30/11/2013
Brouillard
Ce matin, le brouillard était là, un brouillard épais, qui avait grignoté le paysage. Les lointains avaient disparu et avec eux la belle forêt de hêtres qui barrait l’horizon. La ferme au bout du petit chemin n’était plus là non plus, pas plus que les pâtures où rêvaient les chevaux. Des haies qui clôturent mon jardin, on ne devinait que quelques feuilles, encore fallait-il écarquiller longtemps les yeux et avoir beaucoup d’imagination. Aucun bruit, aucun chant d’oiseau, rien. Tout était mort.
Quand j’ai ouvert la porte de la maison, il m’a semblé être devant un mur. On ne distinguait aucun objet à plus de trois mètres. Je me suis avancé lentement dans cette brume étrange, me demandant si je n’étais pas le dernier habitant encore en vie dans le village. Même les chats n’étaient plus là, eux qui d’habitude accouraient quand je mettais le nez dehors. J’ai foulé l’herbe humide de la pelouse et me suis dirigé à tâtons vers la barrière. En me retournant, j’ai vu que la maison, elle aussi, avait disparu. Il me fallut garder mon calme pour continuer malgré tout. Enfin, après avoir hésité un peu, je suis arrivé près de la boîte aux lettres. Comme d’habitude, elle était vide, désespérément vide. Aucune lettre, aucune carte, rien.
Alors j’ai rebroussé chemin comme j’ai pu. En hésitant, j’ai retrouvé la maison et son seuil. J’ai refermé la porte derrière moi et me suis assis près du feu. Les flammes brillaient dans l’âtre, comme si toute la vie du dehors s’était réfugiée là, comme s’il ne restait plus au monde que ces trois bûches incandescentes qui bientôt seraient réduites en cendres.
J’ai pris un livre que je n’ai pas ouvert et j’ai écouté le silence. Le grand silence des jours de brouillard, où même les facteurs ne trouvent plus leur chemin.
00:25 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : littérature
Commentaires
Dans ce texte bien ciselé, bien évocateur, tu emploies un terme qui je trouve admirable : les lointains.
Écrit par : Bertrand | 30/11/2013
Le facteur ne trouve plus le chemin, le téléphone reste muet et personne ne viendra frapper à la porte... Même le vent ne balaie rien.
Ce ne sont pas des jours de désespoir, non, le désespoir est violence, il est vie qui palpite sous un carcan de douleur.
Ce sont des jours à vivre à tâtons..
Des jours blancs
Écrit par : agnès | 30/11/2013
Des jours à vivre dans le silence, le front posé contre le vide, contre l'oubli...
Écrit par : Michèle | 30/11/2013
@ Bertrand : "les lointains", oui... Le pluriel donnant une autre connotation au mot, plus vague, plus poétique.
@ Agnès : des jours à vivre comme dans un rêve, comme si tout s'était arrêté. Des jours "blancs", en effet, où on repense au passé et où on attend le futur. A moins qu'on n'attende plus rien, vaincu par le brouillard et le néant qu'il contient.
@ Michèle : le silence, oui. Le silence qui nous ramène à nous-même, puisque plus rien d'autre n'existe.
Écrit par : Feuilly | 30/11/2013
Quand les jours ne sont plus des jours à force de sembler ne plus exister, on vit alors notre fin du monde. Quand on s'endort, on se prend à rêver que demain, le ciel sera revenu et les objets reprendront consistance.
Vos mots solitaires sont arrivés jusqu'à nous malgré la brume...
Écrit par : saravati | 04/12/2013
@ Saravati : brume ou pas brume, les mots arrivent toujours auprès de ceux qui savent les entendre. :))
Écrit par : Feuilly | 05/12/2013
Les mots ? Des Cornes de Brumes.
Écrit par : cléanthe | 06/12/2013
Joli, Cléanthe ! :)
Écrit par : Michèle | 08/12/2013
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