Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

31/05/2014

Plage

Vous alliez souvent, petite fille, jouer sur la plage grande et belle.

Vous fîtes là moult châteaux de sable

Que la marée montante submergeait toujours

Sous vos cris faussement indignés,

Car dans le fond, fort ravie vous étiez de cette force sauvage

Qui piétinait vos constructions éphémères…

 

Adolescente, sur la même plage, vous vous mîtes à rêver

Au prince charmant qui habitait le château.

Beau, preux et courageux, il vous semblait le voir

Galoper dans les flots, sur son cheval fougueux.

Un jour, il prit les traits d’un vacancier de passage

Et là, sur le sable de la grande plage d’abord, puis dans les dunes discrètes

Vous avez goûté de sa force sauvage et de ses baisers tendres.

Submergée sous les vagues du désir, ravie,

Vous avez crié votre joie à chaque marée haute.

Mais quand prit fin l’été et que le prince fougueux regagna son port,

Indignée, vous comprîtes que tout château n’était fait que de sable.

 

Aujourd’hui, vous marchez seule sur la plage grande et belle

Et dans le ciel vide passent de grands oiseaux blancs.

Tout en regardant les enfants qui construisent des châteaux éphémères,

Vous écoutez les flots fougueux qui déferlent sur le sable. 

Ce sont les chevaux de la mer, qui galopent, écumants.

 

 

Littérature

00:20 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : littérature

Commentaires

Bah, les princes charmants sont aujourd'hui pleins de mites :)

Écrit par : Michèle | 31/05/2014

@ Michèle : bien sûr ! Mais il font rêver les adolescentes :)

Écrit par : Feuilly | 31/05/2014

L'évocation de l'éphémère nous ramène à notre fragilité, au sens de notre vie et à la finitude. Même les châteaux construits en dur, finissent par s'écrouler et disparaitre. Nous sommes incorrigibles, enfants jusqu'au dernier jour, nous continuons à en construire même en Espagne. C'est peut-être pour occulter notre angoisse?

Écrit par : Halagu | 02/06/2014

@ Halagu : je prends la liberté de réagir à votre question car elle fait écho à ce que dit Luc Lang dans "Délit de fiction, la littérature, pourquoi ?" (Folio essais, Gallimard 2011). Luc Lang, magnifique romancier (Les Indiens, Mother, 11 septembre mon amour, Liverpool marée haute, La fin des paysages, etc.) et professeur d'esthétique à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Cergy-Paris.

Luc Lang cite à moment donné Hans Blumenberg dans l'essai "Approche anthropologique d'une actualité de la rhétorique". Blumenberg dit ceci :
"L'indigence de l'homme à qui font défaut les dispositions spéciales pour réagir face à la réalité, le fait qu'il soit pauvre en instincts, est le point de départ d'une question anthropologique centrale : comment cet être est-il capable d'exister en dépit de son défaut biologique de dispositions ? La réponse peut être résumée dans la formule suivante : il en est capable dans la mesure où il ne s'engage pas directement dans la réalité. La manière dont l'homme se réfère à la réalité est indirecte, circonstancielle, différée, sélective, et, surtout, métaphorique. [...] Le détour métaphorique qui abandonne l'objet en cause pour tourner ses regards vers un autre objet, supposé par avance instructif, prend ce qui est donné pour ce qui est étranger, et ce qui est autre pour ce qui est disponible de manière plus fiable et plus maîtrisable. [...] La métaphore n'est pas simplement un chapitre d'un traité de ressources rhétoriques, elle est une composante significative de la rhétorique. [...]"

Nous sommes des êtres de détour, nous ne sommes vivants et dans la vie que par un patient montage de sens construit, démultiplié, à l'intérieur duquel s'élaborent, dans le meilleur des cas, un désir de la beauté et un plaisir de l'accomplissement métaphorique qui restitueraient pour nous ce qui échappe et nous traverse sans cesse de l'immanence du vivant et du réel, écrit Luc Lang.

