationales occidentales, contre 10% autrefois), on laisse les Libyens régler leurs comptes entre eux. Et si des fondamentalistes musulmans détruisent des mausolées ou de vieux manuscrits,  on ne va pas s’en plaindre puisqu’il s’agit de détruire une culture pour imposer la nôtre.

Quant à la Syrie, j’en parlerai une autre fois, mais on retrouve les mêmes éléments : coalition étrangère, soutien massif à une soi-disant opposition, désir d’abattre un régime qui ne nous est pas favorable, etc.

Quand je disais qu’il n’y a jamais rien de nouveau sous le soleil, qu’il soit du Languedoc ou d’ailleurs.    

Bagdad.jpgBombardement de Bagdad par les Etats-Unis, mars 2003

  

 

25/08/2012

Réflexion sur la croisade

Après cette petite rétrospective sur la croisade contre les Albigeois, quelles réflexions pouvons-nous faire ?

Il convient tout d’abord de réfléchir sur le rôle de l’Eglise et des religions. On voit bien ici, une fois de plus, qu’une religion n’est qu’une secte qui a réussi. En quoi le catharisme n’était-il qu’une hérésie et en quoi le message de l’Eglise catholique romaine reflétait-il la Vérité ? On serait bien embêté pour le dire. D’autant plus que le catharisme, dans sa quête de pureté, semblait relever d’une démarche plus mystique et tenir un discours finalement plus proche du message d’amour du Christ que celui de l’Eglise elle-même, laquelle étalait dans ses cathédrales tout son or et toutes ses richesses. Les Cathares trouvaient que le monde terrestre était bien imparfait et que le Mal y régnait en maître. Ils n’avaient pas vraiment tort et ce n’est pas la croisade qui les a massacrés qui a dû les faire changer d’avis. Ils estimaient donc que puisque le monde était mauvais, c’est qu’il était l’œuvre du Diable. Le monde de Dieu, ce ne pouvait être que le Paradis, qu’il convenait d’atteindre en menant une vie pure (basée sur le respect des autres). A vrai dire, pour peu qu’on veuille voir les choses d’un point de vue strictement religieux, il n’y a rien de bien répréhensible dans cette théorie.

Non, la différence essentielle entre l’Eglise et la religion cathare réside dans l’aire d’influence de ces deux courants. Alors que l’Eglise règne déjà sur toute l’Europe, le Catharisme se limite au Languedoc.  L’Eglise est donc plus puissante et elle a les moyens matériels pour imposer ses théories. On voit ici comment elle influence les princes du Nord et les pousse à la croisade, profitant de la mainmise qu’elle exerce sur leur conscience. Elle a décidé une fois pour toute qu’elle détenait seule la Vérité (avouer le contraire ce serait admettre que son dogme contient des erreurs et donc qu’elle n’aurait aucune autorité pour s’imposer). Dès lors, elle ne peut que combattre ceux qui ne pensent pas entièrement comme elle. Elle n’hésite donc pas à répandre le sang pour éradiquer toute trace d’hérésie.

On pourrait lui reprocher qu’à ses débuts les fameux dogmes sur lesquels elle s’appuie n’étaient pas bien définis et qu’il a fallu plusieurs conciles pour déterminer ce qu’on a finalement considéré comme la Vérité (ce qui laisse pour le moins planer un doute sur la véracité intrinsèque de ces dogmes) . Notons d’ailleurs qu’au cours de ces conciles, ce sont les évêques les plus influents qui ont imposé leurs idées au détriment des idées de leurs collègues (par exemple pour définir la Trinité, qui reste une notion pour le moins surprenante et à laquelle je n’ai jamais rien compris). Ce ne sont donc pas les idées les plus convaincantes qui ont été officialisées, mais celles qui ont été défendues par les meilleurs orateurs. Tout ceci pour démontrer, si besoin était, que cette soi-disant Vérité n’en est pas une, mais qu’elle n’est qu’une vague synthèse des  courants dominants à une certaine époque.

Tout cela, inconsciemment, l’Eglise devait le savoir ou du moins elle devait savoir que certains pourraient mettre en doute la véracité de ses théories. Si elle voulait survivre, elle ne pouvait donc tolérer aucune critique et s’est donc employée à tuer dans l’œuf toute tentative de déviance.

