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21/06/2009

Le blogue : une logorrhée verbale ?

 

Pour ceux que cela intéresse, Marche romane vient de franchir le cap de son quatre centième article. Ce n’est pas rien, évidemment. Ce n’est pas rien mais cela nous amène, une fois de plus, à nous poser des questions sur la pertinence de tout cela. Qu’est-ce finalement qu’un blogue ? Que cherche-t-on en écrivant ici et que conviendrait-il d’y écrire ? Au-delà de la réflexion sur le phénomène blogue en lui-même, il importerait aussi de réfléchir sur le rapport entre l’écriture et le blogue. En d’autres termes, le fait d’avoir des lecteurs, de les sentir présents, conditionne-t-il le contenu et la manière d’écrire ?

 

Ce qui est amusant, c’est qu’alors que je me faisais ces réflexions et que j’en discutais même en privé, via la messagerie, avec une connaissance, voilà que Bertrand Redonnet, de son côté, nous propose justement sur son site un billet qui traite de ce thème. Je vous invite à le lire car il reprend exactement, en les développant subtilement, les réflexions que j’étais en train de me faire.

 

L’avantage, en tenant un blogue, c’est qu’on s’oblige à écrire car on sent inconsciemment que si on ne l’alimente pas régulièrement, il sera bientôt déserté par le public habituel, qui trouvera ailleurs une nourriture plus abondante. Et écrirais-je aussi ponctuellement si je n’avais pas l’opportunité de le faire ici ? Probablement pas, les occupations et les soucis de la vie quotidienne étant souvent un frein au travail d’écriture, lequel demande disponibilité et sérénité. Mais d’un autre côté, il ne faudrait pas que le public devienne un tyran qui conditionnerait mon acte d’écriture, soit en m’imposant indirectement un rythme à tenir, soit même en influençant la nature des billets présentés. J’ai su, il me semble, me préserver jusqu’à présent de ce travers.

 

Maintenant, le fait de pouvoir être lu est assurément un avantage dont on finirait par oublier qu’il constitue un privilège. Pour autant qu’on ne laisse pas au public le choix des thèmes traités mais qu’on continue à écouter sa petite musique intérieure, tout est parfait.

 

Le problème, c’est plutôt le temps.  Or le temps, quand on est dans la vie active, est le bien le plus rare et le plus précieux. Et il n’y a pas que les articles à rédiger et les commentaires à surveiller, il y a aussi tous les autres sites à aller lire. Ce serait un peu égoïste de se réjouir de la présence des lecteurs et de ne pas leur rendre leur politesse en allant lire leur propre site s’ils en ont un. Des liens se créent souvent ainsi, par affinité et c’est très intéressant.

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C’est intéressant sauf que quelquefois on a un peu l’impression d’être sur la place publique. On écrit à la craie sur un trottoir devant les badauds médusés, au milieu d’un brouhaha indescriptible, celui de la foule et de ses bavardages. Alors il y a inévitablement des jours où on se retrouve fatigué de tout ce vacarme, ce qui fait qu’on aspire à un peu de silence. Ces jours-là, la petite voix intérieure ne parvient plus à trouver son chemin dans la cacophonie générale. L’intelligence ne commande-t-elle pas une position de retrait qui n’est pas seulement protectrice mais aussi désir de se retrouver avec soi-même dans le silence ?

 

Quel est l’intérêt, finalement, d’écrire par exemple sur les livres qu’on a lus ? N’est-ce pas aussi participer au grand bavardage ambiant ? Certes, cela oblige à un esprit de synthèse et même, en écrivant ainsi un article, on approfondit le sujet  traité et on découvre soi-même des choses qu’on n’avait pas vues, mais bon, au-delà de cela, quel avantage y trouve-t-on vraiment ? Est-ce un vain étalage de culture, un désir de partager ses connaissances ou une tentative de communiquer avec autrui ? Un peu des trois sans doute, mais n’est-ce pas là une démarche vaine ? N’est-ce pas contribuer à son tour au grand bavardage ambiant que je dénonçais plus haut ?

 

 Ne ferait-on pas mieux, plutôt que de s’égarer dans cette voie, de se concentrer sur sa propre écriture, la vraie ? Car dans ces quatre cents articles, combien de textes littéraires, en fait ? Bien peu, vraiment bien peu. Déjà j’avais renoncé par le passé à toute une série d’articles disons d’actualité et je m’étais alors concentré sur des sujets plus littéraires. Mais parler de la littérature, ce n’est pas encore écrire (encore faudrait-il qu’on en soit capable, mais cela c’est une autre question dont nous ne débattrons pas ici).

