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16/07/2007

Fermeture annuelle

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20:46 Publié dans Blogue | Lien permanent | Commentaires (0)

13/07/2007

De l'ordre des livres

Les livres, dans ma bibliothèque, sont rangés, ce qui est déjà bien. Le problème, c’est que le classement peut parfois sembler arbitraire, seul le maître des lieux s’y retrouvant plus ou moins. Doit-on classer par genre, par pays, par thème ? J’ai opté finalement pour le classement par genre (essais, romans, poésie, livres de critiques, peinture, histoire, dictionnaires et encyclopédies, histoires de la littérature, divers), doublé d’un classement alphabétique. Il y a, bien entendu, quelques petites entorses, comme le fait qu’un rayonnage spécial soit réservé à la littérature d’Espagne et d’Amérique du Sud, ce qui crée quelques confusions : où placer Neruda : dans ce rayon ou dans la poésie ? C’est curieux d’ailleurs. Un roman de Péruvien Vargas Llosa sera rangé d’office dans ce rayon hispanique, tandis que pour la poésie, j’hésite. Est-ce dû à l’essence même de la poésie, qui semble mériter sa rubrique à part, quelle que soit la nationalité de l’auteur ou bien tout simplement mon choix est-il guidé par le fait que souvent ces livres de poésie appartiennent à la collection Poésie de chez Gallimard et qu’il est donc logique de les regrouper tous ? Il serait intéressant de savoir ce qui se passe dans notre subconscient quand nous classons nos livres et notre choix définitif, s’il était analysé, révélerait peut-être beaucoup plus de choses que nous ne l’imaginons sur nos goûts et nos priorités en matière de littérature.

Finalement, avec mon classement, il ne subsiste qu’un inconvénient majeur : celui de savoir comment intégrer les nouveaux livres qu’on vient de lire. Il est difficile, en effet, de déplacer des rangées entières chaque fois qu’il faut venir intercaler un ou deux volumes dans l’ordre alphabétique préexistant. La solution trouvée consiste à consacrer un rayonnage provisoire à ces nouvelles acquisitions. Idéalement, une fois le rayonnage rempli, il faudrait alors incorporer l’entièreté des volumes présents dans le classement alphabétique général de la bibliothèque (tout en respectant toujours les subdivisions par genres : romans, essais, etc.), ce que je fais bien rarement, il faut bien l’avouer. Moralité : je me retrouve avec plusieurs classements alphabétiques parallèles, ce qui ruine d’un coup l’intérêt d’un tel classement.

Il faudrait aussi parler des volumes non-lus, qui représentent tout de même une pile importante, que mes flâneries dans les librairies viennent alimenter en permanence. Ces non-lus, eux, sont sur un rayonnage à part, sans classement aucun, ce qui permet de choisir le livre que l’on désire selon les affinités du moment, sans devoir se plier à une quelconque logique. (Cela signifie que l’ordre de lecture ne respectera pas la date d’achat). D’une manière générale, j’ai tendance à alterner les genres. Après un roman très long, j’éprouve le besoin de lire de la poésie. Après la poésie, je passerai à de l’histoire ou à un essai, avant de revenir à quelques romans courts, etc. L’avantage, c’est que j’aborde toujours un nouveau livre dans un bon état d’esprit. Je ne me dis jamais : « il faudrait tout de même bien que je me décide à lire cette brique ». Non, chaque livre arrive au stade de la lecture quand il est attendu. Cela ne m’empêche pas, d’ailleurs, de l’avoir déjà feuilleté une ou deux fois au préalable, histoire d’en deviner le contenu et de jouir à l’avance du moment où je pourrai enfin le lire.

