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Sans nouvelles d'elle.

Toute ressemblance avec des personnes existantes…C’est un lundi que j’ai reçu sa première lettre. Etrange. Je ne la connaissais pas mais elle disait qu’elle était passée à la galerie et qu’elle avait apprécié mes peintures. Ma foi, cela fait toujours plaisir, mais j’avais beau faire un effort de mémoire, je ne parvenais pas à me souvenir que quelqu’un fût passé récemment. En fait, je travaille surtout à l’arrière du bâtiment, c’est là que se trouve mon atelier et toutes mes toiles en chantier. Quand un visiteur se présente au magasin, ce qui est assez rare, il faut bien le reconnaître, j’entends la sonnette et je vais jeter un coup d’œil, non sans m’être essuyé les mains au préalable, car la peinture, vous pouvez me croire, cela coule partout. Cette semaine il y avait bien eu quelques copains qui étaient passés et puis Michèle, pour l’exposition à la Cité, mais en dehors de cela, rien. Ma correspondante avait dû entrer et faire sa visite sans que je ne m’aperçoive de rien. Dommage.Je n’y pensais plus quand j’ai reçu une deuxième lettre. Cette fois, il s’agissait d’une vraie analyse de mes toiles et surtout de celle que j’avais intitulée « Soleil couchant ». Elle y passait tout en revue, le ton des couleurs, les jeux d’ombre, la composition du paysage, les effets produits, et cela dans une missive qui ne faisait pas moins de cinq pages. Diable ! Si les critiques d’art et les journalistes pouvaient être aussi élogieux et surtout aussi bavards, je serais un peu plus connu. Ce n’est pas que je ne le sois pas, mais personnellement les mondanités m’ennuient or, c’est bien connu, pour réussir dans ce milieu, il faut se montrer : aller aux vernissages des collègues, serrer des mains, bavarder avec quelques députés, parler politique avec un ministre, lancer une galanterie à la femme d’un attaché culturel (sans aller trop loin, bien entendu, juste ce qu’il faut pour être sympathique et ne pas se faire oublier). Hélas, toutes ces réceptions m'agacent profondément et je préfère de loin rester seul avec mes pinceaux plutôt que de me gaver de petits fours tout en buvant du Martini.Tout cela pour dire que si je ne suis pas un inconnu dans mon domaine, loin de là (j’ai tout de même quelques belles expositions à mon actif), je ne suis pas une célébrité non plus. En fait, je suis plus reconnu que connu, voilà la vérité. Il peut certes arriver qu’un critique mentionne mon nom dans un de ses articles, mais c’est plus pour se faire valoir lui, en étalant sa culture, que pour me valoriser en me consacrant une page entière. D’où mon étonnement, il faut bien l’avouer, en recevant cette deuxième lettre, qui constituait une véritable analyse de fond de mon œuvre.Lorsque arriva le troisième courrier, je dois admettre que je l’attendais et même avec une certaine impatience. Le contenu était semblable au précédent, mais son auteur élargissait le champ de ses investigations à l’ensemble de la peinture contemporaine. Je n’avais jamais rien lu d’aussi percutant et d’aussi captivant. De plus, la dame me donnait son prénom : Yseut (avait-elle son Tristan ?), son adresse (un petit village des Pyrénées orientales) et même son adresse de messagerie (laquelle allait s’avérer fort utile). Ceci dit, comment, habitant si loin de mon antre, avait-elle pu passer par la galerie et voir mes tableaux, ça c’était une véritable énigme. J’avoue, cependant, que je ne me suis pas torturé les méninges avec ce problème : cela faisait partie du mystère général qui entourait Yseut, tout comme ses lettres, sa sagacité d’analyse ou le ton quasi affectueux qu’elle employait sans me connaître. Nous, les artistes, nous sommes comme cela, pas rationnels pour un sous. J’aurais dû me poser des questions ou tout au moins être étonné, mais non, j’acceptais que l’étrange fasse irruption dans mon existence sans me formaliser outre mesure. Il y avait là un petit côté insolite qui n’était pas pour me déplaire et qui, avouons-le, renforçait le charme qui émanait des lettres de la belle Yseut.Enfin, je ne savais pas du tout si elle était belle, mais je ne pouvais l’imaginer autrement. Et puis je me suis dit que si elle m’avait donné son adresse de messagerie, c’était évidemment pour que je l’utilise. Ne pas le faire aurait été un crime : j’ai donc transmis le soir même un fichier de quatre pages (police Arial 9), dans lesquelles je manifestais mon contentement d’avoir « rencontré » une personne aussi sensible et aussi douée pour parler de la peinture.Il s’ensuivit une correspondance régulière pendant plusieurs mois. J’écrivais et je recevais au moins deux messages par jour, quand ce n’était pas trois. Les sujets traités tournaient toujours autour de la peinture, mais derrière ce thème, on sentait poindre les questions existentielles. C’est que l’art, il faut bien l’avouer, n’est souvent qu’un moyen d’accéder à autre