 

Bien entendu, pour celui qui écrit et qui est publié (ce qu’on appelle donc classiquement un écrivain), le blogue devient une vitrine. Pour peu qu’il ne lui consacre pas trop de temps, c’est pour lui un moyen habile de faire connaître sa production et même, pourquoi pas, de lever pour le public un coin du voile sur l’art de la création, en proposant de temps à autre un extrait en cours de rédaction.

 

Vu l’évolution des techniques, il est clair qu’un homme de lettre se doit, de nos jours, de tenir un  site ou un blogue, simplement pour favoriser sa visibilité dans cette jungle commerciale qu’est devenu le monde de l’édition.

 

Mais nous, hommes ordinaires qui n’avons rien écrit, pourquoi perdre notre temps à nous donner l’illusion d’avoir un public avant même que d’avoir écrit quoi que ce soit ? C’est un peu mettre la charrue avant les bœufs, non ? Ecrire suppose le recueillement et la solitude. On n’écrit pas dans l’immédiateté. Je ne pense pas, en disant cela, à l’inévitable travail de correction qui chez moi est souvent fort limité (preuve qu’il y a des choses à améliorer dans mon travail d’écriture lui-même)  mais plutôt au recul nécessaire à toute activité de création. Avant de prendre la plume, il faut cerner son sujet, l’apprivoiser, ce qui peut demander quelques jours. Puis il faut laisser faire l’imagination, qui va, dans votre tête,  échafauder un semblant d’histoire. Ce n’est qu’alors qu’on prend sa plume ou qu’on s’installe devant son ordinateur. Les mots alors viennent en principe relativement aisément, mais c’est parce qu’ils sont le fruit de tout ce qui précède.

 

Or, cette démarche qui prend du temps, ne trouve pas dans le blogue le terrain qui lui convient. Ici, tout doit aller vite et on finirait par préférer de simples billets sur des sujets divers, relativement faciles à rédiger, plutôt que de se pencher sur un réel travail de création.

 

En conclusion, j’ai bien peur que je n’aie fait que contribuer à amplifier la rumeur ambiante d’Internet par mes différentes notes. J’aspire à un peu de silence, de discrétion, de recueillement. Je reviens donc à l’idée que j’ai déjà exprimée autrefois ( à savoir laisser de côté tous les thèmes d’actualité et se concentrer exclusivement sur les sujets littéraires) mais pour la radicaliser. Autrement dit, ne plus déposer ici que des textes personnels, soit de fiction, soit de poésie, soit encore des considérations personnelles ou philosophiques, voire des souvenirs ou des rêveries, un peu comme on le ferait dans un journal intime (se posera alors le problème du rapport entre la sphère privée et la sphère publique, mais s’il s’agit de textes littéraires, ce qui est trop personnel sera de toute façon transformé par le processus de création et sera donc devenu complètement  méconnaissable. En plus personne ne connaît ma vie, donc personne ne parviendra à distinguer ce qui est réel et ce qui est inventé)

 

Cela n’empêche pas de traiter de sujets existentiels ou même de réfléchir sur des phénomènes de société, mais plutôt que de le faire de manière disons intellectuelle, en développant point par point un raisonnement, on pourrait imaginer que cette réflexion s’inscrive dans un texte de fiction ou prenne la forme d’un journal personnel, ce qui, dans les deux cas, supposerait une approche plus littéraire.

 

Pour me résumer et exprimer tout cela plus simplement,  je dirai que la tenue de ce blogue m’a apporté beaucoup, mais qu’il me semble maintenant que cela constitue une entrave à la rédaction de textes plus littéraires, que je n’ai que trop négligés (essentiellement par manque de temps).

 

L’avenir nous dira si je parviens à me tenir à ces nouvelles règles.

 

23:06 Publié dans Blogue | Lien permanent | Commentaires (26) | Tags : blogue, internet

Commentaires

Je redis que de mon point de vue, tout compte dans un processus d'écriture ; tout ce qui se donne à lire ici.