Bon, j’avais dit plus haut que le seul problème non solutionné était l’intégration des livres lus dans le classement alphabétique général. A bien y réfléchir, il en subsiste également un autre, qui est le critère esthétique. En effet, il peut paraître souhaitable de regrouper ensemble tous les Gallimard, tous les Stock, tous les Seuils, etc. Un alignement de livres de la même couleur et de la même taille peut sembler plus harmonieux au regard que d’alterner un grand volume bleu avec un petit volume rouge. Sur un plan purement intellectuel, un tel souci esthétique n’a aucun sens, j’en ai bien conscience. Néanmoins, j’ai eu tendance à regrouper tous les NRF ensemble, comme tous les Pléiades, sans doute à cause du prestige dont jouissent ces deux collections. Pour les Pléiades, tout le monde agit comme moi, je crois, mais pour les NRF, pas forcément. Pourtant, il y a un plaisir certain à pouvoir passer la main sur la tranche de ces livres au ton chaud et discret. La couverture cartonnée mais non plastifiée offre une jouissance qu’on n’a pas forcément l’occasion d’éprouver avec d’autres collections. Il me semble toujours qu’il émane de ces Gallimard comme une « aura littéraire », qui ne tient pas seulement au prestige de la NRF, mais peut-être aussi au fait que ces volumes renvoient à l’Histoire littéraire de la France. Ils SONT la littérature française et leur côté un peu vieillot (uniquement cartonnés et de couleurs discrètes) permet de faire rêver de temps plus reculés encore, temps dont ils semblent avoir conservés l’âme pour nous la restituer à notre époque de l’électronique.

Du coup, si les Gallimard sont à part (sauf ceux qui ne sont pas encore lus et sauf ceux qui viennent juste d’être lus et qui sont donc sur le rayonnage provisoire, vous me suivez toujours ?), il m’a paru logique de regrouper également les livres de poche et tant que faire de se donner ce mal, de les regrouper par collections : Folio, Livre de poche et Livre de poche classique (ceux avec une couverture rouge cartonnée, qu’on ne trouve plus qu’en occasion). Cela nous donne donc un classement alphabétique pour les Folio, un pour les Livres de Poche, un pour les Gallimard, un pour les autres collections originales, un pour la poésie Gallimard et un pour les auteurs hispaniques. Quand je vous disais qu’il n’y avait que moi pour m’y retrouver !

En fait, je m’en rends compte, le problème vient du fait de croiser plusieurs critères : critère alphabétique, critère esthétique, critère du genre (roman, poésie…), critère de langue (les Hispaniques). Mais bon, le principal n’est-il pas que je puisse toujours aller chercher le bon volume quand j’en ai besoin ? Les soirs d’hiver, quand il me prend l’envie, à deux heures du matin, de relire quelques pages de mon Montaigne, je sais où aller le trouver. De mémoire je me souviens que c’est une édition de poche et qui plus est chez Garnier-Flammarion. Tiens, je ne l’avais pas encore citée, cette collection... Commencerais-je tout de même à m’y perdre un peu ?

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Sur cette photo, découverte sur Internet et qui n’est donc pas une photo de ma bibliothèque, on remarquera que l’ensemble reste harmonieux, la taille des livres étant plus ou moins identique.

12/07/2007

Autopromotion

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http://www.vebret.com/actualite/
Dans "La Presse littéraire", actuellement en vente dans les kiosques parisiens, on trouvera:






1. Mon article sur Oriana Fallaci (rapport entre écriture journalistique et écriture littéraire). Ce thème avait d’abord été abordé ici-même
(http://feuilly.hautetfort.com/archive/2007/04/11/roman-et...l) et puis finalement il a donné lieu à cet article.

2. Ma nouvelle « Un écrivain plein d’avenir ». C’est la première fois qu’une de mes nouvelles paraît ainsi dans une revue, c’est pourquoi je me permets de le signaler. Sur un ton mi-ironique, mi-amusé, on découvrira les déboires d’un aspirant écrivain qui recherche un éditeur. Allez savoir d’où cette idée m’est venue…

10/07/2007

Paysage (5)

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Que connaissons-nous des campagnes d’autrefois ? Rien, sans doute. Les villes elles-mêmes, il n’est pas facile de se les représenter. Comment était Paris au Moyen-Age ou Toulouse ou Bordeaux ? Nous ne le savons pas vraiment et seule notre imagination permet de suppléer à cette carence. Il existe des documents, pourtant, qui représentent ces villes, des plans, des cartes, que sais-je encore. Il y a aussi les vestiges monumentaux qui nous viennent de ces époques lointaines et que nous avons conservés tant bien que mal : les châteaux-forts, les murailles de Carcassonne, mais aussi les rues sinueuses du vieux Rouen ou celles plus modestes de certains villages (Saint –Cirq Lapopie, dans le Quercy, Castelnou, dans les Pyrénées, etc.).