chose, en l’occurrence une vérité cachée que nous imaginons exister quelque part sans bien savoir où elle se trouve ni même si elle existe. Yseut, elle, ne peignait pas, non, mais elle écrivait. Oh, elle n’était pas publiée, mais on sentait que l’écriture était pour elle un besoin vital et qu’elle constituait pour elle un moyen de se connaître et de connaître le monde. La parole, disait-elle, il n’y a que cela de vrai. Nommer, c’est créer et créer, c’est toucher au divin. Quand elle s’exprimait de la sorte, elle éveillait en moi des échos insoupçonnés. C’est que quelque part, comme tous les peintres qui se respectent, je ne suis finalement qu’un manuel. Je travaille avec mes doigts, je mélange les peintures, je les étale sur la toile, je me bats avec elles et en bout de course, si tout se passe bien, j’arrive à créer un univers, un peu comme un maçon qui parvient à réaliser une maison en partant de rien. Yseut, elle, était davantage dans la réflexion théorique, mais ses mots que je lisais me faisaient découvrir une vérité que je connaissais bien : une vérité enfouie au plus profond de moi, une vérité qui se concrétisait dans mes peintures mais que j’aurais été bien incapable d’exprimer de vive voix.Enfin, ici, il ne s’agissait pas de parler mais de lire, puisque c’était une correspondance virtuelle que j’avais sous les yeux. C’est cela qui était fascinant en fait. Si j’avais eu Yseut devant moi, il aurait fallu s’exprimer oralement et traduire par des paroles ce monde indicible dans lequel nous pénétrions chaque jour plus avant. Or, cela n’aurait pas été possible, sans que je sache bien pourquoi. Ici au contraire, par la magie des mots, nous parvenions insensiblement à nous dévoiler l’un à l’autre et la peinture ne m’apparaissait plus que comme un prétexte pour atteindre une autre vérité, que je que je qualifierais d’ontique. Comprenez-moi bien, je n’étais pas amoureux d’Yseut, mais ce qu’elle écrivait me renvoyait à une réflexion existentielle. Nous étions deux êtres humains face à face, en train de se demander leur raison d’être sur cette terre. Si nous parlions de nous, c’était moins de nos individualités propres que de notre appartenance à une espèce commune. Nos propos tournaient donc autour du destin et de ce qu’il convient de faire de sa vie. Fallait-il laisser des traces de son passage ? Moi qui en laissais avec mes peintures, j’avais tendance à dire que non et elle qui s’exprimait à travers des mots éphémères, elle affirmait le contraire.Mais je ne vais pas vous raconter le détail de tous nos échanges, ils furent si longs et si fournis que cela deviendrait fatigant de vouloir les résumer et pour ainsi dire impossible. Tout ce qu’il faut retenir, et vous l’avez déjà compris, je crois, c’est qu’Yseut m’était devenue indispensable. Je vivais à travers ses yeux et tout ce que je réalisais, je le passais inconsciemment au crible de son jugement futur. Ainsi elle m’avait longuement écrit au sujet de ma toile « Soleil couchant », toile dont elle avait analysé les moindres détails, surtout la touffe de lavande dont on devinait les pourtours à l’avant plan. Et bien, croyez-le ou pas, dans les autres toiles que j’ai peintes depuis, j’ai chaque fois inséré cette touffe de lavande, dans laquelle elle voyait comme la quintessence du monde (des couleurs atténuées par le crépuscule et une senteur bien réelle mais qu’on ne faisait qu’imaginer à partir de la toile). Cette lavande représentait pour elle la vérité dissimulée qu’il importait de conquérir.Elle me faisait aussi lire les poètes, que je croyais pourtant connaître mais que j’ai redécouverts à travers ses commentaires. Baudelaire, bien sûr, mais aussi Rimbaud et Jaccottet. A la fin, je ne peignais plus en reproduisant la réalité que je voyais mais en m’inspirant des poèmes qu’elle m’avait fait lire. On pouvait dire que j’étais sous son influence mais le contraire était vrai aussi. Je lui parlais de peintres dont elle ignorait à peu près tout et elle se documentait à leur sujet, avant de les aborder dans ses longs et judicieux commentaires. Nous en étions là dans ce qu’il convient d’appeler notre relation quand un jour, sans raison, je ne reçus aucun message. J’en fus étonné, mais pas vraiment inquiet. Après tout, je ne savais pas grand chose de sa vie et elle pouvait fort bien avoir eu un empêchement. Les jours suivants, ce fut le même silence et aucune réponse ne me parvint malgré les nombreux courriels que je m’étais mis à lui envoyer. Là, il se passait vraiment quelque chose d’anormal. Après une semaine, j’écrivis à Google, puisque son adresse de messagerie était sur Gmail.com. Or voilà qu’on me disait qu’il n’y avait rien sous son nom, absolument rien, aucune archive, le vide. Ma chère Yseut s’était volatilisée. J’eus beau envoyer des copies de mes anciens courriels, avec son pseudo et son adresse mail, ils ont tout vérifié, il ne subsistait aucune trace.(à suivre)arobase.jpg