On remarquera que dans un premier temps elle agit sur le terrain par personnes interposées, prêchant la croisade et envoyant au combat les professionnels de  l’époque, à savoir les chevaliers. Il faut dire qu’entre le pouvoir religieux et le pouvoir politique, l’entente a toujours été très bonne et pour cause, chacun ayant besoin de l’autre pour asseoir son autorité. L’Eglise est défendue par les armes des chevaliers et la noblesse s’impose grâce à l’aide de l’Eglise (le roi est sacré à Reims, oint du saint Chrême et tire son pouvoir de Dieu, via l’Eglise).

Ceci dit, on a vu que les croisés se souciaient finalement fort peu de religion et qu’ils venaient dans le Sud essentiellement dans le but de s’emparer de nouvelles terres. Bref, il s’agit d’un vol organisé et justifié par l’autorité de l’Eglise (laquelle y trouve son compte en éradiquant toute pensée « hérétique », autrement dit toute pensée qui dévie de son dogme officiel).

Le reste, on l’a vu,  n’est qu’une longue suite de combats sanglants. Ce qui fait mal, en dehors des vies perdues et de la souffrance endurée, c’est cette volonté d’exterminer une pensée et finalement une civilisation. Car le Midi de la France, au XII° siècle, possède un raffinement et une culture que le Nord ne possède pas. Cette région, très tôt colonisée par les Romains, se situait sur la route entre Rome et l’Espagne. Dans l’Antiquité déjà, la Narbonnaise a un statut à part par rapport au reste de la Gaule, colonisé beaucoup plus tard. Puis ce furent les invasions germaniques, qui ont plus marqué le Nord que le Sud.  Pendant qu’au-dessus de la Loire les seigneurs passaient leur temps à guerroyer ou à s’affronter dans des tournois, en-dessous de ce fleuve régnait le « fine amor », l’amour courtois. La femme était respectée et on lui écrivait des poèmes. Quelque part, c’est tout cela aussi qu’est venue anéantir la croisade.

Mais revenons au rôle de l’Eglise. C’est donc par la puissance qu’elle s’est imposée et par après elle a eu beau jeu de dire qu’elle avait su se maintenir pendant des siècles et qu’il fallait y voir là une intervention divine.

C’est ce que m’a dit un jour un prêtre avec qui je discutais et à qui j’avouais mon athéisme.  Je lui avais d’abord dit que son Dieu d’amour était étrange car en nous imposant l’épreuve de la mort (même s’il y a un paradis après, comme certains le prétendent) il se montrait particulièrement sadique. Là, la réponse du prêtre fut celle de l’autorité qui veut en imposer. Qui étais-je, moi misérable vermisseau, pour oser critiquer mon Dieu ? Voyant qu’on ne pouvait pas dialoguer sur ce terrain, j’ai mis la conversation sur les erreurs de l’Eglise et j’ai cité évidemment l’Inquisition. Il a admis les faits (comment aurait-il pu les nier ?) mais a dit que l’Eglise est composée d’hommes et donc, par définition, qu’elle est faillible. En gros, il fallait accepter toutes ses erreurs (croisades, Inquisition, richesse, collaboration, etc.). par contre ajouta-t-il, le fait qu’elle ait duré 2.000 ans prouve à suffisance que Dieu existe et qu’il la soutient, cette Eglise qui est la sienne, car aucune institution humaine n’a duré aussi longtemps. Là, j’ai essayé de lui expliquer que justement si elle avait duré si longtemps c’est parce qu’elle s’était imposée par la force et avait condamné toutes les déviances. Et une nouvelle fois, il a répété qu’elle avait commis des erreurs parce elle est composée d’hommes faillibles, mais qu’elle avait duré grâce à la volonté de Dieu. Bref, la conversation tournait en rond.