Il y aurait tout l'essai à citer :)))

Écrit par : Michèle | 02/06/2014

@ Halagu : notre vie est en partie faite de rêves. Nous aspirons à ce que nous n'avons pas encore, nous cessons de rêver quand nous l'obtenons et nous recommençons à rêver avec nostalgie quand nous l'avons perdu.

@ Michèle : merci ne nous renseigner sur le plaisir de l'accomplissement métaphorique :))

Écrit par : Feuilly | 02/06/2014

@ Feuilly : Tu te moques, ami :) mais pense à cet épisode de la Genèse où Eve et Adam, ayant mangé du fruit de la connaissance, "connurent qu'ils étaient nus". Or, avant cet acte irréparable, "tous les deux étaient nus (déjà), l'homme et la femme, et ils n'en avaient pas honte". L'état d'harmonie et d'immanence qui les tient ensemble dans le jardin d'Eden ne leur permet pas de se différencier et les prive en somme, d'une existence charnelle. C'est après avoir mangé du Fruit que s'impose à eux l'objectivation de leur nudité réciproque.
Or la conséquence immédiate n'est pas de se posséder charnellement, mais de faire un geste technique, celui de coudre des feuilles de figuier et de se confectionner des pagnes. Ce geste technique produit un artefact, un objet fabriqué, dont la fonction est de dissimuler leur différence et de feindre la ressemblance.
C'est-à-dire d'instituer un éloignement, un détour, un retard dans l'accomplissement du désir.
La sexualité s'efface dans la frontalité du regard et la confrontation physique des corps pour mieux s'épanouir dans une transposition imaginaire, une représentation de substitution, un différé qui enflamme le désir et rend le dévoilement physique proprement miraculeux.

C'est-à-dire que l'art et le langage se dessinent immédiatement comme une pratique du labyrinthe qui, dans sa traversée lente, ardue et complexe, rend la vie désirable parce qu'elle lui ôte évidence et immédiateté.
Resterait sinon, l'accouplement instinctif, mutique et spirituellement pauvre, de l'espèce.

L'art érotise la vie et nous préserve de sa vérité brutale et nue dont on ne saurait que faire maintenant qu'on la sait, nous dit la Genèse. Peut-être n'y a-t-il rien à découvrir dont il ne faille trouver un substitut de transfiguration dans la métaphore.

Comme Adam et Eve nous nous faisons tailleur, couturier, styliste...

Écrit par : Michèle | 02/06/2014

Je me moque, mais gentiment :))
L'art consisterait donc à coudre ces feuilles de vigne ou de figuier pour nous suggérer ce que la réalité nous donne, elle, à voir trop crûment ? Cacher la réalité nous permettrait paradoxalement de mieux l’appréhender en nous situant dans le domaine onirique.

Ce mythe d'Adam et Eve est toujours fascinant.

Écrit par : Feuilly | 02/06/2014

:)

Écrit par : Michèle | 03/06/2014

On pourrait partir du mythe d’Adam et Eve pour réfléchir sur l’origine des religions. En effet, cette nudité première qui n’est pas perçue par les protagonistes renvoie à l’âge d’or de l’enfance. Dans ce paradis qui ressemble à un jardin, Dieu fait figure de père rassurant et protecteur. Accéder à l’âge adulte, c’est percevoir cette différence entre les sexes et donc quitter le nid familial douillet. Ce départ est ici symbolisé par la colère de Dieu, lequel dit clairement qu’il faut quitter ses parents pour aller fonder une famille. On ne peut comprendre que comme cela la phrase « Croissez et multipliez-vous », qui sans cela serait paradoxale (comment d’un côté Dieu punirait-il Adam et Eve de leur accès à la sexualité tout en leur demandant de l’autre de faire usage de cette sexualité pour se multiplier ?).
Mais si dans ce mythe Dieu est bien un substitut du père, cela en dit long sur les rapports que l’homme et la femme entretiennent avec la religion, laquelle leur permet avant tout de se rassurer (comme si un être supérieur continuait à les protéger).