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On parvient donc à se représenter tant bien que mal à quoi devaient ressembler ces villes et villages médiévaux. Je ne parle évidemment que de la configuration des lieux pas de l’ambiance qui devait y régner, car là c’est bien plus difficile.

Et les campagnes ? Les champs qui entourent le village, la forêt qui longe les champs, les chemins de terre qui relient un lieu à un autre ? Tout cela était-il désert, comme aujourd’hui ou au contraire était-ce peuplé par toute une population de paysans occupés à travailler ou de voyageurs en train de se déplacer ? Ici, point de vestiges, peu de croquis, pas de traces du temps passé. Des millions et des millions de personnes ont ainsi vécu du travail de la terre et nous n’en avons conservé pour ainsi dire aucun témoignage.

Notre conception contemporaine est faussée. Si je me promène aujourd’hui dans les Causses ou dans les paysages de la Haute-Loire, j’apprécierai, moi le citadin, le calme reposant de ces lieux. Mais la désertification ambiante, l’abandon de ces hautes terres par leurs habitants, ne doivent pas me faire oublier qu’il n’y a pas si longtemps, ces contrées étaient encore bien peuplées. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder la liste des noms inscrits sur les monuments aux morts. Tel village qui ne compte plus aujourd’hui qu’une centaine d’habitants avait pourtant « donné à la France » une bonne cinquantaine de ses fils. Cela veut bien dire que les habitants ont tous quitté leurs activités agricoles pour s’en aller vers les villes, où ils sont devenus « flics ou fonctionnaires » comme disait Ferrat dans sa chanson. Cela veut dire aussi qu’autrefois les champs étaient peuplés de ces travailleurs manuels, occupés à faucher le foin ou à mettre en gerbes la récolte de blé. Tout cela m’a encore été confirmé par mes parents. Il était impossible de sortir du village sans croiser des dizaines de villageois s’en allant ou revenant de leurs champs, tandis que si le regard se portait à l’horizon, il rencontrait une campagne animée et peuplée par tous ces paysans occupés à leurs tâches. On s’interpellait d’un lopin de terre à un autre, on prenait des nouvelles de la maladie d’un voisin, on voulait savoir si la petite Marie avait déjà accouché et si c’était un garçon. Bref, toute une vie sociale se déroulait à l’extérieur, là où aujourd’hui vous n’avez plus que le passage rapide et bruyant d’un unique tracteur.

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Je ne dis pas que c’est mieux ou plus mal, je dis que c’est différent.. Et j’ajoute qu’il nous est difficile d’imaginer ce qu’étaient nos campagnes il n’y a pas encore si longtemps. Et pourtant… Et pourtant c’est une activité millénaire qui est venue mourir ainsi dans le courant de la deuxième moitié du vingtième siècle. Un fromage comme le cantal, la fourme d’Ambert ou le Saint Nectaire, que l’on fabrique encore de manière artisanale (mais de moins en moins) dans les fermes du massif central, ce fromage, dis-je, remonte au moins à nos ancêtres gaulois. C’est toute une tradition et un savoir-faire millénaire qui est ainsi arrivé jusqu’à nous, pour être remplacés par des laiteries industrielles aux produits insipides.