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Sans nouvelles d'elle

Cette nouvelle était parue ici même, sur Marche romane, il y a très longtemps. L'idée m'en était venue après des échanges par mails que j'avais eus à l'époque avec une interlocutrice. Nous avions beaucoup parlé de la littérature et du poète Jaccottet notamment. J'étais donc parti de cet échange fructueux avec une inconnue pour écrire cette nouvelle, totalement imaginaire.

L'opportunité m'a été donnée de la reprendre et de la publier dans la revue en ligne "ONUPHRIUS".

Sur le plan du style, des détails ont été corrigés, suite aux conseils judicieux de Jean-David Herschel, que je remercie au passage pour sa perspicacité.

 

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Sans nouvelles d'elle (suite et fin)

J’ai patienté pendant un bon mois et puis subitement il m’a semblé que j’avais un urgent besoin de vacances. La valise bouclée en un quart d’heure, j’ai pris l’autoroute du Sud, en direction des Pyrénées. Le soir-même je me trouvais dans un petit hôtel de Collioure. Par la fenêtre ouverte, on entendait le bruit calme et régulier de la mer qui venait mourir sur la plage. Cette rumeur monotone était pour moi comme une présence amie qui m’enveloppait et qui ne me quittait pas. Je pensais aussi que Collioure avait été la patrie du fauvisme et je me demandais ce qu’Yseut aurait bien pu dire sur Matisse. Je suis sorti boire un verre et j’ai flâné dans les rues étroites de la cité. Chaque fois que j’entendais un pas de femme, je me retournais avec l’espoir que ce fût elle. Attitude idiote, évidemment. Comment l’aurais-je reconnue ? Je ne l’avais même jamais vue. Le lendemain, j’ai repris la voiture et j’ai commencé à gravir les contreforts pyrénéens en suivant les indications du GPS. Puisqu’elle m’avait donné autrefois son adresse, il fallait s’en servir. Arrivé à l’entrée du village, je me suis arrêté un bon moment. Le paysage était magnifique et même époustouflant. Comme il devait être agréable de vivre ici ! Et dire que je n’avais même pas emporté mes pinceaux, c’était un crime. Je commençais à mieux comprendre ce qu’elle me disait et certaines de ses phrases, qui me revenaient en mémoire, prenaient tout leur sens, ici, au milieu de ces montagnes grandioses. C’était un monde minéral dans lequel l’homme se sentait superflu. Pour survivre, il lui fallait donc trouver de bonnes raisons. En même temps, la beauté qui se dégageait de ces pics, le trouble qui vous prenait en contemplant ces gouffres, vous donnait l’impression d’avoir enfin atteint le bout du monde. Après cela, il ne pouvait plus rien exister, cet endroit était le terme où toute vie devait s’achever. Le temps passait et si je me plongeais ainsi dans des considérations philosophiques, c’était aussi parce que j’avais peur de reprendre mon véhicule et de parcourir le dernier kilomètre qui devait encore me séparer de ma destination. Allons, il fallait bien y aller. J’ai repris le volant et, effectivement, après avoir traversé le village et gravi une pente, je me suis retrouvé sur le sentier signalé dans la fameuse lettre. Une maison, deux maisons, une troisième un peu en retrait, puis plus rien. J’ai encore roulé un peu, au pas, mais me suis vite retrouvé dans un chemin de terre qui semblait se perdre dans la montagne. Je suis sorti de la voiture pour tenter de distinguer quelque chose, mais non, il n’y avait pas d’autres habitations que les trois maisons que j’avais aperçues tout à l’heure. Autour de moi s’étendait la chaîne pyrénéenne, grandiose, majestueuse, silencieuse aussi et pour ainsi dire inhumaine. J’étais là avec mon angoisse de ne pas retrouver Yseut (et ma peur aussi devant la possibilité de la retrouver, il faut bien l’avouer) et je me sentais tout petit et dérisoire devant ces montagnes qui occupaient l’espace jusqu’à l’horizon, m’écrasant de leur masse de pierre et restant complètement insensibles à ma peine. Je crois que je ne me suis jamais senti aussi seul et aussi désemparé. Au-dessus de moi, seule trace de vie dans ce décor, un vautour tournoyait et, se laissant emporter par la seule force du vent, il parvenait à planer indéfiniment sans jamais donner un seul coup d’aile. C’était le dieu des cimes et il était ici chez lui, incroyablement majestueux. La vie, soudain, m’a semblé toute proche de la mort, comme si seule une mince paroi les séparait. Il suffisait, pour s’en convaincre, de contempler cet oiseau au vol superbe et de se rappeler, l’instant d’après, que ce n’était qu’un charognard. Troublé par cette pensée qui brisait mes certitudes, je remontai dans la voiture, fis demi-tour et me laissai descendre jusqu’aux maisons.L’une portait le numéro 2, l’autre le 3 et la dernière, allez savoir pourquoi, le 7. Comme c’était le 4 que je cherchais et que son absence déclenchait en moi un immense découragement et même une sorte de peur, je suis aller frapper à l’une des portes. Une petite vieille m’ouvrit d’un air soupçonneux et réprobateur. Non, le n° 4 n’avait jamais existé. La commune était passée directement au 7 pour le cas où on construirait un jour sur le terrain disponible, mais ce n’était pas demain que cela arriverait. Le village se vidait, les jeunes partaient vivre en ville et à part quelques touristes qui passaient sur le chemin en été pour faire des randonnées, on ne voyait plus personne. Une nommée Yseut. Bien sûr que non qu’elle n’avait jamais entendu parlé d’elle. Avec un nom étrange comme cela elle ne l’aurait pas oubliée.Je me suis retrouvé dans la voiture sans trop savoir comment. De grands coups sourds me résonnaient dans la tête et je n’arrivais plus à réfléchir. Je me suis arrêté sur la place du village et je suis entré dans le seul café existant. Il était vide, bien entendu. Quand le patron est entré, il m’a tout de suite dévisagé d’un air soupçonneux, mais alors quand j’ai commandé un cognac, vous n’imaginez pas la tête qu’il a faite ! Comme il restait là à son comptoir en train de m’épier (il avait peur que je lui vole sa bouteille ou quoi ?), je lui ai demandé s’il ne connaissait pas une certaine Yseut, qui se passionnait pour la peinture. D’un ton rauque, il a répondu que s’il y avait eu un peintre dans le patelin, tout le monde l’aurait su, mais que de toute façon ce n’était pas d’artistes qu’ils avaient besoin, les gens d’ici, mais d’un vrai peintre en bâtiment, pour rafraîchir un peu les façades. J’ai payé et sans un mot j’ai regagné la voiture.La descente vers Collioure fut pénible. Il faisait chaud mais à l’horizon les montagnes étaient dissimulées par une brume blanche qui allait en s’épaississant. Manifestement, un orage se préparait et il promettait d’être violent. Je ne savais que penser. M’avait-elle menti en inventant une fausse adresse ? Savait-elle pertinemment que le numéro quatre n’existait pas ou bien avait-elle inventé un nom de rue au hasard, après avoir pointé un village sur la carte ? Cela ne lui ressemblait pas. Elle s’était montrée trop sincère et trop présente pendant tout le temps qu’avait duré notre correspondance. Avait-elle seulement existé et n’avais-je pas tout inventé ? Mais dans ma poche je sentais la copie de son dernier courriel, ce qui au moins prouvait que je ne devenais pas fou. Il fallait me rendre à l’évidence, mon bon génie avait disparu pour toujours. Un grand vide s’installait en moi, que je ne savais comment combler. Y parviendrais-je jamais ?Il faisait complètement nuit quand j’ai garé la voiture à proximité de l’hôtel. Les premières gouttes, énormes, commençaient à s’écraser sur le pare-brise. J’étais parqué devant une galerie d’art et instinctivement, j’ai jeté un coup d’œil à la vitrine. Ce que j’ai vu alors m’a laissé sans voix. Bien en évidence, sur un chevalet, se trouvait une toile intitulée « Soleil couchant ». Elle représentait des montagnes avec un petit chemin de terre à l’avant plan. Dans le coin inférieur droit, une touffe de lavande irradiait de tout son éclat. C’est à ce moment que le premier éclair zébra le ciel et que l’éclairage public s’éteignit tout d’un coup. Il me fallut tâtonner dans le noir et raser les murs pour parvenir tant bien que mal jusqu’à l’hôtel. J’étais complètement trempé. Derrière son comptoir, la gardienne de nuit me tendit la clef de la chambre. Elle me dévisagea et, sans rien dire, me sourit d’un air étrange.L’éclairage de secours donnait aux lieux un caractère insolite, pour ainsi dire fantastique. Bien entendu, l’ascenseur ne fonctionnait plus ! J’ai gravi l’escalier comme j’ai pu et je suis enfin arrivé au bon étage. J’étais exténué et me suis littéralement affalé sur le lit. Ce n’est pas pour cela que j’ai trouvé le sommeil, car des tas d’idées me trottaient en tête. A la lueur d’un éclair, j’ai aperçu mon portable qui traînait sur une table, bien en évidence. Avec un pareil orage, ce n’était pas le moment de l’ouvrir et puis, honnêtement, je n’en avais vraiment plus aucune envie. Ne me demandez pas pourquoi.