L'écriture d'un roman demande un engagement lourd. Mais on peut tout mettre dans un roman. Il n'y a pas de limitation. Les personnages peuvent y avoir une grande liberté intellectuelle, des préoccupations encyclopédiques, et on peut y faire entrer les énormes connaissances de notre siècle. Donc ce qui s'écrit dans ce blogue, sur tout sujet (politique, économie, religion, philosophie, histoire de la langue), peut nourrir un roman. Et ce qui donne sa dimension au roman, c'est le travail de la langue. Ce n'est pas l'histoire, ce n'est pas la thématique, sinon Madame Bovary ne serait que "la vulgaire histoire amoureuse d'une péronnelle de chef-lieu de canton".

Ce qui distingue le littéraire de la simple écriture informative, c'est l'usage de la langue, qui transfigure.

Écrit par : Michèle | 22/06/2009

"Ce qui distingue le littéraire de la simple écriture informative, c'est l'usage de la langue, qui transfigure."

Tout à fait (c'est bien ce que disait Céline d'ailleurs). Mais comment parvenir à ce type de langue-là? Tout ce qu'on a pu lire ici, ce n'est que de la langue lisse, neutre, informative. mais le style?

Écrit par : Feuilly | 22/06/2009

Juste un point d'éclaircissement sur le "reprend". Il y a une petite genèse, complice, entre nous.
Je n'étais évidemment pas au courant que "Marche Romane" nourrissait une telle réflexion quand j'ai écrit et publié mon texte sur "Exil."
Il se trouve que nous étions à distance et chacun à notre insu mobilisé sur une réflexion similaire. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois et je m'en réjouis.
Ce que je me proposais d'écrire vendredi, me semblait, à tort ou à raison, important et j'avais à cœur que les quelques blogs et sites que je visite le plus régulièrement en soient tenus rapidement au courant.
Je t'ai donc en privé dit que je venais de publier un texte sur lequel ton avis serait important pour moi. Et, là, l'ayant lu, c'est ce qui est superbe justement, tu me dis que tu es justement sur cette réflexion et que tu t'en es entretenu ce matin avec "une connaissance".
Que cette réflexion nous soit commune est une preuve suffisante à mes yeux pour affirmer qu'elle est capitale et que se situer et se re-situer de temps à autre par rapport à sa pratique d'écriture est le gage que cette écriture est responsable quant à ses motivations littéraires.

Je fréquente régulièrement Marche Romane à partir d'un commentaire que tu laissas sur Exil en septembre 2007, voilà donc bientôt deux ans.
j'ai donc pu en suivre l'évolution et surtout prendre la mesure des motivations qui t'animent.
C'est pourquoi - et cela n'enlève rien, absolument rien aux qualités de ce que j'ai pu y lire pendant tout ce temps, au premier rang desquelles générosité et sincérité de l'écriture - je suis persuadé que tu es dans le vrai dans ce que tu te proposes de faire dorénavant et que c'est une véritable démarche d'écrivain, autant que je puisse en juger.
Amicalement

Écrit par : Bertrand | 22/06/2009

Voilà qui est encourageant (et en même temps un peu inquiétant car il va falloir se montrer à la hauteur de ses ambitions).

"démarche d'écrivain" Bon, bien, mais ne tombons quand même pas dans la mégalomanie et la satisfaction de soi. Rien de pire que de se prendre au sérieux. Commençons d'abord par écrire un peu. Et puis il y a tellement de sites où des grands-mères désoeuvrées se fendent d'un poème larmoyant sur la beauté de leur chat ou la mort de leur canari que je ne suis pas sûr qu'il faille vraiment s'enorgueillir d'écrire sur un blogue.

Écrit par : Feuilly | 22/06/2009

Là, tu confonds pas mal de choses : la grand mère, le chat, le canari, l'orgueil, le sérieux, la mégalomanie, l'écrivain dans sa démarche etc.