Mon but ici n’est pas d’être nostalgique, mais de faire comprendre que nous avons assisté, bien malgré nous, à la fin d’un monde et au remplacement de celui-ci par un autre. Il faudrait tout de même se souvenir que ces activités traditionnelles étaient finalement celles des agriculteurs-éleveurs du néolithique et qu’il n’y avait peut-être pas une différence aussi fondamentale qu’on pourrait le croire entre un paysan de 1930 et son ancêtre qui vivait en moins 3000 avant JC. Ou que cette différence était moindre qu’entre ce même paysan et un Parisien vivant dans son HLM et fréquentant assidûment les Mac Donald.

Alors, parfois, je me plais à imaginer cette vie d’autrefois. Sur les sentiers de terre des campagnes, il me semble voir les clercs du Moyen-Age se rendant d’une abbaye à l’autre afin d’aller étudier. Quand parfois une ombre se dessine à l’horizon, il me plait de penser que c’est peut-être Zénon, le héros de L’Oeuvre au noir de Yourcenar que je vais croiser. A l’approche du village, je finis par sentir l’odeur du pain que l’on vient de cuire dans le four banal et devant la vieille forge en ruine il me semble entendre le bruit des marteaux qui battent encore le fer.

Qu’êtes-vous devenus, frères humains qui avez été ? En quel lieu êtes-vous partis, avec tout votre savoir-faire et votre simple sagesse faite de bon sens ?

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15:38 Publié dans Errance | Lien permanent | Commentaires (0)

07/07/2007

Qu'est-ce que l'utopie?

Quelle est l’origine du mot Utopie ? Il vient de l’Utopia de Thomas More, bien entendu. Au moins voilà un écrivain qui non seulement osait rêver mais qui en plus n’avait pas peur de créer des néologismes. Formé de toute pièce à partir d’étymons grecs (« υ », prononcé « ou » pour la négation, « τοπος » pour le lieu et un suffixe « ia »), ce mot désignait donc un lieu qui ne se trouve nulle part. Notons que More a aussi employé le mot « eutopia » (d’après « ευ », bon), qui voulait dire alors le bon lieu, le lieu agréable, l’endroit où il est bon de se trouver. La langue française n’a retenu qu’utopie, lequel est devenu un nom commun. Pourtant, dans l’esprit de l’auteur, les deux termes sont complémentaires. L’utopie est un lieu fictif (utopie) dans lequel il souhaite réfléchir sur l’établissement d’une société idéale (voir la note sur Rousseau, son bon sauvage et ses projets de constitution corse). Alors qu’aujourd’hui le terme renvoie à quelque chose qui n’existe pas, qui est du domaine de l’impossible, pour More, au contraire, il ne s’agissait que d’un lieu fictif, imaginaire, mais qu’il aurait voulu voir exister et dans lequel une société plus juste aurait pu s’épanouir.

Sur le plan littéraire, les auteurs qui ont imaginé des lieux dans lequel se développent des sociétés idéales sont nombreux, à commencer par Platon dans sa République. On pourrait aussi citer Rabelais avec son abbaye de Thélème mais aussi Voltaire avec Candide ou Sébastien Mercier dans L’an 2440 . Avec le Télémaque de Fénelon, nous avons un genre un peu particulier puisqu’on y décrit des pays existants (l’Orient) pour en vanter les mérites (en partie imaginés et fictifs) afin de mieux faire ressentir les travers de la société française. L’idéal est donc toujours ailleurs. D’où cette dérivation du mot utopie, qui finit par désigner un conte romanesque qui décrit des choses impossibles.

Mais revenons à Thomas More. Manifestement celui-ci connaissait Platon. On peut supposer aussi qu’il a été influencé par les récits des voyageurs qui venaient de découvrir le nouveau monde. Quand vous vivez dons une société qui ne vous satisfait pas, vous allez voir ailleurs et si vous ne pouvez pas vous déplacer, vous faites preuve d’imagination. N’est-ce pas là le propre de la littérature, inventer des rêves qu’on souhaite réalisables, même si on sait qu’ils sont du domaine de la fiction ? Enfin, comme dans tout le courant de la Renaissance, on retrouve chez More ce besoin de s’intéresser à l’homme (et beaucoup moins à Dieu). Au lieu d’attendre la fin du monde et la parousie pour découvrir un monde meilleur, autant s’atteler à le construire ici-bas.