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Nouvelles du monde...

Les jours se suivent et les nouvelles du monde ne s’améliorent pas.

En Syrie, le conflit sanguinaire initié par l’Occident se poursuit, sans véritable victoire de l’un ou l’autre camp. Certes, le régime d’Assad reprend un peu le dessus militairement, mais en réaction la Turquie entre ouvertement dans le jeu en abattant sur le territoire syrien un avion de chasse qui tentait de stopper l’avancée de djihadistes venus précisément de Turquie. On a appris aussi par des conversations divulguées qu’Erdogan cherchait un prétexte pour attaquer militairement la Syrie et que s’il le fallait, il « fabriquerait » le prétexte. Par exemple, suite aux exactions commises en Syrie par les djihadistes  qu’il finance, il crierait aux terroristes et enverrait son armée rétablir l’ordre.  Ou bien il a pensé envoyer des hommes en Syrie, qui tireraient quelques missiles sur le territoire turc, ce qui justifierait une intervention militaire. Ou bien encore il a envisagé d’attaquer le mausolée de  « Suleyman Shah », etc., le tout étant de trouver un casus belli.  Bref, la Turquie montre ouvertement son jeu, après avoir secrètement volé les machines-outils dans les usines d’Alep et de Homs et après avoir pillé les sites archéologique syriens.  Et je ne parle pas des camps d’entrainement militaire pour djihadistes arabes ou européens qu’elle a généreusement installés sur son territoire…

En Ukraine, l’aide du FMI est évidemment conditionnée à une libéralisation accélérée de l’économie, ce qui en gros signifie qu’il faut tout privatiser. Mais on sait ce que cela implique : un cinquième au moins de la population va se retrouver sans emploi dans les cinq ans à venir. Pendant ce temps-là, Obama en profite pour renforcer l’Otan et vendre des armes aux Européens,  sous prétexte de les protéger des Russes, qu’il faut donc bien diaboliser au maximum dans la presse.

Chez nous, après la défaire de la gauche aux municipales, Hollande dit qu’il a compris le message. Mais au lieu d’abandonner la politique qu’il a menée jusqu’à présent (cadeaux au patronat, soumission aux USA et à la grande Europe libérale) et de prendre enfin un virage à gauche, il nomme comme Premier ministre l’homme le plus à droite de son parti, à savoir Manuel Valls. Curieux choix, on en conviendra. D’autant que le sieur Valls ne cache pas son admiration pour la communauté juive, (http://www.youtube.com/watch?v=uKGth1vtiZo), ce qui laisse supposer qu’il préférera entraîner la France dans des conflits qui renforceront la puissance d’Israël  plutôt que de se préoccuper du sort des Français.

En attendant, au Proche-Orient, justement,  les négociations de paix avec les Palestiniens sont au point mort, Jérusalem revenant tous les jours sur ce qu’il a promis la veille (non-libération de prisonniers, annonce de  nouvelles colonies, etc.) et parlant même de représailles si les Palestiniens n’acceptent pas ses conditions.

 Bref, tout va bien.

 

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Nouvelles du monde

On manifeste et on se tue en Egypte, où on n’a le choix qu’entre la peste ou le choléra  (l’armée ou les Frères musulmans), on se bat entre bandes rivales en Libye (belle démocratie que celle apportée par l’OTAN !), on assassine des opposants de gauche en Tunisie avant de se déchirer sur le texte de la Constitution (« les femmes ont-elles une âme ? », voilà à peu près le débat), une grande partie de la RDC est soumise à l’exaction de milices sorties de nulle part (mais surtout quand même du Rwanda voisin), qui tuent et violent à qui mieux mieux, l’armée française n’en finit pas de sécuriser le Mali et semble bien impuissante en Centrafrique, où on tue et pille en pleine ville et en plein midi (chrétiens contre musulmans ou l’inverse). Ne parlons pas de la Syrie, qui lutte depuis trois ans contre une bande d’enragés venus des quatre coins de la planète avec la bénédiction de l’Occident, des enragés qui n’ont que les versets du Coran à la bouche (mais aussi des armes turques en main et de l’argent saoudien dans les poches). Cette guerre s’étend au Liban et maintenant  à la Russie (avec des attentats perpétrés par les musulmans du Caucase), sans doute pour la punir d’avoir soutenu le régime syrien. Comme si cela ne suffisait pas, voilà qu’on l’attaque dans son ancienne  province, l’Ukraine, où l’Occident excite les milices fascistes et nationalistes en espérant annexer cet immense territoire dans son grand marché commercial et financier (et libérer de prison une pauvre milliardaire qui défend le droit des  hommes à s’enrichir).