Écrit par : Feuilly | 03/06/2014

Il reste aussi à expliquer comment Adam et Eve ont-ils fait pour avoir des petits enfants? Y'a embrouille, comme on dit actuellement.

Écrit par : Halagu | 03/06/2014

@ Halagu : vous parlez en scientifique, là :)) Il faut voir cette belle histoire d'Adam et Eve comme une conte, comme un mythe fondateur, où la logique n'a pas tous les droits.

Ceci dit, ça commençait mal, puisqu'au chapitre suivant Caïn tuait déjà Abel, compromettant du même coup toute la descendance. On retrouve ce thème du fratricide dans la légende de Romulus et Rémus (eux-mêmes nés des amours du dieu Mars et de la vierge Rhéa Silvia - un peu comme le Christ, en somme).

Écrit par : Feuilly | 03/06/2014

C'est bien l'histoire de l'humanité, elle continue comme elle a débuté, toujours truffée d'épisodes sanglants. Caïn et Abel, étaient-ils mauvais et méprisables, car humains, ou purs et innocents comme on pouvait le penser, ou l'espérer, en ce début de l'histoire biblique?

Écrit par : Halagu | 04/06/2014

Curieusement alors que Romulus est honoré comme fondateur de Rome (et que tout le monde admettait le meurtre de son frère comme étant nécessaire, puisque ce dernier avait osé franchir le fameux sillon tracé par Romulus, sillon qui fixait les frontières de Rome), la Bible semble condamner davantage Caïn. Est-ce là que le christianisme a puisé sa notion de culpabilité ? Non, cette idée est antérieure encore, dans le "péché" originel (qui, on l'a vu, n'était finalement que l'accession à la sexualité).

Écrit par : Feuilly | 04/06/2014

Eve est l'unique femme avant le premier péché. L'unique femme c'est-à-dire aucune. Juste un concept. La seule vérité dirait Platon. L'absence de vérité, dit Baudelaire, puisque cette femme n'a pas été vivante, qu'elle n'a pas été historique, qu'elle n'a pas été passagère du temps humain.
La "fictio" [fictio, onis, f. (fingo) action de] de Dieu s'élabore à partir de rien, d'un rien incréé, d'un non-incarné.
La "fictio" de l'être humain s'élabore à partir du tout existant.

Écrit par : Michèle | 04/06/2014

On peut remonter à l'orphisme qui s'est développé en Grèce au 6è siècle avant J.C. Selon ce mouvement religieux , les titans ont tués Dionysos (encore un meurtre qui marque la création de l'homme) et l'ont mangé. Zeus furieux foudroya les titans et de leurs cendres sont nés les hommes. Les hommes ont donc une double origine: d'une part titanesque , donc terrestre, mauvaise, et d'autre part dionysiaque, donc céleste, divine. Et c'est là qu'intervient l'orphisme, il se propose, en tant que ''nettoyeur'' de l'âme, de purifier l'homme des traces titanesques.
Certains pensent que l'orphisme est le précurseur des religions monothéistes (Zeus étant le dieu créateur du monde au dessus de tous) en particulier le christianisme. Ils citent pour cela beaucoup d'aspects partagés tels que le péché originel, le paradis, l'immortalité de l'âme...
Mais là, on va très loin! On est parti de l'éphémère et des gentils châteaux de sable et Michèle a donné le signal du départ pour un sprint à travers les siècles et les contrées. Il faut croire qu'on était déjà sur les starting-blocks!

Écrit par : Halagu | 04/06/2014

Orphisme grec qui remonte à son tour à la religion égyptienne, si j'en crois Hérodote que je suis en train de lire.

Écrit par : Feuilly | 04/06/2014

Les commentaires sont fermés.