Pauvre Thomas More, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il avait raison de vouloir fuir le lieu et l’époque où il vivait. Le 6 juillet 1535, il quitte la Tour de Londres où il a été emprisonné pendant quinze mois pour être décapité sur ordre du roi Henri VIII Tudor. (il aurait déclaré au bourreau : «Ayez l'obligeance de me donner la main pour monter, car pour descendre, je me débrouillerai bien tout seul !»)

Quelle faute avait-il donc commise ? Et bien aucune. Disons simplement qu’il avait déplu au prince. Celui-ci voulait rompre son mariage avec Catherine d’Aragon, qui ne lui avait pas donné de successeur mâle (on imagine en passant la douleur de ces femmes, mariées souvent contre leur gré pour des raisons politiques et qui se voyaient ainsi répudiées parce qu’elles ne parvenaient pas à avoir de garçons, alors qu’on sait aujourd’hui que c’est l’époux qui détermine ce genre de chose). Comme le pape tarde à donner son accord pour le divorce et que les choses pressent (la maîtresse, Anne Boleyn est enceinte et pourrait précisément offrir au trône cet héritier qui lui manque), le roi décide de se passer de son avis. L’archevêque de Canterbury déclare donc le premier mariage nul et marie Henri VIII et Anne Boleyn. Aussitôt, la pape, furieux qu’on ait passé outre à ses décisions, excommunie le roi. Celui-ci réplique en rompant avec le Saint Siège. Il reste donc catholique mais considère le pape comme l’évêque de Rome, sans plus. C’est le début du schisme anglican, qui trouve finalement son origine dans une affaire privée, même s’il ne faut pas perdre de vue que c’est l’époque où Luther va commencer, en Allemagne, à s’opposer lui aussi aux excès du catholicisme. Notre pauvre Thomas More refuse de prêter serment entre les mains du chef de l’église anglicane et c’est ce qui lui vaut sa condamnation à mort. Triste fin, on en conviendra pour celui qui rêvait d’un monde meilleur, mais d’un autre côté on se dit que c’est avec une intuition incroyable de son destin qu’il avait auparavant imaginé une société où les hommes vivraient enfin en harmonie.

Cet ailleurs est finalement celui de tous les poètes, c’est un monde perdu ou à venir, un monde parallèle au nôtre et que l’on souhaiterait parfois voir vraiment arriver.

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05/07/2007

Le mythe du bon sauvage

321699dd6078d74971bf40b7950f82a7.jpgRevenons au mythe du bon sauvage, cher à Rousseau. Il faut se rendre compte qu’en développant une telle théorie, le pauvre Jean-Jacques ne s’est pas fait que des amis. C’est qu’à l’époque, l’avenir de l’humanité semblait tout tracé, à savoir que la science et la technique allaient dominer la nature et rendre tout le monde heureux. N’oublions pas que l’ouvrage fondamental du XVIII° siècle, c’est avant tout l’Encyclopédie. Or, si l’Encyclopédie comporte pas mal de sujets philosophiques et si elle a pu faire preuve d’esprit critique à l’encontre du système politique de l’Ancien Régime, elle est d’abord un ouvrage technique, comportant de nombreuses planches et croquis. Cette confiance dans la science débouchera au siècle suivant sur le scientisme (dont le pharmacien Homais, admirablement décrit dans Madame Bovary, offre une caricature désopilante). De leur côté, les Idéologues (avec Destutt de Tracy), voulurent établir une science des idées afin de lutter contre l’obscurantisme ambiant.