Bref, il n’y a qu’en France où on ne se bat pas encore. Il est vrai que c’est un état laïque et que dans la majorité des conflits que j’ai évoqués la religion tient une place prépondérante (si pas chez ceux qui tirent les ficelles, du moins chez ceux qui se battent dans la rue) au point qu’on a l’impression d’être revenu aux temps de la Saint Barthélémy et des Guerres de Religion, ce qu’on ne croyait certes plus possible à notre époque. On a l’impression de régresser. La preuve : pendant que notre bon roi François s’amuse avec sa nouvelle maîtresse et répudie publiquement l’ancienne, quelques excités réactionnaires manifestent contre l’école de la République, qui selon eux aurait tendance à oublier qu’un homme est un homme et que la femme est faite pour tenir le ménage et faire des enfants. 

Et pendant ce temps-là, la crise continue, les entreprises ferment et le chômage s’aggrave. La seule bonne nouvelle, paraît-il, c’est que quelques-uns parviennent à s’enrichir  d’une manière absolument scandaleuse. Tant mieux pour eux. Et tant pis pour nous. 

 

La Grande Mosquée des Omeyyades, VIII° siècle (Syrie)

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Nouvelle année

Pour la nouvelle année, afin de vous présenter mes bons voeux, voici quelques citations de circonstance :

 

"Il faut laisser le passé à l'oubli et l'avenir à la providence."

Bossuet

 

"Nous entrons dans l'avenir à reculons."

Paul Valéry

 

"L'avenir est ce qu'il y a de pire dans le présent."

Gustave Flaubert

"L'idée de l'avenir est plus féconde que l'avenir lui-même."
Bergson (Henri)

"La vraie générosité envers l'avenir consiste à tout donner au présent."
Camus (Albert)

"Tout le malheur des hommes vient de l'espérance."

Albert Camus.

 

"On jouit moins de ce qu'on obtient que de ce qu'on espère."

Jean-Jacques Rousseau.

 

Il ne faut avoir aucun regret pour le passé, aucun remords pour le présent, et une confiance inébranlable pour l'avenir."
Jean Jaurès

"Il y a en chacun de nous des calculs que nous nommons espérances."

Platon

 

"Il ne faut pas lier un navire à une seule ancre, ni une vie à un seul espoir."

Épicète

 

                     "L'espérance a fui comme un songe,

                     Et mon amour seul m'est resté!"

Gérard de Nerval

 

 

                      N'attends pas que les événements arrivent comme tu le souhaites. Décide de vouloir ce qui arrive... et tu seras heureux. [Epictète]

 

 

 

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Feuilly 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Bonnes nouvelles