Alors je lui ai demandé comment il avait eu l’idée de se faire prêtre. Et là, à ma grande stupéfaction, il m’a dit que c’était à cause du scoutisme. Diable ! Comment cela ? Eh bien, ce n’était pas un mystique (Jean de Lacroix et Ste Thérèse d’Avila, cela ne le fascinait pas) mais un pragmatique. Ce qu’il avait aimé chez les scouts, c’était la camaraderie, l’esprit d’équipe et la fait de partager des émotions ensemble. Dans l’Eglise, c’est la même chose, m’expliqua-t-il. Peu importe ce que l’on croit et peu importe qu’au cours des siècles les Chrétiens n’aient pas toujours eu les mêmes convictions (des époques ont privilégié Dieu le père, terrible et vengeur, d’autres comme la nôtre préfèrent le message du Christ, etc.) ce qui compte, c’est de croire la même chose en même temps, en communion avec les autres. Vu comme cela, évidemment … 

Concile de Nicée (en 325)

concile_nicee.jpg

21/08/2012

La conquête du Sud (fin)

Des villes tombent, d’autres pas. Malgré les massacres, on ne peut pas parler de victoire. On pense à signer une paix quand survient la mort de Philippe Auguste. Les envoyés du pape savent que son fils ne sera pas opposé à une nouvelle croisade et ils oublient aussitôt leurs désirs de paix. De leur côté, les comtes de Toulouse et de Foix, ainsi que le vicomte de Trencavel (qui veulent éviter de nouveaux massacres et surtout conserver leurs territoires), donnent pourtant des signes de bonne volonté. Ainsi, ils s’engagent à purger leurs territoires de l’hérésie et à restituer les biens « volés » au clergé. En compensation, ils voudraient que les territoires donnés autrefois à Simon de Montfort leur reviennent. Le pape semble d’accord (forcément, il est le grand gagnant), mais Louis VIII, qui n’est pas prêt à renoncer à l’annexion du Sud, parvient à l’influencer et  après le concile de Bourges (en 1225), le comte de Toulouse se retrouve une nouvelle fois excommunié. Louis VIII se met alors à la tête d’une armée et descend vers le Sud en longeant le Rhône. Les villes provençales se soumettent les unes après les autres, sauf Avignon, qui est aussitôt assiégée et qui finit par capituler. Le roi occupe le Languedoc et reprend possession des terres données autrefois à Simon de Montfort.

Un accord politique se dessine. Le comte de Toulouse finit par faire pénitence devant Notre-Dame de Paris (mais en compensation il est confirmé comme comte de Toulouse) et le comte de Foix abandonne la lutte. Le pape envoie alors en Languedoc les tribunaux de l’Inquisition pour lutter contre les Cathares.

Il confie cette tâche aux Dominicains, lesquels font bientôt régner la terreur. On favorise les dénonciations et on brûle tous les Cathares que l’on trouve. L’Eglise ne pardonne jamais à ceux qui ne pensent pas comme elle et qui risqueraient de mettre son autorité en doute. Certaine de détenir la vérité en matière de foi, elle trouve logique de sauvegarder la Royaume de Dieu sur terre par tous les moyens.

La répression est telle, que le Languedoc finit par se soulever. Le comte de Toulouse, appuyé par Trencavel, par le vicomte de Narbonne et par le comte de Foix, s'emparent du Minervois, d’Albi et de Narbonne. Les Français, eux, tiennent Carcassonne et Béziers. Louis IX (Saint Louis) marche sur le Languedoc. Tout le monde lui fait allégeance, laissant le comte de Toulouse absolument seul. Celui-ci n’a plus d’autre solution que de faire acte de soumission.

La résistance cathare se concentre alors sur quelques châteaux pyrénéens, dont Montségur et Quéribus. Après un siège  de dix mois, la forteresse de Montségur tombe. Deux cents Cathares sont aussitôt brûlés.

Les derniers Cathares se réfugient dans le château de Quéribus. Le comble, c’est que le château est acheté par Louis IX au roi d’Aragon. On ne peut décemment laisser des hérétiques occuper un château du roi de France ! Le problème, c’est que ce château, dressé sur son piton rocheux, face à l’abîme, est quasi imprenable... Alors on négocie et après quelques années les derniers Cathares se rendent. On ignore le sort qui leur a été réservé.

L’Inquisition, quant à elle, continuera son œuvre pendant trois quarts de siècle, afin d’extirper complètement les racines du catharisme.

Le Languedoc, qui jusque là était dans la sphère culturelle et politique de l’Aragon et de la Catalogne, bascule définitivement du côté français. Une nouvelle frontière est née et les châteaux de Montségur, Peyrepertuse et Quéribus, qui défendaient au départ les frontières septentrionales de l’Aragon, défendent maintenant les frontières méridionales du royaume de France. Il faudra attendre le traité des Pyrénées, sous Louis XIV (qui fixera définitivement les limites entre la France et l’Espagne) pour qu’ils perdent toute importance stratégique.