- Un écrivain fait forcément une démarche, même et surtout avant de le devenir. Ceux ou celles qui te diront le contraire n'auront certainement jamais écrit de leur vie que des lettres au chat, au canari ou à la grand mère.
- La démarche est d'abord et reste profondément solitaire. Tu appelles ça orgueil ? Si tu veux mais tu te plantes. Tu te plantes complètement parce que si tu décides de faire, comme j'ai cru le lire, de Marche Romane, un véritable atelier, tu le fais pour toi d'abord, pour devenir et mettre au clair ton travail d'artiste.
Et ça attire moins le chaland, Feuilly : les consommateurs préfèrent souvent le marché tout cuit au verger du producteur.
L'orgueil, c'est donc de refuser de travailler publiquement dans son atelier et de présenter sur son blog que des produits présentés comme achevés. Comme autre chose qu'une réflexion.
- D'autre part, s'il y a de la niaiserie sur les blogs, en quoi le tien, le mien, ceux que nous aimons, sont-ils compromis ? Je te le demande...Tu jettes le bébé avec l'eau du bain. Dans la librairie où tu trouves Maupassant et Lautréamont, il y a aussi des cochonneries plein les étagères.
Est-ce à dire que Maupassant ou Lautréamont ont été des idiots d'écrire des livres ?
Il faut te ressaisir.
Je te dis tout ça, en grondant, certes, mais en toute amitié.
Tu sais quoi ? Le danger, et je n'ai pas toujours su l'éviter moi-même, c'est le vertige des commentaires.
Ça trompe l'auteur, ça lui émousse dangereusement le sens de l'auto-critique.

Écrit par : Bertrand | 22/06/2009

Non, je ne confonds pas.
Par orgueil, je voulais dire qu’il ne suffit pas de se déclarer écrivain pour l’être effectivement. Ce n’est pas parce que je décide d’ouvrir un restaurant, même avec une belle vitrine et une carte alléchante que je suis un grand chef-coq. Ca, c’est les clients qui le diront en fonction de ce qu’ils auront dans leur assiette.
Donc, à mon modeste niveau, avant de s’autoproclamer écrivain, commençons d’abord par griffonner quelques textes, après on avisera.
Pour le reste tu as raison de dire que « la démarche est d'abord et reste profondément solitaire. »
Et derrière se pose en effet l’éternelle question des commentaires, lesquelles sont en contradiction avec ce travail solitaire. D’un côté, c’est l’avantage du blogue de pouvoir avoir des échos et des échanges (souvent intéressants), de l’autre, c’est aussi son danger : celui de se perdre dans les commentaires, voire de se contenter un peu facilement et lâchement de leurs éloges s’il y en a. Or écrire suppose beaucoup d’exigence.
Quant à la niaiserie de certains sites, et au canari de la grand-mère, bien sûr que c’est une boutade. Mais c’était une manière de souligner que les blogues sont ouverts à tout le monde et que le meilleur y côtoie le pire. Je veux dire par là que même s’ils sont devenus un moyen d’expression incontournable, même pour un écrivain reconnu, ils ne donnent en soi aucune légitimité (à la différence d’un livre publié). Autrement dit, tant qu’on n’a que ce moyen pour s’exprimer et faire ses petites expériences (mais c’est bien aussi), ce serait un peu ridicule de se proclamer écrivain.

Écrit par : Feuilly | 22/06/2009

Pour rebondir sur le danger des commentaires, je dirais que quand on écrit, y compris sur du papier, on s'adresse quand même & toujours à quelqu'un, quel que soit le type ou le genre du texte. Or ce quelqu'un est, hélas ou non, toujours absent (dieu caché ?) Et je trouve que la spécificité du blog, c'est que ce quelqu'un y devient tout à coup réactif. En quantité (stats) et en qualité (pertinence ou non des commentaires, par exemple). Et je crois que le vrai intérêt et le vrai danger de l'écriture du blog se situent là : ne pas trop se laisser déranger ou séduire (vis à vis du projet initial) par ce(s)lecteur(s) soudain bien plus réactif(s) que ne l'est le "lector in fabula" des livres de papier qui ne laisse jamais de commentaires..

Écrit par : solko | 22/06/2009

Oui, c'est exactement cela. D'un côté on est content de les avoir, ces commentaires, c'est une richesse. Et de l'autre cela risque de distraire du travail en cours.

S'ils n'apportent rien, ils sont inutiles (ce n'est alors que du bavardage)

S'ils sont trop élogieux (ce qu'on aime bien aussi, il faut l'avouer), on risque de se prendre au sérieux.

S'ils sont systématiquement négatifs ou tournent tout en conflit, ils sont à proscrire.

S'ils font des remarques pertinentes, il faut savoir les écouter.

