23/05/2014
Limites de l'hégémonie des Etats-Unis
Je me demande si l’Occident n’a pas commis une erreur en voulant englober de force l’Ukraine dans son camp afin d’affaiblir Moscou. Un empire s’agrandit toujours, mais il arrive un moment où il dépasse les limites du raisonnable. Certes on nous parle de démocratie retrouvée (ce qui fait sourire quand on voit qu’on a mis des partis d’extrême-droite possédant des forces paramilitaires au pouvoir), de droits de l’homme (je me demande ce qu’en penseraient les malheureux qui ont été brûlés vifs dans la maison des syndicats à Odessa, s’ils pouvaient encore parler), de grand rassemblement des forces de l’Otan contre les méchants russes (ce qui n’a pas empêché Poutine d’annexer la Crimée), d’élections libres (alors qu’on est en pleine guerre civile, puisque l’armée entoure et bloque certaines villes de l’Est où la population ne reconnaît plus le pouvoir central), de sanctions économiques qui vont faire plier l’adversaire (mais dont les victimes sont également les entreprises européennes qui avaient passé des contrats avec la Russie).
Bref, on allait soi-disant isoler la Russie et la planète entière allait lui tourner le dos. Or que se passe-t-il ? Se sentant en effet un peu isolé, Poutine a entamé une visite en Chine, ce qui veut dire qu’avec son intransigeance l’Occident a provoqué un rapprochement entre les deux superpuissances asiatiques. Ce n’est peut-être pas très malin. Il était pourtant prévisible que Moscou et Pékin allaient s’unir contre les USA puisqu’ils s’opposent tous deux à l’hégémonie américaine et qu’ils sont tous deux en conflit ouvert avec Washington pour des questions territoriales (Crimée d’un côté et contrôle de la mer de Chine de l’autre).
De plus, si les sanctions ne frappaient que Moscou, par un effet de boomerang elles vont maintenant frapper l’Amérique. En effet, Moscou et Pékin envisagent d’abandonner le dollar comme monnaie d’échange dans la région asiatique. Par ailleurs, la Russie vient de créer son propre système de paiement électronique, pour remplacer la carte Visa. Pour couronner le tout, les deux chefs d’Etat envisagent des manœuvres militaires conjointes. En alliant leurs forces, la Russie et la Chine pourraient bien d’ici peu dépasser la puissance de frappe de l’Otan.
En attendant, sur le plan commercial, la Chine grignote les zones d’influence des Etats-Unis. Elle achète une bonne partie du pétrole irakien (alors que les Etats-Unis ont dépensé des milliards pour y faire la guerre et qu’ils n’en retirent finalement pas beaucoup de profits), investit dans les mines d’Afghanistan et achète des produits iraniens (ce qui permet à ce dernier pays de sortir de l’embargo que l’Occident lui avait imposé).
Voilà le résultat de la volonté de faire passer l’Ukraine dans notre camp. En plus, la situation dans ce pays est catastrophique. Après le massacre d’Odessa, plus rien ne sera jamais plus comme avant et les deux communautés qui composent cet Etat ne voudront probablement plus vivre ensemble. L’Amérique s’en moque, qui irait bien jusqu’à déclarer une guerre qui ruinerait à la fois son vieil ennemi russe et son allié européen, pour le plus grand profit des capitalistes étatsuniens. En attendant, il faut s’attendre à des attentats islamistes en Crimée ou en Tchétchénie, voire dans le métro de Moscou. On ne pourra rien reprocher à l’oncle Sam, qui n’aura rien fait directement, mais qui aura quand même armé et entraîné quelques opposants bien utiles à sa cause. Il y a fort à parier qu’à côté de ces opposants on retrouvera des mercenaires de l’extrême-droite occidentale (on a bien vu des centaines de jeunes Français musulmans partir pour la Syrie). Une fois victorieux en Ukraine, ces derniers pourraient revenir en force en Occident et tenter d’imposer leurs idées par la force. Ce n’est pas les maîtres de Washington qui s’en plaindront. N’ont-ils pas laissé Franco au pouvoir en 1945, mis Pinochet à la tête du Chili en 1976 et porté des néofascistes à la tête de l’Ukraine en 2014 ?
12:43 Publié dans Actualité et société | Lien permanent | Commentaires (7)
Commentaires
Pinochet, le 11 septembre 1973. R.I.P.
Écrit par : cleanthe | 25/05/2014
Finalement, les pays qui ont applaudi la chute du mur qui séparait l'Est de l'Ouest, sont en train d'élever un mur du même genre à partir de l'Ouest.
Écrit par : Halagu | 27/05/2014
@ Cléanthe : Allende, surtout!
@ Halagu : un nouveau mur, oui. Symbolique, mais tout aussi efficace. Un mur qu'on peut reculer à volonté.
Écrit par : Feuilly | 28/05/2014
De fait, en septembre 76 (le 21), c’est l’assassinat de l’ex-ministre des Affaires étrangères du gouvernement socialiste élu d’Allende, Orlando Letelier. Dans le cadre du « Plan Condor » qui bénéficie du soutien discret des Etats-Unis. Lesquels Etats-Unis retireront leur soutien à la suite de cet attentat.
Comme ils laisseront tomber Pinochet quand l’Union soviétique, agonisante, ne sera plus une menace en Amérique du Sud.
Orlando Letelier était économiste et bien sûr, c’est à un autre type d’économistes que Pinochet fera appel : les « Chicago boys ». Les entreprises nationalisées seront restituées à leurs anciens propriétaires et de grandes entreprises publiques comme l'Entreprise nationale d'électricité, seront privatisées. Le contrôle des prix sera aboli, les barrières douanières abaissées et les investissements étrangers encouragés.
Écrit par : Michèle | 28/05/2014
@ Michèle : privatisations, baisse des barrières douanières, mainmise de l'étranger : voilà ce qui attend l'Ukraine aujourd'hui. Plus besoin d'un Pinochet. Une belle révolution populaire (sagement guidée par les milices fascistes quand même) qui débouche sur un vote démocratique a permis d'élire un président milliardaire, lequel fera tout pour le secteur privé
Écrit par : Feuilly | 28/05/2014
le R.I.P., c'était pour la société civile chilienne, qui a effectivement servi de laboratoire néo libéral par les Chicago Boys, Milton Friedman et ses potes qui mériteraient l'internement à vie pour leurs exactions criminelles.
Écrit par : cleanthe | 29/05/2014
@ Cléanthe : l'internement à vie, absolument. Et curieusement les gens semblent avoir oublié tout cela, comme la Grèce des colonels. Quel journaliste parle sérieusement de la Libye aujourd'hui ? Il y a encore eu l'autre jour des combats meurtriers à Benghazi, qui ont fait plus de morts que Kadhafi n'avait pu en faire (car la version des 6.000 tués par son aviation est bien entendu fausse et n'est qu'un gros mensonge). Et qui a dénoncé les frappes aveugles de l'Otan ? Personne. Pas plus que le bombardement de Dresde en 1945 n'a été condamné. Pourtant, sur un plan militaire, ce bombardement était parfaitement inutile.
Écrit par : Feuilly | 29/05/2014
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