Ayant perdu le Languedoc et n’ayant aucune chance de le reconquérir, l’Aragon va alors se tourner vers le Sud et dans le cadre de la Reconquista contre les Musulmans d’Espagne, il va annexer le royaume de Valence (Valencia)

 Château de Quéribus, photos personnelles, juillet 2012

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23:08 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (6)

20/08/2012

La conquête du Sud

La sauvagerie du sac de Béziers avait eu pour but d’effrayer la population languedocienne, dans l’espoir qu’elle renonçât à toute résistance. Qu’arriva-t-il après cette destruction de Béziers ?  Les croisés n’allaient pas attaquer le Comte de Toulouse, puisque celui-ci avait habilement rejoint leur camp. Ils n’allaient pas non plus attaquer le roi d’Aragon, qui était trop puissant (et sur les terres duquel le catharisme était peu répandu). Alors ils se tournèrent vers Carcassonne, la cité de Raimond Trencavel.

Celle-ci semble imprenable, avec ses kilomètres de remparts et ses nombreuses tours. Pourtant, il aura suffi de s’emparer des points d’eau pour la faire capituler (il faut dire que la ville était surpeuplée, avec tous les habitants de la région qui s’y étaient réfugiés). Trencavel, invité à négocier la reddition, se rendit dans le camp ennemi, un drapeau blanc à la main, mais il fut aussitôt arrêté et il mourut mystérieusement dans sa prison quelques semaines plus tard. Il n’avait que 24 ans. Curieux. Dieu semble décidément savoir où sont ses intérêts. Bref, à la place du jeune Trencavel, on nomma Simon de Montfort, qui eut pour mission de purger la région de toute hérésie et de la soumettre.

Tous les princes croisés étant rentrés chez eux dans le Nord, celui-ci se retrouve tout seul, avec une troupe de cinq cents soldats. C’est bien peu. Alors il règne par la terreur. Les seigneurs occitans qui violent leur serment de soumission sont traînés par des chevaux ou pendus. D’autres encore sont rendus aveugles ou se retrouvent sans nez.

C’est à ce moment que les habitants de Narbonne proposent leur aide contre la ville de Minerve. Simon de Montfort profite de ces dissensions entre Occitans pour assiéger la ville. Grâce à un énorme trébuchet, il parvient à détruire le chemin couvert qui permet le ravitaillement en eau. Minerve se rend et cent quarante hérétiques qui refusent de renier leur foi sont brûlés vifs. Devant cet exemple, d’autres villes capitulent.

De son côté, le roi d’Aragon n’apprécie pas trop les troubles qui se déroulent sur ses terres du Languedoc (les seigneurs occitans sont ses vassaux et lui leur suzerain). Il tente de calmer le jeu, d’une part en reconnaissant les possessions de Simon de Montfort et d’autre part en demandant au comte de Toulouse de démilitariser ses états. Ce dernier refuse. Il est aussitôt excommunié, ce qui a pour conséquence qu’il va lever une armée et que d’allié des croisés il se retrouve leur ennemi. De petits seigneurs occitans le rejoignent et parmi eux Aimery de Montréal, qui s’enferme à Lavaur. Simon de Montfort fait le siège de la citadelle, aidé par l’évêque de Toulouse, qui le rejoint avec 5.000 soldats, La ville est bientôt prise, grâce à une mine qui permet d’ouvrir une brèche dans les remparts. Aimery de Montréal et ses chevaliers sont immédiatement pendus pour trahison, tandis que sa sœur, Dame Guiraude, est livrée à la soldatesque avant d’être précipitée vivante au fond d’un puits :

Estiers dama Girauda qu’an en un potz gitat : de peiras la cubriron , don fo dols e pecatz, que ja nulhs hom del segle, so sapchatz de vertatz no partira de leis entro agues manjat »

(« Quant à dame Giraude,dans un puits on l’a jetée et couverte de pierres ; ce fut bien grand péché car quiconque vers elle se tournait recevait du secours et du pain à manger).

Quant aux habitants, on en brûle entre trois à quatre cents. La terreur règne dans tout le Languedoc.

Abrégeons et retenons qu’après avoir fait le siège de plusieurs villes et avoir semé la désolation, Simon de Montfort se retrouve devant Toulouse. C’est là qu’il mourra, frappé par un jet de pierre provenant des murailles. Il faut croire que même Dieu était lassé de ses méfaits.  