Quant à l'écrivain qui sort un livre, il n'a pas vraiment de réaction de ses lecteurs.
Le chiffre des ventes? Ce n'est pas une preuve de la qualité du livre.
Les commentaires lors d'une séance de signature? C'est forcément élogieux et flatteur.
Les critiques dans les journaux? On sait ce qu’il est en (copinage, renvoi d’ascenseur, etc.), il ne faut rien en attendre de sérieux.

Finalement, les seuls commentaires valables seront encore les lettres ou les mails adressés à l’écrivain par des lecteurs qui se posent des questions. On retombe ici sur les commentaires des blogues quand ils sont pertinents.

Écrit par : Feuilly | 22/06/2009

Tout à fait précis et tel que je le pense aussi, Solko.
Écriture sans miroir du papier et écriture miroir du blog. Écriture tout de suite "adulée" du blog, grand, grand intérêt et danger suicidaire.
Mais l'écriture a t-elle besoin de tant de reconnaissance immédiate pour rester écriture ?
Ma réponse est non. Sinon, elle n'est pas grand chose qu'un nombrilisme qui refuse de dire son nom.
L'écriture qui interroge ne cherche pas que la paroi, derrière l'écran, lui rende tout de suite l'écho. Il y a les clubs de "chat" pour ça.
Parfois elle pose une question précise et demande que les concernés interviennent. Oui.
Sur ces blogs, nous sommes quelques-uns qui avons une complicité dans l'écriture, qui nous cherchons et nous disons les uns, les autres...Pour travailler dans le sens que nous croyons bon et échapper aux tourments de la veulerie contemporaine.

D'ailleurs, Feuilly, tu veux, tu espères, tu seras, j'espère de tout cœur, publié...
Prends garde cependant...Oui, c'est formidable...Mais crois-moi, la solitude est grande, grande, immense après. Tu te reytrouves seul au monde. Plus seul qu'avant peut-être. Tu n'entends plus rien. Tu as passé des mois, une année peut-être à ton travail et tu tends l'oreille....Des bribes parfois, des échos qui te donnent chaud au cœur, très espacés...Et puis silence..Et silence.
Comme un cri jeté sur la mer et plus rien. Que le clapotis des vagues sur la coque de ton fragile esquif.
Ne crois pas que tu éprouveras avec ton livre publié, l'illusion que te procure le blog d'être lu.
Les gens ne viendront pas te signer aussitôt au bas de la page que c'est bien ce que tu as fait. Il faudra ronger ton frein, penser, douter et cependant continuer à écrire.
Et c'est bien là tout le courage d'écrire pour autre chose.
Par-delà la supercherie de notre égo.

Écrit par : Bertrand | 22/06/2009

Les commentaires se sont croisés.

" Les critiques dans les journaux? On sait ce qu’il est en (copinage, renvoi d’ascenseur, etc.), il ne faut rien en attendre de sérieux."
Trop systématique pour être vrai.
Je ne connais ni des lèvres ni des dents, le journaliste qui a signé son article dans le Matricule des Anges.
Et si tu écris un livre, il te faudra bien, entre tous les immenses silences, en attendant les clameurs de la postérité, être à l'écoute de tout.

Écrit par : Bertrand | 22/06/2009

"Comme un cri jeté sur la mer et plus rien"

En effet, cela ne doit pas être bien facile. je crois que nous sommes tous un peu fous de vouloir écrire. Et on retombe sur l'éternelle question: pourquoi écrire?

Écrit par : Feuilly | 22/06/2009

Pourquoi écrire ?
Parce que "tu y es poussé du dedans", comme le dit Jean-Louis Kuffer.
Parce que tu ne peux pas faire autrement.

Un livre est gros aussi de tout ce qui se dit, s'écrit autour. Ce n'est jamais anodin de lire ce qu'écrivent Antoine Compagnon, Jean-Pierre Richard, Jean-Louis Kuffer, et d'autres, des livres qu'ils accompagnent d'un appareillage critique.

Quant au livre publié, il ne donne pas plus de légitimité qu'un blogue, si ce livre est de la m....
Et enfin, j'aime bien ce que dit Solko : "Ne pas trop se laisser déranger ou séduire". Car les commentaires sont aussi cela, une entreprise de séduction.

Écrit par : Michèle | 22/06/2009

Une entreprise de séduction? Vraiment? Vous me faites peur tout à coup.

(sourire quand même).

Écrit par : Feuilly | 22/06/2009

Je suis mort de rire !