e31cd649b1427a501a2d6307bb6a0dd9.jpgDès lors, venir vanter les mérites de mère Nature dans un tel contexte avait de quoi déplaire. Quand Rousseau dit qu’il est persécuté et que des complots se trament contre lui, il exagère sans doute, mais il est certain qu’il a dû percevoir de la désapprobation dans le regard de beaucoup de ses contemporains. Cette idée du bon sauvage remonte finalement à la Bible et à la création du paradis telle qu’on peut la lire dans le livre de la Genèse. L’homme et la femme vivaient au milieu de la nature et des animaux sans se soucier de rien, dans un état de bonheur indescriptible et sans devoir travailler. Pendant que d’autres voyaient dans la civilisation le seul moyen de dominer cette nature et donc de distinguer l’homme de l’animal, Rousseau, lui, rapproche l’humain de l’animalité et c’est ce que ses contemporains ne peuvent admettre. Tant qu’on s’en tenait à la version biblique, il n’y avait pas de problème : Dieu ayant créé l’homme à son image, celui-ci se voyait distingué du reste de la création par son essence-même. A partir du moment où cette théorie n’est plus crédible, tout s’effondre et l’homme redevient un animal parmi les autres. C’est bien pour cela que l’Eglise avait déjà fait brûler Giordano Bruno et qu’elle avait obligé Galilée à se rétracter. Dire que la terre tournait autour du soleil, s’était avouer que cette terre n’était plus qu’une planète parmi des millions d’autres, tournant au hasard dans l’espace et qu’elle n’était plus le centre d’univers. Dès lors, l’homme non plus n’était plus le centre du monde. Ramené ipso facto à son animalité, fruit du hasard, il se devait, s’il ne voulait pas perdre la face à ses propres yeux, se distinguer par la culture. D’où l’importance de la science qui va dominer la nature. D’où l’hérésie de Rousseau, qui vient donner une version laïque du mythe de la Genèse. Agir ainsi, pour ses contemporains, c’est faire preuve d’un anachronisme coupable.

Remarquons que les théories écologiques modernes ne sont pas si éloignées, finalement, des thèses rousseauistes. Le retour à la nature que nous avons connu dans les années soixante-dix (élever des moutons dans le Larzac, etc.) s’en rapprochait. Conscients de la faillite de la science et de la technique (pollution, déforestation, changement climatique), nous aspirons tous inconsciemment à retrouver un peu de verdure autour de nous ainsi qu’une vie plus simple, plus en harmonie avec la nature. Cette démarche, par ailleurs légitime, semble pourtant se fonder sur une réalité qui appartient déjà au passé et donc au rêve. Pour le moment, aucun retour en arrière ne se dessine très clairement. On commence seulement à prendre conscience qu’il serait temps de faire machine arrière et à réaliser que les réserves de la planète ne sont pas illimitées, pas plus d’ailleurs que sa capacité à se régénérer perpétuellement.

Le nouveau paradoxe, c’est que nous, qui avons contribué gravement à polluer la terre, sommes en train de demander au tiers-monde de limiter son expansion économique sous le prétexte que la planète est en danger. Autrement dit, nous nous tournons vers les contrées qui ne sont pas encore industrialisées ni fortement urbanisées pour leur suggérer de ne pas se développer et de rester finalement proches de ce monde sauvage que nous voudrions préserver pour notre plus grand profit. Le mythe du bon sauvage de Rousseau est donc devenu une réalité. Seul l’homme sauvage peut sauver la planète pour autant qu’il reste sauvage et sous-développé.

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04/07/2007

Le mur

Quelques petites citations extraites du Contrat social

«Les esclaves perdent tout dans leurs fers, jusqu'au désir d'en sortir.»

«Les lois sont toujours utiles à ceux qui possèdent et nuisibles à ceux qui n’ont rien.»

«Renoncer à sa liberté c'est renoncer à sa qualité d'homme, aux droits de l'humanité, même à ses devoirs.»

«Ou le luxe est l'effet des richesses, ou il les rend nécessaires ; il corrompt à la fois le riche et le pauvre, l'un par la possession, l'autre par la convoitise.»

«S'il faut obéir par la force on n'a pas besoin d'obéir par devoir et si l'on n'est plus forcé d'obéir on n'y est plus obligé.»