 

Son fils prend la relève, mais il n’a pas l’autorité de son père et tous les barons languedociens en profitent pour se rallier au comte de Toulouse. Tout est à recommencer ! Le pape prêche une nouvelle croisade, au début de l’année 1218. Le roi Philippe Auguste  décide d’envoyer son fils Louis (futur Louis VIII) pour intervenir en Languedoc. Celui-ci tente surtout d’imposer dans le Sud l’autorité du Roi et dans le fond il se moque bien des motifs religieux.

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23:37 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (2)

11/08/2012

Le Sud

Ils sont arrivés, nombreux, avec leurs chevaux et tout leur équipage.

Ils sont arrivés et se sont installés.

Combien étaient–ils ? On ne sait pas trop. Certains parlent de vingt mille hommes. Vingt mille hommes, c’est énorme !

En tout cas ils étaient là, avec leurs destriers, leurs armures et leurs machines de guerre.  Ils étaient là, campant sur les rives de l’Orb.  Il y avait des nobles, des chevaliers, mais surtout beaucoup de brigands, tous appâtés à l’idée de s’emparer des belles terres du Sud. Il y avait des prêtres, aussi, venus répandre la  Bonne Nouvelle.

Ils étaient là, campant devant Béziers  et observant.

Puis ils ont exigé qu’on leur livrât les infidèles les plus notoires.

De Béziers, du haut des remparts, on a répondu qu’ il n’y avait ici que de vrais chrétiens et qu’il était vain de savoir si, parmi ceux-ci, il y en avait de bons et de moins bons. On ajouta que tous suivaient l’enseignement du Christ et surtout que tous étaient de Béziers. Jamais un Biterrois n’allait en livrer un autre.  

Alors, Arnaud Amaury, abbé de Cîteaux, qui commandait la croisade comme légat du pape,  donna l’ordre aux soldats de rentrer dans la ville. Ce qu’ils firent aussitôt, pillant, tuant, violant, brûlant, saccageant tout. On dit que toute la population fut massacrée. Toute la population, c’est terrible !

On dit aussi que les soldats,  un peu embarrassés quand même avant de se ruer sur la ville, avaient demandé à l’abbé comment ils allaient reconnaître les catholiques des hérétiques. Et Amaury  aurait répondu « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens. » (1) On ne sait pas si la phrase est authentique ou si elle a été inventée. Cela n’a d’ailleurs aucune importance. Ce qui est sûr, c’est que ce fut un massacre épouvantable qui se perpétra ce jour-là.  

On était le 22 juillet 1209.      

La croisade contre l’hérésie cathare venait de commencer.

 

(1)    Le texte de Césaire d'Heisterbach dit «  Cædite eos. Novit enim Dominus qui sunt eius. »


Littérature

14:49 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : littérature

08/08/2012

Réflexion

Les chemins  que l’on emprunte ne mènent jamais nulle part.

Ils mènent à d’autres chemins, c’est tout.

Et l’on avance, tout content de progresser, avant de se rendre compte qu’on a tourné en rond et qu’on se retrouve au point de départ.

01:14 Publié dans Errance | Lien permanent | Commentaires (2)

05/08/2012

Une maison à la campagne (17 et fin)

J’ai refermé le livre et j’ai regardé l’heure à ma montre. Il était juste minuit. Il aurait fallu aller dormir, mais je n’en avais aucune envie. Toutes ces histoires lues à la suite les unes des autres avaient laissé en moi une impression étrange.  Je repensais une nouvelle fois à Alasina et à sa conception de l’amour. Voilà une jeune fille qui était morte jeune, mais au moins on pouvait dire qu’elle avait vécu car elle s’était donnée complètement à sa passion.   Folie me direz-vous, puisque cette passion l’avait emportée… Peut-être. Mais l’amour n’est-il pas une folie ? Et puis que vaudrait la vie sans l’amour ? Elle ne vaudrait rien du tout. Et je me prenais à rêver. Il me semblait que si quelque part une fille m’avait aimé avec la même intensité qu’Alasina avait aimé son compagnon, il me semblait, disais-je, que mon existence aurait pris un autre cours. Mais où aurais-je pu rencontrer une telle fille ? Il n’y a que dans les romans qu’on les trouve, évidemment. De mon côté, j’aurais pu aussi me prendre d’une passion extraordinaire pour une inconnue rencontrée par hasard. Je la voyais déjà, lisant Dostoïevski dans le métro, et relevant subitement la tête en sentant mon regard posé sur elle. Mais un tel amour est souvent à sens unique et j’en avais déjà fait plusieurs fois l’expérience. Ma vie aurait-elle eu plus de sens si je m’étais épris à la folie d’une belle indifférente ? Bien sûr que non. A part de la souffrance, une telle relation n’aurait rien pu m’apporter. Quant à cette femme, plus elle aurait lu Dostoïevski, Jaccottet ou Garcia-Marquez, plus j’aurais regretté de ne pouvoir la rejoindre dans son univers. Bref, j’avais bien fait de ne pas prendre trop souvent le métro.