Écrit par : Bertrand | 22/06/2009

Je lis vos échanges avec intérêt mais permettez-moi, messieurs, de trouver tout cela un tantinet "cérébral" .

Je vais jeter un pavé dans la mare.

Personnellement, j'aime bien les blogues des mémés à chat et à canari, surtout quand elles postent un poème à la suite de la perte de leur animal préféré.

J'y vois là un cœur qui bat, une émotion qui me touche, une souffrance à laquelle je m'associe.

Sinon tout à fait d'accord avec Solko sur les commentaires. Ne pas s'y attacher plus que ça demande une vraie force de caractère. Je crois qu'il faut rester authentique dans ses écrits autant que possible et faire de la maxime " qui m'aime me suive" son adage préféré.

Écrit par : Cigale | 22/06/2009

Bertrand a écrit
"Prends garde cependant...Oui, c'est formidable...Mais crois-moi, la solitude est grande, grande, immense après. Tu te retrouves seul au monde. Plus seul qu'avant peut-être. Tu n'entends plus rien. Tu as passé des mois, une année peut-être à ton travail et tu tends l'oreille....Des bribes parfois, des échos qui te donnent chaud au cœur, très espacés...Et puis silence..Et silence.
Comme un cri jeté sur la mer et plus rien. Que le clapotis des vagues sur la coque de ton fragile esquif.
Ne crois pas que tu éprouveras avec ton livre publié, l'illusion que te procure le blog d'être lu."

Alors là, je suis cent pour cent d'accord avec ces mot!
La solitude qui se terre dans le livre papier est très grande. Si peu de retour...
Par contre sur le blog...le billet écrit, suscite auss tôt des commentaires. C'est gratifiant: je n'écris pas pour mon tiroir
Mais comme tu le dis Feuilly ou les autres... le danger est grand (en tout cas pour moi, je le reconnais) de se conditionner à une écriture qui va "plaire", attirer les lecteurs que je souhaite sur ce satané blog!
Aujourd'hui, je me remets fameusement en question (dans le silence de mon bureau. Car j'ai (comme toi?) bien souvent sacrifié le billet "littéraire" au billet qui va susciter des commentaires
Le billet "littéraire" est peu commenté alors que mes autres billets...ben, ... le sont pas mal!

Écrit par : Coumarine | 22/06/2009

@ Cigale: bine sûr c'est émouvant. On dit juste que ce n'est pas une oeuvre littéraire mais aussi que nous ne sommes pas certains de parvenir à mieux faire.

@ Coumarine: j'imagine ce que doit être la solitude de l'écrivain. Quant à ceux qui sont invités chaque jour sur les plateaux de télévision (mais tu as quand même été un peu invitée, du moins à la radio), ils se croient écrivains parce que tout le monde le leur dit, mais ce ne sont pas forcément de grands écrivains.

Pour ce qui est des articles de Marche romane, non, je n'ai jamais cherché à écrire des articles qui plaisaient, cela non. Mais c'est un fait qu'en écrivant des textes qui me plaisaient à moi, je me suis un peu écarté d'une approche strictement littéraire.

Écrit par : Feuilly | 22/06/2009

Ce n'est pas la première fois que vous revenez sur ce sujet. Me voici encore très perplexe: mais qu'est-ce donc que l'écriture, ou la littérature, pour qu'elle ait l'air de devoir se faire en dehors d'un blogue? Où mettez-vous (et pourquoi, diable?) cette limite entre vraie écriture et billet de blogue? Vous êtes vexant à la fin! Comme si les lecteurs de blogue n'étaient pas aussi intéressants que des lecteurs de livres. Comme s'il y avait une vraie écriture et une autre.
Je n'arrive pas à comprendre cette séparation que vous mettez. Le blogue vous permet d'être lu, suivi, apprécié comme écrivant! Maintenant, si vous tenez absolument à être un «écrivain», faites tout pour cela. Et quand vous y serez arrivé, qu'y aurez-vous gagné? Vieux fantasme de voir son nom sur la couverture blanche? Les blogues ont ouvert d'autres horizons!
J'ai du plaisir à vous lire.
Natacha S.

Écrit par : Natacha | 22/06/2009

@ Natacha. Je ne veux pas être vexant, ne croyez surtout pas cela. A La limite, je trouve que les personnes qui ferment leur site sans prévenir sont moins respectueuses de leurs lecteurs que je ne le suis. Et j’ai bien souligné aussi l’avantage inespéré d’avoir des lecteurs.