Dans la presse d’aujourd’hui, rien que de bonnes nouvelles. Tout d’abord, le petit Nicolas (prince de Sarkozie et actuellement porteur de couronne au royaume de France), a non seulement demandé une augmentation de salaire de 140 % mais en plus il l’a obtenue. Il n’y a pas à dire, quand on se lève tôt et qu’on parcourt la planète dans tous les sens, on est récompensé. Au moins il y a une justice sociale. A propos de justice sociale, les syndicats en sont encore à se demander s’ils n’organiseraient pas une nouvelle grève pour défendre les régimes spéciaux de pension. Ils sont en retard. Le gouvernement a déjà expliqué qu’il fallait 40 ans de cotisation pour tout le monde afin d’être équitable. Depuis, il défend déjà l’idée que ces 40 ans doivent devenir 41 ans. Evidemment, si tous les pensionnés veulent vivre un an de plus sur le compte de la collectivité, il ne faut tout de même pas exagérer. Mourir ou cotiser, il faut choisir. Encore quelques semaines et on proposera le chiffre de 45 années pour une carrière normale. Il faut être logique : pourquoi n’y aurait-il que le prince de Sarkozie qui devrait se lever tôt ? Hier, justement, ledit prince s’était rendu en Corse, qui est manifestement la nouvelle île à coloniser (à moins qu’il n’ait rendu visite à ses anciens beaux-parents et à la mafia locale). «On va vous aider à vous développer et on va faire de la Corse un exemple de réussite républicaine », a-t-il dit sur le même ton qu’il employait jadis dans les banlieues, quand, encore petit candidat, il disait «cette racaille, on va vous en débarrasser ». Il a donc parlé d’investissements. Veut-il investir dans les appartements touristiques de masse et remplacer la côte sauvage par un boulevard digne des bords de Seine tout en faisant plaisir à ses amis entrepreneurs ? Probablement pas. Enfin il n’a rien dit de tel, craignant sans doute qu’on ne place une bombe sous sa voiture (il est sage, car c’est le contribuable qui l’a payée). Non, ce qu’il a proposé, c’est de remettre en question la notion de service public dans les transports. L’Etat n’a plus à assurer des lignes de bateaux régulières (qui coûtent cher), il doit laisser la place à des firmes privées qui font sans doute cela bénévolement puisque le prix de leur billet est moins cher. Donc, en disant, « on va vous aider », Sarko pensait surtout au portefeuille de l’Etat français. Qu’il est brave, tout de même. Les Corses étant presque des Français, ils vont y gagner aussi. Autre bonne nouvelle, le secrétaire d’Etat à la consommation, Luc Chastel, voudrait privatiser le secteur de l’énergie, afin que le Royaume ne soit plus en retard par rapport aux autres pays européens. Ce serait le principe de l’offre et de la demande, le producteur proposant son prix et le fournisseur l’acceptant ou non. Ce système génial a déjà permis à la Belgique d’augmenter la facture de gaz des particuliers de 30 %, ce qui est remarquable. On aura compris qu’avec ce principe ce n’est pas toujours le consommateur qui gagne, mais au moins il y a toujours un gagnant. Du côté de l’enseignement, on sait que les élèves du primaire n’iront plus à l’école le samedi et qu’ils pourront donc se lever plus tard. Pourquoi me direz-vous les travailleurs doivent-ils se lever tôt et travailler plus longtemps (voir chapitre des pensions ci-dessus) alors que les enfants doivent faire le contraire ? C’est pour mieux apprendre, nous dit le ministre. Moins on étudie et plus on sait donc. Le système d’apprentissage est donc inversement proportionnel au système de production. Je ne le savais pas (de mon temps on passait encore beaucoup d’heures à l’école) mais le ministre, lui, le savait et c’est ce qui compte. Ce n’est pas pour rien qu’il est ministre. C’est évidemment pour sa compétence qu’on l’a nommé et pas parce qu’il connaissait Cécilia (imaginerait-on une chose pareille ? Il n’y aurait plus de justice). Les élèves travailleront moins, mais pas les instituteurs, nous a-t-on assuré. Il y a cependant 11.000 postes à supprimer (raison d’économie oblige, c’est normal, il faut être rentable). Oui, mais où et comment ? On imagine déjà de limiter le nombre de redoublement. Ainsi cela fera moins d’élèves au total (puisque la scolarité sera plus courte), moins d’instituteurs et de professeurs et plus d’amour propre pour les jeunes puisqu’ils « n’échoueront » presque plus. Sans doute sortiront-ils avec un diplôme sans avoir maîtrisé toute la matière, mais tout ce qui compte, c’est le diplôme, non ? C’est bien pour cela que Dati avait triché en disant qu’elle détenait celui qu’elle n’avait pas. Mais bon, il faut oser parfois si on veut avoir du boulot. Au moins elle n’est pas chômeuse, elle. Et les universités dans tout cela ? Les étudiants (surtout ceux de lettres, ces éternels rouspéteurs) continuent à désapprouver le principe de la décentralisation (qui permettra aux régions riches d’avoir un bon niveau d’enseignement et aux régions pauvres de ne plus avoir d’enseignement du tout) ainsi que celui de la responsabilité financière (qui consiste à gérer une université comme une firme privée, autrement dit à ne faire que ce qui rapporte). Ils ont tort, ces étudiants. Quel meilleur moyen de les préparer à la vie des grandes entreprises si ce n’est en rendant leur école semblable à ces grandes entreprises (toutes grandes fournisseuses d’emploi et générant des bénéfices plantureux, comme chacun sait). Vous me direz que les étudiants en lettres ne se retrouveront pas dans ces grandes entreprises mais dans l’enseignement. Comme il n’y a plus de postes de professeurs de prévu, qu’on supprime une fois pour toutes ces sections qui ne servent à rien. Le groupe franco-américain Alcatel-Lucent, quant à lui, parle de supprimer 4 000 postes, mesure qui viendra s'ajouter à celle déjà mise en oeuvre en février dernier : 12 500 postes avaient été supprimés, dont 1 468 en France. Le but est de réduire les frais afin de dégager (enfin ) des bénéfices (Le sud-coréen Samsung Electronics a de son côté annoncé un chiffre d'affaires de 100 milliards de dollars en 2007, ce qui est nettement mieux). Pour le moment, on ne sait pas encore dans quelle proportion la France sera touchée par ces licenciements. On espère qu’elle le sera beaucoup, ce qui permettra à quelques travailleurs de se lever un peu plus tard. Le libéralisme, en effet, ne vous demande pas des sacrifices toute votre vie, il ne faut pas croire ceux qui vous disent cela. Dans la presse internationale, on apprend que le barrage de Mossoul en Irak risque de s’effondrer. Cela provoquerait une vague de 20 m de haut qui irait jusqu’à Bagdad et occasionnerait la mort de centaines de milliers de personnes. C’est, paraît-il, les fondations du barrage qui ne sont pas solides. Un petit incident (une bombe américaine larguée là par erreur, par exemple) et c’en est fini des opposants au régime de Bush. Magnanimes, les Américains ont déjà proposé de le reconstruire. Voilà qui va donner de l’emploi et en cette période de crise il faut s’en réjouir. De toute façon les Irakiens ont de quoi payer puisqu’ils ont du pétrole. C’est même nous qui le leur achetons. Les vrais faux orphelins du Tchad ne seront plus vendus en France pour la modique somme de 2.400 euros. Il faudra attendre la reprise des hostilités pour avoir de vrais orphelins labellisés qu’on pourra revendre plus cher. Kouchner, le sauveur, veut d’ailleurs un couloir humanitaire pour résoudre le problème. Il défend aussi la présence de Total en Birmanie, société, qui, si elle s’en allait de ce pays, laisserait un vide économique sans précédent et fort préjudiciable à la population. Nous n’en avons jamais douté. Le côté philanthropique de Total n’a jamais échappé à personne.

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Autre bonne nouvelle

Je lis à l’instant ce communiqué de l’Agence France Presse que les journaux ne semblent pas pressés de répercuter. Alors voici l’information : « PARIS (AFP) — La cote de confiance de Nicolas Sarkozy baisse de quatre points par rapport à octobre à 53%, et celle de François Fillon chute de huit points à 44%, selon le baromètre TNS-Sofres pour le Figaro Magazine à paraître samedi 3 novembre, rendu public mercredi ». Ainsi donc Nicolas n’était peut-être pas grand par la taille, mais au moins il occupait les sommets dans les sondages. Il semble bien que ce ne soit plus le cas, ce qui fait qu’il ne lui reste plus grand chose. De plus 60 % des Français souhaiteraient un nouveau referendum sur le raccourci de traité européen que l’on est occupé à faire passer derrière notre dos. Lui qui avait cru qu’en votant pour sa personne le bon peuple acceptait de fait ce traité (il l’a dit, je l’ai entendu), il va devoir revoir sa position. Qu’il se dépêche à le ratifier avant de passer en dessous des 50%. Il n’a d’ailleurs pas à le relire puisque le nouveau traité n’est qu’un résumé de l’ancien. Même Giscard l’a dit et il doit savoir de quoi il parle car, jouissant d’une retraite bien méritée dans son château de Chamalières, il a sûrement eu le temps de comparer les deux versions. Et qu’est-ce que cela implique, finalement, ce traité ? Beaucoup de choses, mais notamment la privatisation des services publics. On s’y prépare déjà. Ainsi en Belgique, il n’y a peut-être pas de gouvernement, mais il y a assurément des idées. On apprend que La Poste a imaginé de se passer des services de 7.000 facteurs (ce qui, vu l’exiguïté du territoire est énorme) et de les remplacer par… des ménagères sans emploi. D’abord elle seront obligées de se lever tôt et ce sera bien fait pour elles mais surtout on pourra les payer beaucoup moins cher, ce qui est assurément intéressant quand on est un patron. Voilà donc un pays où les hommes de lettres ne sont plus à l’honneur… ceci dit, il y avait moyen de trouver du personnel qualifié encore moins cher: 9a5ea22d7643e9cf6b6eff39ae3d5d4b.jpg

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Nouvelle année.

Lors du nouvel an, avez-vous pris de bonnes résolutions sur ce que vous vouliez faire ou ne pas faire en 2008 ? Que votre réponse soit positive ou négative, cela importe peu, le résultat est le même. Voici ce qu’en pensait un voyageur qui savait de quoi il parlait puisqu’il avait passé une saison en enfer : « Enfin, le plus probable, c’est qu’on va plutôt où l’on ne veut pas, et que l’on fait plutôt ce qu’on ne voudrait pas faire, et qu’on vit et décède tout autrement qu’on ne le voudrait jamais, sans espoir d’aucune espèce de compensation.» Arthur Rimbaud, lettre à sa famille, Aden 15.01.1885

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La maison (petite nouvelle)

C’est le jour où maman est morte que je suis retourné dans notre maison. Je n’y avais pas remis les pieds depuis plus de vingt ans ! Il faut dire que je n’avais pas vraiment le temps pour aller me promener là-bas. Mon métier d’abord, ma famille ensuite, vous voyez ce que c’est. Et puis franchement, la distance entre Paris et cette région reculée de province aurait découragé n’importe qui. Un pareil trajet  pour ne rester qu’un week-end ? Que dis-je un week-end ! Arriver le samedi à seize heure pour repartir le dimanche après le déjeuner, cela ne valait guère la peine. Alors c’est ma mère qui venait nous rendre visite une fois de temps en temps. Elle avait des loisirs, elle, et un trajet en train ne l’effrayait pas. Elle restait souvent quelques jours, enfin pas trop longtemps non plus, parce que Martine, ça l’agaçait une belle-mère qui tournait en rond dans l’appartement… Alors on ne se voyait pas beaucoup c’est vrai, mais c’était suffisant. Quand elle était chez nous, c’était comme si une étrangère avait subitement fait irruption. Ce qu’elle disait appartenait à un autre univers tout en ne m’étant pas complètement inconnu. Elle parlait de sa campagne, du temps qu’il avait fait cet hiver, d’une voisine qui était décédée, du fils de la ferme d’à côté qui avait tout vendu pour devenir facteur (« Un vrai malheur, une si belle ferme ! »), des moissons qui, cette année, étaient vraiment en retard… Toutes ces nouvelles me semblaient concerner une autre planète, même si, au fond de ma mémoire, elles évoquaient des visages, des sourires, des paysages. Martine, elle,  faisait semblant d’écouter tout en levant les yeux au ciel de temps à autre et quant aux enfants, le MP3 fixé sur les oreilles, ils se moquaient pas mal de l’ancêtre et de ses histoires du siècle passé.

 

On avait bien essayé une ou deux fois de l’entraîner dans Paris, mais du Louvre elle n’avait retenu que la fatigue de la foule et pour ce qui était de la promenade en bateau mouche, elle avait plus regardé, incrédule, les touristes étrangers (« Il y en a tellement, on se croirait au japon ou en Chine ! ») que les tours de Notre-Dame.

 

C’était avec un réel soulagement qu’elle retournait dans sa campagne et, ma foi, c’était avec le même soulagement que je la reconduisais à la gare. Mais elle revenait l’année suivante, avec d’autres nouvelles des moissons et tout cela finissait par faire une sorte de petit train-train rassurant, au point qu’on n’a pas vu le temps passer. Et puis une fois, par un beau mois de juin caniculaire, le téléphone a sonné en pleine nuit. C’était l’hôpital, là-bas et une infirmière, avec son bel accent chantant, qui disait qu’il fallait se dépêcher si on voulait la revoir vivante. Ce fut un choc, car personne n’avait jamais pensé qu’une telle chose pourrait arriver un jour. Je suis parti aussitôt, seul bien entendu, Martine ayant une conférence à donner et les enfants des examens à présenter.