Et l’explorateur africain ? Sa vie avait-elle eu un sens ? Il s’était ennuyé à mourir dans son univers bourgeois et aisé de Bordeaux, puis il avait erré à travers le continent noir, à la recherche de lui-même. C’est quand il avait renoncé à ce qu’il était (un homme européen cultivé) et qu’il avait accepté l’Afrique dans  sa sauvagerie primitive, qu’il semblait enfin avoir trouvé sa voie. Fallait-il toujours se renier pour se trouver ? C’était pourtant ce qu’avait fait Alasina, car dans sa passion exacerbée pour Bukuran, elle n’était plus vraiment  elle-même ; quant à l’explorateur, il avait compris que la vérité n’était ni en lui ni au bout de l’horizon, mais dans la vie simple de tous les jours, qu’il fallait accepter. Pourtant, paradoxalement, de cette vie simple, Alasina n’avait pas voulu. Il lui avait fallu un amour fou pour se dépasser. Et c’est là qu’elle rejoignait l’explorateur : tous les deux avaient oublié ce qu’ils étaient et avaient découvert la vérité dans un « ailleurs » qui n’était pas eux (une personne de l’autre sexe pour elle, une culture différente pour lui). Curieux message que me donnait là la littérature.

Que fallait-il en penser ? Plus je réfléchissais et plus il me semblait devenir aussi fou que les personnages de la deuxième nouvelle. Et à propos du meurtrier de la petite Sarah, je me disais qu’il était le seul à avoir suivi sa logique jusqu’au bout. Il se croyait persécuté et il avait tué pour cela. Lui au moins ne s’était pas renié, mais malheureusement tout son raisonnement était faux puisqu’en réalité la pauvre Sarah ne lui voulait aucun mal. Que fallait-il en conclure ? Que nous subissions tous les événements. Alasina aurait pu ne jamais croiser la route de Bukuran et l’explorateur aurait pu ne jamais quitter Bordeaux.  Quant à Sarah, elle n’avait jamais rien décidé. « On » avait décidé qu’elle était folle et « on » l’avait enfermée, puis, un beau matin, quelqu’un de plus fou qu’elle encore était venu la tuer. Quelle drôle d’histoire que la vie quand même !

Toutes ces questions me trottaient en tête et j’avais l’impression que tout m’échappait. La seule chose qui me semblait certaine, c’était que mon existence si bien réglée de petit fonctionnaire n’avait aucun sens. La vie des gens, autour de moi, ne paraissait pas en avoir davantage. Seule la littérature, finalement, s’interrogeait sur l’essentiel (encore que les réponses qu’elle apportait étaient particulièrement déroutantes). Cela voulait donc dire que la vraie vie se trouvait dans les livres ? Qu’il n’y avait de vérité que dans l’imaginaire ? Que le rêve était le seul moyen d’accéder à un certain niveau de conscience ? Dieu, s’il existait, nous aurait donné la capacité d’écrire pour que nous puissions à notre tour créer des univers différents du sien, des univers utopiques qui refléteraient nos désirs (tout en n’étant jamais la réalité, mais de simples histoires inventées, couchées sur du papier blanc).

Il était plus de minuit et j’ai éteint la lampe. Dans le noir de la pièce, je suis resté comme cela, assis dans mon fauteuil, le livre sur les genoux. Puis j’ai fermé les yeux. Il n’y avait plus rien d’autre que l’obscurité et insensiblement j’ai sombré dans le sommeil. Ce fut un sommeil sans rêve.

 

 

                                               FIN


littérature

00:32 Publié dans Prose | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature