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21/08/2012

La conquête du Sud (fin)

Des villes tombent, d’autres pas. Malgré les massacres, on ne peut pas parler de victoire. On pense à signer une paix quand survient la mort de Philippe Auguste. Les envoyés du pape savent que son fils ne sera pas opposé à une nouvelle croisade et ils oublient aussitôt leurs désirs de paix. De leur côté, les comtes de Toulouse et de Foix, ainsi que le vicomte de Trencavel (qui veulent éviter de nouveaux massacres et surtout conserver leurs territoires), donnent pourtant des signes de bonne volonté. Ainsi, ils s’engagent à purger leurs territoires de l’hérésie et à restituer les biens « volés » au clergé. En compensation, ils voudraient que les territoires donnés autrefois à Simon de Montfort leur reviennent. Le pape semble d’accord (forcément, il est le grand gagnant), mais Louis VIII, qui n’est pas prêt à renoncer à l’annexion du Sud, parvient à l’influencer et  après le concile de Bourges (en 1225), le comte de Toulouse se retrouve une nouvelle fois excommunié. Louis VIII se met alors à la tête d’une armée et descend vers le Sud en longeant le Rhône. Les villes provençales se soumettent les unes après les autres, sauf Avignon, qui est aussitôt assiégée et qui finit par capituler. Le roi occupe le Languedoc et reprend possession des terres données autrefois à Simon de Montfort.

Un accord politique se dessine. Le comte de Toulouse finit par faire pénitence devant Notre-Dame de Paris (mais en compensation il est confirmé comme comte de Toulouse) et le comte de Foix abandonne la lutte. Le pape envoie alors en Languedoc les tribunaux de l’Inquisition pour lutter contre les Cathares.

Il confie cette tâche aux Dominicains, lesquels font bientôt régner la terreur. On favorise les dénonciations et on brûle tous les Cathares que l’on trouve. L’Eglise ne pardonne jamais à ceux qui ne pensent pas comme elle et qui risqueraient de mettre son autorité en doute. Certaine de détenir la vérité en matière de foi, elle trouve logique de sauvegarder la Royaume de Dieu sur terre par tous les moyens.

La répression est telle, que le Languedoc finit par se soulever. Le comte de Toulouse, appuyé par Trencavel, par le vicomte de Narbonne et par le comte de Foix, s'emparent du Minervois, d’Albi et de Narbonne. Les Français, eux, tiennent Carcassonne et Béziers. Louis IX (Saint Louis) marche sur le Languedoc. Tout le monde lui fait allégeance, laissant le comte de Toulouse absolument seul. Celui-ci n’a plus d’autre solution que de faire acte de soumission.

La résistance cathare se concentre alors sur quelques châteaux pyrénéens, dont Montségur et Quéribus. Après un siège  de dix mois, la forteresse de Montségur tombe. Deux cents Cathares sont aussitôt brûlés.

Les derniers Cathares se réfugient dans le château de Quéribus. Le comble, c’est que le château est acheté par Louis IX au roi d’Aragon. On ne peut décemment laisser des hérétiques occuper un château du roi de France ! Le problème, c’est que ce château, dressé sur son piton rocheux, face à l’abîme, est quasi imprenable... Alors on négocie et après quelques années les derniers Cathares se rendent. On ignore le sort qui leur a été réservé.

L’Inquisition, quant à elle, continuera son œuvre pendant trois quarts de siècle, afin d’extirper complètement les racines du catharisme.

Le Languedoc, qui jusque là était dans la sphère culturelle et politique de l’Aragon et de la Catalogne, bascule définitivement du côté français. Une nouvelle frontière est née et les châteaux de Montségur, Peyrepertuse et Quéribus, qui défendaient au départ les frontières septentrionales de l’Aragon, défendent maintenant les frontières méridionales du royaume de France. Il faudra attendre le traité des Pyrénées, sous Louis XIV (qui fixera définitivement les limites entre la France et l’Espagne) pour qu’ils perdent toute importance stratégique.

Ayant perdu le Languedoc et n’ayant aucune chance de le reconquérir, l’Aragon va alors se tourner vers le Sud et dans le cadre de la Reconquista contre les Musulmans d’Espagne, il va annexer le royaume de Valence (Valencia)

 Château de Quéribus, photos personnelles, juillet 2012

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23:08 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (6)

Commentaires

Que voilà de belles vacances studieuses :)
Merci de ce beau récit érudit, édifiant...

Il m'évoque ce roman d'un auteur aragonais, Anchel Conte : "Cierzo" (La Ramonda, 2009 ou 2010).
L'histoire (dans un long monologue), trois siècles plus tard, sous Philippe II, d'une hérétique parmi les chrétiens et renégate parmi les musulmans, condamnée à l'exil. De Huesca à Oran en passant par les cachots de l'Inquisition à Saragosse...