Non, ce qui se dit ici ne concerne que moi. Si Rimbaud vivait de nos jours, on peut supposer qu’il aurait un blogue. Mais on peut supposer aussi qu’il y déposerait des extraits des Illuminations et qu’il ne se conterait pas de parler de Sarkozy comme j’ai pu le faire à un certain moment. Il est même probable qu’il parlerait aussi de Sarkozy (avec irrévérence, de préférence) mais cela ne l’empêcherait pas, sur le côté, de réaliser son œuvre. Vous me direz que je ne suis pas Rimbaud et qu’à mon niveau un blogue est bien suffisant. . En effet et j’en ai conscience. Mais ne convient-il pas quand même de tenter de donner le meilleur de soi-même ?

« Le blogue vous permet d'être lu, suivi, apprécié comme écrivant! » C’est vrai et c’est appréciable. Mais je ne sais pas si mon but est d’être apprécié. Je crois que c’est une affaire entre moi et moi-même, en fait, ce problème d’écriture.

« Maintenant, si vous tenez absolument à être un «écrivain», faites tout pour cela. » je crains bien que cela ne soit impossible, d’où mon idée de continuer à écrire sur le blogue, mais des choses moins futiles, peut-être.

« Vieux fantasme de voir son nom sur la couverture blanche? » Je n’ai pas le goût de la notoriété, vous savez… Mais vous-même qui me faites la morale (et je dis cela gentiment et sans vouloir vous vexer le moins du monde) vous avez été publiée et vous ne tenez pas de blogue, à ma connaissance. Donc, à un certain moment, vous avez senti le besoin de cette écriture qui racontait un traumatisme vécu dans votre jeunesse. Une écriture cathartique, en quelque sorte, une écriture salutaire et fondatrice. Auriez-vous atteint le même but, avec la même intensité, en parlant de la pluie et du beau temps sur un blogue ?

Content quand même que vous ayez éprouvé du plaisir à me lire.

Écrit par : Feuilly | 22/06/2009

Nous nous posons tous un jour ou l'autre toutes les questions soulevées dans cet article .
J'ai choisi pour ma part de supprimer mon blog .
Je conçois qu'effacer un blog peut paraître irrespecteux envers celles et ceux qui ont lu et répondu à mes notes.
C'est en effet une désertion, mais j'ai fait le tour de ce que j'avais à dire sur le monde gitan . J'avais ces derniers temps l'impression de rabâcher et je ne trouvais plus le même plaisir à écrire dans mes pages .
Ecrire il me semble doit avant tout rester un plaisir, je n'avais plus cette sensation.
Mais je viens encore lire ici et ce avec plaisir , c'est ce qui compte ....

Écrit par : Débla | 23/06/2009

C'était un mouvement d'humeur, oh la la! non une leçon de morale! Ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est cette démarcation entre le blogue et l'écriture. Mais vos résolutions vont dans ce sens. Dès le moment où l'on a un bon blogue, des lecteurs, pourquoi n'y mettrait-on pas son écriture?
Quand, en janvier, vous avez parlé d'Israël, par exemple, votre commentaire est peu à peu devenu écriture, du moins l'ai-je lu ainsi. Peut-être souhaitez-vous travailler plus l'écriture, et plus tranquillement? Un rêve! Sans doute pas souhaitable. C'est une vieille ermite qui vous le dit. Autant rester dans le temps, quand on le peut. Je me réjouis de vous lire, tel que vous écrivez.

Écrit par : Natacha | 23/06/2009

@ Débla : personnellement, je n’ai pas l’impression d’avoir tout dit, mais j’ai plutôt le sentiment de l’inutilité qu’il y a à dire certaines choses ou plus exactement de les dire d’une certaine manière. On peut, c’est vrai, dénoncer ce qui ne va pas dans le monde, ce qui révolte. C’est une saine colère. Je pourrais, par exemple, parler de cet état palestinien qu’Israël concède du bout des dents, pour dire que c’est une belle avancée et qu’on peut même comprendre que cet état devrait être démilitarisé. Mais si dans le même temps on dit que les colonies continueront à s’étendre indéfiniment, comme par ailleurs le nouvel état n’aura ni le droit ni les moyens de se défendre, il se réduira assez vite à quelques îlots arabes dispersés au sein même d’Israël. Sa fin est donc déjà programmée avant même qu’il n’ait vu le jour. Je pourrais donc parler de cela. Mais cela changera quoi que je m’énerve là-dessus ?