 

Sur l’autoroute, pendant que je roulais, il me semblait entendre sa voix, la mélancolie de sa voix, quand elle parlait de son époque révolue. Subitement il m’apparut que derrière toutes ces nouvelles qu’elle nous donnait et qui nous semblaient si futiles, se cachait une sorte de désespoir, celui d’assister, impuissante, à la fin d’un monde, de son monde. Ces fermes que l’on vendait, ces jeunes qui partaient vivre à la ville, ces campagnes qui devenaient des déserts, tout cela, c’était bien connu, cela figurait même dans les livres, mais pour elle, c’était sa vie qui s’en allait ainsi, lentement et inexorablement. A force de voir disparaître tout ce en quoi elle avait cru, elle avait dû pressentir sa propre fin. Soudain, mon indifférence me parut non seulement coupable mais presque inhumaine. Moi qui n’arrêtais pas de lire des ouvrages de philosophie qui tournaient tous autour du thème de l’existence et de la mort, voilà que je laissais un être humain seul avec la conscience de sa fin prochaine et cet être c’était ma propre mère. Aussitôt, je me suis mis à accélérer, mais j’avais beau rouler à du cent cinquante dans la nuit noire, la distance ne diminuait guère.

 

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Quand je suis enfin arrivé sur le coup de midi, exténué, ce fut pour apprendre qu’elle était décédée quelques heures plus tôt. Ce fut un deuxième choc. Trop tard, il était irrémédiablement trop tard pour pouvoir enfin prêter une oreille attentive à ce qu’elle disait. Non pas que j’eusse pu la consoler en quoi que ce soit,  mais au moins elle aurait eu conscience que moi, son fils, je l’écoutais et que je la comprenais. Il n’y avait malheureusement plus rien à faire. Sauf des formalités à n’en plus finir. La commune, les pompes funèbres, le curé, puis Martine, qui n’arrêtait pas de râler au téléphone parce que le jour de l’enterrement allait tomber un samedi et qu’elle avait son cours de yoga. Bref, quand tout cela fut plus ou moins terminé, le soir allait tomber et il ne me restait plus d’autre solution que de m’acheminer vers la maison pour y passer la nuit. J’ai fait un détour par l’hôpital pour prendre les clefs qui se trouvaient dans le sac à main de ma mère. Par ce geste, j’eus l’impression de commettre un délit, comme si je violais son intimité. Sentiment ridicule, me dis-je, car finalement cette maison était celle où j’avais passé toute mon enfance et demain j’allais, par héritage, en devenir l’unique propriétaire. Pourtant, quand je me suis retrouvé devant la lourde porte de chêne massif, mes clefs à la main, j’ai encore hésité. Après tout, il suffisait de faire demi-tour et d’aller chercher refuge dans un hôtel « Formule un » le long de l’autoroute… C’est finalement le désir de renouer avec mon enfance et ma vie passée qui m’a fait tourner la clef dans la serrure.

 

Dès le corridor, où pendait, bien en évidence, le compteur électrique avec tous ses fils, j’ai compris que dans cette maison, rien n’avait changé et surtout qu’il n’y avait rien à cacher. Tout était apparent et s’affichait sans aucun complexe. Dans le salon se trouvait toujours le vieux piano noir qui n’avait jamais servi à personne. Nul ne savait comment il était arrivé là, au détour de quelle guerre ou de quel héritage compliqué, mais il était là, complètement incongru dans cette pièce où avaient vécu des gens modestes, symbole d’une culture et d’une richesse qui n’avaient jamais été les leurs. En le regardant, je me suis demandé si ce n’était pas sa présence qui m’avait poussé à faire des études et à quitter ce monde rural si simple. Si simple mais si riche aussi et déjà j’en étais à réfléchir sur ce que j’avais gagné en rompant avec les miens et en rentrant dans le monde des intellectuels, comme on disait par ici. Pas grand chose finalement. Certes, je maniais les idées et les concepts comme pas un des paysans de la région ne savait le faire, mais en bout de course, quand je prenais une décision, n’était-ce pas précisément ce gros bon sens paysan qui me guidait et qui l’emportait ? Moi qui me prenais pour un fin lettré, avais-je vraiment changé de camp ? N’étais-je pas aussi étranger dans le monde universitaire que ma mère l’avait été en visitant le Louvre ? C’est ce que je me demandais en contemplant ce gros piano qui nous avait toujours appartenu mais qui en même temps avait été le symbole d’un univers qui n’était pas le nôtre.

 

Au mur, il y avait toujours les photos du père, ces fameuses photos en noir et blanc que je contemplais, enfant, pour tenter de me faire une idée de celui qu’on disait avoir été mon géniteur. J’avais quel âge encore quand il était mort accidentellement ? Trois ans ? Quatre ans ? Aucun souvenir en tout cas dans ma mémoire. Maman nous avait élevés seuls, ma sœur et moi. Et voilà qu’aujourd’hui, quasiment un demi-siècle plus tard, la page était irrémédiablement tournée. Il n’y avait plus personne pour se souvenir de cet homme qui n’avait jamais été pour moi qu’une photographie jaunie.

 

Dans la cuisine, je me suis fait une soupe. J’avais trouvé des sachets Royco dans une armoire, un peu étonné quand même devant la modernité de ma mère. Ainsi, elle avait renoncé aux bons potages qu’elle préparait autrefois avec les légumes du potager. L’âge et la fatigue, sans doute, l’avaient obligée à modifier ses habitudes. Pourtant, au fond de moi une voix criait qu’en agissant de la sorte elle avait voulu se rapprocher de nous et de notre mode de vie parisien. Une vague de douleur m’envahit. Je l’imaginais là, dans cette pièce, irrémédiablement seule devant son bol de soupe, tentant désespérément de nous ressembler un peu dans l’espoir inavoué de rétablir un contact. Et nous n’avions rien vu, nous n’avions même jamais rien su. Quelle étrange aventure que la vie, tout de même. On se marie avec un inconnu qui bientôt disparaît, on élève deux enfants, un seul arrive à l’âge adulte, puis à son tour il se marie et devient pour vous comme un étranger. Il reste alors à disparaître dans l’indifférence générale. Tout cela n’a assurément aucun sens.

 

(à suivre)

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