Écrit par : Michèle | 22/08/2012

@ Michèle :c'est cela qui est inquiétant avec les religions, c'est qu'elles prétendent détenir la vérité (alors que leur propre conception de la divinité se modifie au cours des siècles, ce qui est normal par ailleurs). Si j'étais croyant, il me semble que j'aurais ma propre manière de me rapprocher de Dieu car finalement il existe autant de religions que d'hommes et de femmes sur la terre. Ce sont là des matières où l'on n'est sûr de rien et chacun tente de s'arranger comme il peut avec toutes ces grandes questions que sont l'existence du monde, le bien et le mal, la mort, etc. En quoi des érudits qui ont étudié un texte vieux de 2.000 ans et plus (texte écrit par d'autres hommes qui n'en savaient d'ailleurs pas plus qu'eux) peuvent-ils plus que moi savoir quelle est la nature de Dieu et comment il convient de lui parler ?

Quand je regarde un arbre et que je le trouve beau, moi l'incroyant, il me semble que je fais plus d'honneur à la création que beaucoup de croyants. Mais bon, certains ont fini sur le bûcher pour moins que cela. Nous y reviendrons.

Écrit par : Feuilly | 22/08/2012

Le chapitre LXVI de "La barque silencieuse" de Quignard parle de l'athéisme.

J'en recopie deux fragments (sans autorisation de l'auteur, non plus que de l'éditeur ) :

*

Si l'athéisme est l'étape la plus difficile que l'expérience mentale humaine ait à connaître, alors cette valeur (ou du moins cette dubitation devant toute valeur) est d'autant plus inestimable que la victoire lui échappe à jamais.
La dubitation est née avec l'écriture.
L'espacement que le doute suppose résulte de la dislocation du flux linguistique dans les lettres écrites.
La dislocation du flux linguistique dans les lettres écrites permet la décontextualisation des saisons, des âges, des rois, des mythes, des dieux, des chroniques, des héros, des expériences, des genres.

*

Stevenson signait ses lettres "L'Athée".

*

(...)
Au XVIe siècle, au XVIIe siècle, au XVIIIe siècle, au XIXe siècle, au XXe siècle, au XXIe siècle, les lettrés se reconnaissaient entre eux. Ils se penchaient et murmuraient : "De tribus impostoribus !" Moïse, Jésus, Mahomet leur paraissaient être des maîtres tyranniques qui revendiquent la totalité du champ social. Les dogmes que les trois prophètes avaient mis en avant avaient organisé un contrôle sur les âmes qu'ils entouraient de prescriptions et de terreurs. Ils taxaient les ressources pour entourer de luxe les chefs qui prélevaient siècle après siècle des millions et des dizaines de millions de corps afin de les sacrifier dans la croisade ou le martyr.

Écrit par : Michèle | 22/08/2012

Un des rôles fondamentaux de l'église est de priver les hommes de leur besoin de religiosité en leur imposant une vision dogmatique, étriquée, didactique, la seule qui vaille. En un mot comme en cent, leur vision.
Moi-même profondément athée, j'ai toujours prétendu qu'une des preuves de l'inexistence de dieu pourrait justement bien être les religions, la poésie de l'éternité, individuelle, dubitative, ne se conjuguant surtout pas au travers un catéchisme, quel qu'il soit.
Une deuxième preuve serait les conciles : L'idée de dieu est sans doute idée absolue. Or, un dogme qui régulièrement a tenté de s'adapter peu ou prou aux époques et aux découvertes de la science, me paraît d'origine essentiellement humaine.

Bien à vous

Écrit par : Barnabé | 22/08/2012

Je lis sous la plume d'Alain Raynal (auteur et journaliste à "La Marseillaise" et à "L'Humanité"), que la dissidence cathare qui s'était répandue sur tout le Lauragais, situé entre Toulouse et Carcassonne, dans le Toulousain, l'Agenais, à l'est du Bas-Languedoc, sur le Comté de Foix, à l'est de la Catalogne, et plus faiblement, dans le Quercy et le Périgord, aurait concerné entre 5 et 10% de la population.
Il s'agit pour beaucoup d'une population riche et instruite composée d'élites urbaines marchandes en butte au droit canonique de l'église qui condamne les prêts à intérêt et le bénéfice commercial.
La dissidence gagne aussi la petite aristocratie du Midi confrontée à la réforme grégorienne qui a retiré aux laïcs la collecte de la dîme au profit du clergé.

Écrit par : Michèle | 25/08/2012

@ Michèle : la pureté cathare serait une question de gros sous alors ?
@ Barnabé : voir la note suivante.

Écrit par : Feuilly | 25/08/2012

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