Le temps passe et on a beau crier, on voit que rien ne change. Alors il arrive un moment où on se dit que plutôt que de dénoncer la laideur du monde, il vaut mieux exprimer ce qu’on a de beau en soi, ce qu’on a d’intime au plus profond de soi. Cela contribuera peut-être à rendre la monde plus beau. En tout cas cela permettra d’exprimer ce que l’on est et ce qu’on ressent et à ce titre cela devrait donner (ou tenter de donner) un sens (ou un certain sens) à sa vie.

C’est qu’on ne vit qu’une fois. Alors plutôt que de geindre sur le monde extérieur ne vaut-il pas mieux, à notre modeste niveau individuel, tenter d’exprimer ce que l’on est ? Avons-nous une autre mission sur cette terre ? Non, il faut tenter d’être soi-même le plus possible, oser être soi-même en quelque sorte. Et l’écriture peut être un moyen d’y parvenir.

@ Natacha : pour moi, parler d’Israël et de la guerre de Gaza en janvier dernier, ce n’est pas de l’écriture au sens propre. C’est dénoncer une situation, en employant une langue transparente, la plus compréhensible possible. Ecrire un poème sur cette guerre, ce serait autre chose. C’est toute la différence entre un journaliste de guerre (et Dieu sait si j’admire leur travail) et l’œuvre de Darwich, par exemple. Quand celui-ci parle dans ses poèmes de son enfance en Palestine, de la beauté de cette terre, quand il dit son regret de cette terre et qu’il fait comprendre qu’on lui a volé ses souvenirs en lui interdisant de revenir au pays de son enfance, il fait plus que de simplement dénoncer la situation présente dans un article de presse.

Écrit par : Feuilly | 23/06/2009

Natacha, il m'arrive de croire que notre hôte est sourd à ce qu'on lui dit, aveugle aussi parfois. (sourire)
Mais on s'en fiche, n'est-ce pas ? Tant qu'il écrit...

Écrit par : Michèle | 23/06/2009

Feuilly, avez-vous jeté un coup d’œil sur le contenu des sites les mieux classés au top 50 de la blogosphère ? Si, si … ça existe. Tous sans exception ont trouvé la bonne( ?) méthode pour figurer au hit parade des blogs, à savoir : balancer un sujet de trois lignes par heure, citer des noms qui accrochent et font réagir (Sarko, Dati, Ségo, Carla, OM, Ipod, High tech, Ahmadinejadou, burka…) et mettre des photos et des clips loufoques ou de mauvais gout. La mayonnaise prend sans difficulté et avec un peu de chance le blog devient lucratif. Ils sont spécialistes de tout, intervenant sur les sujets du moment, peu importe leurs compétences. Tels les derviches, Ils tournent sur eux même, ils s’imaginent qu’ils vont atteindre le ciel, alors qu’ils se contentent de répéter jusqu’à l’ivresse les pensées d’un quelconque mentor et leur réflexion atteint la limite inférieure où cohabite le plus grand nombre. La réaction de vos lecteurs prouve que nous sommes nombreux à chercher une réflexion authentique aux antipodes des rhéteurs de bistrots. Le doute qui vous perturbe prouve que nous sommes au bon endroit.

Écrit par : Halagu | 24/06/2009

@ Halagu: "Le doute qui vous perturbe prouve que nous sommes au bon endroit" Voilà qui fait plaisir. Et qui me confirme dans le fait que je fais bien de me poser des questions. Il faut se montrer très exigeant avec soi-même pour parvenir à proposer quelque chose d'à peu près correct.

Écrit par : Feuilly | 24/06/2009

Etre exigeant avec soi-même. On confond souvent se prendre au sérieux et prendre ce qu'on fait au sérieux. Etre exigeant avec soi-même, c'est aussi prendre ce que l'on fait au sérieux, accorder du temps (même un temps intérieur, dans des moments creux) à son activité.

Et puis heureusement que tu n'es pas Rimbaud, avoue que ce n'eût pas été très confortable... o;))) Très intéressant les commentaires, mais du coup, il me reste peu à dire d'original ... Si ce n'est me répéter !

Écrit par : Pivoine | 24/06/2009

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