«L'homme est né libre, et partout il est dans les fers. Tel se croit maître des autres, qui ne laisse pas d’être plus esclave qu’eux.»

«Souvenez-vous que les murs des villes ne se forment que du débris des maisons des champs. »

A propos de murs, Rousseau n’aurait sans doute jamais imaginé qu’on pût construire un mur dans une ville comme Berlin. La chute de ce mur a été saluée comme elle se devait. Le problème, c’est que depuis on en a construit d’autres, avec un but sensiblement différent. Celui de Berlin voulait empêcher les habitants de l’Est de fuir le régime dictatorial communiste. Celui que l’on érige en ce moment en Palestine ou celui que l’on va ériger entre les Etats-Unis et le Mexique, visent au contraire à protéger ceux qui sont à « l’intérieur ». Il ne s’agit plus d’empêcher de sortir, mais bien d’empêcher d’entrer. Symbole d’une société où l’argent domine tout, ces murs permettent de rester entre soi, entre bourgeois bien pensants, tout en laissant à l’extérieur ceux que l’on ne désire surtout pas voir entrer. Il fut un temps, pourtant, où le Texas appartenait encore au Mexique. Il fut un temps, pourtant, où la Palestine appartenait d’abord aux Palestiniens.

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02/07/2007

Rousseau

Le 02 juillet 1778, Jean-Jacques Rousseau s’éteignait. Autodidacte, il côtoiera cependant les plus grands écrivains de son temps, comme Fontenelle, Diderot, Marivaux, Voltaire, Grimm ou encore Rameau. Vivant petitement en composant des morceaux de musique, c’est en vain qu’il proposera à l’Académie un nouveau système de notation musicale. Il faudra attendre qu’il remporte le premier prix d’un concours organisé par l'Académie de Dijon (dont le thème portait sur le fait de savoir si le progrès des arts avait ou non contribué à corrompre et à épurer les mœurs) pour qu’il devienne célèbre. Son opéra Le devin du village est remarqué du public. Mais c’est comme philosophe qu’il va évidemment s’affirmer, donnant au XVIII° siècle un de ses penseurs les plus importants. Il s’opposera à Voltaire sur le raffinement de la société et les excès de la civilisation. Fasciné par l’état de nature, il nous donnera le mythe du « bon sauvage », théorie qui sera reprises par certains, décriée par d’autres. Si c’est la société qui corrompt l’homme, il faut redonner à ce dernier un contrat social digne de ce nom, c’est-à-dire fondé exclusivement sur la souveraineté du peuple. Il fut d’ailleurs sollicité par Pasquale Paoli afin de rédiger un projet de Constitution pour la Corse, alors en opposition avec le pouvoir génois (sur ce sujet, voir le beau blogue d’Angèle Paoli :http://terresdefemmes.blogs.com/mon_weblog/2007/06/pasqua...)
Loin d’être démodées, les idées de Rousseau sont particulièrement d’actualité alors que nous sombrons dans une crise de la démocratie et du système parlementaire (pouvoir absolu des partis politiques, prééminence du gouvernement sur les députés, présence de la haute finance dans les décisions, démantèlement programmés du droit du travail et de la sécurité sociale, etc.)
Sur le plan strictement littéraire, notons encore ses Rêveries du Promeneur solitaire et ses Confessions, qui ouvrent la voie à l’autobiographie en France. :
«Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple et dont l'exécution n'aura point d'imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature; et cet homme ce sera moi (…) Etre éternel, rassemble autour de moi l'innombrable foule de mes semblables; qu'ils écoutent mes confessions, qu'ils gémissent de mes indignités, qu'ils rougissent de mes misères. Que chacun d'eux découvre à son tour son cœur aux pieds de ton trône avec la même sincérité; et puis qu'un seul te dise, s'il l'ose: "Je fus meilleur que cet homme-là"...».
Tourné vers la sentimentalité, osant afficher ses sentiments, il ouvrira les portes au romantisme.